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ÉCHOS DE LA VÉNERIE ET DES CHASSES.

VÉNERIE IMPÉRIALE.

FORÊT DE FONTAINEBLEAU.

Le 27 septembre 1860. Forêt de Fontainebleau. Rendez-vous à la Croixdu-Grand-Maître. On a attaqué un cerf dix-cors au Chêne-Feuillu. L'animal a pris son parti par la Croix-de-Mont-Morin, le carrefour de la Mare-d'Episy, les Placereaux, le Parquet-de-Montigny, les Ventes-Héron, la Malmontagne, les Hauts-Monts, le carrefour de Vienne, le Long-Rocher, le Marion-des-Roches, le carrefour d'Hanneucourt, la Plaine des Buttes, la Garenne de Grois-Bois a franchi le treillage de clôture de la forêt; a traversé les bois particuliers des Sablons; a sauté le treillage du chemin de fer du Bourbonnais; a longé la voie, sur laquelle il a fait tête aux chiens; a sauté de nouveau le treillage du chemin de fer, s'est fait battre dans la Garenne de Grois-Bois, a gagné la rivière de Loing, qu'il a traversée en face du village d'Ecuelle, et est revenu à la rivière où il a été noyé par les chiens après une heure et demie de chasse. Laisser-courre par Lafeuille, Leroux fils, Lafeuille-Verjus, Verjus fils et Duval.

C'est par cette chasse fort incidentée que s'est terminé pour la Vénerie Impériale le déplacement de Fontainebleau qui, cette année, a été fort brillant, tant sous le rapport du chiffre des prises que sous celui des chasses en elles-mêmes.

Le 2 octobre les équipages sont partis pour la forêt de Compiègne.

Le jeudi, 4 octobre, l'Empereur a fait sa première chasse à tir de la saison. C'est la forêt de Saint-Germain ou plutôt ce sont les tirés de Conflans et de Garenne qui ont été le théâtre de cette ouverture, qui s'est passée, du reste, en petit comité, et qui a été favorisée par un temps superbe. Sa Majesté n'était accompagnée que par quatre tireurs: Son Exc. le maréchal Magnan, le prince de la Moskowa, le marquis de Toulongeon, et l'officier russe chargé de lui présenter les quatre magnifiques chevaux dont S. M. l'empereur Alexandre lui a fait tout dernièrement hommage.

Cette chasse, qui a donné un chiffre de plus de cinq cents pièces, parmi lesquelles figuraient une dizaine de chevreuils, 260 lièvres, le reste en perdrix et faisans, très-peu de lapins, a été signalée par une innovation heureuse, que nous a signalée une dame qui, du haut de sa terrasse et la lorgnette en main, a suivi toutes les manœuvres du champ de bataille. Au lieu de s'effectuer dans les taillis boisés qui longent la forêt, le tiré a eu lieu en plaine, sur les terres de la ferme de Garenne. Vis-à-vis Conflans, dont toutes les hauteurs étaient occupées par une foule de curieux, s'étend une vaste pièce de betteraves dans laquelle la majeure partie du gibier s'était réfugiée, et qui a été un moment le théâtre d'une véritable petite guerre.

CHRONIQUE JUDICIAIRE.

Cour de Cassation (Chambre des Requêtes).

PRÉSIDENCE DE M. NICIAS-GAILLARD.

Audience du 24 juillet 1860.

DÉGATS CAUSÉS PAR DES LIÈVRES ET DES LAPINS.

RESPONSABILITÉ DU

PROPRIÉTAIRE DES BOIS.

Le propriétaire d'un bois est responsable des dégâts occasionnés par les lièvres aussi bien que par des lapins, quand il est établi, en fait, que les animaux sont entretenus et gardés pour le plaisir de la chasse.

