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commun, comme l'avait été la condamnation, avec ses co-propriétaires;

» Le tribunal d'appel de Dijon, prononçant sur l'appel interjeté par le préfet, des prétendues sentences des 11 thermidor an 2 et 20 nivôse an 3, les déclare nulles et de nul effet, ainsi que toute la procédure qui les a précédées et suivies; donne acte au préfet de ses réserves de se pourvoir, soit par tierce-opposition, soit autrement, contre le jugement du 3 mai 1793; et statuant, tant sur les conclusions du préfet que sur celles des dames Roll et Bordeaux, déclare le jugement communavec ces dernières; condamne la commune de Pressigny à tous les dépens.

» C'est de ce jugement que la commune de Pressigny vous demande la cassation; sa requête a été admise le 7 vendémiaire dernier, et il s'agit maintenant de discuter ses moyens en présence de toutes les parties.

» Nous disons, en présence de toutes les parties; car bien que le préfet du département de la Haute-Marne nous ait écrit qu'il entendait se retirer de l'instance, et que Jean-LouisArnolphe Desmiers, maintenant rayé de la liste des émigrés, devait y prendre sa place, nous n'avons cependant pas cru devoir donner suite à sa lettre, et la raison en est simple : la république ne pourrait, en ce moment, se retirer de l'instance, sans offrir les dépens faits entre elle et la commune de Pressigny; or, cette offre, le préfet du département de la Haute-Marne ne nous a pas dit qu'il fût dans son intention ni dans ses pouvoirs de la faire; nous n'avons donc pas pu la faire de notre propre chef; nous n'avons donc pas pu demander que le préfet du département de la Haute-Marne fùt mis hors de cause.

» Du reste,pour le fond, Jean-Louis-Arnolphe Desmiers est effectivement à la place du préfet. Réintégré dans son état de citoyen français et dans ses propriétés précédemment confisquées, il vient, non pas exercer une intervention proprement dite, auquel cas il y aurait lieu d'examiner le prétendu vice de forme qu'on lui oppose, et qu'il a d'ailleurs couvert par une requête d'intervention expresse, mais reprendre l'instance dans laquelle la république a figuré avant lui et pour lui; et nous nous réservons d'établir, quand il en sera temps, qu'il est recevable dans son action en reprise.

>> Passons aux moyens de cassation de la commune de Pressigny.

» Ces moyens sont au nombre de six, et le premier consiste à dire que le tribunal de Dijon, en admettant l'appel de la sentence arbitrale du 11thermidor an 2,a tout à la fois violé l'art.

5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, concernant l'autorité de la chose jugée, et l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2 ; qu'il a violé l'art.5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, en ce que la sentence du II thermidor an 2 ayant été, dans son premier chef, rendue sur l'appel du jugement du tribunal du district de Bourbonne, du 3 mai 1793, les deux degrés de juridiction se trouvaient à cet égard épuisés, et l'autorité de la chose jugée irrévocablement acquise à la commune ; qu'il a violé l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2, en ce que, dans son second chef, la même sentence était purement préparatoire, et par conséquent à l'abri de l'appel jusqu'au jugement définitif.

» Ce moyen est spécieux, mais est-il concluant ?

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» Il ne l'est pas dans sa première branche; car comme vous l'avez dit vous même, dans un jugement du 23 messidor an 9, rendu au rapport du cit. Babille, la loi du 28 brumaire an 7, en autorisant les agens de la république à appeler des jugemens arbitraux rendus contre ses intérêts, introduit un droit nouveau qui ne permet pas d'appliquer à l'appel de ces jugemens les dispositions des autres lois. Et en effet, ces jugemens avaient été rendus en dernier ressort; on n'aurait conséquemment pas pu en appeler, si l'on s'en était tenu à la loi générale qui ne soumet les jugemens en dernier ressort qu'au recours en cassation; et cependant la loi du 28 brumaire an 7 veut que l'appel en soit reçu ; elle le veut sans distinguer si c'est en première ou en seconde instance qu'ils ont été rendus ; et c'est un principe élémentaire que nous ne devons pas distinguer là où le législateur n'a pas jugé à propos de le faire.

