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médiatement en usage et nécessaires dans l'art de l'agriculture, tels que la charrue, la herse, le chariot garni de ses agrès, soit comme destiné tantôt à conduire les engrais sur les terres, tantôt à en ramener les récoltes; les harnais des animaux de trait employés à la culture; les pioches, bêches, houes, hoyaux; les faux et faucilles; les fourches, râteaux, vans, fléaux, et autres outils de laboureur faits pour être appliqués soit à la culture du fonds, soit à en recueillir et héberger les fruits.

Ces ustensiles sont également immobilisés, soit qu'ils restent dans la possession du propriétaire-cultivateur de son domaine, soit que ce propriétaire les ait livrés, comme une espèce de cheptel mort, à son fermier, pour être employés dans sa culture, et y rester attachés; parce que la loi ne fait ici aucune distinction, et que, dans l'un et l'autre cas, la destination étant la même, il en doit résulter le même effet.

122. Les semences données aux fermiers ou colons partiaires 1. Observons d'abord que le mot données ne doit être pris ici que comme synonyme des expressions livrées ou avancées; parce que, si l'on entendait le mot données dans toute la rigueur du terme, c'est-àdire si l'on supposait que le propriétaire eût fait un don réel des semences à son fermier, celui-ci se trouverait dans la même position que s'il les avait reçues ou achetées d'un autre, et il ne pourrait plus y avoir lieu à la fiction de la loi, puisqu'il n'y aurait rien à répéter de la part du maître.

Observons, en second lieu, que cette dis

D'après les principes du droit romain, les semences n'étaient immobilisées qu'au moment où la terre, qu'elles devaient fertiliser, les avait reçues : quæ sata sunt, solo cedere intelliguntur. (Instit., liv, 11, tit. 1, no 32.) Le Code civil, se déterminant par l'intérêt de l'agriculture, ne fait pas dépendre l'immobilisation du fait de l'incorporation, et n'exige que la destination intentionnelle. Dès que les semences ont été données au fermier ou colon partiaire, elles se trouvent, par cela même, immobilisées. Il n'est donc pas nécessaire, pour employer l'expression de Pothier, que les semences aient été jetées dans la terre pour qu'elles changent de nature. oignons de fleurs qui n'ont pas encore été plantés, les échalas des vignes qui n'ont pas encore servi, ne sont, dans les greniers et sous les hangars de la ferme, que des objets mobiliers; à la différence des semences ordinaires, immobilisées par le seul fait de la destination. Au fur et à mesure de la plantation ou de l'emploi, l'immobilisation se consomme; et, dès ce moment, la plantation ou l'emploi ne fussent-ils que d'un jour, son empreinte est ineffaçable. (Paris, 9 avril 1821, S., 22, 2, 165.) Des oignons une fois plantés, des échalas qui doivent être reposés, quand

Les

position ne doit point être appliquée à un simple prêt ordinaire de graines que le maître aurait fait à son fermier, lors même que celui-ci les aurait employées à ses semailles, parce que la qualité d'immeuble exige de la permanence dans la destination, ce qui ne résulterait point de la dation d'un simple prêt, sans autres circonstances propres à la faire présumer.

Nous devons donc entendre cette disposition, des semences avancées par le maître au fermier, soit lors de l'entrée en jouissance de celui-ci, soit à toute autre époque, mais sous la condition qu'il en laissera une pareille quantité lors de sa sortie, pour servir également de cheptel à son successeur.

Les semences ainsi livrées sont immobilisées, dans le sens que nous expliquerons bientôt, parce qu'elles sont destinées à l'exploitation du domaine, et que le fermier a dans la jouissance de cet objet les mêmes droits que dans celle du domaine.

En signalant comme immeubles les semences données au fermier, les auteurs du Code sesont servis de cette expression dans le même sens suivant lequel on dit donner ou bailler un domaine à ferme, parce qu'effectivement le preneur reçoit les semences qui lui sont avancées, comme étant une partie intégrante ou une condition de son bail.

La loi ne fait ici aucune distinction entre le fermier ordinaire et le colon partiaire, parce que la destination de la chose est la même à l'égard de l'un qu'à l'égard de l'autre, et que l'un comme l'autre ont également le droit d'en jouir.

