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C'est ce que la Cour de cassation a jugé le 26 janvier 1806, dans les termes de la notice.

4. Lorsque la cause est en état sur le fond, les juges d'appel peuvent se dispenser d'ordonner des défenses (1). 5. On peut adjuger une provision pendant une instance en désaveu de paternité, et le jugement peut être dé

claré exécutoire sans caution.

6. Le jugement qui accorde une provision à l'enfant dont la légitimité est contestée, ne préjuge rien sur le fond. 7. Les héritiers qui contestent la légitimité d'un enfant, peuvent être condamnés solidairement au paiement d'une provision.

Les parens collatéraux du sieur Frédy, décédé, contestaient la légitimité d'un enfant dont sa veuve était accouchée 10 mois et 14 jours après le décès. Un jugement du 2 février 1807, avant dire droit et sans préjudice des parties, condamna solidairement les héritiers à payer à l'enfant une somme de 600 fr. de provision; le tribunal ordonnait en même-temps que ce jugement serait exécutoire sans caution. Appel par les héritiers, et le 6 avril 1807, arrêt de la Cour d'Aix ainsi conçu : LA COUR, considérant que la cause étant suffisamment instruite sur l'appel au fond, il n'y a pas lieu à s'occuper de la demande en surséance formée par les appelants; Considérant, que l'enfant dont l'état est contesté par les héritiers du sang ou par les collatéraux, a droit à une provision sur les biens de la succession pour ses alimens, d'après la règle satius est enim qui fortè filius non est ali, quàm eum qui fortè filius est fame necari; Qu'en déclarant que la légitimité de l'enfant né 300 jours après la dissolution du mariage, pourra être contestée, l'art. 315, C. C., ne décide rien d'absolu sur ce point, et la légitimité pouvant être admise ou rejetée, la présomption est, pendant procès, d'après Domat, lois civiles, t. 1, p. 364, que l'enfant est légitime; Que l'art. 318 du même code, en exigeant que l'action en désaveu soit dirigée contre un tuteur ad hoc chargé de défendre l'état et les droits de l'enfant, a implicitement autorisé le tuteur à demander des provisions pour remplir l'objet de la mission à laquelle il est appelé ; - Que l'adjudication d'une provision ne préjuge rien en pareil cas, attendu le motif qui la fait accorder, ce que d'ailleurs le tribunal du Puget-Theniers a déclaré expressément dans le jugement

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(1) Tel est aussi l'avis de M. CARR., t. 2, p. 203, no 1659.

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dont est appel; - Considérant que, par la nature de la provision accordée au tuteur de la mineure, ce dernier a pu être dispensé de fournir cau tion ; en matière d'alimens, celui qui les obtient n'y est pas obligé, la pauvreté de la mineure dont les appelans excipent pour soutenir que cette caution aurait dû être ordonnée est précisément le motif qui l'en affranchit, quia nec facile fidejussorem invenire potest, qui bona nulla habet. Que cette matière a été consacrée par l'art. 135, C. P. C., qui autorise les juges à prononcer sans caution l'exécution provisoire nonobstant appel, pour les pensions et provisions alimentaires, et que si, comme l'a observé l'orateur du gouvernement sur cet article: «Il ne faut pas que celui qui se touverait hors d'état de fournir une caution, soit privé du bienfait de l'exécution provisoire, quand elle est reconnue nécessaire. Ce principe de justice doit bien mieux recevoir son application lorsque le défaut de caution priverait l'enfant, dont l'état est contesté, des moyens de se défendre, et rendrait par là inutile la protection dont la loi a voulu l'environner en exigeant qu'il lui fût donné un tuteur ad hoc, si elle dépendait de la possibilité où le tuteur pourraît être de donner caution ou non. » Considérant que, quoique, en règle générale, les actions se divisent entre co-héritiers, il y a néanmoins exception à cette règle, lorsqu'il résulte de la chose qui fait l'objet soit de l'obligation, soit de la fin qu'on s'est proposée, que la dette ne peut s'acquitter partiellement (art. 1221, C. C. ); — Qu'en matière d'alimens le juge peut accorder cette action solidaire contre les co-héritiers lorsque surtout le nombre en est considérable, comme dans la cause actuelle et qu'il serait fort incommode au créancier de recevoir le paiement des alimens en plusieurs parties; —Que d'ailleurs, les appelans, tant que la question de la légitimité de la fille de la veuve Frédy est indécise, doivent moins être regardés comme des cohéritiers proprement dits, que comme des détenteurs de l'hoirie sur laquelle la provision doit être prise. Met l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son effet, etc., etc. »

