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l'église de France à la cour de Rome, a consenti à laisser décorer de la dignité de cardinal, quelques Français qu'il désigneroit au pape.

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Ce n'est pas que nous soyons entièrement de l'avis de ceux qui, comme M. l'archevêque de Paris, pensent que l'éclat de la pourpre romaine est nécessaire à pompe des cérémonies du culte catholique; car, nous croyons, au contraire, que plus la religion de Jésus-Christ est étrangère à toute espèce d'éclat, plus elle acquiert de solidité, plus elle se rend respectable par elle-même aux yeux des peuples.

Quoiqu'il en soit, c'est le 17 janvier dernier que dans un consistoire secret, le pape a créés cardinaux français, MM. Debelloy, archevêque de Paris; Fesch, archevêque de Lyon; Cambacérès, archevêque de Rouen, et Boisgelín, archevêque de Tours. Sa sainteté en a nommé un cinquième in petto; et nous croyons que toutes les conjectures qui ont été faites pour découvrir ce cinquième cardinal, sont aventurées mais il faut dire qu'on ne met plus autant d'intérêt et d'importance à conjecturer juste sur une pareille matière.

Toutes les cérémonies d'usage en pareille circonstance, ont été observées avec exactitude.

A Rome, les nouveaux cardinaux qui y résidoient, ont été présentés par le cardinal secrétaire d'état, au pape, qui leur a donné la barrette. Les ministres des puissances étrangères leur ont fait visite ceux de France et d'Autriche se sont,distingués par l'éclat des fêtes qu'ils ont données à cette occasion. Les palais des cardinaux, des membres du corps diplomatique, des princes, des prélats et de la noblesse, ont été illuminés.

Dans un second consistoire tenu le 28 mars dernier, sa sainteté, après avoir publié avec les formalités ordinaires, le décret de béatification et cano

nisation du cardinal J. M. Thomasi, de l'ordre des Théatins, a fermé et ouvert la bouche des nouveaux cardinaux, et leur a donné l'anneau de cardinal.

Le prince Justiani a été expédié en courrier pour porter aux cardinaux français, la nouvelle de ler promotion, et leur présenter la calotte rouge. Le prince Doria est venu en qualité d'ablégat apos tolique, porter en France la barrette. Le premier consul a d'abord permis aux nouveaux cardinaus de porter la calotte; il leur a ensuite donné la barrette qui leur avoit été présentée en grande céré monie, par l'ablegat. Cette barrette n'est autre chose qu'un bonnet de forme ancienne et rouge Cette cérémonie (1) s'est faite au palais des Tuil leries, dans le cabinet du premier consul, en presence des principales autorités qui s'y étoient réunies. Le jeune ablégat est neveu du cardinal Doria, qui s'est conduit d'une manière si distinguée pendant le tems de sa nonciature en France; c'est lui qu'à raison de sa jeunesse et de sa taille, Louis XV se plaisoit à appelér le Bref du pape. Voici le discours que M. Doria a adressé au premier consul :

Citoyen premier consul; choisi par sa sainteté, N. S. P. le pape Pie VII, pour porter la barrette aux très-dignes cardinaux français créés dans le consistoire du 17 janvier, il ne pouvoit rien m'ar river de plus agréable et de plus flatteur, que me présenter à votre illustre personne, avec le caractère d'ablégat apostolique. Cette circonstance, qui me rend auprès de vous l'interprête fidèle des

de

(1) Cette espèce d'investiture des principaux ornemens de Ja dignité de cardinal, par un magistrat laïc, ne seroit-elle pas l'une des preuves qu'elle ne fait point partie de la hierarchie?

sentimens paternels de sa sainteté, me fait regarder comme heureux le jour où, en m'acquittant d'une aussi honorable mission, je puis en même-tems citoyen premier consul, vous offrir mes hommages particuliers et mon profond respect."

Le premier consul, après s'être informé de la santé du pape, et avoir exprimé la part qu'il prend à tout ce qui peut lui arriver d'heureux, a témoigné à M. l'ablegat, le plaisir qu'il avoit que le pape eût choisi pour porter les barrettes, le neveu du cardinal Doria, dont la France avoit toujours eu à se louer. Il l'a chargé de lui témoigner, le desir qu'il avoit de lui donner, dans toures les circonstances, des preuves du bien qu'il lui vouloit.