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- Po

le moment du travail sera venu, sont pour toujours des dépendances du jardin où ils ont fleuri, du vignoble où ils se sont dressés. (Pali qui vineæ causâ parati sunt, antequam collocentur, fundi non sunt; sed qui exempti sunt hac mente ut collocentur, fundi sunt. L. 17, § 11; D., lib. xix, tit. 1, de Actionibus empti et venditi; thier, Traité de la Communauté, no 35.) Il n'en saurait être de même des arbustes qui, comme les orangers, sont implantés dans des caisses mobiles; ce n'est pas parce qu'ils ne sont destinés ni au service, ni à l'exploitation des parcs ou des jardins, que l'immobilisation ne leur prête pas son appui, car la même observation atteindrait les oignons de fleurs : la différence véritable, c'est que les arbustes encaissés n'ont aucune communication avec le sol. L'immobilisation des orangers ne peut donc pas, comme celle des oignons de fleurs, s'autoriser de cette plantation au moins intermittente que nulle fiction ne peut remplacer. (Pothier, Traité de la Communauté, no 34; - Lecocq, Traité des différentes espèces de biens, t. 2, p. 7; Delvincourt, t. 2, p. 292, aux explications; M. Duranton soutient l'opinion contraire, t. 4, p. 45.)

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Les semences employées par le propriétaire prennent aussi la qualité d'immeubles dès qu'elles sont jetées en terre, parce qu'alors elles restent unies au sol; mais celles qui sont avancées au fermier se trouvent, suivant l'expression de la loi, immobilisées dès qu'elles lui ont été données; et comme elles sont choses fongibles, c'est-à-dire choses dont le domaine passe entre les mains de celui qui les reçoit, avec droit de s'en servir, il faut en conclure que ce ne sont pas les semences mêmes physiquement considérées qui sont immobilisées, mais bien l'action en répétition qui appartient au maître qui les a livrées, contre le fermier qui les a reçues 1.

Il résulte de là que quand un étranger, c'est-à-dire un homme autre que le maître de la ferme, vient, en qualité de créancier du fermier, faire sur celui-ci une saisie mobilière de la moisson qu'il a récoltée, il est obligé de laisser, dans l'intérêt de la ferme, une quantité de graine équivalente à celle qui avait été avancée par le propriétaire pour servir de semence à la récolte saisie, puisque c'est là un objet qui, étant immobilisé, ne peut être mobilièrement saisi 2.

123. Les pigeons des colombiers. Dans le langage de la jurisprudence féodale, on ne donnait pas indistinctement le nom de colombier à tout édifice destiné à tenir des pigeons.

On appelait colombier proprement dit une tour en forme ronde ou carrée, garnie de boulins dans toute sa hauteur, c'est-à-dire garnie, dès le rez-de-chaussée en haut, de trous ou petites loges servant à recevoir les nids des pigeons.

On appelait au contraire volets ou fuies les lieux où l'on tenait des pigeons sans que les boulins régnassent dès le sommet jusqu'au rez-de-chaussée.

Ces distinctions et dénominations avaient été inventées pour marquer le privilége des seigneurs, qui, dans les provinces coutumières, avaient seuls le droit de posséder colombiers portant boulins jusqu'au rez-dechaussée.

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Cette distinction féodale est entièrement étrangère au langage du Code; elle n'avait mème déjà aucun rapport à la question qui nous occupe ici : car, comme le dit Dumoulin, les pigeons des volets ou fuies étaient aussi bien considérés comme immeubles, que ceux des colombiers proprement dits: Quia tunc idem dicendum, ut de majore columbario, quia istud est diminutivum seu parvum columbarium: et ita utitur in regno, et est rationabile; ex quo sequitur quod legatarius vel hæres mobilium, non poterit capere pullos columbarum existentes in toto columbario 3.

Nous devons donc entendre ici par colombier, dans le sens du Code, tout édifice ou toute portion d'édifice où l'on tient des pigeons ayant pleine liberté de sortir dans les temps fixés par les règlements d'administration publique 4.

Nous disons ayant pleine liberté de sortir dans les temps permis par les règlements; parce qu'une chambre ou toute autre pièce d'une maison, où l'on tient des pigeons, mais dont l'ouverture extérieure est perpétuellement grillée, de manière à les empêcher de sortir, n'est qu'une volière, et non pas un colombier.

Le Code ne déclarant immeubles que les pigeons des colombiers, il faut en conclure que ceux des volières conservent perpétuellement la qualité de meubles 5.

