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dépouillés, leur charité s'est portée par-tout. Eh! combien de fois même est-elle arrivée aux matheureux par des canaux dont ils n'ont pu découvar la source? Souvent même leur charité a développé des projets dont la piété a triomphé, et dont linfortune a béni Dieu. I a vérité pourroit-elle s'empêcher de vous rendre cet hommage, ô vénérable Tersac, vous que la paroisse de Saint-Si Ipice a connu trop tard, et perdu trop tôt Votre génie bienfaisant vous a fait déployer des projets aussi vastes que votre charité étoit immense. Du fond du Nord, une grande souveraine vous a fait parvenir son suffrage; et la capitale de la France comtemploit froidement vos établissemens, dont des milliers de malheureux recueilloient les fruits.

Ma langue s'attacheroit à mon palais, plutôt que de vous oublier, ô vous, respectable pasteur de Saint-Nicolas-des-Champs; vous qui avez tenu avec tant de sagesse et de prudence le gouvernail d'une des grandes églises de cette capitale! Administrateur économe et éclairé, vous avez travaillé pour vos pauvres, comme un bon père travaille pour ses enfans. Vous n'avez pu diminuer les malheureux, mais vous avez su multiplier leurs ressources. Dans quel deuil, dans quelle consternation votre trépas a-t-il plongé votre troupeau et vos amis les larmes dont ils ont arrosé votre cercueil, et ces expressifs regrets qu'ils ont fait entendre, ont fait du jour de votre sépulture, un jour de gloire pour vous. Si au pied de votre image l'amitié grava ces mots apostoliques: Il se fit tour à tous, pour les gagner tous, que de voix les ont répétés autour de votre cercueil au jour de votre mort! Hélas! je me rappelle encore les derniers mois de votre vie. Si, comme saint Paul, vous parliez avec reconnoissance du bonheur que vous

aviez eu d'avoir conservé la foi, tel que le saint pontife de Tours, plusieurs fois nous vous surprîmes dans cette exclamation: Seigneur, si je suis nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail.

Dans ce tombeau, mes chers confrères, que de voix éloquentes s'élèvent! que d'exemples touchans jaillissent! Environnés de cette nuée de témoins, marchons avec une patience courageuse dans ces routes frayées par tant de pas vénérables et saints. Jésus-Christ, malgré notre indignité, a daigné nous constituer le sel de la terre, et les flambeaux du monde. Le premier de ces titres, dit saint, Césaire, nous impose de préserver les peuples de la corruption, et le second de les éclairer. Les pasteurs, dans l'ordre religieux et social, ne peuvent être indiffé rens. C'est de leur doctrine, c'est de leurs mœurs, dit saint François-de-Sales, que dépendent la doctrine et les mœurs des peuples. Ils éclairent par les instructions: ils convainquent par les exemples; par les exemples, qui, selon saint Bernard, sont d'un plus grand poids que les miracles même. Magis convincunt exempla quàm miracula.

Mais, après avoir recueilli les exemples que ces obsèques rappellent au souvenir des pasteurs qui les célèbrent, le saint ministère ne doit-il pas aussi tirer de cette cérémonie lugubre quelque sujet de réflexion pour les troupeaux qui y assistent? Fidèles de toutes les églises, qu'un pieux attachement à vos pasteurs a conduits dans cette basilique, ce n'est point par des larmes, ce n'est point par des regrets que vous honorerez leur mémoire! Du fond du tombeau dans lequel ils sont descendus, et que ce mausolée vous retrace, ils vous rappellent ces saints avis que leur zèle vous a donnés, tantôt dans les chaires sacrées, tantôt dans les tribunaux de la pé

nitence. Plusieurs fois vous avez consolé leur ministère par le promesses que vous fîtes entre leurs mains à Dieu. Mais avez vous tenu ces engagemens saches? les croyez vous dissous par le trepas de vos pasreurs? Ab! si leur sépulcre s'ouvroit en ce n.oment, s'ils apparoissoient ici, s'ils vous demandoient compte de vos engagen ens, à l'aspect de vos mœurs, pourroient ils s'empêcher de vous reprocher votre indifference pour la foi, votre désertion des temples, votre froideur pour les sacremens, votre negligence pour l'instruction de vos enfans Findécence de vos vètemens, et la frivole impiété de vos conversations A ces paternels reproches vous reconnoîtriez le zèle de vos pasteurs. Mais à vos mœurs reconnoîtrei-nt-ils leur troupeau? Consternés de la dépravation pre que genérale, ils répandroient de nouvelles larmes sur la terre, et retourneroient avec précipitation ensévelir leur douleur dans la nuit du tombeau.