Plus d'une fois on s'est demandé quelle était l'étendue de la responsabilité des propriétaires de bois au sujet des dégâts commis par des lièvres ? Quelques tribunaux ont décidé qu'il n'y avait aucune distinction à faire à cet égard et que la réparation du préjudice causé devait avoir lieu tout comme s'il s'agissait de lapins. D'autres, moins sévères et plus dans le vrai, suivant moi, posaient en principe que le lièvre, étant par sa propre nature un animal quelque peu nomade, on ne pouvait rendre les propriétaires d'un bois responsables de son passage dans ce bois. Mais toute difficulté d'interprétation cesse quand il est établi, en fait, que loin de chercher à détruire les lièvres ou à les expulser de son domaine, le propriétaire les a conservés avec soin dans le but de se ménager une chasse giboyeuse. En pareil cas, la responsabilité ne se discute pas. C'est ce que vient de décider une fois de plus la Cour de Cassation, par suite d'un pourvoi formé par MM. Chéronnet et Bourgeois contre un jugement du tribunal civil de Senlis, en date du 16 novembre 1859.

Sur les conclusions confirmées de M. l'avocat-général BLANCHE, ce pourvoi a été rejeté par l'arrêt suivant :

La Cour :

En ce qui touche le moyen tiré de la fausse application des art. 1382 et suivant du Code Napol., concernant les lièvres.

Attendu qu'il est déclaré par le jugement attaqué, que ces animaux sont entretenus et gardés dans les bois dont la chasse est louée aux demandeurs en Cassation, pour le plaisir de cette chasse ;

En ce qui touche le même moyen concernant les lapins;

Attendu qu'il ressort des termes de la décision à cet égard, que c'est dans l'intérêt de la chasse louée et pour en augmenter les avantages, que l'on a laissé s'accroître ce genre de gibier dans les bois dont il s'agit et que, par une juste présomption, c'est à cette cause que se rattache le dommage produit par ces animaux.

Qu'ainsi la décision fondée sur les art. 1382 et 1383 du Code Nap. est suffisamment justifiée. Rejette, etc.

ALEXANDRE SOREL,
Avocat à la Cour Impériale,

NOUVELLES ET FAITS DIVERS.

La vente de l'écurie du comte d'Hédouville, qui devait avoir lieu le 23 septembre, a été ajournée au 21 octobre, dernier jour des courses à Chantilly.

- M. Moreau, de Janvier, près Condé-en-Brie (Marne), que nous avons signalé déjà comme un infatigable destructeur de sangliers, avait organisé une chasse dans ses bois de Janvier, le vendredi 5 octobre, avec l'assistance de trois de ses amis.

Une bande de 25 sangliers a été attaquée par les quatre tireurs, qui sont parvenus à abattre deux animaux d'une taille très-respectable.

AVIS.

Nous avons l'honneur de rappeler au très-grand nombre de nos abonnés dont l'abonnement se renouvelle au 1er novembre, que s'ils veulent recevoir l'année prochaine, avec le Journal des Chasseurs, les Tablettes de SaintIlubert que nous leur avons envoyées jusqu'à cette époque à titre d'essai, ils auront à nous tenir compte d'un petit supplément de cinq francs pour l'année et de trois francs pour six mois.

Les abonnés de l'étranger devront 2 francs en sus pour frais de poste. Ce supplément fera l'objet d'une deuxième quittance que nous joindrons à celle que nous sommes dans l'usage de faire présenter à domicile, et tout à fait indépendante de celle-ci.

Nous serons très-reconnaissant à ceux de nos abonnés qui ne voudraient pas recevoir les Tablettes de Saint-Hubert de nous en donner avis, afin d'éviter l'inutile présentation de ces quittances et les frais dont elles seraient la cause.

Nous espérons d'ailleurs que nos abonnés voudront bien se rappeler que nous n'avons entrepris cette publication onéreuse qu'à la demande de bon nombre d'entr'eux et dans le but de créer pour eux une publicité spéciale et intéressante. Nous sommes donc fondés à espérer qu'il nous sera tenu compte de nos louables intentions et que les Tablettes de Saint-Hubert seront accueillies par tous avec la faveur dont nous avons déjà reçu de nombreux témoignages.

Nous prévenons en outre ceux de nos souscripteurs dont l'abonnement expire postérieurement au 1er novembre, qu'à compter de cette époque, nous devrons débiter leurs comptes proportionnellement au temps pendant lequel les Tablettes leur seront envoyées et à raison de 50 centimes par mois, et que ces petites sommes seront jointes à leurs prochaines quit tances.

L'un des Directeurs, Rédacteur en chef : LEON Bertrand,

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UNE EXCURSION

DANS LE QUEYRAS

(HAUTES-ALPES).

