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Port-Libre, fût expié par l'établissement dans ce lieu même, d'une maison consacrée à l'humanité et à la conservation des tendres rejettons destinés à peupler la société : il falloit qu'au renouvellement de l'association de la charité maternelle, en l'an 9 cette femme respectable, qui avoit fondé la société en 1789, et qui est encore inscrite sur la liste des administratrices, madame Fougeret, fille de Doutremont, et petite-fille d'Aubry, célèbres avocats, pût fixer avec moins de douleur sa vue, sur les lieux où on lui avoit enlevé, à elle, un mari tendrement aimé, à ses enfans un père respectable; lorsque dans les dortoirs de cette même maison, elle rencontreroit par-tout des troupes d'enfans innocens si chers

à son cœur.

Un décret de la convention du 10 vendémiaire an 4, destina la maison du Val-de-Grace pour un hôpital militaire, et ordonna que l'établissement de santé, commencé au Val-de-Grace, seroit transporté, partie à la maison de la Bourbe, Port-Royal, partie à la maison de l'institut de l'Oratoire.

Ajoutens de nouveaux détails. Le roi, avant la révolution, avoit ordonné une statue, en marbre, de Vincent-de-Paule: elle avoit été exécutée par Stouff. Il fut un tems où on n'auroit pas osé la produire au-dehors : elle fut exposée au Louvre en l'an 8. Sa destination étoit incertaine. L'attention de la troisième classe de l'institut, se porta sur cet objet: une commission fut chargée de proposer ses vues. Les commissaires rappelèrent à leurs confrères le but de l'établissement de l'institut : savoir propager les sciences, les arts, les vertus, sans lesquelles il ne peut exister de république. Leur avis fut de proposer au gouvernement que la statue de Vincentde-Paule fût placée dans une des salles de la maternité. Leur résultat ayant été adopté par un arrêté

du 13 vendémiaire an 8, la demande de la classe fut accueillie par le gouvernement; et aujourd'hui la statue de Vincent-de-Paule est dans l'église de Port-Royal, sous les voûtes qu'Antoine Lepautre éleva en 1645, par les ordres de Marie-Angélique Arnaud, dont le corps fut déposé dans la même église, le 6 août 1661. Vincent-de-Paule est honoré dans la même enceinte où l'on révère la mémoire de Saint-Cyran et des Arnaud, illustres les uns et les autres dans les annales de la religion: ils unissent leurs voix pour rappeler à leurs disciples des vérités que ceux-ci ont malheureusement quelquefois oubliées; savoir : qu'on a accompli la lei, quand on a suivi l'impulsion d'un sincère amour pour les hommes; que la bonne et pure religion est de consoler les veuves et les orphelins dans leur affliction, et de se conserver sans reproche.

Je ne vais pas à l'hospice, que toutes les variations d'évènemens que j'ai exposées, ces contrastes, ces rapprochemens ne se représentent à mon esprit. Après avoir été ému par des souvenirs ou par des objets affligeans, je suis tranquillisé par le souvenir des amusemens que les prisonniers sûrent se ménager à Port-Libre. Lorsque je passe sous le vieil Acacia, j'entends Vigée chanter, dans un moment de peine:

Pleurez cet arbre généreux :

Il consoloit la peine, et rassuroit la crainte ei
Sous son feuillage on fut heureux.

Et je lui réponds: Vigée, vous vous trompez; l'arbre n'a point été arraché il restera. Vos vers resteront aussi.

Mais au retour de l'hospice, dans le cours d'une route assez longue, des méditations plus graves oc cupent mon esprit. Voici une de celles qui m'ont laissé des impressions profondes.

Nous nous affligeons, foibles mortels, lorsque tout entiers à l'exécution des projets conçus dans la paix d'une conscience tranquille, nous éprouvons des troubles et des contrariétés. Nous nous irritons, lorsque des desseins formés avec des intentions dont nous connoissons la pureté, deviennent un sujet de nous supposer coupables, ou de nous rendre odieux. Que nos vues sont courtes et bornées! portons nos regards à quelques années d'intervalle, et jugeons l'avenir par le passé.