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Il y a plus, l'art. 5 de la loi excepte de la faculté d'appeler qu'elle introduit, ceux des jugemens arbitraux qui n'auront fait que confirmer des premiers jugemens rendus en faveur des communes par les tribunaux de l'ancien régime; et par là, le législateur prouve bien clairement qu'il entend assujétir à l'appel, les sentences arbitrales confirmatives des jugemens rendus en faveur des communes, par les tribunaux de nouvelle création: car ces sentences, par cela seul qu'elles ne sont pas comprises dans l'exception, rentrent nécessairement sous l'empire de la règle générale; et la règle générale est qu'en matière de bois et de forêts, les jugemens arbitraux rendus en faveur des communes, sont susceptibles d'appel de la part de la république.

» Quant à la seconde branche du premier moyen de la commune de Pressigny, l'art. 6 de la loi du 3 brumairc an 2, sur lequel on la

fonde, suffit seul pour la renverser. Aux termes de cet article, on ne peut pas appeler des jugemens préparatoires, tant que le jugement définitif n'est pas rendu. On peut donc en appeler, après que le juge a prononcé définitivement. Or, dans notre espèce, les arbitres avaient prononcé définitivement, lorsque le préfet de la Haute-Marne a appelé de la disposition préparatoire de la sentence du 11 thermidor an 2: car par leur sentence du 25 nivôse an 3, ils avaient adjugé à la commune la propriété des quatre cantons de bois qui étaient l'objet de cette disposition préparatoire.

» Le deuxième moyen de cassation de la commune est tiré de la loi du 28 brumaire an 7. Cette loi, suivant la commune, a reçu, de la part du tribunal d'appel de Dijon, une application doublement fausse.

» Le tribunal d'appel de Dijon l'a faussement appliquée à une sentence rendue par des arbitres sur l'appel d'un jugement émané d'un tribunal ordinaire, tandis qu'elle ne concerne que les sentences arbitrales rendues en première instance.

» Il l'a faussement appliquée à une sentence qui n'avait pour objet, ni une forêt que la république prétendît nationale, ni une revendication de forêts formée contre la république, mais la simple réclamation d'un droit d'usage; tandis que cette loi ne soumet à l'appel que les sentences arbitrales qui ont adjugé aux communes la propriété de certaines forêts que la république soutenait faire partie de son do

maine.

» Ainsi, le second moyen de la commune se partage, comme le premier, en deux branches.

» La première n'est que la répétition de la première partie du premier moyen; il est, par conséquent, inutile de nous y arrêter.

» La seconde est-elle mieux fondée? Non, et c'est une vérité facile à saisir.

» D'une part, les bois de Pressigny, qui sont l'objet de la sentence arbitrale du 11 thermidor an 2, étaient, à l'époque de cette sentence, séquestrés au profit de la république, à raison de l'émigration du fils de Claudine Hudelot. La république avait donc intérêt que ces bois fussent jugés avoir appartenu, avant cette émigra. tion, à Claudine Hudelot elle même, puisque c'était pour la république un moyen assuré, non seulement de jouir exclusivement de ces bois, tant que le séquestre subsisterait, mais encore d'en distraire une portion en toute propriété, au moment où Claudine Hudelot viendrait à mourir. Dès-là, le jugement arbitral du

11 thermidor an 2 se trouvait nécessairement frappé de la suspension prononcée par la loi du 7 brumaire an 3; car, aux termes de la loi du 10 floréal suivant, la loi du 7 brumaire an 3 était applicable à toutes les forêts dans la possession desquelles la nation avait ou aurait quelque intérét. Dès-là encore, le jugement ar bitral du 11 thermidor an 2 se trouvait nécessairement soumis à l'appel introduit par la loi du 28 brumaire an 7; car la loi du 28 brumaire an 7 n'a pas eu d'autre objet que de lever la suspension dont les jugemens arbitraux avaient été frappés par la loi du 7 brumaire an 3, et de substituer à cette mesure la faculté d'appeler de ces jugemens. Dès-là par conséquent tombe et disparaît la première raison sur laquelle la commune de Pressigny était la seconde branche de son premier moyen.