Ah! mes frères, ah! mes chers frères, si vous croyez devoir quelque reconnoissance aux saints et pénibles travaux de vos pasteurs, consolez-les dans leur sépulcre, en vous rappelant les salutaires ins 'tructions qu'ils vous ont données. Arrêtez vos pensées sur le cours de leur vie, et sur leur lit de mort et imitez leur foi: soyez utiles, par vos prières, à ceux qui ont voulu vous être utiles par leurs soins. O vous qui, par l'ancienneté de votre pastorat, avez acquis un titre que vous avez rendu plus vénérable encore par ces lumières que vous répandez 'sur votre troupeau, par ce zèle avec lequel vous le conduisez dans les voies de Dieu, et par cette piété douce qui fait aimer la religion, comme vous T'aimez vous-même, remontez à cet autel: que la foi vive y console l'amitié tendres que la divine

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victime, immolée par vos mains pures, ouvre à nos frères les portes éternelles. Tous les prêtres, tous les fidèles vont unir leurs vœux aux vôtres.

Dieu des miséricordes! laissez-vous toucher par les prières que vous adresse ici la piété fraternelle des pasteurs, et la piété filiale des peuples. Nous savons et nous tremi lons en pensant que la vie la plus louable n'est pas exempte de reproches. Mais a que Jésus-Christ qui en mourant a daigné racheter le monde, en s'immolant ici, achève de purifier nos frères, et les conduise eux-mêmes dans ce séjour où les larmes et la douleur sont incon

nues. »

M. de la Harpe.

M. de la Harpe avoit johi d'une grande considé ration dans le parti philosophique mais il n'y avoit jamais joué qu'un rôle subalterne. Il avoit débuté de bonne heure dans la carrière de la litterature: ses premiers écrits offrirent un ton de philosophie qui dut les faire accueillir favorablement des hommes qui gouvernoient alors la république des lettres. Mais ce fut sur-tout en se rangeant sous les drapeaux de M. de Voltaire, que le premier, il appela papa grand homme; en lui prodignant les marques de l'idolâtrie: La plus servile, qu'il acquit une certaine consistance, quoique, à cette époque même, nos meilleurs critiques aient continué de le traiter de Bébé de la littérature, par allusion au nain de Stanislas.

M. de la Harpe fit un voyage à Ferney; il composa quelques diatribes virulentes contre la reli gion et contre les prêtres; il fut chargé de la ré

daction de la partie critique du Mercure : c'en étoit assez pour lui ouvrir les portes de l'académie française. On sait que cette faveur étoit alors regardée comme le bonnet de docteur en athéisme, ou au moins en incrédulité.

M. de la Harpe avoit vu mourir M. de Voltaire, et les chefs les plus connus du parti philosophique. Il étoit resté presque le seul personnage de quelque considération parmi les beaux-esprits, partisans du déisme, lorsque cette abominable doctrine fit éclore la révolution. Il crut peut-être que le moment étoit arrivé où la philosophie moderne gouverneroit la France, et où elle recueilleroit le fruit de cinquante années d'intrigues, de calomnies et de complots contre la religion et contre la monarchie: car, il siéga d'abord dans l'assemblée des électeurs de 1789. Il se fit distinguer parmi les orateurs politiques de sa section; et finit par arborer le bonnet rouge jusque sur le théâtre de la scène française. Mais M. de la Harpe ne tarda pas à reconnoître toute la perfidie, toute l'ingratitude des partisans d'une doctrine qu'il avoit tant célébrée, et qu'il avoit si bien contribué lui-même à répandre.

des

Tous les chefs de meute de la philosophie moderne avoient disparu devant leurs exécrables élèves: Condorcet, le lâche Condorcet, avoit été forcé de se donner la mort, Il ne restoit plus que philosophes bourreaux. M. de la Harpe occupa un instant le loisir des comités révolutionnaires. Il fut arrêté en conséquence; et alla attendre dans la prison du Luxembourg, l'arrêt de son supplice. C'étoit le moment que Dieu avoit destiné pour lui ouvrir les yeux, et pour changer son cœur.

Nous avons entendu dire que pour opérer cette espèce de miracle,Dieu s'est servi du ministère d'une simple femme; de celui de madame de Clermont

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