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NOUVELLES ET FAITS DIVERS.

Le préfet de la Lozère ayant été instruit des ravages que les loups occasionnaient aux troupeaux de la montagne, avait ordonné une battue sous la direction de M. Coutaud, brigadier forestier à la résidence de la Sareyréde. Cette battue, dit l'Aigle des Cévennes, a eu lieu dans les bois de l'Aigual, dimanche dernier. L'autorité avait mis sous les ordres de M. Coutaud, la gendarmerie des environs et deux cents hommes. Cette chasse a donné un résultat satisfaisant. Neuf loups ont été chassés des bois, et, sur ce nombre, M. Coutaud, fils aîné du brigadier, âgé de vingt ans, en a tué trois roides et blessé un quatrième sur quatre coups de fusil qu'il a tirés. Ce jeune homme avait fait coup double sur les deux premiers.

Quelques chasseurs ont l'habitude, lorsqu'au bois ils entendent du bruit pouvant faire croire à l'approche d'une grosse bête, de glisser dans le canon de leur fusil une balle par dessus la charge de petit plomb. Par cette manière de charger on s'expose à de grands dangers. En voici la preuve : Mercredi dernier, le sieur Guillaume, garde de M. le baron de Ladoucette, exerçait sa surveillance ordinaire dans la forêt de Vieils-Maisons; il était déjà avancé dans le bois, quand il vit son chien se rapprocher vivement de lui et aperçut, derrière, un sanglier qui le poursuivait. Fouiller dans son carnier, en retirer une balle, l'introduire dans son fusil chargé à plomb et faire feu sur le sanglier, fut l'affaire d'un instant. Après l'explosion, très-forte à l'épaule, le garde s'est vu enveloppé de fumée : son fusil s'était déchiré sur le côté, à dix centimètres au-dessus de la place où se met la main gauche en visant. La charge de petit plomb, sortie par cette ouverture, était allée frapper des branches presque à angle droit du garde. Ce dernier, un peu effrayé de ce coup (on le serait à moins), était encore à examiner l'effet, quand il entendit à trente pas de là un bruit de broussailles foulées; il y court, et que voit-il? Le sanglier qui se débattait, frappé à mort. La balle lui était entrée au-dessus de l'épaule. Le garde dit que plusieurs fois il lui est arrivé de tirer sans accident, après avoir mis une balle par dessus du plomb; mais que, dans la circonstance actuelle, s'étant un peu pressé, il n'a pas pris le soin de faire descendre la balle par une forte secousse, et que, l'eût-il fait, elle ne serait pas arrivée à fond, parce que, après l'avoir retrouvée en dépeçant le sanglier, il a reconnu qu'elle n'était pas du calibre de son fusil. Ceci justifie bien la rupture de l'arme; mais qui expliquera l'effet des deux charges, l'une se dirigeant de côté et l'autre droit, et tuant la bête? L'animal tué était une jeune laie qui pesait 60 kilogrammes.

La collection du Cercle de Saint-Hubert vient de s'enrichir d'un nouveau sujet qui, pour n'être pas extrêmement rare, n'en est pas moins

précieux par le bon souvenir du donateur. C'est un canard couronné, (Crismatura leucocephala) tué le 5 août 1860 sur le petit lac de Bougie, par un habile chasseur de cette ville, M. Grasson, qui nous l'a envoyé par l'entremise du commandant Garnier son ami, l'un des membres du cercle et notre abonné. En nous adressant ce spécimen, M. Garnier, ajoute : « J'espère recevoir sous peu de Bougie une ou deux poules de carthage en peaux, je vous les enverrai, afin de vous mettre à même de reconnaître qu'il n'y a pas à la confondre avec la petite outarde. »