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8. Un tribunal de commerce ne peut, par un second juge

ment, ordonner l'exécution provisoire qu'il a omis de prononcer dans le premier. (Articles 457 et 458, C. P. C.) (1)

Par jugement du tribunal de commerce de Liége, le sieur Lemaire avait été condamné à payer au sieur Serey une somme assez considé

(1) Voy. infrà, no 52 ; l'arrêt du 16 septembre 1813, et M. B. S. P., p. 57, note 1; M. Lep., p. 390, adopte la décision de cet arrêt.

rable.

Le premier ayant interjeté appel de ce jugement, le sieur Serey se pourvut devant le tribunal de commerce pour en faire ordonner l'exécution provisoire qui fut en effet prononcée par ce tribunal. Ce nouveau jugement fut encore attaqué et argué de nullité pour excès de pouvoir et incompétence. Le 29 juin 1807, arrêt de la Cour d'ap

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que

pel de Liége qui prononce en ces termes : LA COUR, vu les art. 457 et 458, C. P. C. Attendu le tribunal de commerce avait pro noncé sur le fonds, sans ordonner l'exécution provisoire de son jugement; que c'est seulement après l'appel interjeté qu'il a porté un second jugement qui ordonne l'exécution provisoire du premier;Attendu qu'il résulte des articles ci-dessus cités, que lorsque l'exécution provisoire n'a pas été prononcée dans le cas où elle était autorisée, l'intimé doit la faire ordonner par la Cour et non par le premier juge qui, ayant fini ses fonctions, ne peut plus rien statuer au préjudice de l'appel; Attendu qu'en instance d'appel, l'intimé n'a pas conclu à ce que la Cour ordonnât l'exécution provisoire dudit jugement; motifs, déclare nul ledit jugement et tout ce qui s'en est suivi. » 9. Un jugement commercial qui rejette une fin de non-recevoir et ne prononce d'ailleurs aucune condamnation pécuniaire, peut être exécuté par provision, nonobstant l'appel et sans caution. ( Art. 439, C. P. C.) (1)

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Par ces

C'est ce qu'a jugé en ces termes la Cour de Rouen, le 3 juillet 1807. 10. Lorsque l'exécution provisoire est ordonnée par la loi, on n'a pas besoin de la faire ordonner par la cour d'appel: spécialement, s'il s'agit d'une sentence arbitrale, en matière d'assurance. (Art. 439, 458, C. P. C.) L'article 458, C. P. C., pourrait donner lieu à quelque doute sur cette question. Voici comment s'exprime cet article: Si l'exécution provisoire n'a pas été prononcée, dans les cas où elle est autorisée, l'intimé pourra, sur un simple acte, la faire ordonner à l'audience, avant le jugement de l'appel. » Il faut observer que le législateur se sert du mot autorisée, et désigne ainsi les cas dans lesquels il est laissé à la prudence des juges, d'accorder ou de refuser l'exécution provisoire; car il est inutile d'ordonner de nouveau une chose qui est déjà ordonnée par la loi, une chose qui est de plein droit: ce serait exposer les parties à

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(1) Voy M. CARR., t. 2, p. 99, note 1, 3o. Voy. aussi infrà, n° 14', l'arrêt du 9 décembre 1807.

des frais inutiles; et une telle pensée n'a pu entrer dans l'esprit du légis

lateur. (Coff.)

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Les sieurs Barrabe et compe., assureurs du navire Le Roi Maure, sont condamnés à payer 23,000 fr. au sieur Lebarrois d'Orgeval par jugement arbitral du 15 juillet 1807. – Appel de leur part, et demande à la Cour, de la part de l'intimé, de l'exécution provisoire dudit jugement. En cet état, la Cour de Rouen a rendu, le 3 novembre 1807, un arrêt conçu en ces termes :- «LA COUR, vu que le jugement dont est appel, a été rendu en matière commerciale et maritime; vu l'art. 4 du titre 12 de la loi des 16 et 24 août 1790; Vu l'art. 439, C. P. C., et enfin, vu l'art. 74 du titre 6 des Assurances, ainsi conçu: « Les sentences arbitrales seront exécutées, nonobstant l'appel, en donnant caution devant les juges qui les auront homologuées»; vu que de ces divers articles de loi, il résulte, qu'en matière commerciale, notamment en matière d'assurance, les jugemens sont, de droit, exécutoires par provision, en don nant caution, et que le juge n'a aucune autorisation à prononcer sur cette exécution de droit, que la loi elle-même autorise; dit à tort la poursuite du sieur Lebarrois, aux fins de faire prononcer cette exécution provisoire, l'en déboute et le condamne aux dépens de l'incident. OBSERVATIONS.

