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en dernier ressort, aux termes de l'art. 10, tit. 3 de la loi du 24 août 1790; et qu'ainsi l'appel u'en était recevable que pour cause d'incompétence, en ce que ce jugement aurait statué sur la propriété; máis que le tribunal de l'arrondissement de Lodève ne s'est pas borné à examiner le jugement sous le rapport de l'incompétence; qu'il l'a examiné en la forme et au fond; qu'en effet, il ne l'a pas annulé comme ayant été rendu irrégulièrement, en ce que, par contravention à l'art. 172 du Code de procédure civile, il aurait prononcé sur le principal sans avoir préalablement statué sur la compétence; qu'il a même décidé que la contestation sur laquelle il avait été statué était de la compétence des juges de paix, et qu'ainsi il a annulé pour toute autre cause que l'incompétence, un jugement. rendu en dernier ressort; d'où il suit qu'il a faussement appliqué et même violé l'art. 454 du Code de procédure civile, qu'il a expressément violé l'art. 10, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et conséquemment, qu'il a commis un excès de pouvoir : Casse, etc. >> 20. Lorsque l'action en désaveu d'un enfant a été rejetée en première instance par des fins de non recevoir, les juges d'appel peuvent, en infirmant, évoquer le fond et déclarer le désaveu fondé (1).

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Le tuteur de l'enfant de la dame Bougarel avait opposé à l'action en désaveu du sieur Bougarel, que la naissance avait été cachée, et que le demandeur n'avait pas articulé les faits devant servir à établir la non paternité. Un jugement admit ces deux exceptions; mais il fut infirmé, et la Cour d'appel ordonna la preuve des faits allégués par le sieur Bougarel. Un second arrêt du 28 juin 1811, statua au fond. Pourvoi en cassation; le tuteur se plaignait en la forme de la violation de l'art. 473 C. P. C. Le 8 juillet 1812, arrêt de la section'

civile par lequel;

« LA COUR, attendu que le tribunal de première instance avait consommé tout son droit en jugeant que

(1) Voy. suprà, p. 373, nos observations.

l'action introduite par le demandeur, était non recevable, et que l'art. 472 C. P. C., autorise, en pareil cas, la Cour d'appel qui réforme le jugement, à se retenir l'exécution de son arrêt, ou à renvoyer ceite exécution devant un autre tribunal que celui qui a rendu le jugement réformé. - Rejette. » 21. Les tribunaux d'arrondissement ne peuvent statuer au fond en annullant un jugement de justice de paix comme incompétemment rendu, lorsque la matière est pétitoire. C'est ce qui a été jugé le 30 novembre 1814, par arrêt de la Cour de cassation, section civile, ainsi conçu : LA COUR, vu l'art. 12 du titre 3 de la loi du 24 août 1790, et l'article 473 du Code de procédure civile; - Attendu qu'en jugeant que c'était une action pétitoire qui avait été portée devant le juge de paix du canton de Maubourguet, le tribunal de Tarbes a nécessairement décidé que ce juge de paix n'avait pas été compétemment saisi, et, par suite, que ce jugé n'avait pas rempli le premier degré de juridiction; que, cependant, le tribunal de Tarbes a prononcé, par nouveau jugement, sur le fond du droit; qu'en jugeant ainsi, le tribunal de Tarbes a privé le demandeur d'un second degré de juridiction; que ce n'était pas le cas de faire l'application à l'espèce, des dispositions de l'art. 475 du Code de procédure civile, qui ne dispose que pour celui où le tribunal de première instance aurait été compétemment saisi, et qu'il aurait épuisé le premier degré de juridiction; qu'il ne peut se juger sur l'appel que les questions qui auraient pu être jugées par le tribunal qui a rendu le jugement attaqué; que le tribunal de Tarbes a donc fait une fausse application du dit art. 473, et, par suite, a ouvertement violé la loi sur les degrés de juridiction; et attendu que l'annullation du jugement se trouve suffisamment déterminée par ce motif; qu'il devient dès lors inutile de s'occuper de la première ouverture de cassation tirée de ce que c'était réellement une action possessoire qui avait été portée devant le juge de paix; sans rien entendre préjuger sur cette question, casse et annulle le jugement

rendu par le tribunal civil de Tarbes, le 16 mars 1813.、

OBSERVATIONS.

Les 12 prairial an 8, 23 frimaire et 6 germinal an 2, et 7 frimaire an 13, la Cour de cassation, sous l'empire des anciennes lois, a décidé la question dans le même sens. M. Coffinières, en rapportant le premier arrêt dans la jurisprudence des Cours souveraines, v° appel, s'élève contre ce système en ces termes : « La question serait-elle jugée de la même manière aujourd'hui ? Je ne le pense pas. A la vérité, déclarer nul et incompétemment rendu un jugement de première instance, c'est juger que les parties n'ont pas légalement plaidé devant ce tribunal; c'est juger qu'elles n'ont pas encore joui, aux yeux de la loi, d'un premier degré de juridiction aussi est-il incontestable que, dans ce cas, les juges d'appel, remplissant en quelque sorte les fonctions de la Cour suprême, peuvent, en annulant le jugement qui leur est dénoncé, renvoyer le fond devant un autre tribunal du premier ressort.

