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Extrait de la Lettre Pastorale de M. Charrierde-la-Roche, évêque de Versailles, sur la conscription militaire.

«Etant instruit par la voix publique, que dans plusieurs communes et paroisses de notre diocèse, il s'est élevé quelques obstacles, et manifesté quelques embarras dans l'exécution de la loi concernant la conscription militaire', il est de notre devoir, nos très-chers frères et nos chers enfans, et il est encore plus de notre tendre intérêt pour votre bonheur et la tranquillité du territoire confié à notre sollicitude pastorale, de vous rappeler ce que la conscience, le patriotisme, l'honneur et le repos de l'état exigent, dans cette circonstance, de votre soumission, et imposent à la sévérité de

notre ministère.

Tout le monde connoît la loi fondamentale qui confie à la jeunesse, c'est-à-dire, à l'élite et à l'espérance de la nation, la mémorable prérogative d'être les défenseurs-nés de la patrie, et les gardiens fidèles de la gloire attachée au nom français. Tous doivent donc se dévouer à cette honorable destinée, lorsqu'ils sont appelés à la remplir...

Dans le corps politique, tous les âges, tous les états ont leur destination et leurs emplois particuliers. Tous tendent, par une correspondance naturelle, au bonheur de la grande société, pour entretenir l'union et l'harmonie entre les différentes classes qui la composent ; les uns pour faire fleurir les arts et les sciences; les autres pour encourager par une émulation nouvelle, les progrès de l'agriculture et du commerce; ceux-ci pour favoriser le règne des lois; ceux là pour faire respecter la religion, ce dernier bienfait du gouvernement, qui

nous a restitué, par le retour de son exercice libre et public, le plus précieux de tous les biens, le gage le plus signalé de la protection divine sur l'empire français.

Chacun, dans cette immense famille, dans cetre heureuse association, doit jouir en paix de ces bienfaits multipliés....

La défense de nos foyers a été de tout tems le parrage de la jeunesse : libre de tous soins, affranchie de tout engagement, étrangère à toute intrigue, c'est à elle qu'il appartient d'acquitter à son tour la dette publique, que ses descendans acquitteront également, et que la patrie reconnoissante attend de sa générosité et de son courage.......

Pourquoi donc, nos chers enfans, hésiteriezvous à vous réunir sous les drapeaux de la gloire et de la félicité publique, sur laquelle reposent la grandeur et la majesté de l'état? Ce seroit vous faire injure que d'en douter un instant ; c'est vous imprimer le sentiment de votre dignité, que de vous en rappeler le privilège et les engagemens honorables.....

Un peuple, séparé de nous par une barrière imposante qui entretient sa confiance sans garantir davantage sa sûreté, si le moment pour nous de la franchir étoit arrivé, paroît nous braver encore et nous déĥer au combat.

La prudence exige que nous soyons prêts à tous les évènemens, et que nous entretenions les donceurs de la paix, sans craindre les chances terribles de la guerre.....

Nous devons donc leur opposer une force redoutable: nous devons leur montrer une attitude imposante qui leur annonce que nous sommes en état d'être leurs rivaux, pour leur ôter l'envie

dangereuse d'être nos ennemis; car à Dieu ne plaîse que nous confondions jamais une inimitié basse et indigne de la sublimité de nos pensées et du rang qui nous appartient dans l'Europe, avec une rivalité légitime et glorieuse pour les deux peuples!

Mais aussi, nos chers enfans, loin de nous des soldats achetés à prix d'argent, sous l'empire de la liberté, sous les auspices de l'autorité tutélaire qui dicta la paix à l'Europe: avec les élans de la magnanimité qui constitue la valeur française, la profession des armes doit être honorée de tous, en même-tems qu'elle ne peut être que le partage de cette classe privilégiée sur les autres, par le feu bouillant de son âge et le sentiment profond de ses vertus, lorsque la loi appelle à cet emploi généreux ceux que la nature y destine, et que l'honneur dédommage des sacrifices qui l'accompagnent....

