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armée dispersée, ayant la même cause, animée du même esprit de triomphe.

Ceux-là d'ailleurs ne sont pas ennemis qui, depuis leur séparation, s'appeloient mutuellement, se desiroient ardemment. Les lois vous distinguoient, à la vérité; mais la même religion, mais la même foi, les mêmes rits vous confondoient : les lois vous séparoient; mais le même zèle vous animoit: les lois vous séparoient; mais la même espérance vous attendoit : les lois vous séparoient; mais une même charité vous réunissoit. Lorsque tout vous justifie, pourquoi vous accuseriez-vous vous-mêmes? la religion sauvée, chacun de vous est vainqueur. Le concordat vous rend une gloire égale, en prenant parmi vous indistinctement les pierres angulaires qui doivent entrer dans l'édifice nouveau: quel mauvais génie viendroit troubler le couronnement de vos œuvres ? quel mauvais génie viendroit troubler cet heureux accord? quel mauvais génie feroit concevoir de nouvelles craintes? Loin de vous ces affections particulières pour Céphas ou Apollon trop long-tems elles ont régné parmi vous, et servi d'un grand obstacle à vos efforts communs. Ce n'est ici le triomphe de personne. La religion, le culte de Jésus-Christ étoient menacés, attaqués: ses ministres ont combattu pour le maintien de l'un et de l'autre ; ils ne se sont divisés que sur le meilleur moyen d'obtenir le triomphe.

Cessez donc de les regarder comine les satellites de divers partis politiques qui ont existé. Cessez, vous, de regarder les uns comme les satellites des nobles, réclamant pour eux des titres, des honneurs et des biens: cessez, vous, de regarder les autres comme les satellites des droits du peuple, favorisant le pauvre au préjudice du riche; non,

sans doute, vous n'étiez pas l'objet de leurs solli citudes. Ils ont souffert, à la vérité, des injustices commises à l'égard des uns et des autres : ils auroient -arrêté tous les malheurs qu'une révolution entraîne, s'ils en eussent été les maîtres; As fermeroient aujourd'hui toutes les plaies, si le baume étoit dans leurs mains. Mais, encore une fois, ils ne sont :soldats que de Jésus-Christ. Quand le péril s'est présenté, ils ont appelé toutes les puissances à lear secours les uns comptant sur le courage qui distingua en plus d'une occasion la noblesse française en faveur de la religion, comptant sur le grand nombre de chevaliers attachés à sa défense -particulière; ceux-là avoient leur confiance placée - naturellement de ce côté. D'autres comptant sur l'amour du peuple pour Jésus-Christ, ils l'ont entretenu dans ces sentimens; et réclamant en son nom, ils ont éprouvé souvent les heureux effets de ses justes réclamations: son nom en a imposé aux plus grands ennemis de la religion. L'opinion du peuple prononcée; a consérvé à la nation française le titre glorieux de catholique.

Les disputes théologiques engagées pour défendre cette diversité de conduite, auront tourné à votre -propre avantage, M. F.: les études, les veilles, les écrits pour et contre, les synodes, les conciles qui ont eu lieu, auront profité à la religion et à l'état. Certaines matières qui intéressent de près le repos public et la conscience, encore ensévelies dans l'ombre de la nuit, seront enfin éclaircies et décidées.

Quelle lutte en effet désintéressée n'ont pas sontenue les prêtres! ils ne se sont séparés, ils ne se regardent encore que de loin; ils ne se sont voués de toutes les manières, que pour vous persuader d'entrer dans la meilleure voie du salut : chacun a

cru

cru tenir la meilleure, et vous attiroit à lui. Ces vues, ces intentions ne sanroient que les rendre plus intéressans.

Le moyen de salut, direz vous, étoit connu auparavant. Pourquoi a-t-il été si difficile à connoître aujourd'hui? pourquoi a-t-il soufferttant de discussion?

M. F., dans un tems ordinaire, les règles communes et usitées ne peuvent souffrir qu'on s'en écarte sans crime. Je l'avoue; la violation des règles établies condamne le violateur: la règle l'arrête, l'opinion le proscrit, la règle est en vigueur; elle prononce des peines qui sont encourues par le fait et le droit. Le jugement doit avoir son plein et entier effet pour le maintien salutaire de la règle.