» D'un autre côté, la commune de Pressigny s'était fait adjuger à la fois, et la propriété de quatre cantons de bois de son territoire, et un droit d'usage universel sur le surplus.

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Ainsi, sur le premier objet, la commune était bien évidemment dans le cas prévu par la loi du 28 brumaire an 7.

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» Et elle ne l'était pas moins évidemment sur le second; car la loi du 28 brumaire an n'est pas moins applicable aux sentences arbitrales qui ont adjugé aux communes des droits d'usage, et par conséquent des propriétés partiaires, qu'à celles qui leur ont adjugé des propriétés intégrales.

>> Ce qui le prouve, c'est que la loi du 7 brumaire an 3 suspendait toute exploitation de bois dans lesquels des communes seraient entrées en vertu de sentences arbitrales, et qu'elle ne distinguait pas si c'était comme propriétaires, ou à titre d'usagères, que les communes avaient été mises en possession de ces bois.

» Ce qui le prouve encore mieux, c'est que la loi du 10 floréal de la même année, en appliquant la loi du 9 brumaire aux forêts dans la possession desquelles la Nation avait ou aurait quelque intérêt, autorisait le comité des finances à prononcer sur les réclamations qui seraient faites contre les dispositions de cette loi, lorsqu'elles auraient pour objet LA PROPRIÉTÉ OU LE DROIT D'USAGE dans ces forêts.

>> Ce qui enfin met le dernier trait à cette demonstration, c'est la manière dont s'explique la loi du 29 germinal dernier, en levant la suspension dont celle du 29 floréal an 3 avait, par une extension de celle du 7 brumaire, frappé les jugemens des tribunaux civils rendus au profit des communes, en matière de forêts : les

communes, porte-t-elle, qui ont obtenu, dans les tribunaux civils, des jugemens qui leur ont adjugé des droits de propriété ou d'usage, soit dans les forêts nationales, soit dans celles où la république a quelque intérêt, et à l'exécution desquels il a été sursis par la loi du 20 floréal an 3, produiront pardevant le préfet de leur département, lesdits jugemens et les pièces justificatives dans le délai de six

mois.....

» Aussi avez-vous constamment décidé qu'il n'y avait, à cet égard, aucune distinction à faire entre les sentences arbitrales qui avaient adjugé aux communes des droits de propriété, et les sentences arbitrales qui ne leur avaient adjugé que des droits d'usage; et, par exemple, le 25 germinal an 10, vous avez cassé, au rapport du cit. Maleville et sur nos conclusions, un jugement du tribunal d'appel de Besançon, rendu en faveur des communes de Domblans, Voitteur et Blandan, qui s'étaient fait adjuger pendant le cours de l'arbitrage forcé, un droit d'usage sur une forêt nationale; vous l'avez cassé, disons-nous, nonobstant les efforts qu'on avait faits à votre audience pour établir l'appel introduit par la loi du 28 brumaire an 7, n'était pas applicable aux jugemens arbitraux qui n'avaient accordé aux communes que des droits d'usage (1).

que

» Le troisième moyen de la commune de Pressigny est relatif à la sentence arbitrale du 25 nivôse an 3. Suivant la commune, le tribunal d'appel de Dijon a violé, en recevant l'appel de cette sentence, la loi du 24 août 1790, celle du 3 brumaire an 2 et celle du contrat judiciaire.

» En quoi donc a-t-il violé la loi du 24 août 1790? C'est, dit la commune, parceque, dans le droit, cette loi n'établit que deux degrés de juridiction; parceque, dans le fait, la sentence arbitrale du 25 nivôse an 3 n'étant, quant au cantonnement qu'elle ordonne, que la suite et l'exécution de celle du 11 thermidor an 2, on doit regarder cette sentence comme rendue sur l'appel du jugement du 3 mai 1793; et parceque de là il résulte que cette sentence n'était pas soumise à la faculté d'appeler, introduite par la loi du 28 brumaire an 7.

