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» le voyoit prier, prosterné aux pieds des saints au»tels, long-tems avant et long-tems après sa messe; l'autre a desiré conserver son surpiis; celui ci son » aube; celui-là son bonnet carré enfin chacun a voulu se procurer quelque chose de ce qu'il avoit touché; et ceux qui ont obtenu ces divers objets, » les conservent comme des reliques précieuses. Je » me serois fait un crime de ne pas acquiescer à des » vœux si propres à honorer la mémoire d'un

prêtre français. J'ai donc libéralement distribué » les dépouilles du fidèle compagnon de mes peines » et de mes travaux, me réservant toutefois le » soin d'en rembourser le prix à ses légitimes hé

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ritiers. J'ai la ferme confiance que la mort de » cet homme apostolique a été, comme sa vie, » précieuse devant Dieu et devant les hommes. » Il étoit né, ainsi que son confrère Desportes, ' » au diocèse de Rouen. M. de Beaulieu les vit partir avec peine: il les regardoit comme deux » de ses meilleurs coopérateurs.

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III. « Bonamy, prêtre du diocèse de Coutances, » avoit été d'abord plus heureux en apparence que » ses deux confrères. Immédiatement après l'arrivée » de l'armée française, il fut nommé, à ma recom» mandation, curé du Port-Margot. Les habitans » de cette paroisse ne tardèrent pas à l'apprécier; » tous s'estimoient heureux de voir à leur tête un » aussi bon pasteur qui les édifioit, disoient-ils » par ses discours et par ses exemples. Ils se réjouissoient sur-tout de le voir se livrer avec un » soin infatigable à l'éducation chrétienne de la » jeunesse. Jamais on ne s'étoit donné tant de peine » pour instruire et pour former leurs enfans à la pratique de toutes les vertus. Pleins d'estime et » de vénération pour lui, ils prévenoient tous ses besoins. Je n'ai qu'à me louer, me disoit-il, quel

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"ques jours avant sa mort, des dispositions des fi»dèles de ma paroisse à mon égard. Combien je vous ai » d'obligation de m'avoir envoyé auprès de ce bon peuple! » combien je serois coupable, si je ne lui faisois pas du bien! C'est ici que je veux terminer ma carrière; c'est » ici que je veux mourir. Hélas! mon malheureux ami » s'abusoit. La révolte éclate bientôt de nouveau » tout-au-tour de lui. Il réunit avec peine son cher troupeau. Il fuit en abandonnant la majeure partie de ses effets, et se sauve à la Tortue, avec un grand nombre de ses paroissiens. Ses malheurs précédens, le désastre de la famille Raby, avoient singulièrement influé sur sa santé : ce » dernier revers l'accabla. Peut-être aurions-nous encore la consolation de le posséder: mais la » ruine générale des fidèles confiés à ses soins lui porta le dernier coup; il succomba. Il mourut» victime de son zèle et de sa sensibilité pour des » malheureux qu'il aimoit confme ses enfans! »

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M. Poirier.

Les lettres et la religion viennent de perdre, dans la personne de M. Germain Poirier, ancien bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, et membre de l'Institut national, un homme qui avoit toujours cultivé les unes avec succès, et pratiqué l'autre avec une grande édification. Nous ne pouvons mieux le faire connoître qu'en communiquant nos lecteurs le discours prononcé sur sa tombe; au nom de l'Institut national, par M. l'abbé Sicard, directeur de l'institution nationale des sourds-* muets, et actuellement membre de la classe de la langue et de la littérature française de l'Ins

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« Le confrère que nous pleurons, mes chers confrères, et dont nous nous sommes fait un devoir d'accompagner à leur dernière demeure les vénérables restes, appartenoit à cet ordre de savans laborieux, qui, après avoir défrîché le sol matériel de la France, avoit également défrîché cette terre jusqu'alors sans culture et barbare, en y répandant les lumières et les vertus. C'est particulièrement certe illustre cor.grégation, dont il avoit l'honneur d'être un des membres distingués, qui avoit conservé le feu sacré des sciences et des lettres, dont le dépôt en traversant les siècles a passé jusqu'à nous, et dont nous devons compte aux siècles à venir. Il avoit été associé, dans leurs travaux, à ces hommes immortels qui conçurent et exécutèrent le projet hardi d'élever à la gloire de l'histoire de tous les âges, ce monument qui conservera à toutes les générations le souvenir de toutes les époques remarquables, en fixant pour toujours les dates des évènemens. (*)

Il fut encore un des collaborateurs des auteurs de l'ouvrage qui se continue sous le nom des Historiens de France; et tout cela, après avoir payé avec distinction à l'ordre où il avoit puisé des connoissances si variées, le tribut qu'avoient coutume de lui payer ceux de ses membres les plus instruits. Il y avoit enseigné et la philosophie, et la théologie...