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L'exécution provisoire est quelquefois prononcée par la loi ellemême; on en trouve des exemples dans les art. 17, 263, 276, 840 et 848, C. P. C.; c'est dans ces cas que, suivant l'arrêt que nous venons de rapporter, il est inutile de faire suppléer par la Cour d'appel à l'omission des premiers juges. Tel est aussi l'avis de MM. CARR., t. 1, p. 327, no 581, et t. 2, p. 202, no 1656; F. L., t. 3, p. 162, v° Jugement, sect. I, §11; et DELAP., t. 2, p. 18.

Cet arrêt préjuge, comme on le voit, la question de savoir si, parmi les cas où l'exécution provisoire a lieu de plein droit, il faut ranger celui où le jugement émane d'un tribunal de commerce. Sur cette question, voy. infrà, no 14, l'arrêt du 9 décembre 1807.

Voy. aussi les arrêts des 14 décembre 1808 et 9 juillet 1810, infrà, n° 21 et 30.

11. On ne peut ordonner l'exécution provisoire sans caution d'un jugement qui prononce la validité d'un testament, lorsque ce testament est argué de vices, qui, s'ils sont prouvés, doivent détruire son authenticité ? (Art. 135, C. P. C.)

Le sieur Lunel avait par son testament institué son épouse héritière

universelle.

Les héritiers, ab intestat, arguent ce testament de nullité devant le tribunal, qui rejette ce moyen et ordonne en même temps l'exécution provisoire de son jugement; Sur l'appel de la part des héritiers qui attaquent principalement la disposition relative à l'exécution provisoire, la Cour de Nîmes statue en leur faveur le 18 novembre 1807, ainsi qu'il suit : — « LA COUR; considérant que, d'après l'art. 135 C. P. C., l'exécution provisoire des jugemens de première instance n'est ordonnée, sans être soumise au bail de caution, que lorsque le titre est authentique; que le titre n'est authentique, aux termes de l'art. 1317 C. C., que lorsqu'il est revêtu des solennités requises; que les vices reprochés au testament de David Lunel, du 5 août 1806, notaire Blain, consistant essentiellement en des points qui touchent à son anthenticité, puisque les nullités alléguées par les successibles naturels, proviennent de ratures, surcharges et additions, non approuvées par le notaire recevant, ni par les témoins ; que l'objet de la contestation étant dans l'authenticité du titre, ce serait préjuger le fond, que d'en ordonner l'exécution; que, s'agissant ici d'une succession considérable, qui, de l'aveu des parties, ne consiste qu'en objets mobiliers, marchandises, papiers et effets de commerce; et la veuve Lunel, instituée par ce testament, n'offrant pas une solvabilité suffisante pour en répondre, ce serait rendre absolument illusoires les effets de l'appel des héritiers légitimes, et les priver d'un degré de juridiction qui leur est assuré par la loi, pour y contester l'authenticité du testament, que d'en maintenir l'exécution provisoire sans caution, ainsi que l'a autorisée le premier juge, puisqu'elle pourrait, avant le jugement de l'appel, avoir diverti tout ce qui compose la succession de son mari; - par ces motifs, sans préjudice de l'appel et du droit des parties au fond, maintient l'exécution provisoire, à charge par la veuve de donner caution, conformément aux articles 2018 et 2019 C. C.,

OBSERVATIONS.

Il faut voir, infrà, no 58, l'arrêt du 4 mars 1817, qui pose en principe qu'on ne peut ordonner l'exécution provisoire lorsque le titre est contesté. Ce principe, adopté par les commentateurs que nous citons, en rapportant l'arrêt, ne doit pas cependant être trop étendu : il serait facile d'en abuser en contestant un titre incontestable, uniquement dans le but d'empêcher l'exécution provisoire.

L'arrêt ci-dessus semble avoir pris un terme moyen, en permettant l'exécution provisoire, mais à la charge de donner caution; cette décision est appprouvée par MM. CARR., t. 1, p. 328, not. 2; PIG. Comm, t. I,

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