Les personnes présentes à cette cérémonie, ont entendu avec une véritable émotion le discours suivant, que M. le cardinal Dubelloy a adressé au premier consul. Elles ont admiré la mémoire de ce vénérable prélat, âgé de 95 ans; mais elles n'en n'ont point été étonnées, tant l'onction et la noblesse de ses paroles prouvoient qu'en cette occasion, sa mémoire étoit soutenue par les affections de son cœur.

Citoyen premier consul, le rétablissement de la religion et des rapports spirituels qui ont, de tout tems, uni l'empire très-chrétien à l'église romaine, est un des bienfaits inappréciables que nous devons à vos sentimens religieux; mais quelque chose sembloit manquer encore à cette grande et belle

œuvre.

« Vous avez pensé qu'une religion dictée par Dieu même, pour le bonheur des hommes et la félicité des états, devoit se présenter avec un appareil et une pompe capables d'élever les pensées vers le ciel, et d'inspirer un pieux respect pour les cérémonies et les fonctions du saint ministère

Vous avez, à cet effet, rendu à la pourpre romaine son ancien éclat, qui, depuis plusieurs années, sembloit comme enseveli sous les ruines du sanc tuaire; et vous avez daigné nous en faire décorer. "Pénétrés de reconnoissance de tant de bienfaits, nous venons, citoyen premier consul, vous présenter l'hommage respectueux de nos justes remercîmens: nos temples retentiront, de toutes parts, d'actions de graces et de nos vœux pour la précieuse conservation de vos jours, et pour la continuation de la gloire dont ils sont constamment environnés. Le clergé n'oubliera jamais que c'est à votre piété et à vos bontés qu'il doit son existance actuelle; il se féra toujours un devoir et un sujet de joie d'enseigner et de prêcher au peuple, par ses paroles et par ses exemples, le respect et la soumission qui vous sont dûs, il ne cessera d'invoquer les bénédictions du ciel sur le héros chrétien, son bienfaiteur et son libérateur, sur le héros vainqueur et pacificateur de l'Europe, sur le héros qui réunit en lui tous les genres de gloire auxquels il est donné aux plus grands hommes de pouvoir aspirer.

Daignez, citoyen premier consul, daignez recevoir avec bonté ces mêmes sentimens, ces mêmes vœux que j'ai l'honneur de vous présenter au nom de mes collègues, au nom de tout le sacerdoce, au nom de la France, dont votre sage et lumineuse administration fait le bonheur et la gloire.

Allocution de N. S. P. le pape Pie VII, prononcée dans le Consistoire secret du 17 janvier 1803.

Vénérables frères, après avoir aggrégé à votre collège, dans les précédens consistoires, ceux de l'Italie les plus distingués que nous avons jugés

* Cette allocution est la seconde que le pape ait prononcée dans son consistoire, depuis la signature du concordat. On doit se rappeler la sensation extraordinaire que la première fit en France, Celle que nous donnons aujourd'hui au public prouve que la cour de Rome persiste dans le systême, de regarder comme séparés de l'unité chrétienne, soit les gouvernemens qui, sans son concours, usent du droit de changer les démarcations paroissiales ou diocésaines, suivant le besoin de l'état ; et de déclarer vacantes toutes les places ecclésiastiques dont les titulaires refusent de lui prêter serment d'obéissance et de fidélité soit les évêques que les élections des fidèles, approuvées par l'état, élèvent sur des sièges vacans par forfaiture civile ou par désertion, lorsque ces évêques n'ont point reçu l'institution papale.

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Il importe même peu à la rigidité inflexible de ces prétentions, que ces mêmes évêques lui aient adressé des lettres de communion, et lui aient constamment prodigué, même dans leurs conciles, des témoignages d'attachement et de confiance.

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Notre profund respect pour la personne du pape, et encore plus, notre amour sincère pour la paix, nous font un devoir d'éloigner toute discussion, et de recevoir en silence toutes les inculpations qui peuvent nous être faites. La cause malheureusement trop célèbre qui a divisé l'église de France, été plaidée devant toute l'Europe: ses principes ont été défendus avec énergie et avec modération. Qu'importe que les personnes qui les ont soutenus avee tant de dignité, aient souffert ces souffrances mêmes doivent les consoler si c'est pour le nom de Jésus-Christ qu'elles les éprouvent, et si elles peuvent contribuer à la paix générale. C'est à la postérité à mettre en ordre tons les matériaux de ce grand procès; c'est à l'église seule qu'il appartient de le terminer dans ses premières assemblées. En attendant, tout ce qu'avancera ou

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