Cette destinction sort du texte même de la loi, parce qu'il n'est pas permis d'étendre les fictions au delà des cas pour lesquels elles sont formellement établies. Elle est d'ailleurs fondée sur deux motifs indiqués par la nature des choses.

Le premier résulte de ce que, les pigeons des colombiers se nourrissant d'eux-mêmes une partie de l'année, leur produit est comparable au fruit d'un fonds; tandis que, les pigeons des volières étant continuellement alimentés par la main du maître, ce qu'ils peuvent produire n'est que la compensation de leur nourriture.

Le second résulte de ce que, comme le dit

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Pothier, les pigeons de colombier, ayant leur liberté naturelle, ne sont pas, immediatè et per se, dans la possession de l'homme ce n'est qu'à raison du lieu où ils sont attachés par l'habitude du retour, qu'ils se trouvent dans le domaine du propriétaire du colombier; ils sont donc véritablement pour lui un accessoire de ce fonds 1.

Il en est autrement des pigeons de volière: ceux-ci, privés de leur liberté naturelle, sont absolument réduits en état de domesticité; ils sont immédiatement sous la main du maître, qui conséquemment les possède comme meubles 2.

124. On voit par là que la destination des pigeons de colombier est, quant au fonds auquel elle s'applique, bien différente de celle des animaux attachés à la culture, puisque les pigeons sont l'accessoire de la maison ou de l'édifice où est établi le colombier, et qu'au contraire les animaux de labourage ne sont que l'accessoire des terres cultivées : en sorte que, si le cultivateur n'a pas de maison, et qu'il soit obligé d'en louer une, les animaux qu'il y loge comme attachés à sa culture, n'en seront pas moins civilement immobilisés; tandis que s'il y place des pigeons, ils conserveront perpétuellement leur nature de meubles, attendu que, comme il a été dit plus haut, l'immobilisation ne peut résulter que de l'œuvre du maître du fonds.

Il résulte des principes que nous venons de développer, que le légataire des bâtiments l'est aussi du colombier qui y est établi, et des pigeons que le testateur y avait attrou

'Les animaux qui, livrés à eux-mêmes dans de vastes enceintes, ne peuvent tomber au pouvoir de l'homme que par la chasse ou la pêche, sont considérés comme des dépendances du parc, de la garenne, de l'étang qui les renferment et qui les nourrissent. Ces animaux n'ont point complétement perdu leur liberté. Ce n'est pas le maitre, c'est le fond qui les possède. Il en est de même des pigeons et des abeilles qui ne se rattachent au colombier et à la ruche que par l'habitude qu'ils ont prise d'y revenir. (Hennequin, p. 31.)

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Il y a des pigeons que l'on nomme pallus, qui, quoique habitant un colombier, semblent participer de la nature des oiseaux domestiques, car ils ne vivent que des grains que leur donne le maître et quittent à peine la basse-cour, tandis que l'autre espèce va chercher sa nourriture au Join dans les champs. - Cependant, l'art. 525 ne distinguant pas, nous les regarderous, dit Chavol, no39, comme immeubles; d'ailleurs, ils usent de toute la liberté que comporte leur nature; et s'ils passaient d'un colombier dans un autre, ils seraient comme ceux de l'autre espèce, acquis au propriétaire du colombier qu'ils seraient venus occuper, pourvu qu'il n'eût pas employé des moyens frauduleux à cet effet. ( Vinnius, Instit. de rer. div., § 15, no 1. Chavot, no 59.)

pés; et que, si l'on a seulement légué l'usufruit des bâtiments, l'usufruitier aura aussi la jouissance du colombier, comme partie accessoire du fonds, mais à charge de l'entretenir en même consistance jusqu'à concurrence du croit, comme s'il s'agissait d'un troupeau ordinaire;

Que le locataire qui, sans aucune réserve de la part du maître, a pris, par bail à loyer, une maison entière, où il y a un colombier établi, doit avoir aussi le produit des pigeons, comme étant le fruit d'une portion du fonds qui lui a été loué, à charge aussi d'entretenir l'établissement en bon père de famille.

123. Les lapins des garennes 3 sont aussi immeubles par destination. Cette disposition du Code est fondée sur les mêmes motifs que celle qui statue sur les pigeons des colombiers: c'est-à-dire que les lapins des garennes sont civilement immobilisés, soit parce que leur produit tient lieu des revenus du fonds sur lequel la garenne est établie, soit parce que, conservant une espèce de liberté naturelle, ces lapins ne se trouvent pas individuellement et immédiatement dans la possession de l'homme, et qu'ils ne sont dans le domaine du maître de la terre qu'à raison du fonds auquel ils sont attachés.

