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17. L'expertise peut être requise par la régie de l'enregistrement, même lorsque les immeubles sont évalués par quinze fois la valeur du revenu établie au rôle de la contribution foncière. (Art. 2165 C. C. et art. 15, no 7 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7.)

Bogaert avait estimé les biens de la succession de son père d'après le rôle de la contribution foncière: la régie demanda une nouvelle expertise, à la quelle Bogaert s'opposa. Le tribunal de Gand jugea d'après le système de Bogaert, et rejeta la demande de la régie. Pourvoi en cassation de la part de la régie, pour violation des art. 15, nos 7 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7, et fausse application de l'art. 2165 C. C.; et le 4 août 1807, la Cour de cassation rendit l'arrêt suivant : < LA COUR; Attendu que selon les art. 15 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7, ci-dessus cités, les droits de mutation à raison de successions doivent se payer d'après la véritable valeur des immeubles, sans distraction des charges; qu'il est de notoriété que cette véritable valeur des immeubles ne se trouve pas dans les rôles de la contribution foncière, où l'évaluation est faite tout au plus par approximation, et souvent au dessous du vrai prix de l'immeuble; Attendu que si dans le cas de l'art. 2165 C. C. la valeur déterminée dans les rôles des contributions foncières est suffisante pour fixer l'étendue de l'hypothèque duc à des créanciers, c'est que la modicité de cette évaluation ne leur nuit pas, et que le débiteur aurait d'autant plus mauvaise grâce de s'en plaindre, que plus l'évaluation est modique, moins il paie de contribution; d'où il suit que le jugement attaqué, en refusant l'expertise dont il s'agit, a fait une fausse application de l'art. 2165 C. C., et violé les art. 15 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7; Casse, etc. D

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18. En matière d'enregistrement les juges sont obligés de suivre l'avis des experts. (Art. 323, C. P. C.) (1).

Le 2 frimaire an 13, vente d'une maison par Felderhoff, à Elsberg, moyennant 2,000 fr. La régie demande un supplément d'enregistrement avec double droit: nomination d'experts; deux d'entre eux estiment la maison 2,280 fr., et l'expert de la régie la porte à 7,000 fr. Il n'y a de différence, quant aux effets de l'opération, que relativement à la quotité de plus value, qui demeure d'ailleurs constante.-Jugement du tribunal de Clèves qui rejette la demande de la régie; cette dernière s'est pourvue, et

(1) Voy. M. CARR., tom. 1, p. 762, no 1220; B. S. P., p. 507, not. 30 5o; F. L., tum. 4, pag. 709, et HAUT., pag. 178. Cependant voy. supra, n° 9, l'arrêt du 9 brumaire an 14.

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le 7 mars 1808, la Cour de cassation a cassé le jugement, en rendant l'arrêt suivant : « LA COUR; Vu l'art. 17 de la loi du 22 frimaire an 7, et l'art. 5 de celle du 27 ventose an 9; Attendu que, si, en thèse générale, les juges peuvent quelquefois s'écarter de l'opinion des experts, cette faculté cesse quand la loi a indiqué l'expertise conime moyen spécial de vérifier le fait;- Attendu que, dans l'hypothèse actuelle, de trois experts, deux s'accordaient pour estimer 2,280 fr. la maison vendue à Elsberg, pour 2,000 fr. seulement, c'est-à-dire 30 fr. au-delà du huitième en sus du prix exprimé au contrat ; qu'ainsi on ne pouvait pas, sans violer les articles cidessus, affranchir ledit Elsberg du paiement des frais de l'expertise, et du double droit d'enregistrement sur le supplément de l'estimation;

etc.»

Casse,

19. Le jugement qui nomme d'office des experts doit désigner leurs noms et professions, à peine de nullité, réparable seulement par la voie de l'appel. (Art. 305, C. P. C.) (1).

20. Lorsque les parties ne sont point convenues de leurs experts, il n'en peut étre nommé d'office qu'autant qu'il leur a été enjoint de le faire dans les trois jours et déclaré que faute de le faire il y serait procédé d'office. (Art. 305, C. P. C.) (2).