Port-Royal fut vexé par de longues persécutions. On inculpa la croyance de ses solitaires; on les força de se séparer et d'abandonner tout ce qu'ils avoient de précieux au monde, leur retraite. La bienfaisance de Vincent-de-Paule ne put pas être méconnue: mais on calomnia ses liaisons, ses vues, sa prudence. Un certain nombre d'années s'est écoulé ; que sont devenus ces immenses fatras de discussions chicanières, d'injures et de calomnies? Tout a disparu, écrits et auteurs; à peine un ou deux bibliographes, inquisiteurs patiens de toute feuille imprimée, connoissent-ils un Brisacier qui écrivoit contre Arnaud et Nicole, ou l'Avocat du diable, sur la bulle de canonisation de Vincent-de-Paule, imprimé à Saint-Pourcin, chez Toussaint-pas-saint, (1) 17433 vol. in-8.o Le feu a dévoré toutes ces pailles. inutiles il ne nous reste, à l'égard des hommes et des religieuses de Port-Royal, que la mémoire de leur science, l'admiration de leurs vertus, de leur piété grande, franche, éclairée; à l'égard de Vincent-de-Paule, qu'une vénération profonde pour sa

(1) Il faudroit bien des explications pour développer l'esprit, et sur-tout la charité qu'il y avoit dans ces jeux de mots; je n'ai pas le tems de les donner, et la chose n'en vaut pas la peine.

charité tendre, et pour les soins qu'il a prodigué à consoler les hommes de leurs misères.

Agissons à leur exemple; oubliant chaque jour les succès et les chagrins de la veille, considérant seulement l'espace qui nous reste à parcourir, pour atteindre avec un courage impassible, le but que tout homme sensé se propose en entrant dans la carrière de la vie. CAMUS.

Toutes les paroisses de Paris ont célébré cette année, la messe de minuit, au milieu d'un concours prodigieux de fidèles, et avec la plus grande tranquillité : le son des cloches les y avoit appelés. Nous ne pouvons trop engager les pasteurs à conserver cet usage, aussi utile qu'il est imposant, et que la piété de nos pères nous avoit transmis par une tradition constante.

Conformément aux intentions du gouvernement, le préfet de l'Escaut a écrit aux maires de sa jurisdiction que les curés recevront un traitement annuel de l'état : les communes où ils résident ne sont chargées que de pourvoir à leur logement, à l'entretien du culte, et aux réparations tant de l'église que du presbytère; et qu'au contraire, les desservans n'ayant point de traitement de l'état, ces communes doivent, en outre des dépenses cidessus, pourvoir aux moyens de leur en assurer un.

Immédiatement après l'arrivée du curé ou du desservant, le maire convoquera le conseil mu nicipal, à l'effet de dresser, sur la proposition du ministre, l'état, article par article, des dépenses du culte pour l'année.

M. le baron de Dahlberg, prince-évêque de

Constance, s'applique à répandre le goût de la saine doctrine dans son diocèse, par le moyen des bons livres. Ce prélat éclairé paroît estimer particulièrement ceux de M. Schwarzel, professeur de théologie dans l'université de Fribourg en Brisgau, qui est du même diocèse. Il les a recommandes à son clergé, par une lettre circulaire. Ce professeur travaille actuellement à un ouvrage allemand, qui peut être d'un grand secours pour les pasteurs. C'est un commentaire du nouveau-testament, expliqué par les saints pères et les meilleurs interprêtes, tels qu'Estius, Sacy, etc. M. Schwarzel y rassemble leurs textes sur chaque chapitre et chaque verset ; ce qui doit nécessairement former une assez grande collection, mais qui, par là même sera très-commode, ce seul livre pouvant tenir lieu de beaucoup d'autres. M. de Dalhberg a invité ses curés à souscrire pour cet ouvrage. Un jésuite du Tyrol, sans en avoir rien vu que le Prospectus, a écrit au contraire pour le décrier; disant que si l'auteur s'étoit servi de Cornelius a lapide, de Menochius, de Tirin, on pourroit espérer quelque chose de bon de son travail; mais que puisant son commentaire dans des sources suspectes, dans Estius, Sacy, Calmet, etc. on ne pourroit y trouver que le pur jansénisine. Ses déclamations n'ont pas empêché qu'il n'y ait eu un grand nombre de souscripteurs, ni que le premier tome, qui vient de paroître, n'ait été très-bien reçu. Les Allemands y voient avec plaisir des extraits de nos bons commentateurs français, qui jusqu'ici ont été très-peu connus chez eux.

M. de Dahlberg s'occupe aussi du projet de donner à son diocèse un nouveau bréviaire, et autres livres liturgiques, rédigés d'après ce qu'on a de meilleur en ce genre.

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