CHEZ G.-A. DENTU, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, ET PALAIS-ROYAL, GALERIE VITRÉE, NO 13. MD CCC XXXVIII. 306384 SUR L'ÉTAT DES SCIENCES, DE 1031 A 1314 (suite). PAR LEBEUF. DEUXIÈME PARTIE. ÉTAT DES SCIENCBS DIVINES. De la théologic. SANS m'arrêter à la pensée du docteur Alain, qui a placé la théologie dans une espèce de firmament audessus de toutes les sciences, et qui la fait parvenir en ce lieu par le moyen du charriot dont les roues sont les sept arts libéraux, j'envisagerai ici cette science comme j'ai fait les autres, et avec les variétés dont elle a été susceptible, ou les nuages dont elle a été obscurcie. Les écoles de Fulbert enfantèrent des disciples qui virent naître parmi eux de nouvelles manières d'enseigner la théologie. Le plus grand nombre, à la vérité, s'attacha à l'ancienne méthode de lire les Pères et de prendre leur doctrine pour principe de leurs raisonnemens. Bérenger, qui crut que les anciens s'étaient trompés dans ce qu'ils avaient écrit sur l'eucharistie, excita contre lui tous les théologiens : et comme ses fauteurs commencèrent à mettre en usage les subtilités des anciens philosophes, ses adversaires crurent aussi devoir lire ces sortes d'ouvrages. De là se forma peu à peu la théologie scolastique, dont la méthode, bonne en soi, ne tarda pas à dégénérer; en sorte qu'il arriva dans la théologie la même chose qu'en philosophie: comme il y eut une logique de platoniciens, une de péripatéticiens, et une troisième de faux dialecticiens et grands parleurs, il y eut des gens qui s'en tinrent, comme leurs prédécesseurs, à l'Ecriture et aux Pères; d'autres qui y mêlèrent un peu des principes d'Aristote; et d'autres enfin qui ne retentirent que du langage de ce philosophe, connaissant à peine les sources de la théologie chrétienne, et mêlant dans la théologie beaucoup de questions purement philosophiques. On n'en vint point à cette extrémité qu'après avoir passé dans le milieu. On se tenait encore dans une juste médiocrité pendant l'onzième siècle; mais au douzième les barrières furent franchies; et dans le treizième, où vivaient les neveux de ceux qui avaient commencé à altérer la théologie, l'on ne retrouva presque plus que la lie qui resta de ces anciennes disputes. De sorte que ce n'était plus seulement la citation d'Aristote qui frappait, mais c'était la manière qui était devenue singulière. Et plus on voulut devenir méthodique dans l'arrangement du discours, plus aussi on parla sèchement et dans un style trivial. Tel est le tableau général que j'ai cru pouvoir faire des traités théologiques de nos trois siècles. La question de l'eucharistie occupa tout le reste de l'onzième siècle. Quelques ouvrages de saint Anselme occasionnèrent aussi d'autres disputes. Son monologue et son prologue furent attaqués par Gaunilon, moine de Marmoutier, par les mêmes argumens avec lesquels l'on a depuis attaqué Descartes. Les erreurs de Roscelin, d'Abailard (1), de Gilbert, de la Porrée, de Pierre Lombard et Pierre de Poitiers furent une raison qui obligea dans le siècle suivant à consulter de plus près les anciens: mais ceux qui consultèrent ces auteurs éloignés qu'Abailard canonisait, loin d'y trouver de quoi rendre les mystères du christianisme plus respectables, en vinrent jusqu'à les faire mépriser. On vit alors mettre en question si Jésus-Christ, comme homme, était quelque chose. Ceux (1) Il regardait comme saints Platon et Socrate. Annal. Bened., t. 6, p. 680. |