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avoir la puissance de renverser ces droits, de re nouer les liens du mariage, de deshériter des ayantdroits! Lorsque les incapacités sont encourues, la grâce elle-même ne peut en relever le condamné (r); et la réhabilitation ne les fait cesser que pour l'avenir (2).

A la vérité, le gouvernement peut exercer la faculté que lui attribue le Code, avant la mise à exécu tion de la peine, avant que les incapacités n'aient été acquises, qu'elles ne soient irrévocables. Mais comment concevoir qu'une faculté aussi extraordinaire puisse être sérieusement exercée? Il dépendraît done du gouvernement d'ouvrir ou de fermer une succession, de continuer ou de dissoudre un mariage, de confirmer ou de suspendre les droits d'une épouse out d'un père? Nous ne pouvons admettre une telle puissance les droits des familles, les droits des tiers échappent au pouvoir d'une décision gracieuse. Si telle était, d'ailleurs, l'intention de la loi, si la mort civile paraissait trop rigoureuse pour la classe des condamnés auxquels s'applique la détention perpétuelle, n'eût il pas été plus rationnel d'accueillir l'amendement qui proposait de séparer ces deux peines? n'eût-il pas été plus facile de restreindre à quelques incapacités

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(1) Avis des comités réunis du Conseil d'Etat, du 21 déc. 1822, approuvé le 8 janv. 1823.

(2) Ait. 633 du C. d'inst. crim.'

nettement définies l'interdiction qui devait peser sur les détenus à perpétuité?

Nous sommes done amenés à penser que le 2o § de l'art. 18 doit conserver encore le sens que lui attribuait le législateur de 1810, que la faculté que ce paragraphe confère au gouvernement ne doit s'appliquer qu'aux droits civils à venir, et non à ceux que la mort civile a brisés; en un mot, qu'elle a pour but non de suspendre ou de limiter les effets de la mort civile, au moment où elle est encourue, mais de rendre au condamné l'exercice de ses droits civils pour l'avenir, lorsque la grâce vient mettre un terme à la peine afflictive et le restituer à la société, now Wh

Après la mort civile, se présente, parmi les peines privatives de certains droits, la dégradation civique et l'interdiction des droits civiques, civils et de famille. La première de ces peines, constituant dans certains cas une peine principale, et le Code l'ayant mise au nombre des peines infamantes, nous avons dû l'examiner dans notre chapitre V, et nous n'y reviendrons pas (1).

L'interdiction des droits civiques, civils et de famille est la suspension partielle de certains droits. que Fart. 42 du Code pénal énumère (2). Elle diffère de

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(1) Voyez suprà, pag. 163."

(2) Art. 42. « Les tribunaux jugeant correctionnellement, pour

la dégradation civique, 1o en ce que cette dernière peine est infamante et peut être prononcée comme peine principale, tandis que l'interdiction n'est qu'une peine accessoire et correctionnelle; 2o en ce que les incapacités que la dégradation entraîne, quoiqu'elles soient à peu près calquées sur celles de l'interdiction, sont cependant plus étendues et plus complètes; 3° en ce que ces incapacités forment dans la première de ces peines un ensemble compact et indivisible, tandis qu'elles se divisent au contraire dans la seconde, et peuvent ainsi s'approprier au caractère particulier de chaque délit.

Cette dernière différence est ce qui distingue surtout l'interdiction de la dégradation. Nous avons remarqué, en parlant de cette peine, combien était défectueuse cette application simultanée d'une foule d'incapacités dont quelques unes sont nécessairement. étrangères au délit qu'on veut atteindre. La sage

ront, dans certains cas, interdire, en tout ou en partie, l'exercice des droits civiques, civils et de famille suivans: 1o de vote et d'élection; 2o d'éligibilité; 3° d'être appelé ou nommé aux fonctions de juré ou autres fonctions publiques, ou aux emplois de l'ádministration ou d'exercer ces fonctions ou emplois ; 4o du port d'armes; 5o de vote et de suffrage dans les délibérations de famille 6° d'être tuteur, curateur, si ce n'est de ses enfans et sur l'avis seulement de la famille; 7o d'être expert ou employé comme témoin dans les actes; 8o de témoignage en justice autrement que pour y faire de simples déclarations.

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disposition de l'art. 42 du Code pénal permet un emploi plus judicieux de ces peines, dont il se borne à donner l'énumération : Le juge peut y puiser pour chaque espèce, et choisir celle qui lui semble la plus propre à réprimer le vice qu'il veut punir.

Du reste, comme les déchéances prononcées par l'art. 42, ont été textuellement transportées dans l'art. 34 qui définit les effets de la dégradation civique, nous ne reviendrons point sur ces diverses incapacités que nous avons déjà appréciées. Nous aurons seulement occasion, dans le cours de cet ouvrage, d'examiner si cette interdiction qui, aux termes de l'art. 45, ne peut être prononcée par Les tribunaux que lorsqu'elle a été ordonnée par une disposition particulière de la loi, a toujours été appliquée avec discer

nement.

Le Code pénal ajoute à ces incapacités une incapacité nouvelle qu'il a rendue spéciale pour les condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention temporaire et à la réclusion; il leur enlève l'administration de leurs biens; illes place en état d'interdiction légale (1).

Cette incapacité que la loi a réservée aux peines les plus graves, se prolonge et s'éteint avec elles.

(1) Art. 29. Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la réclusion, sera, de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale ; il lui sera nommé un tuteur et un subrogé-tuteur pour gérer et adminis

C'est une conséquence presque nécessaire des peines d'une longue durée et des peines perpétuelles. Il ne faut pas qu'un condamné puisse disposer de ses revenus et de ses biens quand il subit un châtiment sevère; il ne faut pas qu'il ait les moyens d'acheter à prix d'or une évasion, ou que par des profusions scandaleuses, il fasse d'un séjour d'humiliation et de deuil un théâtre, de joie et de scandale...

On a reproché à l'interdiction légale d'avoir manqué de prévoyance pour la famille du condamné. En s'attachant, en effet, aux termes des articles 30 et 31 du Code pénal, on pourrait en induire que la loi à voulu réserver à Finterdit la totalité des revenus, puisqu'elle prescrit au tuteur de lui en rendre compte à la fin de l'interdiction. Les intérêts et les revenus devraient donc s'accumuler et se réunir au principal; aucune portion n'en pourrait être distraite, même pour secours à la famille. A l'appui de cette interprétation, on a invoqué l'art. 475 du Code d'inst. crim. qui dispose, en faveur de la famille des contumax, que « durant le séquestre, il peut être accordé des

trer ses biens, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et subrogés-tuteurs aux interdis.

Art. 30. Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa peine, et le tuteur lui rendra compte de son administration. Art. 31. Pendant la durée de sa peine, il ne pourra lui être remis aucune somme, aucune provision, aucune portion de ses revenus.

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