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ment où il est commis. L'article abrogé a donc cessé d'être applicable même aux condamnés dont la surveillance est antérieure à l'abrogation.

Nous terminerons ce chapitre par une observation qui s'applique à toutes les interdictions de droits qui s'y trouvent traitées : c'est que ces incapacités, quelles qu'elles soient, cessent à la fois à la réhabilitation du condamné. « La réhabilitation, porte l'art. 633 du Code d'instruction criminelle, fait cesser pour l'avenir, dans la personne du condamné, toutes les incapacités qui résultaient de la condamnation. » Ainsi, cette heureuse institution laisse entrevoir aux yeux du condamné un terme à la perpétuité de ces privations souvent si pénibles.

Il est à regretter peut-être que cette faculté de la réhabilitation, à laquelle notre dernière loi pénale a apporté de notables améliorations, et qui pouvait exercer une si forte influence sur l'amendement moral des condamnés, soit encore entravée par trop de formes et de solennités.

CHAPITRE VII.

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Des condamnations pécuniairęs. — De l'amende. -Système du Code et rapprochemens des législations étrangères. Caractère pénal de l'ar mende. - Lois spéciales. - Questions diverses. - Des restitutions civiles et des dommages-intérêts.-Principes et application.-Des frais en matière criminelle, correctionnelle et de police. — Règles géné¬ rales. Examen de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine, -Articles 9, 10, 11, 51 et 52 du Code pénal.

Les condamnations pécuniaires comprennent l'amende, les restitutions civiles et les frais. Nous allons successivement parcourir les règles différentes qui s'appliquent à chacune de ces matières.

§ I. De l'Amende.

En France, cette peine paraît avoir pris son origine, moins dans les lois romaines que dans les anciennes compositions des Francs et des Germains. Ces

compositions, communes aux peuples barbares, et qu'on retrouve avec étonnement de notre temps dans les lois d'une nation civilisée, celles de la Chine (1), rachetaient à prix d'argent les crimes les plus graves, qui étaient ainsi amendables à volonté ; mais cet argent n'était pas entièrement pour l'offensé : une partie appartenait au roi ou au leude sur les terres duquel se rendait la justice (2). Or, quand les compositions furent abolies (3), cette portion, à laquelle le nom d'amende resta, fut maintenue « principalement, dit Muyart de Vouglans, pour indemniser le roi et les seigneurs des frais qu'ils sont obligés de faire pour la poursuite des criminels (4).

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L'amende, graduée dans une juste proportion, a des effets utiles, et convient parfaitement à une certaine classe de délits. Elle est divisible presque à l'infini elle descend jusqu'aux degrés les plus infimes de l'échelle pénale, et peut se trouver en rapport avec les délits les plus légers. Elle est réparable: Il ne s'agit que d'en effectuer le remboursement. Enfin, « il n'est

(1) Ta-tsing-leu-lée, ou Codé pénal de la Chine, traduit du chinois par Staunton, 1812, tom. I, pag. 11.

(2) Voyez Loiseau, Traité des offices, 1. I, ch. XIV, no 86 et suiv. Pastoret, Lois pénales, 2 p., ch. VIII.

(3) On en voit encore des vestiges au XIVe siècle. Voyez Ord. 3 mars 1356. Decrusy et Isambert, t. IV, p. 821.

(4) Lois crim., p. 84.

point de peine, dit Bentham, qu'on puisse asseoir avec plus d'égalité, ni mieux proportionner à la fortune des délinquans (1). » En effet, tout le mal produit par cette peine se réduit à une simple privation, à la perte de telle somme. Or, privez deux délinquans du dixième, du vingtième de leur fortune respective; que l'amende consiste, non dans la même somme no、 minale, mais dans une somme également proportionnelle à leur capital, la privation sera la même, l'égalité de la peine sera complète.

Mais, dans cette matière surtout, il y a loin de la théorie à l'application : cette égalité relative des amendes est l'un des problèmes les plus difficiles de la législation pénale. Tous les Codes ont eu pour but de le résoudre ; mais leurs dispositions sont insuffisantes, soit parce qu'elles sont trop vagues, soit parce qu'elles laissent trop de part à l'arbitraire.

Le droit romain posait des règles pleines d'humanité les amendes excessives étaient nulles de plein droit: mulcta immoderata et excessiva, ipso jure nulla est (2). Le juge pouvait en diminuer le taux et même en faire la remise: judex mulctam vel minuere, vel etiam remittere valet (3). Les pauvres en étaient

(1) Théorie des peines, pag. 340.

(2) Farinacius, de delictis et pœnis, quæst. XVIII, n° 29. (3) Ibid., no 55.

exempts: potest remitti ex causa paupertatis (1). Et dans ce dernier cas, la peine pécuniaire ne pouvait être convertie en peine corporelle (2). Enfin cette peine n'emportait jamais d'infamie par elle-même (3).

Cette dernière règle n'était point suivie dans notre ancienne législation : les amendes étaient infamantes toutes les fois qu'elles étaient prononcées sur une procédure extraordinaire (4). Du reste, presque toujours accessoires à d'autres peines, les amendes étaient en général ou fixes ou arbitraires dans ce dernier cas, le juge pouvait en mesurer la quotité suivant les circonstances, la nature du crime, et, comme l'ajoute Jousse (5), suivant la qualité de l'accusé.

Cet abandon des amendes à l'arbitraire du juge se retrouve dans plusieurs législations modernes. Le Code pénal d'Autriche reproduit souvent cette simple formule: Amende proportionnée aux moyens du

(1) Farinacius, de delictis et pœnis, quæst. XVIII. Tiraqueau dit également : « Mitius est agendum cum pauperibus quàm cum divitibus, cum agitur de pœnâ pecuniarià. » (De Pœnis temp., 137.)

(2) Farinacius, loc. cit., no 57, discute cette question et la résout négativement. Tiraqueau adopte cette solution: Propter inopiam solvendi mulctam non fit mutatio ipsius mulctæ in corpus.» (Loc. suprà cit.)

(3) Non mulcta, sed causa, infamiam irroga'. L. 4, § 4, ff. de his qui not. inf.

(4) Ord. de 1670, tit. 25.

(5) Just. crim., t. I, pag. 63.

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