Il résulte de là qu'on doit aussi comparer les lapins de clapier, c'est-à-dire ceux qui ont été nourris en chambre et dans un état de domesticité absolue, aux pigeons de volière : en sorte que les uns comme les autres conservent leur qualité de meubles. 126. Les ruches à miel 4. Si les abeilles

Tant qu'ils se trouvent dans les garennes, les lapins sont considérés comme immeubles. Les lapins élevés dans des enceintes resserrées sont assimilés aux poissons des réservoirs, — L'habitude d'aller et de revenir, facilement contractée par les pigeons, ne se perd que rarement, tant que l'on n'emploie pas, pour les détruire, la fraude et l'artifice; aussi est-ce avoir bien connu la nature de ces animaux que de les avoir considérés comme une dépendance du colombier qu'ils ont adopté. Enfermés dans une volière, ils ne sont plus pigeons de fuie, et prennent la nature mobilière de leur prison. (Hennequin, p. 33.)

4 C'est par une double fiction, dit Hennequin, p. 33, que l'abeille se trouve immobilisée. Chose mobilière de sa nature, l'abeille ne se rattache qu'à un objet mobilier, puisqu'à la différence du colombier, la ruche ne fait pas partie du fonds. Cependant, qui pourrait dire que les essaims ne sont pas au premier rang des richesses de la terre qui les nourrit? La ruche n'est d'ailleurs pas mobile comme la caisse d'oranger. Fixée à perpétuelle demeure, d'intention du moins, elle est immeuble par destination, et peut communiquer sa naturalisation aux ouvriers ailés dont elle est l'habitation et l'atelier. (Voir Blackstone, tom. 3, chap. 25.) Il parait que les ruches à miel

n'étaient considérées que comme accessoire de la ruche, elles ne participeraient point à la qualité d'immeubles, parce que rien n'est plus portatif d'un lieu à un autre que le petit réduit où elles déposent les fruits de leurs travaux; mais tel est le caractère de ces animaux industrieux, que l'habitude du retour à l'endroit où ils ont été placés, les y rappelle si impérieusement, que, si la ruche est transportée ailleurs, ils s'égarent et se perdent, à moins que ce changement de place n'ait lieu au printemps, avant leur première sortie.

Les auteurs du Code ont donc dù les déclarer immeubles par destination, puisque la nature les a elle-même destinées à rester au même lieu.

Le retour des abeilles qui arrivent de la campagne, où elles sont allées chercher leur récolte et leur nourriture, aboutit tellement au point physique de départ qu'elles ont quitté le matin, que, pour peu que, dans l'intervalle de leur absence, on écarte leur ruche de sa position, elles ne la retrouvent point, ou ne la retrouvent que très-difficilement. Ce fait, par nous bien observé en 1793, lorsque nous habitions la campagne, nous servit à résoudre un problème curieux sur le régime de ces admirables insectes.

En supposant qu'on ait récemment recueilli dans le même rucher deux essaims dont l'un soit d'une population assez faible pour qu'il y ait lieu de craindre qu'il ne puisse pas amasser, durant le reste de l'été, un approvisionnement suffisant pour sa consommation durant l'hiver, et que l'autre essaim se trouve, au contraire, très-populeux, le problème consiste à faire émigrer une partie de la population de la ruche la plus forte dans celle qui est la plus faible, pour donner à celle-ci plus de force et d'efficacité dans les travaux de ses récoltes. Or ce problème se résout par un moyen fort simple, lequel consiste à changer de place les ruches

étaient considérées comme immeubles en droit romain, puisque la loi déclare que l'usufruitier d'un fonds doit également jouir des fruits des ruches à miel. (L. 9, § 1, ff. de usufructu et quem ad modum, etc. 17, 1).