» Mais déjà nous avons prouvé que la loi du 28 brumaire an 7 soumet à l'appel les jugemens arbitraux rendus sur l'appel des jugemens émanés des tribunaux de district, comme les jugemens arbitraux rendus en première instance. Ainsi, cette première branche du

(1) V. l'article Usage (droit d'), S. 1.

troisième moyen de la commune tombe d'ellemême.

Et en quoi le tribunal d'appel de Dijon at-il violé la loi du 3 brumaire an 2? Il l'a violée, suivant la commune, parceque cette loi n'admet point l'appel des jugemens préparatoires, et que la sentence arbitrale du 25 nivôse an 3 était purement préparatoire dans celle de ses dispositions qui ordonnait une expertise pour parvenir au cantonnement demandé par la commune.

>> Oui, sans doute, cette disposition était puement préparatoire; mais elle était la suite d'une disposition bien définitive de la sentence du 11 thermidor an 2, qui avait réintégré la commune dans ses anciens droits d'usage sur les bois de Pressigny; et dès-là, elle était nécessairement passible du même appel que la sentence du 11 thermidor an 2; car il eût été absurde de laisser subsister un interlocutoire qui ne tendait qu'à l'exécution de cette sentence: cùm principalis causa non subsistit, nec ea quæ sequuntur locum habere debent. La n'interdit que l'appel loi du 3 brumaire an 2 isolé des jugemens préparatoires, elle n'interdit pas l'appel des jugemens préparatoires, lorsqu'il est cumulé avec l'appel des jugemens definitifs dont ils ne sont que la suite. Si les arbitres avaient fait, par une seule sentence, ce qu'ils ont fait par deux sentences séparées; si la sentence arbitrale du 11 thermidor an 2 avait tout à la fois réintégré la commune dans ses anciens droits d'usage, et ordonné une nomination d'experts pour procéder au cantonnement, très-certainement le préfet de la HauteMarne eût pu appeler de toutes les dispositions de ce jugement; et par quel bizarrerie n'aurait-il pas eu la même faculté, d'après le parti qu'ont pris les arbitres de n'ordonner la nomination d'experts que par la sentence du 25 nivôse an 3? Par quelle bizarrerie une disposition qui aurait été sujette à l'appel, si elle se fût trouvée dans la première sentence, en serait-elle affranchie pour être renfermée dans la seconde ?

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référait à la sentence arbitrale du 11 thermidor an 2, qui avait réintégré la commune dans ses anciens droits d'usage; parcequ'il n'existait alors ni recours en cassation, ni voie d'appel contre cette sentence; parceque cette sentence était alors d'une exécution indispensable et irrésistible; parcequ'enfin l'effet du consentement donné par toutes les parties à la nomination d'experts, a dû cesser, comme il a cessé réellement,du moment que la loi a eu ouvert la voie d'appel contre la sentence qui avait nécessité ce consentement.

» 2o L'agent national du district de Bourbonne n'a pas pu lier la Nation par un consen tement donné au nom de l'administration du département de la Haute-Marne; eh! Comment l'aurait-il pu? Si cette administration eût donné elle-même un pareil consentement par un ar. rêté, cet arrêté ne pourrait pas aujourd'hui être opposé à la Nation. La convention nationale, porte la loi du 29 floréal an 3, décrète que la loi du brumaire an 3, relative aux bois dont les communes ont été mises en possession par des sentences arbitrales, s'applique aux réintégrations prononcées par des jugemens des tribunaux, oU PAR DES ARRÊTÉS DE DÉPARTEMENS. Ainsi, quand l'administration de la HauteMarne aurait, par un arrêté, adjugé ellemême un cantonnement à la commune de Pressigny, ce cantonnement serait aujourd'hui comme non-avenu, et il faudrait tout recommencer en justice réglée ; et l'on voudrait qu'un consentement donné à son insu et sans sa participation, à une expertise qui n'était que le préliminaire d'un cantonnement, eût plus de force qu'un arrêté qu'elle aurait pris! Cela est, nous ne craignons pas de le dire, souverainement déraisonnable.

