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second texte n'eût rapport qu'à des objets déjà réglés par le premier;

3o La loi parle ici des animaux attachés à la culture, comme des pigeons des colombiers, des lapins de garenne, des poissons des étangs, des ustensiles des usines, etc.,etc., lesquels sont immeubles par destination, quoique les fonds ou bâtiments dont ils sont les accessoires, ne soient point affermés: donc il en doit être de même à l'égard des animaux attachés à la culture par le propriétaire du fonds, parce que, quand la règle est commune, elle doit recevoir la même application pour tous;

4o L'article 592 du Code de procédure défend généralement de comprendre dans une saisie mobilière les objets qui sont immeubles par destination; et l'article 594 veut qu'en cas de saisie d'animaux et ustensiles servant à l'exploitation des terres, le juge de paix puisse, sur la demande du saisissant, le propriétaire du domaine et le fermier saisi entendus, établir un gérant à l'exploitation. Cet article suppose évidemment que la saisie des animaux servant à la culture ne peut être faite que dans la supposition où elle le serait sur un fermier propriétaire de ces animaux:

lièrement son cheptel et ses instruments aratoires. -Cela ne ferait pas le moindre doute à l'égard des objets d'ornements, glaces ou tableaux qu'il aurait fait sceller; mais à la charge de rétablir les lieux dans leur état primitif (art. 599). Ces objets n'ont pu en effet être placés par lui à perpétuelle demeure (art. 525). Les créanciers ou héritiers ne pourraient pas faire saisir ou prendre les clefs de la maison ou les volets mobiles à son usage (Proud'hon, usuf., no 2586; Pothier, Traité de la Comm., part. Ire, chap. 2, n. 65), ni même en réclamer la valeur; car il y a cette différence entre l'usufruitier et le fermier, que celui-ci peut toujours réclamer ou les objets ou leur valeur, le propriétaire étant obligé de le faire jouir et de faire à cette fin toutes les réparations nécessaires, ou d'indemniser le fermier qui les a faites. L'usufruitier, au contraire, prend les choses dans l'état où elles sont et doit faire les réparations d'entretien sans qu'il y ait obligation de la part du propriétaire de faire des reparations quelconques, soit à l'ouverture de l'usufruit, soit pendant l'usufruit. Il est même interdit à l'usufruitier de réclamer une indemnité pour les améliorations qu'il aurait faites. Les serrures qu'il a fait placer et les volets qu'il a fait refaire sont considérés comme des réparations d'entretien. Il peut seulement réclamer une indemnité pour les objets, qu'un motit de nécessité et de conservation lui aurait fait incorporer dans la chose dont il jouit, et qui auraient été destinés à la confection de grosses réparations (Chavot, nos 34 et 55).

Un propriétaire, dit Hennequin, p. 19, est sans doute le maitre de pourvoir ses métairies et ses usines de tous les objets mobiliers que réclament leur service et leur exploitation. Les

donc ils ne sont meubles que dans ce cas; donc ils sont réputés immeubles lorsque c'est le propriétaire-cultivateur qui les emploie lui-même;

5o Enfin, l'orateur du gouvernement et le rapporteur de la commission du tribunat l'ont eux-mêmes ainsi entendu, lorsqu'ils ont dit généralement, et sans distinction, que tout ce qu'un propriétaire place dans son domaine, pour le service et l'exploitation du fonds, prend la nature d'immeuble par destination.

Nous devons donc regarder comme constant en principe que les animaux attachés par le propriétaire-cultivateur à la culture de son domaine, sont immeubles par destination.

Actuellement il nous reste à indiquer l'étendue et les bornes de cette disposition législative, en l'appliquant à diverses questions sur la matière 1.

PREMIÈRE QUESTION.

