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son honneur vis-à-vis de ses concitoyens; mais inscrire sa honte sur le front de sa propre maison révolte le caractère français.

» J'ai donné l'ordre au préfet de police de faire effacer ces inscriptions, et je vous prie de me désigner les légions où ces faits se sont produits, afin que je propose à M. le Président de la République de décréter leur dissolution. »>

Répondant immédiatement à cet appel, M. de Lavoestine signalait en ces termes la légion de Paris dont les armes avaient servi à l'émeute :

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» Toute la garde nationale applaudira aux sentiments exprimés dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire.

» Une des légions de Paris a subi le double affront du désarmement à domicile et des inscriptions honteuses dont vous parlez. Sa mairie, malgré la présence de plus de soixante hommes; a 'été. prise par les insurgés: c'est la 5o légion.

» Je viens vous la signaler et demander son licenciement. Je suis heureux d'avoir, d'un autre côté, un grand nombre de faits qui constatent l'esprit d'ordre et d'obéissance qui n'a cessé de régner dans d'autres légions. »

La 5e légion était immédiatement dissoute.

L'administration pouvait donc reprendre, dès le 7, sa marche habituelle. C'est ce que faisait M. de Morny, par sa circulaire adressée aux préfets, et conçue en ces termes :

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Par ma circulaire en date du 3 décembre, vous avez été investi du droit de suspendre et même de remplacer immédiatement tous les fonctionnaires dont le concours ne vous serait point assuré.

» Ces pouvoirs extraordinaires ont dû vous être conférés alors qu'il y avait nécessité de briser immédiatement les résistances qui auraient été de nature à compromettre le succès des grandes mesures de salut public décrétées par le prince Louis-Napoléon.

» Ces pouvoirs vous permettaient d'atteindre les juges de paix, ils doivent cesser aujourd'hui, que le gouvernement est maître de la situation! Le temps qui doit s'écouler avant l'ouverture du scrutin permet d'ailleurs de suivre les voies ordinaires de nomination.

» Vous devrez donc à l'avenir, Monsieur le Préfet, laisser aux chefs des cours d'appel le libre et plein exercice du droit qui leur appartient de présenter, et au ministre de la justice l'exercice du droit qui lui appartient également de pourvoir à toutes les fonctions de la magistrature. M. le ministre de la justice invite au reste les procureurs généraux à prendre votre avis sur les révocations et sur les remplacements qui devraient être opérés. »

XLIV.

Le 8 décembre, le Président de la République fermait l'ère de la lutte, et ouvrait l'ère de la confiance et du concours, par cette admirable proclamation au peuple français :

Français,

Les troublss sont apaisés. Quelle que soit la décision du peuple, la société est sauvée, La première partie de ma tâche est accomplie; l'appel à la nation, pour terminer les luttes des partis, ne faisait, je le savais, courir aucun risque sérieux à la tranquillité publique.

Pourquoi le peuple se serait il soulevé contre moi ?

Si je ne possède plus votre confiance, si vos idées ont changé, il n'est pas besoin de faire couler un sang précieux, il suffit de déposer dans l'urne un vote contraire. Je respecterai toujours l'arrêt du peuple.

Mais tant que la nation n'aura pas parlé, je ne reculcrai devant aucun effort, devant aucun sacrifice pour déjouer les tentatives des factieux. Ceste tâche, d'ailleurs, m'est rendue facile.

D'un côté, l'on a vu combien il était insensé de lutter contre une armée unie par les liens de la discipline, animée par le sentiment de l'honneur militaire et par le dévouement à la patrie.

D'un autre côté, l'attitude calme des habitants de Paris, la répr-o bation dont ils flétrissaient l'émeute, ont témoigné assez hautement pour qui se prononçait la capitale.

Dans ces quartiers populeux où naguère l'insurrection se recrutait si vite parmi les ouvriers dociles à ses entraînements, l'anarchie, cette fois, n'a pu rencontrer qu'une répugnance profonde pour ces détestables excitations

Grâces en soient rendues à l'intelligente et patriotique population de Paris! Qu'elle se persuade de plus en plus que mon unique ambition est d'assurer le repos et la prospérité de la France.

Qu'elle continue à prêter son concours à l'autorité, et bientôt le

pays pourra accomplir dans le calme l'acte solennel qui doit inau gurer une ère nouvelle pour la République.

"Fait au palais de l'Elysée, le 8 décembre.

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LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE.

XLV.

Enfin, une mesure capitale était prise, le même jour, par M. le ministre de l'intérieur; c'est la proposition, convertie en décret, ayant pour objet de défendre la société contre l'armée du vice et du crime. Voici ce document mémorable, dont l'exécution ferme et sévère donnera du repos à la France pour une génération.

DÉCRET SUR LA TRANSPORTATION.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.