Mais dans un tems où les lois constitutives de l'état sont menacées d'un changement total, dans un tems où les règles de l'église doivent éprouver par ce changement une atteinte inévitable, il faut, en religion comme en politique, trouver un moyen de salur accommodé aux circonstances. Eh bien! c'est-là le cas qui se présentoit. Les règles ecclésiastiques usitées hors d'activité, bientôt prohibées et remplacées par d'autres, toute la France ne pouvoit émigrer avec corps et biens pour suivre, au-delà des monts et des mers, les règles que la puissance de France réprouvoit, et suivre ainsi les prêtres qu'elle banissoit : il falloit cependant qu'on pûr être sauvé ici, sans aller tous en masse en pélerinage; alors d'autres prêtres voulant faciliter dans ces tems malheureux un moyen de salut à leurs frères, se livrent, sur un frêle esquif, au milieu d'une mer orageuse, portant les secours du ministère à ceux qui les réclament.

Il est donc vrai, M. F., que cette diversité de

conduite dans les prêtres, n'est qu'une double conspiration de bienveillance et de miséricorde, qui loin d'être un sujet de scandale, mérite de votre part une reconnoissance éternelle. Dans ce tems de péril pour votre salut, M. F., les prêtres ont d'autant plus mérité de vous, qu'en exposant leurs personnes ils ont exposé leur propre, salut en s'improuvant mutuellement. Vous devez, M. F., pour tant de générosité de leur part, prier Dieu qu'en rendant leur conduite uniforme, il leur accorde le salut qu'ils ont si fort sollicité pour

vous.

Ainsi qu'après un orage, un fleuve, auparavant tranquille, franchit ses bords, entraînant les habitations avec les habitans de ses rives; ainsi la France comptant paguères des siècles de stabilité, voyoit tout les ordres de l'état jouir d'un parfait repos : le clergé au milieu de tous, distingué depuis long-tems par la paix profonde qui régnoit dans son corps, lorsque des mouvemens, jusqu'alors inconnus, se communiquant de proche en proche, agitant bientôt la masse entière, entraînent le clergé par la précipitation de l'action générale.

Dès-lors les règles, les limites, les pouvoirs ne sont plus marqués; le mouvement général a tour confondu: dès-lors les extravasions, les irrégularités, les aberrations ne sauroient être des crimes. Mais lorsque le mouvement général cesse, lorsque chacun devient maître du sien, sien, le clergé, le le premier, doit se faire remarquer par une tendance vers l'ordre public et particulier. Sa marche doit être uniforme et régulière, une intelligence parfaite doit régner entre les chefs et les membres, tous doivent concourir à lever tour obstacle: quoique fatigué par la rapidité, du mouvement que chacun a

éprouvé, chacun voyant l'espace qu'il a parcou ru, la distance où il se trouve chacun doit faire ses efforts pour revenir au point d'où il est parti.

Ainsi qu'au premier cri de sauve qui peut, parcourant les rangs jettant par-tout la consternation et l'alarme, emportant chacun de son côté, dispersant une armée, il seroit insensé de reprocher la trop grande vitesse de l'un, la lenteur de l'autre, la lâcheté du grand nombre, la témérité de quel ques-uns; de même, au premier péril de la reli gion, les consciences alarmées, le culte compromis par un changement forcé dans l'économie ecclésiastique, il seroit insensé de reprocher au clergé le défaut de dernier ordre, le défaut de dernière discipline.

Mais comme aussi au premier cri.de ralliement on pourroit s'écrier: malheur au lâche qui n'avanceroit pas dans son rang, reprendre son poste; malheur au séditieux qui retarderoit la formation nouvelle dé l'armée en calomuiant les chefs, en blâmant, condamnant, faisant le procès à ses compagnons d'armes malheur aussi, dirons-nous, à celui qui, à la publication éclatante du concordat, retarderoit l'organisation du clergé; car les périls sont passés. Ces tems de la désolation ont fait place à un tems de gloire nationale, relevée par T'honneur rendu au culte de Jésus-Christ. Ils ne sont donc plus ces tems où la divergence d'opinion et de conduite puisse trouver grace devant le désordre général: ils ne sont donc plus ces tem's où les haines particulières trouvent excuse à la faveur d'une haine générale : ils ne sont donc plus ces tems où la rébellion aux lois étoit colorée par la défaveur générale des législateurs et des lois : 'ils ne sont donc plus enfin ces tems où les divisions

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