115. Nous avons dit plus haut que tous les animaux renfermés dans le cheptel fourni par le propriétaire à son fermier, sont également

ustensiles aratoires, les métiers, les outils nécessaires à l'exploitation des fermes et manufactu res, ne sont, dans la réalité, que le complément des propriétés immobilières qui, sans ces auxiliaires, resteraient frappées de stérilité. Le propriétaire a donc le droit d'imprimer aux moyens de travail et de reproduction qu'il attache à sa terre ou à son usine le caractère immobilier de sa propriété. Mais ce droit, qui prend sa source dans l'ord. de 1747, sur les substitutions (v. Pothier, Tr. de la Comm., no 44), a toujours dů se renfermer dans certaines limites; à personne ne peut appartenir, en effet, le privilége de soustraire capricieusement, arbitrairement, des valeurs mobilières aux principes qui doivent les régir.- Un propriétaire qui cultive par lui-même, ne peut pas trouver dans cette situation la faculté d'immobiliserindéfiniment sa fortune. Aussi la volonté d'immobiliser n'est efficace qu'autant qu'il est possible d'en justifier, non pas seulement la convenance, mais la nécessité. Soit donc qu'il s'agisse d'un bien rural, soit qu'il s'agisse d'une propriété usinière, les déclarations du propriétaire industriel ou cultivateur doivent être vérifiées et ne pourront affranchir les objets immobilisés des rigueurs de la saisie - exécution, qu'autant que l'immobilisation se trouvera en rapport avec les exigences de la culture ou de la production; mais aussi telle est l'indivisibilite qu'établit l'immobilisation renfermée dans sestermes légitimes, que les dépendances, que les auxiliaires d'un domaine sont censes compris de droit dans la vente ou dans la saisie de ce domaine, alors même que le titre ou le procès-verbal d'adjudication ne s'en expliquerait pas (Riom, 30 août 1820; -S. 24, 2, 20 et v. plus haut la note du no 114.)

immobilisés ; qu'en conséquence, si ce cheptel est composé non-seulement d'animaux exclusivement propres au labourage, tels que les bœufs et les chevaux, mais encore de vaches et de moutons, ces dernières espèces auront aussi bien la qualité d'immeubles que les bêtes de trait.

En est-il de même dans le cas du proprié taire - cultivateur, ou, en d'autres termes, lorsque c'est le propriétaire qui cultive son domaine? Tous les animaux qu'il nourrit sur son exploitation, sont-ils également immobilisés ?

Nous croyons qu'on ne doit regarder ici comme immeubles par destination que les animaux de trait nécessaires pour la culture; et que les autres, tels que les vaches, ne doivent point participer à ce privilége, à moins qu'on ne soit dans l'usage de les atteler, comme cela se pratique en quelques endroits. Nous estimons que tel est le sens de ce texte du Code, parce qu'il n'y a que les animaux de trait dont le travail est indispensable pour la culture, qui soient positivement immobilisés ; que, par la manière dont la loi dispose ici, elle n'immobilise réellement que les bêtes sans le service desquelles l'exploitation deviendrait impossible, et qu'il ne peut être permis d'étendre la fiction d'un objet à

un autre.

Lorsqu'il s'agit d'un cheptel qui accompagne la ferme, la loi tient un langage tout dif

Il résulte du principe fondamental de la matière, qu'il ne suffit pas pour que des animaux soient réputés immeubles par destination, qu'ils soient placés sur le fonds et qu'ils soient propres à la culture, et c'est ce que la cour de Limoges a jugé le 15 juin 1820. La dame Cuberlafond, créancière du sieur Villemoncix, fait saisir 4 vaches et des veaux appartenant à son débiteur. Le sieur Villemoncix, exploitant par lui-même, demande la nullité de la saisie et se fonde sur ce que ses bestiaux, étant attachés à la culture du fonds, étaient immeubles par destination. La cour, interprétant sainement l'article 524, a répondu : Que la destination ne pouvait s'appliquer qu'aux animaux rigoureusement nécessaires pour l'exploitation, et a ordonné l'expertise (Limoges, 15 juin 1820.-S. 21, 2, 16).-Il est donc vrai qu'en thèse générale, des animaux ne sont pas immobilisés par cela seul qu'ils se trouvent dans les bâtiments d'exploitation et dans les pâturages d'une métairie. Ce n'est pas sous ce rapport que la législation romaine diffère de la nôtre (Lib. xix, tit. 1, leg. 15 et 16; D., de Actionibus empti et vend.). La difference, c'est qu'en France, les bestiaux peuvent être immobilisés dans une certaine proportion, transformation que le droit romain n'autorisait pas. Il importe de remarquer que, dans la question d'immobilisation, les bestiaux ne doivent pas être seulement considérés comme des instruments de labourage; leur immobilisa

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férent de celui qu'elle emploie à l'égard du propriétaire - cultivateur : elle dit, dans le premier cas, que les animaux livrés au fermier sont censés immeubles par l'effet de la convention, ce qui embrasse tous les animaux du cheptel, de quelque espèce qu'ils soient, puisque tous sont également livrés; mais en parlant du propriétaire-cultivateur, elle ne signale comme immeubles par destination, que les animaux attachés à la culture, ce qui, certainement, ne signifie pas tous les animaux possédés par le maître de l'exploitation 2.