Le Président de la République,

Sur la proposition du ministre de l'intérieur,

Considérant que la France a besoin d'ordre, de travail et de sécurité; que, depuis un trop grand nombre d'années, la société est profondément inquiétée et troublée par les machinations de l'anarchie, ainsi que par les tentatives insurectionnelles des affiliés aux sociétés secrètes et repris de justice, toujours prêts à devenir des instruments de désordre;

Considérant que, par ses constantes habitudes derévolte contre toutes les lois, cette classe d'hommes non-seulement compromet la tranquillité, le travail et l'ordre public, mais encore autorise d'injustes attaques et de déplorables calomnies contre la saine population ouvrière de Paris et de Lyon;

Considérant que la législation actuelle est insuffisante et qu'il est nécessaire d'y apporter des modifications, tout en conciliant les devoirs de l'humanité avec les íntérêts de la sécurité générale :

Décrète :

Art. 1er. Tout individu placé sous la surveillance de la haute police qui sera reconnu coupable de délit de rupture de ban pourra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie. La durée de la transportation sera de cinq années au moins et de dix au plus.

Art. 2. La même mesure sera applicable aux individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société secrète.

Art. 3. L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera, à l'avenir, de donner au gouvernement le droit de déterminer le lieu dans lequel le condamné devra résider après qu'il aura subi sa peine.

L'administration déterminera les formalités propres à constater la présence continue du condamné dans le lieu de sa résidence.

Art. 4. Le séjour de Paris et celui de la banlieue de cette ville sont interdits à tous les individus placés sous ta surveillance de la haute police.

Art. 5. Les individus désignés par l'article précédent seront tenus de quitter Paris et sa banlieue dans le délai de dix jours, à partir de la promulgation du présent décret, à moins qu'ils n'aient obtenu un permis de séjour de l'administration; il sera délivré, à ceux qui la demanderont, une feuille de route et de secours qui réglera leur itinéraire jusqu'à leur domicile d'origine ou jusqu'au lieu qu'ils auront désigné.

Art. 6. En cas de contravention aux dispositions prescrites par les art. 4 et 5 du présent décret, les contrevenants pourront être transportés, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie.

Art. 7. Les individus transportés en vertu du présent décret seront assujettis au travail sur l'établissement pénitentiaire : ils seront privés de leurs droits civils et politiques; ils seront soumis à la juridiction militaire; les lois militaires leur seront applicables. Toutefois, en cas d'évasion de l'établissement, les transportés seront condamnés à un emprisonnement qui ne pourra excéder le temps pendant lequel ils auront encore à subir la transportation Ils seront soumis à la discipline et à la subordination militaires envers leurs chefs et surveillants civils ou militaires, pendant la durée de l'emprisonnement.

Art. 8. Des règlements du pouvoir exécutif détermineront l'organisation de ces colonies pénitentiaires

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Art. 9. Les ministres de l'intérieur et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent dé

cret.

Fait à Paris, à l'Elysée-National, le conseil des ministres entendu, le 8 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

Le ministre de l'intérieur,

A. DE MORNY.

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Quatre grands résultats, également dûs à la conduite énergique du Président, ressortent clairement des faits qui précè

dent.

D'abord, les rouges, les socialistes, les terroristes seuls ont essayé de résister à un acte qui rétablit évidemment les conditions nécessaires de l'ordre, détruites par les rivalités des anciens partis, se combattant et se déchirant dans l'Assemblée, communiquant leurs divisions et soufflant leurs haines au pays. A l'exception des rouges, des socialistes et des communistes, qui ont senti que le Président détruisait leurs espérances, toutes les populations ont accepté l'acte intelligent et résolu du 2 décembre.

Ensuite le Président a, comme on dit, escompté la crise fatale de 1852, crise qui, à la juger par les tentatives partielles et décousues des rouges, eût été l'anéantissement de la France, jetée dans un abîme de pillage et de sang. Au lieu de l'immense conspiration des tueurs et des brigands, organisés par les sociétés secrètes, et lâchés à la fois, à la même heure, sur la nation, on a vu vingt-cinq ou trente insurrections locales vigoureusement comprimées : désastre irréparable pour les victimes, leçon éloquente et instructive pour les honnêtes gens.

D'un autre côté, s'il y avait jusqu'ici des divisions entre les classes de la société, ces divisions ont disparu aux trois quarts et vont disparaître tout à fait, devant la nécessité de défendre la famille, la propriété, la religion, la morale, contre des hordes de malfaiteurs. Il n'y aura bientôt plus ni des légitimistes, ni des orléanistes, ni des bonapartistes; il n'y aura plus que des hommes, se battant contre des bêtes fauves.

Enfin les rouges, en prenant les armes, en marchant contre les villes, en faisant prisonnières les autorités, en tuant les soldats, en pillant les caisses publiques, en détruisant les propriétés, en violant les femmes, en brûlant vifs les enfants, se sont eux mêmes dénoncés aux magistrats, aux honnêtes gens et à la force publique. Tout le monde se connaît, à trois ou quatre lieues de rayon, dans les départements. On va donc rechercher, poursuivre, traquer, arrêter un à un, partout où ils se réfugieront, ces malfaiteurs, organisés, dirigés, exploités, et finalement abandonnés par les montagnards; et, s'il doit y avoir quelque pitié pour les esprits faibles, pour les natures irréfléchies, il n'y en aura pas, il ne pourra pas y en avoir pour les meneurs, pour les brigands en chef, qui

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