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marqué pour reprendre la direction des affaires. Les libéraux avaient toutefois encore la ressource de se figurer qu'ils avaient été victimes d'une surprise; ils se plaisaient à croire que le pays s'était laissé tromper, que les catholiques revenus au pouvoir ne tarderaient pas à compromettre et à perdre par leurs fautes une victoire éphémère. Leurs calculs ne se sont pas précisément vérifiés. Deux années se sont écou lées sous un ministère catholique; le scrutin s'est rouvert il y a quelques jours, le 8 juin, pour une nouvelle réélection partielle de la chambre des représentans belges, et cette fois la défaite est plus accablante encore qu'il y a deux ans. Les libéraux avaient cinquante-deux représentans dans la dernière chambre, ils n'en ont plus que quarante et un et peut-être trente-neuf. Les catholiques sont au nombre de près de cent; ils ont dans le parlement une majorité qui dépasse toutes les majorités qu'ils ont eues depuis 1830. Le mouvement conservateur persiste et continue par le désastre aggravé du parti libéral. Cette évolution d'opinion accomplie en pleine liberté publique ne peut donc plus passer comme il y a deux ans pour une surprise.

Elle a plus d'une raison, elle a d'abord son explication dans les fautes que les libéraux ont commises quand ils étaient au pouvoir, dans leurs abus de domination, leurs guerres aux croyances et leurs dépenses imprévoyantes, dans les gages qu'ils ont donnés au radicalisme tout en prétendant se séparer de lui. Ce sont les libéraux qui ont préparé leur propre défaite; ce sont les radicaux qui l'ont précipitée et aggravée depuis deux ans par leurs agitations, par leurs jactances anarchiques, par leurs propagandes, et ii n'est point douteux que les mouvemens révolutionnaires qui se sont produits il y a quelques mois ont singulièrement servi à réveiller, à accentuer les sentimens. conservateurs du pays. C'est une explication évidente; mais il y a une autre raison: c'est que le ministère catholique qui est depuis deux ans au pouvoir sous la présidence de M. Beernaert a su gouverner avec une modération habile, en évitant d'inquiéter les instincts libéraux et de céder à des entraînemens de réaction. Les conservateurs ont aujourd'hui le pouvoir, ils l'ont au moins jusqu'à une élection nouvelle, jusqu'en 1888, et comme tous les partis victorieux ils peuvent évidemment à leur tour abuser de leur succès. S'ils sont à demi prévoyans cependant, ils comprendront que la meilleure politique pour eux est de ne pas compromettre par des exagérations ce qu'ils ont conquis et affermi par la modération.

CH. DE MAZADE.

LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE.

La liquidation de fin mai a été l'exacte contre-partie de la précédente. Alors que tous les capitaux se réservaient en vue de l'emprunt de 500 millions, la spéculation dut payer un report très élevé sur les fonds publics et sur la grande généralité des valeurs. Mais, depuis le milieu du mois dernier, les capitaux étaient redevenus disponibles. Ils se sont offerts en masse pour le mois de juin; les grosses opérations de report se sont effectuées très aisément hors de la Bourse, et sur le marché officiel, le report a fait place au déport.

Aussitôt s'est dessiné un mouvement général de hausse, motivé par cette abondance de ressources qui s'accusait aussi nettement sur les places étrangères que chez nous, et favorisé par la terminaison pacifique du conflit turco-grec. Cette fois, ce sont les fonds étrangers qui ont donné le signal de l'enlèvement, l'élan des rentes françaises ayant été sinon arrêté, du moins ralenti, par l'intervention et les péripéties de la question des princes.

Le 3 pour 100 n'en a pas moins été porté de 82.32 à 83.15. Il s'est produit ensuite une légère réaction à 82.90, mais vendredi, bien que le débat à la chambre sur les projets de loi d'expulsion ne fût pas terminé, la rente reprenait ses plus hauts cours. La rente nouvelle s'est rapprochée de 82 francs, l'amortissable a atteint 85 francs et le 4 1/2 110 francs.

Les Consolidés anglais se tiennent à 100 1/2 après détachement d'un coupon semestriel de 1 fr. 50. La gravité des événemens intérieurs en Angleterre n'a exercé aucune action fâcheuse sur le StockExchange, où les tendances se sont constamment maintenues à la hausse.

L'Italien a dépassé brusquement le pair et ne s'est arrêté qu'à 101. Le Hongrois s'est élevé de 85 à 86 et de là à 86 3/4. L'Unifiée n'a vu arriver les réalisations qu'à 365.

Le Crédit foncier a monté de 6 ou 7 francs à 1,375. Il s'est produit une certaine amélioration sur les prix des actions des chemins français, qui gagnent uniformément une dizaine de francs. Au contraire, la reprise assez vive qui avait eu lieu en liquidation sur les chemins étrangers a fait place à une nouvelle défaillance.

Les recettes sont toujours en diminution. Depuis le commencement

de l'exercice, la moins-value sur la période correspondante de l'année dernière atteint déjà 8 millions 1/2 sur le Lyon; 5 1/2 sur l'Orléans; 4 1/2 sur le Midi; 5 sur les chemins Autrichiens; 2 1/1 sur le Nord de l'Espagne; 1,280,000 sur les Lombards. Le Nord s'en tire avec 140,000 francs de réduction et l'Ouest avec un demi-million. Il n'y a de plus-values que sur le Saragosse (425,000 francs); sur les Asturies (478,000) et sur les Portugais (554,000).