Dans la première de ces deux hypothèses il y a un acte positif de destination, c'est le bail: conséquemment tous les animaux qui sont livrés en exécution de cet acte, sont également immobilisés par l'effet de la convention, parce qu'elle porte également sur tous; que tous sont également placés sous la main du fermier, et hors de celle du propriétaire; mais, au contraire, quand il s'agit du maître qui cultive lui-même, il n'y a point d'acte de destination expresse émané de l'homme : il n'y a point de séparation physique des choses mobilières dont il se sert; toutes sont également sous sa main. Si la loi les sépare en deux classes pour en immobiliser une fictivement, elle n'a en vue que ce qu'exige le service du fonds: elle n'immobilise donc que les objets sans lesquels l'exploitation du domaine ou la culture de la terre serait impossible.

tion est justifiée lorsqu'ils servent à féconder les fonds par les engrais qu'ils procurent et sans lesquels ces fonds resteraient improductifs.—Dans l'espèce particulière où la cour de Bordeaux l'a ainsi jugé (arrêt du 14 déc. 1829.-S. 30, 2, 70), il s'agissait de brebis attachées à des landes qui ne peuvent devenir de quelque utilité que par la présence de ces sortes de troupeaux. La même décision doit intervenir dans toutes les circonstances analogues (Bourges, 24 févr. 1857.-S.38, 108.-Riom, 28 avril 1827.-S. 29, 279). La destination ne se mesure plus sur les besoins de l'exploitation, lorsqu'elle est écrite dans les clau. ses d'un bail à ferme. La faveur méritée par un contrat, qui forme un lien puissant entre le travail et la propriété foncière, justifie une immunité que consacre l'art. 522.

* Quid, à l'égard des troupeaux de moutons ou autres appartenant au propriétaire et étant sur un fonds exploité par lui? C'est le cas d'admettre la distinction de la loi 9, de Instruct. vel instrum. legato. Si les troupeaux ont été acquis uniquement pour être revendus après avoir été engraissés, ou pour en vendre le croit, ils sont meubles; mais si c'est dans la vue d'engraisser le fonds, ils sont immeubles. Delvinc., t. 2, p. 294;-Chavot, no 37. - Sur les animaux achetés pour être revendus après avoir été engraissés, V. Duranton, no 56.

Cette distinction entre les bêtes de trait nécessaires à une exploitation, et les autres animaux possédés par le propriétaire, avait déjà été faite par l'article 52 de l'arrêté du 16 thermidor an VIII, rendu sur le recouvrement des impôts, lequel porte qu'on ne peut faire saisir pour contributions arriérées et pour frais faits à ce sujet, les chevaux, mulets et bêtes de trait servant au labour; et on la trouve consignée plus récemment encore dans l'article 8 de la loi du 21 avril 1810, qui déclare « im<< meubles par destination les chevaux, agrès, << outils et ustensiles servant à l'exploitation << des mines,» et qui ajoute incontinent «qu'on << ne doit considérer comme chevaux attachés « à l'exploitation que ceux qui sont exclusive«ment attachés aux travaux intérieurs des « mines,» pour les distinguer de ceux qui seraient employés au service de la personne ou du ménage, ou au roulement du commerce et de l'entreprise, lesquels conservent leur qualité naturelle de meubles.

Ainsi, lorsqu'un propriétaire cultive luimême ou fait cultiver ses champs, on ne doit considérer comme immobilisés que les animaux de trait qu'il emploie à son labourage, et dans le nombre nécessaire au travail. Que s'il a des chevaux de selle pour son service personnel, s'il a des vaches pour fournir du lait à son ménage, s'il a des moutons pour en employer la toison à l'habillement de ses enfants ou de ses domestiques, tous les animaux de ces dernières espèces, n'étant pas immédiatement attachés à la culture de la terre, mais bien au service de la personne ou à celui du ménage, conservent leur nature de meubles : autrement, en étendant la fiction d'objets en objets, il n'y aurait bientôt plus de raison de refuser le privilége de l'immobilisation même à la volaille de basse-cour 1,

SECONDE QUESTION.