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-Les arts viennent de faire une perte bien regrettable. Mercredi 22 de ce mois, Decamps, le célèbre peintre de genre, emporté par son cheval dans la forêt de Fontainebleau, les uns disent en suivant une chasse de la Vénerie impériale, les autres en faisant une simple promenade, a eu l'estomac brisé par le choc d'une grosse branche qui est venue le frapper en travers dans la course désordonnée de l'animal, et est mort, deux heures après, au milieu des plus cruelles souffrances. Decamps laisse une œuvre remarquable qui fera époque parmi les peintres fantaisistes du Siècle. Il avait été dans le temps honoré tout particulièrement de l'amitié de S. A. R. le duc d'Orléans, que nous avons vu maintes fois venir le surprendre sans façon dans son atelier du faubourg Saint-Denis. La mort du prince avait été pour lu un véritable deuil de famille, et, bizarre rapprochement, tous deux, le protecteur et l'artiste, devaient périr fatalement, à dix-huit ans de date, emportés l'un et l'autre par leurs chevaux.

- Il vient de paraître chez M. Tresse, successeur de Barba, éditeur, Palais-Royal, une nouvelle édition :

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L'Administration des Postes vient de décider que la demi-feuille consacrée, dans chacune de nos livraisons de fin de mois, à la réimpression d'un ancien ouvrage cynégétique, devait être expédiée et timbrée à part, comme publication de librairie ne faisant point partie du Journal des Chasseurs.

Nous avons l'honneur de prévenir nos abonnés, qu'afin d'éviter les maculatures que le timbre de la poste ne manquerait pas d'imprimer à ces demifeuilles destinées à former un volume, nous adresserons incessamment à chacun d'entre eux, sous la même bande et en un seul envoi, toutes les livraisons du d'Yauville auxquelles ils ont droit, de mois en mois, jusqu'à l'expiration de leur abonnement.

L'un des Directeurs, Rédacteur en chef: LEON BERTRAND.

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LE PÈRE LA TROMPETTE.

ÉTUDE DE MŒURS CYNÉGÉTIQUES.

CHAPITRE XV

PLUS QUE JAMAIS LE JUIF ERRANT DE LA VÉNERIE.

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Il

a

y des nécessités cruelles dans la vie, mon pauvre ami! dit mon père en posant affectueusement l'une de ses mains sur l'épaule sèche et robuste du vieux veneur, toujours abîmé dans ses réflexions, lesquelles devaient être de bien douloureux remords, à en juger par la manière dont il avait suspendu son récit;

mais je trouve continua-t-il- et ce n'est pas pour vous remettre du cœur au ventre que je vous parle de la sorte, que votre conduite a été très-sage dans cette circonstance difficile.

Oh! je le sais - répondit le Père la Trompette, en découvrant lentement sa face, qui nous parut alors profondément altérée par ses souffrances intérieures;-mais ce qui est sage au point de vue de notre intérêt personnel, - poursuivit-il après quelques instants de silence, peut très-bien n'être pas honorable au témoignage d'une conscience un peu délicate.

Il n'y avait rien à répliquer à cette remarque si juste, et nous ne trouvâmes pas un mot, mon père et moi, pour essayer de la réfuter, afin de rendre un peu de repos d'esprit à notre interlo

cuteur.

TOME XXIX.—2o SEMESTRE 1860.

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Il reprit presque aussitôt :

« Le séjour de Latouka, comme vous l'avez sans doute déjà deviné, Messieurs, m'était devenu insupportable, odieux même, à partir de ces tristes événements, et je ne songeais plus qu'à m'en aller ailleurs, n'importe où, traîner ma misérable existence de veneur vagabond. Toutefois, comme il me fallait, avant d'en arriver là, me retrouver en présence de l'infâme Balthazar Ruys, pour nous entendre sur la rupture de nos engagements réciproques, et que l'idée d'une rencontre avec lui me causait encore plus de répugnance que la nécessité d'habiter dans son voisinage, en m'abstenant de le voir, je laissai s'écouler plusieurs semaines sans faire aucune démarche pour amener une entrevue avec lui. Il venait, du reste, bien plus rarement au château, à ma connaissance du moins, et dans ses rares apparitions, toujours courtes, il n'était plus accompagné que par un vieux coquin de mougik, qui était son homme de confiance... je devrais plutôt dire son âme damnée.

