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CORRESPONDANCE.

LA PANTHÈRE D'ALGERIE.

« Auxonne, le 19 septembre 1860.

« Je puis enfin, mon cher M. Godde, vous adresser les deux articles ci-joints, que vous publierez ensemble ou séparément, à

votre convenance.

« Je désire expréssément que celui qui est relatif aux mœurs de la panthère soit édité sans aucun changement, attendu que mon impartialité ne saurait être mise sérieusement en doute et que ce n'est qu'après une enquête des plus sérieuses, que je me suis permis d'émettre une opinion aussi précise sur les mœurs de la panthère arabe et que les Kabyles surtout connaissent beaucoup mieux que nous, hélas! même, je dois le dire, bon nombre d'entr'eux par expérience.

Quant aux divers modes de chasse employés par les Kabyles, je glisse, comme vous le verrez, très-légèrement sur ceux qui sont déjà connus, et je n'insiste que sur ceux qui n'ont pas encore été signalés.

« Je désire que ces deux articles vous fassent plaisir et je serai charmé si j'ai cette heureuse chance.

P. GARNIER,

Chef d'escadron, commandant l'artillerie, à Bougie.

Des mœurs de la Panthère algérienne.

Emu à juste titre du profond désaccord qui s'est produit entre deux illustres chasseurs au sujet de la panthère algérienne, je me suis livré à des recherches approfondies sur les mœurs de ce grand carnassier; j'ai interrogé moi-même ou fait interroger tous les chasseurs indigènes de la grande et de la petite Kabylie, au nombre de près de deux mille, dont plusieurs portant de glorieuses et terribles cicatrices; j'ai recueilli aussi pas mal de témoigna

ges chez les Arabes; le tout grâce à l'extrême complaisance de MM. les commandants supérieurs et les chefs des bureaux arabes, et notamment grâce au bon vouloir de M. le colonel commandant la subdivision de Dellys.

Les renseignements qui me sont ainsi parvenus ont un caractère d'unanimité tel, que le doute ne m'était plus permis; ma conviction s'est formée d'une manière irrévocable, et je n'hésite plus à la porter à la connaissance des naturalistes et des chasseurs.

Mais, avant de faire savoir l'opinion des Kabyles et des Arabes sur la panthère, il convient de bien avertir le lecteur que cette opinion ne s'applique qu'aux bêtes adultes ou vieilles, et nullement aux jeunes animaux qui, selon moi, sont la cause du regrettable désaccord que j'ai indiqué plus haut.

La jeune panthère, en effet, se montre timide au bruit, poltronne au feu d'une arme et imprudente à l'appât, tandis que c'est tout le contraire chez ses grands parents.

Conclure du jeune carnassier au vieux est dès lors une très-grave erreur; autant vaudrait juger du courage d'un homme fait, d'après la conduite en face du péril d'un enfant d'une dizaine d'années.

Ceci posé, je me hâte d'entrer en matière :

Les Kabyles considèrent la panthère comme un animal des plus redoutables; ils la regardent même comme plus courageuse que le lion, bien qu'ils admettent qu'elle s'entoure de plus de précautions pour garantir sa sécurité.

Traquée, elle cherche à fuir; mais si elle ne trouve pas à se dérober sans danger, elle bondit au combat avec fureur et lutte jusqu'à la mort. Blessée, elle ne fuit jamais, lors même que sa retraite serait sans péril.

Nul ne passe impunément, de jour comme de nuit, à portée du bond d'une panthère rembuchée; elle attaque alors les hommes et les animaux sans provocation aucune; en un mot, elle tombe en bondissant sur tout ce qui remue, se contentant quelquefois d'administrer un coup de griffes qui estropie ou tue, et de passer son chemin comme si de rien était.

La panthère adulte ne donne jamais à l'appât mort, lors même qu'il proviendrait d'une bête qu'elle aurait dévorée en partie, tandis qu'une jeune y vient très-facilement.

Cet animal ne grimpe jamais sur les arbres, comme on le croit à tort assez généralement.

Enfin, une vieille panthère est considérée par les Kabyles comme leur étant plus à charge qu'un vieux lion, parce que, pour obéir à un instinct continu de carnage et lors même qu'elle est repue, elle tue pour le plaisir seul de tuer, tandis que le roi des animaux, quand il n'a pas faim, n'égorge guères, sauf le cas de provocation, que pour l'instruction de ses lionceaux maladroits à étrangler.

Je laisse de côté ici une foule de détails très-intéressants recueillis près des Kabyles, parce qu'on les trouvera mieux racontés que je ne saurais le faire dans le livre intitulé: Bombonnel le tueur de panthères.

Tout ce que j'ai appris dans mon enquête près des Kabyles et des Arabes, se trouve dans cet ouvrage consciencieusement exact et mathématiquement vrai; j'engage donc les naturalistes à y avoir pleine et entière confiance; c'est là qu'ils doivent étudier les mœurs de ce grand carnassier, si ressemblant à la panthère indienne et si proche parent du tigre.

Tout ce qui précède s'applique à la grande comme à la petite panthère de l'Algérie.

