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soient tenus de la traiter,l'un comme sa légitime épouse, l'autre comme sa bru.

Ni le père ni le fils ne contestent la régularité de l'acte de célébration, mais ils soutiennent que le Mariage est entaché, au fond, de diverses nullités.

Jugement qui,en effet,déclare le Mariage nul. Appel de la part de la demoiselle C......

Les sieurs D...., père et fils, soutiennent qu'elle est non-recevable, faute d'avoir fait transcrire, en Belgique, l'acte de célébration de son prétendu Mariage sur le registre et dans le délai indiqués par l'art. 171 du Code civil, Mais par arrêt du 13 mai 1828,

« Attendu qu'il est incontestable que l'art. 19 du Code civil a seulement pour but d'établir en règle générale que, sauf les cas prévus par l'art. 46 de ce Code, l'existence d'un Mariage ne peut se prouver que par un acte de célébration, dressé dans la forme légale du lieu où il a été contracté; preuve qui est indépendante de la validité ou de la nullité intrinsèque du Mariage même ;

» Que ceci peut offrir d'autant moins de doute, que, s'il en était autrement, cet art. 46 serait en contradiction avec l'art. 47 du même Code, qui, en général, attribue l'effet de faire foi à tous actes de l'état civil, tant des Belges que des étrangers,qui sont faits en pays étranger, s'ils ont été rédigés dans les formes usitées dans le même pays; qu'il serait même en contradiction avec l'art. 170, en ce qui concerne sa disposition spéciale quant à la preuve en matière de Mariages contractés en pays étranger; ce qui ne peut se supposer;

» Qu'il est bien vrai que l'art. 171 ordonne la transcription de l'acte de célébration du Mariage sur le registre public des Mariages du Hieu du domicile du Belge, dans les trois mois après son retour sur le territoire du royanme; mais qu'indépendamment de ce que cette obligation semble n'être imposée qu'au Belge, et qu'ainsi son inobservation ne pourrait nuire aux effets civils du Mariage qu'à l'égard de ce dernier ou des biens situés en Belgique, tandis que, dans l'espèce, l'appellante invoque le Mariage comme épouse étrangère; il importe en outre de remarquer que, dans tous les cas, cet art. 171 ne peut être censé parler que de la transcription d'un acte de Mariage revêtu de toutes les formalités prescrites par l'art. 170, qui le précède immédiatement; tandis cependant que l'omission de ces formalités ou au moins de la plus grande partie, n'emporte point une nullité absolue, mais que ce sont au contraire des formalités de l'espèce de celles dont le défaut peut être effacé et couvert; et qu'ainsi, il résulterait du système des intimés que, d'une TOME X,

part, l'appelante ne pourrait faire transcrire son acte de Mariage sur le registre de l'état civil en ce royaume ; tandis que, d'autre part, elle serait non-recevable à faire valoir en jus, tice, pour parvenir à cette transcription, ses moyens à l'effet d'établir que les vices qu'on oppose à son acte de Mariage, sont effacés et couverts; ce qui est par trop absurde;

» Qu'enfin, on peut d'autant moins faire valoir ce moyen, en instance d'appel, que déjà un jugement a déclaré nul le Mariage de l'appelante, et qu'ainsi, tant que ce jugement existera, la transcription de l'acte de célébration du Mariage sur le resgistre de l'état civil ne peut avoir lieu ;

» Attendu que, dans l'espèce, l'appelante a représenté une copie dûment légalisée, tirée des registres de la paroisse de Sainte-Anne à Westminster en Angleterre, du Mariage qu'elle y a contracté, le 29 septembre 1823, avec l'intimé Frédéric-Charles D...., et que les intimés n'ont point contesté la régularité de cette copie;

» D'où il suit que leur fin de non-recevoir est non fondée ;

» Par ces motifs, la cour, ouï M. l'avocatgénéral Deguchteneere et conformément à son avis, déboute les intimés de la fin de non-recevoir par eux opposée.... (1) », Le second arrêt a été rendu royale de Rouen.

par

la cour

Dans le fait, un Mariage avait été contracté le 7 février 1803, à la Havanne, dans l'île de Cuba, entre le marquis de Nollent, français, et la dame Cervantes.