Vers la fin d'octobre, à cette époque où le gibier devient rare autour des villes, et où le peu qu'il en reste sait mettre à profit une expérience acquise à ses dépens, il nous prit un jour fantaisie d'aller chercher à une certaine distance quelques compagnies de perdrix dont les rangs ne fussent point trop clair-semés, et quelques lièvres dont la prudence naturelle n'eût pas encore été stimulée par l'habitude du péril. Nous choisîmes pour cela un vignoble éloigné de quatre ou cinq lieues, où les vendanges venaient d'être terminées, et nous prîmes place au nombre de quatre dans un char-à-bancs où les chiens étaient admis, ce qui était assez de leur goût.

Notre troupe se composait d'un mien cousin sortant de SaintCyr, de mon frère, et enfin de Jean Lebrou, un braconnier dont j'ai essayé de tracer l'esquisse dans un article précédent.

Nous partîmes sans trop consulter le temps, et d'ailleurs il faisait encore nuit, nous ne pouvions y voir grand'chose; mais lorsque nous approchâmes du lieu de notre destination, nous nous aperçûmes que nous courions grand risque d'être mouillés. Le ciel était couvert de gros nuages noirs qui ne promettaient rien de bon, et il ne faisait pas le moindre vent. Il était trop tard pour reculer; d'ailleurs on se persuade difficilement de ce qu'on redoute, si bien qu'espérant encore, nous quittàmes la voiture avec armes et bagages, et nous nous dirigeâmes vers le vignoble en question. Avant de mettre le pied dans la première vigne, nous nous arrêtâmes pour déjeuner. Avec la conviction

TOME XXIX. — - 2o SEMESTRE 1860.

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qu'il allait pleuvoir, nous employâmes tour à tour une foule d'arguments pour nous prouver qu'il ne pleuvrait pas, cherchant de tous côtés des indices de beau temps, et tirant de tout des conclusions favorables, au moyen des raisonnements les plus sophistiques. Vains efforts! le ciel impitoyablecontinualt de s'assombrir. A peine avions-nous fait quelques pas dans les vignes, à peine avions-nous eu le temps de voir partir une pariade de perdrix rouges dont je tuai le coq, que la pluie commença de tomber et de bien tomber ; ce fut un sauve-qui-peut général. Nous nous ralliâmes bientôt autour de Jean Lebrou qui connaissait parfaitement le pays et nous dirigea en droite ligne vers le seul abri qu'il fût possible de trouver dans cet endroit. C'était une étroite cabane construite en pierres sèches destinée à protéger contre la pluie le garde chargé de la surveillance de ces vignes. Un homme seul pouvait sans doute y être à l'aise; mais nous étions quatre, sans compter les chiens qui, pas plus que nous, n'avaient envie de se mouiller; aussi étions-nous les uns sur les autres, dans le sens le plus littéral du mot. Que faire dans un gîte semblable? Jean Lebrou conseilla de procéder à un second déjeuner; mais il y a des bornes à tout, même à un appétit de chasseur, et cette distraction se trouva bien vite épuisée. Ce ne pouvait être un passetemps que pour celui qui en avait eu l'idée, car le mauvais état de sa mâchoire ne lui permettant de manger que très-lentement, il déjeunerait facilement tout un jour. Après bon nombre de doléances sur les embarras de la situation, quelques imprécations contre le temps et une énumération détaillée de tous les inconvénients de la pluie, il vint à mon frère une heureuse idée. « Maître Jean, dit-il, vous devriez bien nous raconter une fois encore cette fameuse chasse dans le Queyras, dont le récit nous a déjà sauvé dans bien des moments critiques. Cela nous amusera encore, j'en suis sûr; et pour ce général en herbe, qui ne l'a jamais entendue, ce sera un véritable plaisir, Seulement, tâchez de faire durer ce plaisir autant que la pluie; prenez les choses de loin, ab ovo, si c'est possible, et commencez par quelques souvenirs du petit séminaire où vous avez eu tant de succès. Cette petite flatterie produisit un très-bon effet sur Jean Lebrou, qui n'est pas toujours fort traitable; il ne répondit pas, mais il sortit de son carnier une énorme bouteille recouverte de paille, qui contenait largement ses deux litres, et après l'avoir tenue appliquée à ses lèvres pendant quelques minutes, pour chercher sans doute un exorde con

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