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Les Kabyles et les Arabes, qui tuent la panthère à l'affût couvert et à l'appât vivant, ne se risquent presque jamais à opérer en plein air comme Bombonnel. Cependant il existe, m'a-t-on dit, aux environs de Souk-Aras, un Arabe qui a réussi déjà pas mal de fois, en agissant ainsi, à tuer des lions et des panthères.

Des divers modes usités en Kabylie pour la chasse
de la Panthère.

DU TRAQUE EN PAYS BOISÉ.

Quand une panthère est signalée, soit qu'elle ait été vue, soit qu'elle ait annoncé sa présence par quelque carnage, tous les gens de la tribu se réunissent en armes et, prenant toutes les précautions qu'exige une chasse aussi dangereuse, ils s'assurent du point où l'animal s'est retiré.

Quand ils y sont parvenus, on fait occuper par les meilleurs tireurs tous les arbres les plus rapprochés du repaire; puis on lâche les chiens; on pousse force cris et on tire bon nombre de coups de fusil sur le fourré dans lequel on croit la bête rembuchée; on arrive toujours ainsi à l'en faire déguerpir.

Une fois hors de son repaire, la panthère cherche de tous côtés un chemin qui lui offre une fuite sans danger; mais, si les tireurs ont bien choisi leurs postes sur les arbres, le plus souvent elle ne sait par où fuir. Dans ce cas, elle prend son élan et bondit sans hésitation sur un des arbres occupés; c'est le signal du feu et la bête combat et lutte jusqu'à la mort.

Pour être à l'abri de ses premiers bonds surtout, le tireur doit être perché à plus de quatre mètres de hauteur.

DE L'AFFUT COUVERT.

Ce mode est très-connu; je ne le décrirai donc pas ici. — Je me contenterai de dire que ce qui en fait bien souvent la réussite, c'est l'acharnement avec lequel la panthère blessée se porte au point d'où elle voit sortir la fumée, acharnement qui donne toutes facilités pour l'achever.

CHASSE A LA FOSSE.

(En arabe Zoubia, en kabyle je ne sais).

Ce genre de piége, si bien décrit par Gérard (chasse au lion, édition de 1859, pages 42, 43, 44, 45, 46 et 47), est employé, pour la panthère comme pour le lion, par les Kabyles et les Arabes, et réussit tout aussi bien.

DU PIEGE AU FUSIL AVEC APPAT MORT.

On ne réussit qu'avec les jeunes panthères, attendu que les adultes et les vieilles sont beaucoup trop rusées et méfiantes pour y mordre.

LA PANTHERE PRISE AU FILET.

On recouvre une bergerie d'un très-fort filet fabriqué avec de l'halfa; il s'appuie sur de solides poteaux, de manière à ne pas toucher au sol dont il est distant d'un mètre environ, et de manière à être de quelques décimètres au-dessous du mur ou de la haie que l'on présume que la panthère franchira pour venir prendre un mouton.

La panthère, ne pouvant voir cet engin du dehors du parc, bondit de confiance et tombe dans le filet; ses pattes passant par les mailles qui ont près de 0,33 de grandeur, la bête se trouve sans point d'appui et on en a facilement raison, au fusil surtout.

DE L'AFFUT AU FEU PENDANT L'HIVER.

Plusieurs Kabyles m'avaient affirmé qu'un chasseur de l'Oued Sahel allumait de grands feux le soir pendant l'hiver, à proximité d'un arbre, et tuait ainsi le panthères qui, comme font les chats, venaient se coucher auprès; mais, d'après des informations prises sur le théâtre même de cette chasse, j'ai dû reconnaître qu'on m'avait trompé. - Sachant, du reste, la peur que cause la vue du feu à la panthère, j'avoue franchement n'avoir jamais ajouté grande foi à ce conte.

Le plus grand chasseur de panthères de la grande Kabylie (il emploie habituellement le trou en terre et l'appât vivant), paraît être le nommé Ouled Sidi Mohammed ou Salah de l'Oued el Hammam, tribu des Beni Ghobri.

P. GARNIER,

ÉCHOS DE LA VÉNERIE ET DES CHASSES.

VÉNERIE IMPÉRIALE.

FORÊT DE FONTAINEBLEAU.

Le 11 septembre 1860. Rendez-vous à la Croix-du-Grand-Maître. On a attaqué un cerf dix-cors jeunement à la Croix-de-Montmorin. L'animal a pris son parti par les Frayons, le Chêne-Feuillu, le Rocher-Brûlé, la Croixdu-Grand-Maître, le carrefour de la Mare-d'Episy, le carrefour des Acacias, la Croix-de-Montmorin; le Chêne-Feuillu, le Rocher-Brûlé, la PlaineRayonnée, le carrefour d'Hanneucourt; a gagné le Marion-des-Roches, le Long-Rocher, les enceintes de Gros-Bois, la Plaine-des-Buttes; est revenu sur son contre par Gros-Bois, en longeant le treillage du chemin de fer du Bourbonnais, où il a été porté bas par les chiens le long du treillage, près la plaine.de Sorgue, après une heure quinze minutes de chasse.

Laisser-courre par Lafeuille, Leroux fils, Lafeuille-Verjus, Verjus fils et

Duval,

- Le 17 dudit. Rendez-vous à la Croix-du-Grand-Maître. On a attaqué un cerf dix-cors au carrefour de la Plaine-des-Buttes. L'animal a pris son

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