De ce Mariage était née, le 5 avril 1804, une' fille, nommée Anne-Josephe-Vincente.

Le marquis de Nollent était revenu en France, avee sa femme et sa fille, et y était mort sans avoir fait transcrire son acte de Mariage sur le registre de l'état civil de son domicile.

Les choses en cet état, un parent collatéral du marquis de Nollent a prétendu que ni sa veuve ui sa fille ne pouvaient jouir en France des effets civils du Mariage que l'une avait contracté à la Hayanne et dont l'autre était issue.

Les premiers juges ont, sans hésiter, condamné cette prétention; et sur l'appel, il est intervenu, le 11 juillet 1827, un arrêt ainsi

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98 MARIER (CONDITION DE SE) MARQUE DE FABRIQUE, §. I ET II.

la Havanne, où les contractans avaient leur domicile, et l'acte de baptême, du 25 avril 1804, d'Anne-Josephe-Vincente, fille issue dudit Mariage, le 5 du même mois, aujourd'hui femme de Victor Maudriet de Carantonné; lesdits actes délivrés par extraits certifiés et signés par l'ecclésiastique, dépositaire des registres où ils sont consignes; la signature certifiée par trois notaires du lieu, celles des notaires par l'agent français à la Havanne, et celle de l'agent par le ministre des relations étrangères de France;

» Vu l'acte délivré par l'évêque diocésain, le 10 septembre 1823, légalisé par le consul général d'Espagne, le 23 février 1824, constatant que, par les lois du royaume d'Espagne, qui régissent l'île de Cuba, on n'exige pas d'autres formalités en preuve de l'état civil des personnes que celles observées dans les extraits qui sont représentés;

» Vu qu'il suit de là que la signature du ministre du culte catholique compétent aux actes dont il s'agit, fait preuve positive de la vérité des énonciations qu'ils contiennent, et est notamment la seule garantie exigée par la légistation locale, de la validité du consentement des parties contractantes et de la présence des témoins dénommés en l'acte de Mariage;

» Vu qu'il est établi,par les pièces subjointės, que les actes de Mariage du 7 février 1803 et de baptême du 25 avril 1804, outre qu'ils réunissent, dans leur forme et leur substance, toutes les conditions requises, ont été précédés et suivis de toutes les exigences légales dans le pays;

» Vu que l'art. 17 du Code civil n'attache ras la peine de nullité ou de déchéance au défaut de transcription, dans le délai de trois mois, de l'acte de célébration du Mariage contracté en pays étranger, et que, dans l'espèce, il y a été valablement satisfait, après ce délai, par autorisation de justice, suivant l'usage,

conformément aux instructions ministérielles;

» Vu la possession d'état publique, invariable et conforme aux actes de Mariage et de naissance des 7 février 1803 et 25 avril 1804, dont les intimés ont joui sans trouble depuis leur date jusqu'à la naissance du procès actuel,. l'une en qualité d'épouse, l'autre en qualité de fille légitime du marquis de Nollent; possession d'état démontrée par leur existence sociale dans le sein de la famille du mari, et au dehors par une foule d'actes et de pièces tirées de la correspondance;

» La cour met l'appellation au néant......(1)».

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1828, partie 1, page 79.

§. XV. Autres questions sur cette ma

tière.

V. les articles Femme, Mari, Opposition à un Mariage, etc.

MARIER (CONDITION DE SE). V. l'article Con

dition, §. 1.

MARIN,MARINE. V. l'article Gens de mer:

MARQUE DE FABRIQUE. §. I. Est-il dérogé en quelque chose, par l'art. 142 du Code pénal, aux dispositions de la loi du 22 germinal an 11, concernant la contrefaçon des Marques de fabrique?

veut

Il n'y est certainement pas dérogé quant à la peine à infliger au contrefateur; car, d'un côté, l'art. 16 de la loi du 22 germinal an 11 que la contrefaçon dont il s'agit, soit punie des peines prononcées contre le faux en écriture privée ; et de l'autre, l'art. 142 du Code pénal porte que « ceux qui auront contrefait le » sceau, timbre ou Marque d'une autorité quel» conque, ou d'un établissement particulier » de banque ou de commerce...... seront punis » de la réclusion », c'est-à-dire, précisément de la peine que l'art. 150 du même Code prononce contre tout individu qui aura...... commis un faux en écriture privée.