Mais il est des rapports plus touchans encore Sous lesquels j'aime à vous peindre le modeste et laborieux savant, si digne de tous nos regrets; rapports qui intéressent bien davantage, dans ce moment de deuil et de larmes, nos cœurs contristés. C'est sur-tout son ame simple et bonne, ce carac

(*) L'académicien des sourds-muets fait honneur à don Poirier, d'un travail auquel il n'a jamais été associé,

tère toujours égal et fait pour les douces vertus, cette franchise ingénue, cette droiture et cet amour pour la vérité, cette timidité naturelle qui cachoit tant de connoissances, et qui ne lui permettoit pas de se replier sur lui-même pour y jeter un regard de complaisance......; voilà sur tout ce qui le rendoit recommandable, et ce qui est bien plus rare que le savoir. Aussi personne n'étoit moins content de lui-même, et plus content des autres. Nul n'étoit plus ami de la sagesse, et plus indulgent envers ceux qui avoient le malheur de n'en pas connoître le charme et toute la puissance.

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Ah! n'en doutons pas, mes chers confrères! la plus noble portion d'un être aussi bon, aussi indulgent envers les autres, aussi sévère envers lui-même, immortelle de sa nature, n'aura fait que changer de vie! Exempt des horreurs de la mort, notre confrère a mérité de s'endormir du sommeil des justes, dans le sein de son Dieu, comme s'endorment tous les hommes du sommeil de quelques instans.

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Mais, en se séparant de nous, il nous a, en quelque sorte institués ses légataires, en nous laissant pour héritage le souvenir de ses vertus et des travaux utiles qui fixeront sa renommée, et le loueront bien mieux que le foible tribut que je viens de lui rendre en votre nom. »

-Cet éloge n'a pas certainement été prononcé au nom de la religion: quant au mérite du style, je doute si Fléchier, ou un membre de l'ancienne académie française, n'eût pas rougi de l'avouer.

M. Papon.

Les pertes accumulées que les lettres ont faites dans le courant de cet hiver, sont d'autant plus

funestes que, pour la première fois, depuis leur renaissance, cette suite d'hommes distingués qui les avoient successivement illustrées, est sur le point d'être interrompue. Une terre jadis fertile en talens si beaux et si variés, semble menacée de la plus humiliante stérilité. Dans le nombre de gens de lettres de toutes les classes que la faulx de la mort vient de moissonner, on ne doit pa oublier M. Papon, connu principalement par son histoire de Provence.

Il étoit né au Puget de Thenières, dans le ci-devant comté de Nice. Il entra de bonne heure dans la congrégation de l'Oratoire, où il ne tarda pas à se distinguer par de profondes connoissances en littérature. Il publia en 1754, un ouvrage intitulé: Art du poète et de l'orateur, qui eut un succès brillant, quoique composé en province. On en fit quatre éditions; il en donna lui-même une cinquième, en l'an 9, à la tête de laquelle il plaça un Essai sur l'éducation..

L'Art du poète et de l'orateur commença la répu tation de M. Papon. On ne crut pas mieux faire que de le charger de la nouvelle histoire de Provence, dont les états de ce pays desiroient la publication depuis long-tems. Chaque province avoit autrefois son histoire: c'étoit un livre populaire ; chacun aimoit à connoître l'état ancien du pays qu'il habitoit. Il avoit du plaisir à retrouver dans ses usages et dans ses habitudes, des traces de ceux de ses pères, Ce n'étoit point encore alors un ridicule; les générations vivantes se rapprochoient ainsi de celles qui avoient disparu. Les changemens opérés par la révolution dans nos mœurs et dans notre institution, ont dû rompre ce charme et cet intérêt. Tout ce qui fut autrefois, nous devient chaque jour plus étranger: dans vingt ans, notre

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