Ainsi jugé par arrêt de la Cour de Bruxelles, le 6 août 1808, comme suit : « LA COUR ; Attendu que le premier juge a désigné dans son jugement trois experts, Gand, Aloste et Termonde, à l'effet d'estimer les répations faites au cabriolet dont s'agit, sans faire aucune mention de la profession ni des prénoms de deux d'entre eux, et qu'une désignation aussi vague devait mettre l'appelant, qui est domicilié à Bruxelles, dans l'impossibilité de proposer contre eux des moyens de récusation, si aucuns il avajt, conformément à l'art. 209, G. P. G.; - Attendu que ce jugement était définitif, et qu'ainsi il ne pouvait plus appartenir au premier juge d'y rien ajouter, d'autant plus qu'il ne s'agissait pas ici d'interpréter en termes d'exécution une disposition qui pouvait présenter quelqu'obscurité, mais de suppléer à une omission faite dans le jugement susdit; d'où il suit que

(1) Suivant M. CARR., tom. 1, pag. 736, no 1164, cette décision n'est juste qu'autant qu'il résulte des circonstances que les parties n'ont point connu les experts. Voy. infra, no 30, l'arrêt du 15 mai 1810.

(2) Voy. infra, no 38, l'arrêt du 11 février 1811.

l'appelant, qui avait intérêt à ce que cette omission fût réparée, a pet dû même s'adresser, à cet effet, au juge supérieur, et qu'ainsi l'appel est recevable ;-Attendu que, les parties n'étant point convenues d'experts, le tribunal aurait dû, par son jugement, d'après le prescrit de l'art. 305 du Code susdit, leur enjoindre d'en nommer dans les trois jours de la signification, à défaut de quoi il aurait été procédé par des experts nommés d'office par le même jugement; — Attendu que le premier juge n'a pas suivi cette marche, et qu'après que le demandeur ici appelant eut désigné trois experts à l'audience, sur le refus du défendeur d'en faire de même, il a d'emblée nommé trois experts d'office, sans prendre d'ailleurs égard à la présentation faite par ledit demandeur ; Attendu que cette irrégularité dans la marche de la procédure, jointe a l'omission commise par le juge dans la désignation des experts par lui commis, suffisent pour justifier l'appel du demandeur; Par ces motifs, recevant l'appel et y faisant droit, met l'appellation et ce dont est appel au néant; -Emendant, évoquant, avant de statuer au principal, ordonne aux parties de nommer de concert dans le délai de trois jours de la signature du présent arrêt, trois experts, pour estimer la valeur des réparations faites au cabriolet dont s'agit; sinon et à défaut de ce faire par les mêmes parties, déclare dès à présent pour lors que dans le délai de trois semaines, il sera procédé à Bruxelles, et dans le local à ce désigné par l'intimé, à cette opération par les sieurs, etc.» 21. Loi du 15 novembre 1808, relative aux demandes en expertise d'immeubles situés dans le ressort de plusieurs tribunaux.

ART. 1er.

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Lorsque, dans les cas prévus par les art. 17, 18 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7, il y aura lieu à expertise de biens immeubles situés dans le ressort de plusieurs tribunaux, la demande en sera portée au tribunal de première instance dans le ressort duquel se trouve le chef-licu de l'exploitation, ou, à défaut du chef-lieu, la partie des biens qui présente le plus grand revenu, d'après la matrice du rôle. Ce même tribunal ordonnera l'expertise partout où elle sera jugée nécessaire à la charge néanmoins de nommer pour experts des individus domiciliés dans le ressort des tribunaux de la situation des biens, et il prononcera sur leur rapport. Les experts seront renvoyés pour la prestation du serment, devant le juge de paix du canton où les biens sont situés.

2. Il n'est rien innové en ce qui concerne les expertises d'immeubles dont le mutation s'opère par décès, et dont la déclaration se fait au bureau dans l'arrondissement duquel ils sont situés.

22. Après une expertise, ayant pour objet une vente

faite pendant le cours du papier-monnaie les juges peuvent fixer d'office le prix en numéraire de l'immeuble. (Loi du 16 nivose an 6.) (1).

Ainsi jugé le 14 décembre 1808, par la cour de cassation, en ces termes, — « LA COUR; Attendu que la loi du 16 nivose an 6, qui prescrit aux experts le mode de leurs opérations, ne déroge d'ailleurs, dans aucune de ses dispositions, à un principe général consacré depuis par l'art. 323, C. P. C., que, pour fixer le résultat d'une expertise, les juges ne sont jamais astreints à suivre l'opinion des experts si leur conviction s'y oppose. »

23. Lorsqu'il y a bail authentique portant estimation des biens, on ne peut contraindre la régie à avoir recours à la voie de l'expertise pour fixer le droit de mutation (2).