» Pour quatrième et cinquième moyens, la commune de Pressigny prétend que le tribunal d'appel de Dijon a faussement appliqué l'art. 15 du tit. 3 de la loi du 5 novembre 1790 et les art. 13 et 14 de la loi du 27 mars 1791.

» Elle convient cependant que la citation signifiée par elle à l'agent national du district de Bourbonne, le 2 germinal an 2, n'avait pas été précédée du dépôt d'un mémoire, tant au secrétariat du district même, qu'à celui de l'administration départementale; et dès là, il semble que cette citation, les procédures et les sentences arbitrales qui s'en sont ensuivies, doivent être considérées comme nulles,puisque, par l'art. 15 du tit. 3 de la loi du 5 novembre 1790, il est dit qu'il ne pourra être intenté aucune action contre le procureur généralsyndic, en sa qualité, par qui que ce soit,sans qu'au préalable on ne se soit pourvu par sim

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ple mémoire,d'abord au directoire du district, pour donner son avis, ensuite au directoire du département, pour donner une décision,à peine de nullité.

» La commune convient aussi que l'agent na tional du district de Bourbonne n'avait été autorisé par l'administration départementale, ni à concourir au choix des arbitres, ni à défendre aux prétentions des habitans; et dès-là il semble qu'il y avait lieu d'appliquer à cette affaire, comme l'a fait le tribunal d'appel de Dijon, l'art. 13 de la loi du 27 mars 1791, suivant lequel les actions relatives aux domaines na tionaux ou propriétés publiques, NE POURRONT étre intentées ou soutenues par un directoire de district, qu'avec l'autorisation du directoire du département : et quoique cet article ne porte pas expressément la peine de nullité, on ne peut douter néanmoins qu'elle n'y doive être sous-entendue: d'abord, parcequ'il s'agit là des formes de la procédure, et qu'aux termes de l'art. 2 de la loi du 4 germinal an 2, toute contravention aux lois émanées de nos assemblées nationales sur les formes de la procédure, emporte nullité de plein droit; ensuite,parceque ces mots, ne pourront, emportent également de plein droit la peine de nullité, suivant cette célèbre maxime de Dumoulin (1): Negativa præposita verbo potest, tollit potentiam juris et facti, et inducit necessitatem præcisam, designans actum impossibilem.

» Et qu'on ne vienne pas dire qu'il n'est pas ici question de biens véritablement nationaux, mais seulement de biens séquestrés pour cause d'émigration du fils de la personne à laquelle ils appartenaient. Le séquestre national, tant qu'il dure, assimile évidemment aux domaines nationaux, les biens sur lesquels il frappe; et si une vérité aussi simple avait besoin d'une preuve positive, on la trouverait dans le décret rendu le 23 germinal an 2, sur le doute proposé par un tribunal criminel, si l'enlèvement d'ef fets mis sous la main de la Nation, exécution de la loi du 17 frimaire, relative aux pères et mères d'émigrés, doit étre jugé et puni comme enlèvement d'effets nationaux : le décret porte que les effets mis sous la main de la Nation, doivent être considérés provisoirement comme nationaux ; et que chercher à les soustraire au séquestre et à l'exercice des droits de la Nation, c'est bien manifester l'intention de voler la Nation elle-même. Assurément, si les biens séquestrés sont réputés nationaux, en matière criminelle, ils doivent l'être

en

(1) Sur la loi 1, D. de verborum obligationibus, n° 2. V. l'article Nullité, §. 8.

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également, et à bien plus forte raison, en matière civile.

les

» Qu'on ne vienne pas dire non plus que lois des 5 novembre 1790 et 27 avril 1791 n'étaient pas applicables, pendant le cours de l'arbitrage forcé, aux contestations qui, par leur nature, devaient être jugées dans cette forme. Les lois qui avaient établi l'arbitrage forcé, n'avaient dérogé, ni à celle du 5 novembre 1790, ni à celle du 27 mars 1791. Ces deux dernières lois devaient donc être exécutées dans les affaires jugées en arbitrage forcé, comme elles ont toujours dû et comme elles doivent encore l'être dans les affaires jugées par les tribunaux ordinaires. C'est d'ailleurs ce qu'a décidé, de la manière la plus formelle, un jugement du tribunal de cassation du 4 vendémiaire an 6, rendu en faveur du mineur Custine.