C'est parce qu'ils ne forment qu'un tout indivisible avec les étangs, que les poissons se trouvent immobilisés. Aussi cette nature d'emprunt ne les suit pas dans les réservoirs où le maître les fait transporter.-Dans le réservoir ou dans le vivier, les poissons ne peuvent plus être considérés comme des dépendances d'une chose

* Coutumes de Paris, 91; de Normandie, 520; d'Orléans, 355.-Il n'est pas exact de dire que les poissons d'un étang jouissent de leur entière liberté, qu'ils ne sont plus in custodia nostra. Ce qui est vrai du colombier, de la garenne, ne l'est pas d'une construction

vers midi ou une heure d'un beau jour d'été : ce qui fera que les abeilles qui, sorties de la grosse ruche, seront allées en grand nombre aux champs dès le matin, revenant au rucher, se rendront positivement dans la petite ruche, dont l'entrée se trouvera placée au point d'où elles étaient parties le matin; et, par réciprocité, les abeilles sorties de la petite ruche dès le matin, viendront recruter dans la grosse, mais en nombre bien inférieur, ce qui opérera un nivellement d'égalité approximative entre le nombre des habitants attachés aux deux communes.

Il résulte de là que, par une conséquence de la nature des choses, on doit considérer les ruches d'abeilles non pas comme dépendance et accessoire du domaine en général, s'il est composé de la réunion de plusieurs pièces de terre en une seule exploitation, mais bien comme accessoire du seul fonds où elles ont été placées, puisque c'est par l'habitude du retour au même point, qu'elles font civilement partie du sol.

C'est par respect pour cette invariable règle domestique des abeilles, que la loi du 6 octobre 1791 sur la police rurale veut, sect. 3, art. 3, qu'on ne puisse les troubler dans leurs courses, et que, même en cas de saisie légitime, une ruche ne puisse être déplacée que dans les mois de décembre, janvier et février.

A quoi l'article 5 de la même section ajoute « que le propriétaire d'un essaim a le droit « de le réclamer et de s'en saisir, tant qu'il « n'a pas cessé de le suivre; qu'autrement «l'essaim appartient au propriétaire du ter<< rain sur lequel il s'est fixé. » Et cette disposition est parfaitement rationnelle, attendu que les abeilles ne sont corporellement reconnaissables par aucun signe extérieur.

127. Les poissons des étangs. La nature des choses nous ramène ici au même raisonnement que nous avons fait à l'égard des pigeons et des lapins 1.

foncière. L'expression de la loi est d'ailleurs positive. Ce sont les poissons des étangs qu'elle immobilise, ou pour mieux dire dont elle reconnaît et constate l'immobilisation *. Dès que l'étang est mis en pêche, le peuple qu'il renferme change de condition; son indépendance a cessé et son immobilisation avec elle. Dès que la bonde est levée, l'étang n'est plus qu'un vaste vivier dont l'épuisement rapide va bientôt livrer les poissons aux mains qui les attendent. Dès cet instant le poisson a repris sa nature et n'est plus qu'une chose mobilière. (Hennequin, p. 32.)

d'art si facile à surveiller. Ce qui est plus vrai, c'est que, dans l'étang, les poissons ont conservé quelque chose de leur liberté que le réservoir et le vivier leur font complétement perdre.

Les poissons croissent et multiplient dans les étangs où ils sont placés. Ce croit représente les fruits de l'immeuble entre les mains du propriétaire.

Tant que l'étang n'est point mis en pêche, les poissons conservent leur liberté naturelle. Dans cet état ils ne sont point immédiatement en la possession du maître; il n'en a le domaine qu'à raison de l'immeuble qui les nourrit et où ils fructifient on a donc dù les déclarer immeubles par destination.

Ainsi l'on ne doit point considérer comme immeubles les poissons qui sont dans un simple vivier ou réservoir, puisqu'ils se trouvent immédiatement et par eux-mêmes sous la puissance du maître 1.