116. Les animaux que le propriétaire attache à sa culture sont immeubles par destination; ceux, au contraire, qui appartiennent au fermier, et que celui-ci emploie à la culture des fonds d'autrui, gardent leur nature de meubles. Supposons donc qu'un homme soit fermier, mais qu'il ne le soit que pour une partie de sa culture : les animaux de trait seront-ils immobilisés comme attachés au labourage de ses propres fonds? ou resteront-ils meubles comme employés à la culture des fonds d'autrui?

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Si ce cultivateur avait suffisamment de terres à lui propres pour l'occupation et l'entretien de sa charrue, suivant la mesure

Voy. plus haut no 114, à la note.

commune des lieux, ce ne serait pas la location de quelques fonds seulement, de peu d'étendue, qui pourrait mettre obstacle à l'immobilisation des animaux attachés à sa culture.

Mais s'il n'a pas assez de fonds pour le roulement de sa charrue, s'il est dans une position telle qu'il lui soit nécessaire d'en affermer encore d'autres, soit pour avoir assez d'occupation, soit pour se procurer des fourrages suffisants à l'effet d'hiverner son bétail, nous croyons que les animaux employés à sa culture ne sont aucunement immobilisés, parce que l'accessoire ne peut pas être plus étendu que ce que comporte le principal.

Un attelage, considéré sous le rapport du service qu'il doit rendre, est une chose indivisible: car s'il faut deux chevaux pour faire rouler une charrue, un seul sera insuffisant, et l'usage de la charrue restera totalement paralysé; il faut donc qu'il reste totalement meuble s'il n'est pas totalement immobilisé, parce que le disposant n'a voulu que le tout dans le fait de la destination 2. Or, dans l'hypothèse actuelle, on ne pourrait le considérer comme entièrement immobilisé, sans porter l'accessoire au delà de la mesure du principal, ce qui répugne à l'essence des choses: il faut donc dire qu'il reste totalement dans la classe des meubles.

En un mot, tandis que les animaux dont nous parlons ici sont employés à cultiver des fonds étrangers, on ne peut pas dire qu'ils soient attachés à la culture des terres de leur maître : ils sont donc véritablement meubles sous ce rapport; mais comme, d'une part, ils ne sauraient être meubles et immeubles tout à la fois, et comme, d'autre côté, la fiction doit être rigoureusement limitée dans ses termes plutôt qu'étendue en dehors, il est nécessaire de conclure que, dans le cas où l'on ne trouve point de base complète à la destination décrétée par la loi, il n'y a pas non plus d'immobilisation.

TROISIÈME QUESTION.

117. Il existe dans beaucoup de départements de l'empire des métairies dont le produit principal se perçoit par le pâturage des vaches, au moyen desquelles on y établit des fromageries, sans autre culture que celle qui est nécessaire pour avoir suffisamment de fourrage à l'effet d'hiverner les bestiaux qu'on tient dans ces établissements.

Le labourage est plutôt l'accessoire que

Argumentum ex lege 54, § ff. de ædilitio edicto, lib. 21, tit. 1.

le principal de ces sortes d'exploitations. Dans ces cas, mettra-t-on au rang des immeubles par destination non-seulement les animaux de trait immédiatement destinés à la culture d'une partie des fonds, mais encore les vaches employées à l'exploitation de la fromagerie?

Nous croyons qu'on les doit considérer les uns et les autres comme immeubles par destination:

Les animaux de trait, parce qu'ils sont attachés à la culture comme agents de labourage, sans lesquels l'exploitation ne pourrait avoir lieu;

Les vaches, parce qu'elles sont aussi attachées à ce genre de culture comme moyen de produit du sol mème; qu'elles sont en permanence sur le fonds; que le produit de leur laitage forme le produit du domaine même, puisque le revenu qu'on en tire ne consiste principalement que dans le fromage qu'on y

fait.

Pourquoi les animaux attachés à la culture comme agents de labourage sont-ils déclarés immeubles par destination?