Mais l'art. 142 de ce Code ne déroge-t-il pas à l'art. 18 de la loi du 22 germinal an 11, portant que «< nul ne pourra former action en con>> trefaçon de sa marque, s'il ne l'a préalable»ment fait connaître d'une manière légale par » le dépôt d'un modèle au greffe du tribunal de >> commerce d'où relève le chef-lieu de la ma»nufacture ou de l'atelier »?/

Non à la vérité, comme le dit très-bien M. Carnot, sur cet article même, il ne renouvelle ni cette disposition, ni celle du décret du 11 juin 1809 qui s'y réfère; mais il ne les rapporte pas non plus; et ces dispositions n'ayant lui-même, rien n'empêche qu'elles ne reçoivent rien d'incompatible avec celle qu'il contient

simultanément leur exécution. Cela résulte d'ailleurs de la célèbre maxime du droit ronisi contrariæ sint (loi 28, D. de legibus). main, posteriores leges ad priores pertinent,

§. II. 10 De ce que l'art. 18 de la loi du 22 germinal an 11 est encore dans toute sa vigueur, résulte-t-il qu'une Marque de fabrique ne peut pas être réputée avoir été contrefaite, si le modèle n'en a été préalablemeni déposé au greffe du tribunal de commerce, et de plus, comme le prescrit l'art. du décret du 11 juin 1809, au secrétariat du conseil de prud'hommes?

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2o En résulte-t-il que, si ce dépôt n'est pas effectué au moins pendant le procès

et avant le jugement, l'action en contrefaçon est non-recevable de la part du ministère public, comme elle l'est de la part du fabricant dont la Marque a été contrefaite ?

M. Carnot, dans son commentaire sur le Code pénal, art. 142, après avoir établi, comme on l'a vu au §. précédent, que l'art. 18 de la loi du 22 germinal an 11 et l'art. 7 du décret du II juin 1809 qui s'y réfère, ne sont pas abrogés, en tire la conséquence, « que, pour qu'il y » ait lieu d'appliquer la peine prononcée par » l'art. 142 du Code, contre le prévenu de contrefaçon d'une Marque particulière de com» merce ou de banque, il faut qu'il y ait preuve » au procès que cette marque avait l'authenti» cité exigée par ces loi et arrêté; et en effet (ajoute-t-il), une Marque, quelle qu'elle soit, » ne peut être réputée la propriété exclusive » de celui qui la réclame comme sienne, que lorsqu'il a rempli les conditions exigées par » la loi pour l'acquérir».

D

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Remarquons ces termes, pour l'acquérir : il en résulte évidemment que, dans la pensée de M. Carnot, un fabricant ne peut acquérir la propriété de sa Marque, que par le dépôt qu'il en fait tant au greffe qu'au secrétariat indiqués par la loi et par le décret; qu'ainsi, sa propriété ne peut pas être censée violée ou usurpée par une contrefaçon antérieure à ce dépôt; que par conséquent, la contrefaçon antérieure à ce dépôt, n'est passible d'aucune poursuite, non seulement de la part du fabricant, mais encore de la part du ministère public; et que, par une conséquence ulté rieure, le dépôt qui serait fait postérieurement aux poursuites, soit du fabricant, soit du ministère public, n'en couvrirait pas l'irrégularité, et n'empêcherait pas qu'elles ne fussent déclarées non-recevables.