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'Pisces qui sunt in piscina non sunt ædium, nec fundi. (L. 15., ff. de Act, empti el vend., 19, 1.) L'immobilisation par affectation est une idée très-élevée qui ne peut ressortir que du sein d'un système de fabrication déjà fort avancé.—La réunion de quelques artisans, l'ordre établi entre les esclaves appliqués à la fabrication, ne conduisaient pas encore à cette ingénieuse fiction, pensée vivifiante des temps modernes, qui cependant, dans l'intérêt de la justice et des tiers, a dû recevoir, comme l'immobilisation agricole, certaines limitations.-Ce n'est que dans un établissement industriel que l'immobilisation peut s'opérer. Des outils, des métiers, possédés par un artisan, à son domicile, et comme moyen d'exercer sa profession, conservent, entre ses mains, leur caractère mobilier. Ce ne sont en effet que des choses affectées au service d'une personne, et non pas à l'exploitation d'un fonds.-Le premier devoir du juge, dans ces sortes de questions, est donc de se fixer sur la nature de l'édifice où les instruments en litige se trouvaient placés. Certaines règles peuvent lui servir de guide. Des constructions élevées sur un cours d'eau, pour mettre à profit cette force motrice inhérente au sol, sont nécessairement des usines. Mais des doutes peuvent s'élever sur le caractère des bâtiments où l'industrie ne s'exerce qu'au moyen d'une force portative, comme la vapeur. C'est en raison de cette distinction que la jurisprudence a pu, sans contradiction, considérer des mécaniques à filer, tantôt comme les dépendances d'un immeuble, tantôt comme des valeurs purement mobilières. (Brux., 11 janv. 1812; Lyon, 8 déc. 1826;-S. 13, 226; 27,35.) Il ne faut pas, au surplus, penser que la présence d'un cours d'eau soit la condition nécessaire d'une construction industrielle : un bâtiment élevé dans l'intérêt d'une industrie spéciale, et qui ne pourrait pas recevoir utilement une autre destination, doit être rangé parmi les fabriques. Ainsi des cuves s'immobilisent dans un édifice transformé en un atelier de teinture par des travaux particuliers, tandis que des objets de même nature, placés dans d'autres circonstances, restent chose mobilière (Grenoble,26 fév. 1808; Dalloz, vo Choses, p. 67.)-Lorsque la destination industrielle de l'immeuble est certaine, l'immobilisation embrasse, sans distinction de grandeur ni d'adhérence, tout ce que réclame,

128. Ainsi encore, les poissons d'un étang cessent d'être immeubles, dès que la bonde de l'étang a été levée pour le mettre en pêche, parce qu'alors ils se trouvent arrêtés et mis sous la main du maître comme ceux qui sont en réservoir. Ils ne représentent plus qu'un fruit coupé pour la récolte.

Observons, en ce qui concerne généralement les pigeons, les lapins et les poissons, que ceux qui passent dans d'autres colombiers, garennes ou étangs, appartiennent au propriétaire de ces lieux, pourvu qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice (564).

129. Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes 2. Ces divers objets peuvent

comme agent nécessaire, le système particulier de fabrication. Cette règle, qui ressort nettement de l'art. 524, met un terme aux hésitations de l'ancien droit, qui, même dans les établissements industriels, semblait mesurer l'étendue de l'immobilisation sur les dimensions des instruments de travail, et sur la facilité plus ou moins grande de leur désassemblement et de leur déplacement. (Pothier, Traité de la Communauté, nos 49 et 50.) Il ne suffit pas, au surplus, que des moyens de fabrication soient déposés dans une usine pour qu'ils soient immobilisés. La destination ne peut s'appliquer qu'aux outils réclamés par l'exploitation comme condition d'existence. S'il en était autrement, les fabriques seraient une sorte d'asile où les débiteurs de mauvaise foi pourraient mettre leur mobilier industriel à l'abri des rigueurs de la saisie-exécution. La loi ne l'a pas voulu, puisqu'elle n'a concédé les immunités de l'immobilisation qu'aux ustensiles NÉCESSAIRES à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines (524); dans les manufactures comme dans les exploitations agricoles, il n'y a d'immobilisé que ce qui se trouve indispensable au travail.-La jurisprudence n'a jamais varié dans l'application de ces principes.-Des métiers à tisser sont placés dans une filature et se trouvent compris dans une saisie avec les machines à carder et à filer, ainsi qu'avec les meubles meublants; le débiteur, propriétaire, demande la nullité de la saisie, comme portant sur des objets devenus immeubles par destination.-La cour de Caen répond à cette demande en nullité par une distinction. « Considérant, porte l'arrêt, qu'en effet, d'après les dispositions de l'art. 524 C. civ., la loi déclare << immeubles par destination les ustensiles néces« saires à l'exploitation des forges, papeteries et << autres usines; mais que cette disposition ne « peut être étendue à des meubles qui ne sont « pas indispensables pour l'usage de l'usine, puis<«< que, suivant le principe posé par cet article, « il faut que les ustensiles soient placés par le propriétaire pour le service et l'exploitation du « fonds;-Considérant, dans l'espèce de la cause, « qu'il s'agissait d'une filature; que, dès lors, « les machines propres à carder, à filer, et autres « de cette nature, doivent être réputées immeu<< bles; mais qu'il n'en peut être ainsi des métiers « à tisser qui sont étrangers au service et exploi

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