Le but de cette disposition législative est de mettre obstacle à l'état d'avilissement où le fonds pourrait tomber par la saisie mobilière et la distraction des animaux au moyen desquels il fructifie; c'est pour assurer le revenu du fonds, que le législateur a voulu les mettre sous la protection des lois qui régissent les immeubles, en recourant à la fiction qui les immobilise. Or, la distraction des vaches d'une fromagerie n'anéantirait pas moins le produit du domaine auquel elles sont attachées, que celle des animaux de la bourage ne paralyserait le revenu des terres en culture le législateur a donc également voulu immobiliser les unes comme moyen de produit, et les autres comme agents de labourage.

Cette hypothèse est bien différente du cas où l'on tient quelques vaches dans un domaine, sans que son exploitation consiste en fromagerie.

Quand il ne s'agit que de quelques vaches nourries par un cultivateur ordinaire, on ne doit point les considérer comme immeubles, parce qu'elles ne sont attachées qu'au service du ménage qui en consomme le lait; mais ici le troupeau de vaches est réellement attaché au service et à l'exploitation du fonds, puisque, dans ce mode particulier de culture, le revenu de la terre n'est autre chose que le produit des vaches mêmes.

QUATRIÈME QUESTION.

118. Un troupeau de mérinos nourris sur

un domaine particulier, doit-il être considéré comme immeuble par destination?

S'il s'agit d'un établissement permanent, par lequel le propriétaire du troupeau et du fonds ait asservi l'un à l'exploitation de l'autre; si le troupeau fut établi sur le sol pour percevoir par ce moyen le revenu de la terre, on doit le considérer comme immobilisé, puisque le fonds n'a d'autre produit que le produit même du troupeau.

Lorsqu'il s'agit de savoir si un troupeau de moutons nourris sur un fonds est dù au légataire de ce fonds, comme compris dans son legs, il faut, dit le jurisconsulte Paul, distinguer: si le testateur avait ces moutons et les entretenait pour en tirer un produit spécial et particulier par le moyen de la toison des laines et du croît des jeunes bêtes, on ne doit pas les comprendre dans le legs dont nous parlons; mais il n'en sera pas de même si le maître des moutons ne les avait et ne les entretenait que par la raison qu'il ne pouvait pas autrement tirer des fruits de ses terres : car on tire le produit d'un fonds par le moyen des troupeaux qu'on y entretient : De grege ovium ita distinguendum est, ut, si ideò comparatus sit, ut ex eo fructus caperetur, non debeatur; si verò ideò, quia non aliter ex sallu fructus percipi poterit, contrà erit: quia per greges fructus ex saltu percipiuntur1.

Nous ferons encore ici, à l'égard des moutons, l'observation que nous avons faite à l'égard des vaches, en discutant la question précédente.

Il ne faut pas confondre les moutons qu'un cultivateur ordinaire tient et nourrit dans ses écuries pour avoir la laine nécessaire à son usage, avec un troupeau pour lequel un propriétaire peut être quelquefois obligé de construire des bâtiments particuliers dans la vue de se créer un revenu spécial par un établissement permanent.

Dans le premier cas les moutons ne sont point immobilisés, parce qu'ils ne sont destinés qu'au service de la personne ou du ménage; mais dans la seconde hypothèse ils reçoivent la qualité d'immeubles, parce que, le revenu de la terre n'étant perçu que dans le produit de la laine et du croît du troupeau, il y a attachement et affectation réelle des moutons au service et à l'exploitation du domaine.

CINQUIÈME QUESTION.

119. Que doit-on décider des bœufs mis en

' L. 9, ff. de instruct, vel instrum. legal., lib. 53, tit. 7.

pâture pour le service des boucheries? Seront ils aussi immobilisés par la raison que le produit du fonds sur lequel on les fail paître n'est perçu que par ce moyen 1?

Nous croyons qu'on doit adopter la négative sur cette question, et dire qu'il n'y a point d'immobilisation dans ce cas.

Les bœufs qu'on met à l'engrais pour la consommation des boucheries, ne sont en effet qu'un objet de commerce: on ne les achète que pour les revendre le plus tôt possible, et non pour les attacher au fonds. Ils n'existent que passagèrement sur le sol où ils sont mis en pâture. Il n'y a donc ici ni établissement permanent, ni attachement des animaux au service ou à l'exploitation du fonds, puisqu'ils n'y sont que momentanément placés. En un mot, ils ne sont comparables qu'aux marchandises qui se remplacent successivement dans un fond de boutique, ou à tout autre objet de commerce: donc ils restent meubles (333).