» Les biens du général Custine ayant été confisqués par jugement du tribunal révolutionnaire, la commune de Gosseneling avait fait citer, en floréal an 2, l'agent national de son district, devant le juge de paix du canton, à l'effet de nommer des arbitres pour statuer sur la revendication qu'elle entendait exercer de différens héritages prétendus usurpés sur elle par son ci-devant seigneur. L'agent national avait fait sur cette citation, ce qu'a fait, à peu près dans le même temps, l'agent national du district de Bourbonne sur la citation qu'il avait reçue de la part de la commune de Pressigny : il s'était présenté devant le juge de paix; et des arbitres avaient été nommés, tant par lui que par la commune de Gosseneling. Ces arbitres avaient en conséquence rendu, dès le lendemain, un jugement qui expropriait la Nation. Mais après la restitution des biens des - condamnés à leurs familles, la veuve Custine, en qualité de tutrice de son fils, s'est pourvue contre ce jugement au tribunal de cassation, et voici dans quels termes vous l'avez annulé : » Attendu que, dans l'instance arbitrale dont il s'agit, le procureur général syndic du département n'a point été partie, mais seulement le directoire du district, lequel n'a pu valablement représenter la Nation, et nepouvait défendre dans la cause, sans l'autorisation du directoire de département; d'où il résulte une contravention formelle aux art. 13 et 14 de la loi du 27 mars 1791;

» Attendu que la commune de Gosseneling n'a point adressé ni déposé à l'administration du département, un mémoire expositif de sa demande, ainsi que l'exige la loi du 5 novembre 1790, dans toutes les causes où la Nation se trouve intéressée ;

» Le tribunal casse et annulle.....

» Comment donc la commune de Pressigny TOME X.

peut-elle venir ici accuser le tribunal d'appel de Dijon, d'avoir appliqué à faux les deux lois sur lesquelles il s'est fondé pour déclarer nuls les jugemens arbitraux des ir thermidor an 2 et 25 nivôse an 3, ainsi que les procédures sur lesquelles ils étaient intervenus ? Cette accusation paraît tomber d'elle même; cependant il faut examiner les raisons sur lesquelles la commune cherche à la baser.

D'abord, elle oppose à l'application de la la loi du 5 novembre 1790, que cette loi n'est relative qu'au cas où il s'agit d'intenter une action principale et directe contre la Nation. Dans l'espèce, dit-elle, il n'a pas été intenté d'action de cette nature contre la république; seulement on a fait intervenir la république dans une instance déjà liée avec des tiers; en y intervenant, elle a dû prendre les choses dans l'état où elles se trouvaient.

» Deux réponses, l'une générale, l'autre particulière aux circonstances de cette affaire. » En thèse générale, l'art. 15 de la loi du 5 novembre 1790, ne distingue pas entre les ac tions principales ou directes et les autres actions: il dit aucune action, et ces termes n'admettent ni exception ni réserve.

» La chose, déjà assez claire par elle-même, le deviendra encore davantage par la combimaison de cet article avec les deux qui le pré. cèdent.

» L'art. 13 commence par établir que toutes actions en justice, principales, INCIDENTES OU EN REPRISE, qui seront intentées par les corps administratifs, le seront au nom du département, poursuite et diligence du procureur général-syndic; et ceux qui voudront en in tenter contre ces corps, seront tenus de les diriger contre ledit procureur générale syn. dic. Ainsi, c'est par le procureur général syndic que doivent être intentées et soutenues toutes les actions qui intéressent la Nation; et non seulement la loi n'excepte pas de cette règle les actions incidentes, mais elle les y comprend en termes exprès; elle fait plus, elle soumet même à cette règle l'action en reprise, c'est-à-dire,le simple fait du renouement d'une instance commencée, soit par un corps sup primé, soit par un individu dont les biens sont dévolus à la Nation, par droit de déshérence ou de confiscation.

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