Mais raisonner ainsi, n'est-ce pas faire dire à la loi et au décret ce qu'ils ne disent ni l'une ni l'autre? Que veulent la loi et le décret? Rien autre chose, si ce n'est que l'action en contrefaçon, ne puisse être exercée qu'après le dépôt de la Marque contrefaite, La loi et le décret supposent donc que la propriété de la Marque peut être violée ou usurpée par une contrefacon antérieure au dépôt; l'une et l'autre supposent donc que ce n'est point par dépôt de sa Marque, qu'un fabricant en acquiert la propriété; qu'il devient propriétaire de sa Marque, par cela seul qu'il la choisit et en fait usage, comme l'auteur d'un ouvrage littéraire en acquiert la propriété par cela seul qu'il le compose ; qu'ainsi, il est recevable à poursuivre la contrefaçon de sa Marque, lors même

qu'elle en a précédé le dépôt tant au greffe qu'au secrétariat indiqués par la loi et le décret, comme l'auteur d'un ouvrage littéraire est recevable à poursuivre la contrefaçon qui en a été faite avant qu'il en eût déposé deux exemplaires à la bibliothèque du roi ; et c'est effectivement ce qu'a jugé l'arrêt de la cour de cassation, du 28 mai 1822, qui est rapporté dans le Répertoire de Jurisprudence, aux mots Marque de fabrique, no 3.

Mais du moins ne devons-nous pas dire avec M. Carnot que, si le dépôt du modèle de la -Marque n'est pas effectué pendant le procès et avant le jugement, l'action en contrefaçon du ministère public doit être déclarée non-reccvable, ni plus ni moins que celle du fabricant, et qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'appliquer la peine prononcée par l'art. 16 de là loi du 22 germinal an 11, et par l'art. 142 du Code pénal, contre le prévenu de contrefaçon.

Ce qui pourrait en faire douter à la première vue, c'est que l'art, 16 de la loi du 22 germinal an 11 et l'art. 142 du Code pénal, en déclarant 'purement et simplement passibles de la peine du faux en écriture privée, ceux qui auront contrefait la Marque d'un établissement particulier de banque ou de commerce, s'expriment en termes absolus, et que, par conséquent, ils semblent ne faire dépendre l'application de cette peine d'aucune condition; qu'à la vérité, l'art. 18 de la loi du 22 germinal an 11 subordonne à la condition du dépôt préalable de la Marque, l'exercice de l'action civile du fabricant en dommages et intérêts; mais qu'il n'y subordonne pas également l'exercice de l'action publique qui doit amener l'application de la peine prononcée par l'art. 16 de la même loi, ou, ce qui est la même chose, par l'art. 142 du Code pénal; qu'ainsi, le défaut de dépôt du modèle de la Marque, au moins pendant le procès et avant le jugement, ne peut, ni faire rejeter cette action, ni empêcher l'application de cette peine.

Mais ces argumens disparaissent devant une raison péremptoire et sans réplique : c'est que l'action publique en contrefaçon n'est, en soi, qu'une action en punition d'un vol; que pour qu'il y ait lieu à la peine du vol, il faut qu'il soit prouvé que la chose prétendue volée appartient à un autre individu que le prétendu voleur; que la loi n'admet qu'une manière de prouver qu'une Marque de fabrique appartient à un autre fabricant que celui qui est prévenu de l'avoir contrefaite, savoir, le dépôt du modèle de cette Marque au greffe du tribunal de commerce et au secrétariat du conseil de prud hommes; et qu'à défaut de ce dépôt, le fab

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Ainsi, aujourd'hui, comme avant la loi du 28 juillet 1824, le fabricant dont la Marque a été contrefaite, ne peut en poursuivre le contrefacteur, s'il n'a préalablement déposé le modèle de cette Marque au greffe du tribunal de commerce et au secrétariat du conseil de prud'hommes.

Ainsi, aujourd'hui, comme avant la loi du 28 juillet 1824, le ministère public lui-même ne peut faire condamner le contrefacteur d'une Marque de fabrique, qu'en rapportant la preuve que le modèle de cette Marque a été déposé au même greffe et au même secrétariat, par le fabricant à qui elle appartient.