SIXIÈME QUESTION.

120. Pour que les animaux se trouvent immobilisés par destination, est-il nécessaire qu'ils soient nourris sur le fonds même de leur maître ? L'immobilisation a-t-elle également lieu dans le cas où ils sont envoyés au pâturage sur les communaux?

Il faut, pour résoudre cette question, se rappeler ce que nous avons dit dès le principe, que les animaux peuvent être attachés au fonds de deux manières: ou comme agents de labourage, ou comme moyen de produit. Dans le premier cas, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'animaux de trait attachés à un domaine comme agents de labourage, de quel que manière qu'ils soient nourris, le principe établi par la loi conserve tout son empire, et ils sont toujours immobilisés, parce qu'ils sont toujours les agents nécessaires de la culture, qu'il est toujours vrai de dire qu'en les

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Beaucoup de propriétaires que l'on nomme herbagers dans certains lieux, emboucheurs dans d'autres, achètent des bestiaux pour les engraisser et les revendre. Ces bestiaux ne peuvent être réputés immeubles, car on ne peut dire qu'ils sont attachés à la culture; le but principal du propriétaire n'a pas été de les employer à l'exploitation de sa propriété, mais d'en faire un objet de commerce. Aussi, le fisc les soumet-il à la patente, et avec raison; car, quoique ces boeufs aient été engraissés avec l'herbe de la propriété, ils doivent être assimiles aux objets achetés par un ouvrier qui les façonne pour les revendre. (Pardessus, Droit commercial, t. 1, no 7, aussi les herbagers sont-ils considérés comme commerçants? S., 1840, 2, p. 201.) - La destination

enlevant, on paralyserait l'exploitation du domaine.

Mais lorsqu'il est question d'animaux employés comme moyen de produit des terres, il faut qu'ils soient nourris sur le domaine même de leur maître, pour qu'on doive les considérer comme immobilisés.

Pourquoi, en effet, les animaux établis sur un fonds comme moyen de produit de ce fonds, sont-ils censés en faire partie? C'est parce que le maître ne perçoit les fruits de son fonds que dans le produit des animaux : en sorte qu'on ne peut voir dans le produit des animaux que le revenu du domaine sur lequel ils sont nourris.

Mais lorsque les animaux de cette classe sont nourris par le pâturage des communaux, ou au moyen d'un parcours exercé sur des terres étrangères à leur maître, leur produit ne représente point les fruits du fonds de ce maître, puisqu'ils n'en ont pas tiré leur nourriture: il n'y a donc plus de raison de les considérer comme partie accessoire d'un sol auquel ils ne sont attachés ni comme agents de labourage, ni comme moyen de produit.

Ainsi, dans les campagnes où l'on tient des troupeaux de vaches ou de moutons qui se nourrissent sur les terrains communaux, la fiction de la loi ne peut avoir lieu à l'égard de ces espèces d'animaux.

Vainement dirait-on que s'ils parcourent les communaux durant l'été, ils sont aussi, durant l'hiver, nourris avec les fruits du fonds de leur maître : car leur produit n'est toujours pas le revenu d'un domaine particulier; ils ne sauraient être meubles l'été et immeubles l'hiver, et la fiction cesse d'être applicable partout où elle ne se trouve pas rigoureusement commandée par le principe qui l'établit.

Mais revenons à l'examen des autres parties de notre article.

121. Les ustensiles aratoires, INSTRUMENTA UTENSILIA 2 : ce sont tous les instruments im

primitive des bestiaux l'emporte et ils ne peuvent être assimilés aux produits de la culture que le propriétaire peut vendre sans faire acte de commerce. La décision serait differente si les bestiaux avaient été élevés dans la propriété et mis dans le pré d'embouche, alors il n'y aurait pas un achat dans le but de bénéfices sur la revente. (Chavot, Traité de la propriété mobilière, t. 1, no 36.)

2 Une ferme ne contient d'ustensiles immobiliers que ceux qui sont nécessaires à l'exploitation et placés par le propriétaire. Les ustensiles apportés ou acquis par le fermier, alors même qu'ils sont indispensables à la culture, restent dans la catégorie des valeurs mobilières. (Hennequin, p. 27.)

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