Mais loin de leur faire une obligation de prononcer ce renvoi, le Code leur laisse au contraire l'alternative de retenir le fond de la cause, ou de s'en dessaisir, pour laisser aux parties la voie du réglement de juges. En effet, dans un article (l'art. 454), le législateur décide que l'appel est toujours recevable, lorsqu'il s'agit d'incompétence; et dans l'article 473, il permet aux Cours et aux tribunaux d'appel, de statuer sur le fond, lorsqu'ils infirment, soit pour vices de forme, soit pour toute autre cause, des jugemens défininitifs. Ainsi, puisque dans ce cas, le choix appartient aux tribunaux, on ne peut se faire un moyen de cassation contre leur jugement, ni de ce qu'ils se sont retenu la connaissance du fond, ni de ce qu'ils l'ont renvoyée devant un autre tribunal.

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Voy. aussi suprà, pag. 373, nos observations. Le 24 août 1819 (infrà no 26), la section des requêtes a rendu un arrêt qui ne nous paraît pas conforme à celui du 9 octobre

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1811; cependant il faut dire que lors de l'arrêt de 1819, les parties avaient conclu au fond, comme dans l'arrêt Ouvrard. 22. Les juges d'appel qui annullent un jugement parce qu'il a été rendu en vacation sans que la matière fút sommaire, peuvent retenir le fond (1).

Ainsi jugé par arrêt de la Cour de cassation, section des requêtes, qui rejette en ces termes, le 13 juin 1815, le pourvoi contre un arrêt de la Cour royale de Paris entre Aubé et Polignac. « LA COUR, attendu que les juges ne perdent point leur caractère ni leur pouvoir pendant la durée des féries et vacations légales; que lorsqu'ils négligent l'observation de ces féries et vacations, ils prononcent irrégulièrement; que cette irrégularité qui se rencontrait dans le jugement du tribunal de Meaux, du 16 septembre 1813, constituait un vice de forme; que la cour d'appel de Paris, qui a infirmé ce jugement pour vice de forme, trouvant la matière disposée à recevoir une décision définitive, a pu, conformément à l'art. 473, C. P. C., statuer définitivement sur le fond ainsi qu'elle l'a fait; Rejette. »

23. Les juges d'appel doivent en matière correctionnelle, en infirmant le jugement du tribunal de première instance qui s'est mal à propos déclaré incompétent, statuer sur le fond au lieu de renvoyer devant un autre tribunal. (Art. 213 et 214, C. P. C.) (2). .

Ce principe a été reconnu par l'arrêt suivant de la cour de cassation, section criminelle, en date du 5 avril 1816: « LA COUR, vu les art. 408 et 416 du Code d'instruction criminelle, attendu que le tribunal correctionnel de Chartres,

(1) Cet arrêt a été examiné deux fois par M. Carr., dans son Traité de compétence, t. 1, p. 175, no 92, et t. 2, p. 473, no 224; ce savant auteur en approuve la doctrine sur tous les points. On peut voir suprà, no 6, l'arrêt du 5 octobre 1808.

(2) Voy. un arrêt conforme de la cour de cassation du 4 juillet 1822 (J. A., t. 24, p. 226), et MM. MERLIN, t. 4, p. 905, et F. L., t. 1, p. 190, nos jer, 2 et 3.

saisi de l'appel du jugement du tribunal correctionnel de Châteaudun, avait reconnu la compétence de la juridiction correctionnelle sur les faits dout a été prévenu Pierre Rigot, qu'il avait reconnu la compétence du tribunal de Châteaudun à raison du lieu du délit ou du domicile du prévenu; que dès lors, infirmant le jugement du tribunal de Châteaudun, qui s'était déclaré incompétent à raison de la nature et des circonstances du fait de la prévention, il devait prononcer sur le fond de cette prévention, et qu'en renvoyant à un autre tribunal dans un cas qui ne rentrait dans aucun de ceux où le Code d'instruction criminelle ordonne aux tribunaux correctionnels jugeant sur appel de prononcer le renvoi, ce tribunal a méconnu et conséquemment violé les règles de compétence établies par la loi. Casse. »

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24. Les Cours peuvent évoquer le principal dans le cas où l'appel ne porte que sur un jugement qui statue sur une provision (1).

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· Arrêt de la cour de Metz du 16 août 1816, audience solennelle, conçu en ces termes : « LA COUR, sur les conclusions conformes de M. Pyrot, av. gén.; dans la forme, attendu qu'il suffirait qu'il y eût appel du jugement qui a refusé la provision, pour donner lieu à évoquer le principal, si la cause paraissait instruite et susceptible d'être jugée sur le champ, l'art. 473 du Code ne borne pas la faculté qu'ont les cours d'évoquer le principal des causes dont l'appel des jugemens sur des incidens porte la connaissance devant elles, au seul cas où il fût rendu un jugement interlocutoire; la loi embrasse tous ces cas, soit qu'il s'agisse de l'appel d'un jugement sur la compétence, soit qu'il soit interlocutoire, soit enfin qu'il s'agisse d'un jugement qui a prononcé sur des incidens de pure forme; Aussi, toutes les fois que les cours réforment, soit pour vice de forme ou pour toute autre cause, elles peuvent statuer au fond, et mettre un terme aux contestations

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(1) Voy, suprà, no 2, un arrêt contraire du 23 mars 1806.

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