« Quant à la jeunesse joyeuse des deux sexes qui fréquentait naguère le château, il n'en était plus question. Elle avait complétement disparu depuis la terrible aventure que je vous ai contée.

«Je m'étais remis à chasser avec un redoublement d'ardeur, en dépit des grandes chaleurs de l'été, et à aucune époque de ma vie, depuis que je l'avais arrangée comme je vous l'ai appris, je n'avais éprouvé un aussi impérieux besoin d'isolement et de silence. Mon penchant naturel à la taciturnité avait augmenté à ce point que c'était le plus souvent par des gestes ou des regards que je donnais mes ordres à Brise-Tout. J'ajouterai que dans nos rares et rapides échanges de paroles, je n'avais jamais laissé échapper de ma bouche le nom de la malheureuse Delphine, à laquelle je pensais cependant nuit et jour, avec des angoisses de cœur impossibles à vous décrire dans toute leur vérité.

«Je voyais sans cesse devant mes yeux cette douce créature condamnée, par suite de mon lâche abandon et de mon féroce égoïsme, à ensevelir sa rayonnante jeunesse dans un cloître, et à chaque instant il me prenait pour elle des accès de tendresse et de désespoir à me déchirer l'âme. Je redevenais jeune alors pour pleurer sur sa triste destinée, après m'être trouvé trop vieux pour lui en assurer une meilleure par mon dévouement.

Juste punition de mon indigne personnalité, il me semblait, dans ces moments-là, que j'aurais pu quelque chose pour le

bonheur de cette charmante enfant qui m'avait paru si heureuse de sa vie retirée auprès d'un vieillard.

<< Sur ces entrefaites, le hasard me mit un soir sur le chemin de l'intendant qui s'en retournait gaîment à Wilna, comme je m'en revenais tristement d'une chasse dans laquelle, contre l'habitude, saint Hubert ne m'avait pas été favorable.

<< Balthazar Ruys arrêta sa petite voiture russe, traînée par un magnifique trotteur orloff, hennissant et piaffant, me salua d'un air dégagé et me demanda d'un ton aussi leste que s'il n'y avait pas entre nous l'abîme d'un souvenir terrible, si j'étais satisfait de ma journée.

Mon premier mouvement fut de casser mon fouet de chasse sur la face empourprée de ce misérable débauché; mais le mépris qu'il m'inspirait me donna la force de me contenir, et sans répondre à sa question, que je considérais pourtant comme une insulte, je lui exprimai en peu de mots ma volonté bien arrêtée depuis longtemps de ne pas prolonger davantage mon séjour à Latouka, si c'était possible.

<< -Vous m'en voulez donc toujours pour cette petite affaire nocturne du printemps dernier? - me dit-il, en accompagnant ses paroles d'un rire cynique, dans lequel se révélaient de la façon la plus révoltante toutes les corruptions de son âme;— cela n'en vaut vraiment pas la peine, et, moi, je n'ai pas la moindre ran

cune contre vous.

<< Et comme il vit sans doute, au redoublement de fureur qui se peignait sur mon visage, que je ne pourrais pas rester maître de moi bien longtemps, il s'empressa d'ajouter plus sérieuse

ment.

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Au surplus, Monsieur, vous pouvez vous regarder dès à présent comme libre de partir quand la fantaisie vous en prendra. Vous recevrez demain l'écrit qui nous lie, et une fois que vous l'aurez déchiré, rien ne vous obligera plus à résider dans les domaines de son Excellence. Aussi bien, les gens qui se mêlent des affaires des autres me sont peu agréables dans mon voisinage.

<< Et, rendant la main à son trotteur qui creusait la terre du pied, il s'éloigna grand train.

<«< Sur la fin de la matinée suivante, le vieux mougik, venu à Latouka, me remit l'écrit en question.

« J'en fis, en sa présence, cent morceaux que je lui lançai au

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