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PREMIÈRE ESPÈCE.-La veuve de Joseph Baron et les héritiers de ce dernier avaient fixé par leurs déclarations le revenu du château de Mornac, savoir, les uns à 300 francs, l'autre à 500; cette dernière somme était fixée par un bail authentique du 27 novembre 1803. La régie, éveillée par cette différence, décerna une contrainte contre les héritiers qui demandèrent une expertise. 4 décembre 1806, jugement du tribunal de Marennes qui ordonne que la régie se contentera du droit perçu, sinon qu'elle fera procéder à une expertise, si elle le juge à propos ; pourvoi en cassation de la part de la régie pour violation des art. 15, nos 7 et 19 de la loi du 22 frimaire an 7, et le 13 février 1809, la cour de cassation a rendu l'arrêt suivant: LA COUR, vu les art. 15, nos 7 et 19, de la loi du 22 frimaire an 7; tendu qu'il existait dans l'espèce un bail authentique, et non encore expiré, qui déterminait d'une manière légale le revenu du domaine de Mornac; Attendu que la résiliation prétendue de ce bail n'est pas préalablement justifiée ; — Attendu, enfin, que dans cet état de chose, le tribunal civil de l'arrondissement de Marennes n'a pu, sans violer les articles précités de la loi, admettre, au profit des défendeurs à la cassation, le mode d'expertise que la loi n'autorise qu'à défaut de baux ou autres actes authentiques constatant le véritable revenu des biens; Par ces motifs, casse et annule le jugement du tribunal civil de Marennes du 4 décembre 1806. » DEUXIÈME ESPÈCE. Le même principe se trouve consacré dans l'arrêt suivant de la cour de cassation, du 13 décembre 1809, ainsi conçu : — « La

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(1) Voy. supra, no 3, l'arrêt du 13 pluviose an 11. (2) Voy. supra, no 14, l'arrêt du 27 avril, 1807.

COUR; vu les art. 15, nos 4, 17, 61, 69, § 5, no 5, de la loi du 22 frimaire an 7, et attendu que, dans l'espèce, il s'agissait d'un véritable contrat de change, avec retour pour les plus fortes parties, et qu'il résultait du bail du do. maine de la Gauronnière, qu'il avait été faussement évalué; que le droit avait été perçu d'après cette fausse évaluation; Attendu que la régie de l'enregistrement avait deux années pour demander le supplément de droits, et qu'elle a intenté action avant l'expiration de ce délai ; - Attendu que le jugement dénoncé, en décidant, d'après l'art. 17, que cette action ne durait qu'un an, et que la fausse évaluation n'aurait pu être constatée que par la voie de l'expertise, a fait une fausse application de cet article, et a contrevenu tant à l'art. 61, qu'au nombre 4 de l'art. 15, et au no 3, §. 5, de l'art 69, de ladite loi du 22 frimaire an 7, puisqu'il résulte de l'article 61, que l'action de la régie avait été exercée dans le délai utile et qu'elle avait dû être jugée d'après les dispositions de l'art. 16, no4, et celles de l'art 69, § 5, no 3 de la même loi; Casse, etc.. 24. Les tribunaux ne peuvent surseoir à une expertise demandée par la régie de l'enregistrement, sous le prétexte d'une surenchère ; elle doit toujours étre ordonnée dans les dix jours de la demande. (Art. 17, 18, 59 de la loi du 22 frimaire an 7. ) (1).

PREMIÈRE ESPÈCE. Le sieur Riquebourg achète le 22 janvier 1807, la moitié d'une maison sise à Paris, moyennant 80,000 francs; un créancier surenchérit, la régie demande une expertise, Riquebourg demande un sursis 20 février 1808, jugement du tribuPourvoi en cassation de la part

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en alléguant la surenchère;

nal de la Seine, qui ordonne le sursis; de la régie pour violation des art. 17, 18 et 59, de la loi du 22 frimaire an 7, et le 3 mai 1809, la cour de cassation rend l'arrêt suivant : « LA COUR, vu les art. 17, 18 et 59 de la loi du 22 frimaire an 7, et attendu que de la combinaison de ces articles et de la généralité de leurs expressions, qui ne permettent ni exception, ni modification, il résulte évidemment que l'expertise est le moyen spécial indiqué par la loi pour connaître la vraie valeur d'un immeuble vendu ;- Que cette expertise ne peut, en aucun cas, éprouver le moindre retard, puisqu'elle doit être ordonnée dans les dix jours de la demande, et que tout ce qui tend à suspendre la perception du droit est interdit généralement et dans tous les cas; et qu'ainsi, il n'est permis de surseoir, sous aucun prétexte, à l'expertise demandée conformément à l'art. 17; Attendu que la surenchère qui a servi de base au

(1) Voy, supra, no 13, l'arrêt du 4 février 1807.

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