Mais entre l'art. 16 et l'art. 18 de la loi du 22 germinal an 11,il en existait un (c'était le 17), par lequel était assimilé à la contrefaçon proprement dite d'une Marque de fabrique, le fait d'un artisan ou manufacturier qui, en appliquant aux produits de sa fabrication, une Marque quelconque que nul autre artisan ou manufactu-. rier ne s'était encore appropriée, y ajoutait les mots, façon de...., « et à la suite le nom d'un » autre fabricant ou d'une autre ville ».

Mais cette fiction est abrogée par la loi du 28 juillet 1824.

Celle-ci commence par déclarer, art. 1er, que l'apposition, sur des objets fabriqués, du nom d'un fabricant autre que celui qui en est l'auteur, ou de la raison commerciale d'une fabrique autre que celle où lesdits objets auront élé fabriqués, ou enfin du nom d'un autre lieu que celui de la fabrication, sera punie' des peines portées en l'art. 423 du Code pénal, c'est-à-dire, de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart

des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de 50 francs.

Ensuite, elle ajoute, art. 2, que cette infraction cessera, en conséquence, et nonobstant l'art. 17 de la loi du 22 germinal an 11, d'être assimilée à la contrefaçon d'une Marque particulière prévue par les 142 et 143 du Code penal (1).

Ainsi, les dispositions des art. 16 et 18 de la loi du 22 germinal an 11 sont aujourd'hui restreintes à la contrefaçon proprement dite des Marques de fabrique, et de même que l'on ne peut plus appliquer la peine du faux en écriture privée au délit prévu par l'art. 17, de même aussi la poursuite et la punition de ce délit, ne sont plus subordonnées à la condition d'un dépôt préalable au greffe du tribunal de commerce et au secrétariat du conseil des prud'hommes.

§. IV. Quels changemens la loi du 28 juillet 1824 a-t-elle faits aux dispositions du décret du 5 septembre 1810, qui, par dérogation à la loi du 22 germinal an 11, voulaient que les contrefacteurs des Marques de fabrique apposées aux ouvraa ges de quincaillerie et de coutellerie, fussent condamnés par les conseils de prudhommes, pour la première fois, à une amende de 300 francs, et en cas de récidive, à une amende double, avec emprisonnement pendant six mois ?

Elle n'a évidemment rien changé à ces dispositions,quant à la contrefaçon proprement dite; mais elle les a rendues inapplicables au délit que l'art. 17 de la loi du 22 germinal an 11 assimilait fictivement à une véritable contrefacon; et c'est ce qui a été jugé dans l'espèce suivante :

Le sieur Pradier, coutelier, demeurant à Paris, rue Bourg-L'abbé, no 22, apprend que l'on vend à Paris même et dans différentes villes du royaume, des rasoirs de mauvaise qualité, à la fabrication desquels il est étranger, et qui cependant portent l'empreinte de sou nom et de son adresse; il dénonce ce délit au juge d'instruction du tribunal de première instance de la Seine, et se constitue partie civile.

L'instruction à laquelle sa plainte donne lieu, paraît établir que les rasoirs contrefaits ont été fabriqués et vendus en différens lieux, par les sieurs Brasset, Durand Wahart, Barbin, Baillard, et notamment par les sieurs Grange et Guérard, domiciliés à Paris.

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, aux mots Marque de fubrique, no 4.

En conséquence, jugement de la chambre du conseil, qui, en déclarant la prévention suffisamment établie, et considérant que les faits impliqués aux prévenus, rentrent dans les termes de l'art. 1er de la loi du 28 juillet 1824, les renvoie devant le tribunal correctionnel.

Cités, en vertu de ce jugement, devant la sixième chambre du tribunal de la Seine, les prévenus soutiennent que ce n'est point d'après la loi du 28 juillet 1824, mais d'après le décret du 5 septembre 1810, qu'il doit être procédé à leur égard; qu'ainsi, la connaissance des prétendus délits qui leur sont imputés, ne peut appartenir qu'au conseil de prud'hommes.