Les actionnaires du Panama attendent avec confiance le moment où, de la grande enquête, poursuivie par tant de voies diverses, sur les destinées de l'entreprise, sortira enfin le résultat espéré, l'autorisation d'une émission d'obligations à lots. L'action s'est encore relevée depuis la liquidation de 451 à 458.

Le gouvernement russe a émis, le 2, 3 et 5 courant, un emprunt intérieur d'un montant nominal de 100 millions de roubles, qui a obtenu un éclatant succès, et a été couvert plus de vingt fois. Le taux d'émission était de 99 1/2 pour 100. En tenant compte de l'impôt de 5 pour 100 auquel cet emprunt sera soumis, aux termes de la loi du 20 mai 1885, le revenu net offert aux souscripteurs était d'environ 4.80 pour 100 pour les titres libérés complètement par anticipation. Le troisième emprunt d'Orient, dont la rente nouvellement émise est similaire, est coté 101. Il s'agit d'un titre dénommé : Rente perpétuelle des chemins de fer, l'opération ayant eu pour objet d'effectuer le recouvrement, au profit du trésor public, des sommes dépensées pour la construction d'un certain nombre de voies ferrées nouvelles.

La Banque ottomane va réunir, le 30 courant, ses actionnaires en assemblée générale. Elle leur proposera pour 1885 un dividende de 15 francs, soit 6 pour 100 du capital versé. Les actionnaires auraient pu s'attendre à pis si l'ordre n'eût été complètement rétabli dans l'Europe orientale, et si le sultan ne s'était décidé à signer l'iradé consacrant l'arrangement intervenu entre la Banque et la Porte. La Banque fait un gros sacrifice. Sur une créance de 7 millions 1/2 de livres sterling, elle abandonne 3 millions de livres sterling. Elle reçoit en revanche le droit de mobiliser le solde au moyen de la création de titres négociables assurés d'un revenu bien garanti de 5 pour 100 et d'un amortissement régulier. Comme la spéculation avait espéré que le dividende pourrait atteindre 17 fr. 50, le prix de l'action, 540 après 547, trahit une légère déconvenue.

La fin du mois dernier et les premiers jours de juin ont vu de nombreuses assemblées générales d'actionnaires. Nous indiquons en quelques mots les résultats les plus importans.

29 mai. Crédit foncier et agricole d'Algérie. Le dividende proposé pour 1885 est de 7 fr. 75 par action libérée de 125 francs.

Compagnie générale française de tramways. Le conseil aurait désiré que les bénéfices du dernier exercice fussent retenus pour être appli

qués à des travaux de réfection des voies reconnues indispensables. Mais l'assemblée a décidé la répartition de 10 francs par action et l'émission, pour l'exécution des travaux, d'un emprunt de 1,400,000 fr. Compagnie générale des eaux. L'exercice 1885 a produit un dividende de 56 francs, soit 1 franc de plus que le dividende de 1884.

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30 mai. Chemin de fer de Madrid à Saragosse. L'épidémie cholérique, la crise industrielle, l'ouverture à l'exploitation de lignes nouvelle nécessairement improductives au début, ont réduit à ce point les recettes en 1885 que l'excédent sur les dépenses n'a pas atteint tout à fait 700,000 pesetas. La direction a proposé d'appliquer 125,000 pesetas à la caisse de prévoyance du personnel et de garder en réserve le solde des bénéfices nets, soit 549,000 pesetas. L'assemblée a approuvé ces propositions.

31 mai. Chemins de fer autrichiens. L'assemblée s'est réunie à Pest. Le rapport contient un minutieux exposé des difficultés de toutes sortes contre lesquelles a à lutter la Compagnie et des causes de la diminution des recettes. Le dividende de 1885 n'a pu être porté audessus de 25 francs.

Banque d'escompte. Le dividende pour 1885 a été fixé à 12 fr. 50, soit 5 pour 100 du capital versé, et le solde des bénéfices, 303,000 fr., a été reporté à l'exercice en cours.

Messageries maritimes.- Le dividende est fixé à 25 francs pour 1885. C'est le même chiffre que pour 1884. L'avant-dernier exercice avait été mauvais, le dernier a été médiocre. Celui-ci se distingue cependant du précédent en ce que le dividende pour 1884 n'avait pu être réparti qu'au moyen d'un prélèvement sur les réserves disponibles, les produits de l'année ayant été insuffisans, tandis que l'exercice 1885 s'est suffi à lui-même et a fourni intégralement le dividende proposé.

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8 juin. Canal de Suez, M. de Lesseps, président. De très intéressantes communications ont été fournies par le rapport aux actionnaires sur la marche, d'ailleurs très régulière, de la société. De toutes les compagnies de transport, celle du Canal de Suez est sans contredit une des plus vaillantes et des mieux armées contre les effets d'une crise dont souffre le monde entier. Si le dividende a dû subir une légère diminution (85 fr. 40), il faut songer que les recettes ont subi, en 1885, l'effet d'une nouvelle détaxe. Aucun prélèvement n'a été d'ailleurs fait sur la réserve, qui continue à dépasser le montant statutaire. Lorsque la Compagnie aura achevé les travaux spéciaux auxquels a été affectée une somme de 30 millions, le canal sera en état de supporter un trafic de 10 millions de tonnes.

Le directeur-gérant C. BULOZ.

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