Nous vous conjurons donc, nos chers enfans, de remplir votre haute destinée. Le gouvernement qui vous aime et vous protège spécialement, qui a multiplié tant d'établissemens, tant de secours, tant d'encouragemens en faveur de votre âge, vous en impose l'obligation solemnelle : la patrie a les yeux sur vous, elle réclame vos services avec confiance; et la religion vous tiendra compte du généreux sacrifice qu'elle vous demande.

Accourez, donc de toutes parts à la voix touchante des magistrats suprêmes qui vous appellent; que ceux qui vous sont unis par les liens du sang et de l'amitié, s'unissent à nous par de tendres et pressantes invitations à répondre aux vues supérieures et bienfaisantes du héros à qui la Providence a confié les destins de la France....

Et nous, pasteurs de vos ames, nous qui sommes

avec les prêtres du Dieu vivant, vos pères dans l'ordre de la foi, et vos guides dans les routes du salut, si vous êtes, comme le peuple de Dieu obligés de combattre les Amalécites dans les plaines de Jéricho, comme d'autres Moyses, nous étendrons nos mains sur la montagne sainte, pour implorer le secours du Dieu des armées, par nos prières, afin que vous marchiez toujours de triomphes en triomphes sur les pas de la victoire, pour arriver à la paix, recueillir les félicitations et entendre autour de vous les accens de la reconnoissance publique.

A ces causes, nous recommandons aux pères et mères d'inspirer ces nobles et religieux sentimens à ceux de leurs enfans qui sont appelés à la cons. cription militaire: nous invitons, et en tant que de besoin, nous enjoignons à tous nos coopérateurs, curés, desservans, vicaires, et généralement à tous les prêtres employés au saint ministère, sous notre autorité, de les y porter par tous les motifs de la religion et de l'obéissance aux lois: enfin, nous ordonnons que notre présente lettre pastorale soit lue publiquement au prône, dans toutes les églises de notre diocèse, le dimanche qui suivra immédiatement sa réception. »

Instruction pastorale de M. de Boisgelin, ar chevêque de Tours, aux curés des églises paroissiales et aux desservans des succursales de son diocèse.

Vous êtes enfin rendus, mes chers frères, à l'exercice solemnel de vos fonctions; et le premier soin de notre ministère, est d'entretenir parmi vous ces dispositions salutaires, par lesquelles la

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religion, vous rappelle et vous prépare à l'accomplissement de tous vos devoirs. Nous devons exercer envers vous le don que nous avons reçu par l'imposition des mains. « Ce don nous est-il seulement » accordé, dit Bossuet, pour annoncer la sainte parole, ou pour sanctifier les ames par les sa»cremens? N'est-ce pas aussi pour policer les églises, pour y rétablir la discipline, pour appliquer les canons inspirés de Dieu à nos saints » prédécesseurs? » Les conciles de l'église gallicane, consignant dans leurs sages réglemens, et les expressions de la foi catholique et les restes subsistans de l'antique discipline, nous ont tracé les préceptes que nous devons vous enseigner et ceux que nous devons suivre..... ; et dans les circonstances présentes, nous devons y joindre des objets d'utilité publique, également intéressans pour le peuple et pour le gouvernement, pour l'église et pour l'état.

Nous exhorterons nos sages coopérateurs à ne pas négliger ces conseils de prudence et de charité, qui ne peuvent point être étrangers à la mission évangélique. "S'ils sont les ministres de la Jéru

salem céleste, de cette cité de Dieu dispersée, » errante sur la terre, qui rassemble du milieu » de toutes les nations ses membres et ses conci"toyens, ils doivent penser, comme dit saint Au

gustin, que cette société sainte, unie par la foi, cherche la paix et la concorde sur la terre. Elle » partage avec le reste des humains les premiers » besoins de cette vie mortelle et passagère. Elle » obéit aux lois et aux coutumes sagement éta» blies, pour entretenir l'ordre dans les états. Elle » se conforme aux usages, aux lois, aux instruc"tions, quand la religion qui enseigne le Dieu » unique et souverain n'en est pas offensée, et

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