Le 3 mai 1897, jugement par lequel,

« Attendu que le décret du 5 septembre 1810 a statué par disposition exceptionnelle, relativement aux contrefaçons en matière de coutellerie ;

» Que par conséquent elles ne faisaient plus partie des cas prévus par la loi du 22 ger

minal an II;

que

» Attendu que la loi du 28 juillet 1824 ne statue relativement aux cas que réglait encore la loi du 22 germinal an II; qu'en effet, l'intention du législateur était, comme l'anoncent les discours qui ont accompagné la proposition de la loi, d'adoucir la rigueur des dispositions pénales de la loi de l'an 11, et non de rendre plus sévères celles du décret de 1810, dont il n'a pas été question; qu'enfin, les termes de la loi du 28 juillet 1824 se rapportent uniquement à la loi du 22 germinal an 11, et ne rappellent en aucune manière le décret de 1810;

» Le tribunal se déclare incompétent, renvoie devant qui de droit, et condamne Pradier aux dépens ».

Le ministère public appelle de ce jugement, et fait remarquer que le décret du 5 septembre 1810, que le tribunal correctionnel a cru applicable à la matière, ne l'a cependant jamais été; qu'il ne porte que sur un fait essentiellement distinct de celui qui a donné lieu au procès,et qui n'est prévu que par la loi de 1824; qu'en effet, l'art. 1er de ce décret défend bien, sous les peines qui y sont spécifiées, de contrefaire les Marques que les fabricans de coutellerie et de quincaillerie sont autorisés, par un arrêté du gouvernement consulaire, du 23 nivôse an 9, à mettre sur leurs ouvrages; mais qu'il ne s'agit point de cela dans l'espèce; que le sieur Pradier ne se plaint point de la contrefaçon de sa Marque, mais seulement de l'apposition de son nom sur des ouvrages qu'il n'a point fabriqués, fait dont le décret de 1810 ne s'occupe pas, et qui n'est prévu, qui n'est réprimé que par la loi de 1824.

Le sieur Pradier appelle aussi du même jugement, et l'attaque par le même moyen、 Le 20 août 1827, arrêt de la cour royale, qui statue en ces termes :

« La cour reçoit le procureur du roi et Pradier, partie civile, appelans du jugement rendu par le tribunal de première instance du département de la Seine, le 3 mai 1827 ;

>> Donne défaut contre Wahart, Barbin et Baillard, non-comparans, et pour le profit, statuant sur lesdits appels,

» Considérant que la loi du 28 juillet 1824 a pour objet de punir toutes les altérations et toutes les suppositions de nom sur les produits fabriqués, sans aucune distinction de ces mêmes produits; que cette lói étant générale dans ses termes, rapporte virtuellement et néces-sairement toutes les lois et dispositions antérieures sur la même matière,et fixe l'état actuel de la législation;

l'usurpation du nom de Pradier, mis sur des » Considérant qu'il s'agit, dans l'espèce, de

rasoirs étrangers à sa fabrication;

» Considérant le délit imputé à Durand, que Brasset et autres, est connexe à celui qui est reproché à Guérard et Grange, domiciliés à lice correctionnelle de Paris était compétent Paris; que par conséquent le tribunal de posous le dernier rapport, comme sous le pre

mier;

A mis et met les appellations et ce dont est appel au néant, émendant et prononçant par jugement nouveau, se déclare compétente, et pour faire droit aux parties sur le fond, continue la cause au premier jour, dépens réservés ».

Les sieurs Grange, Guérard et Brasset se pourvoient en cassation contre cet arrêt, et l'attaquent comme faisant une fausse application de la loi du 28 juillet 1824.

Il est de principe ( disent-ils) que les lois générales ne sont jamais présumées abroger les lois spéciales, et qu'en conséquence, les lois spéciales conservent toute leur force, nonobstant les lois générales qui les suivent, mais n'en prononcent pas formellement l'abros gation (1).

» Or, il existait, avant la loi du 28 juillet 1824, une loi générale pour toutes les contrefaçons de Marques apposées sur les marchandises (celle du 25 germinal an 11), et une loi spéciale pour la contrefaçon des Marques apposées sur les objets de quincaillerie et de coutellerie ( le décret du 5 septembre 1810). » La loi du 28 juillet n'abróge pas formellement ce décret, et les discussions auxquelles il

(') V. l'article Délits ruraux, §. 1.

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