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pouvois former des regrets à cet égard, ils ne tomberoient que sur le défaut de moyens personsonnels où je me trouve de suivre le penchant de mon cœur, et l'impulsion de la religion qui me portent à soulager les malheureux. Ils sont, dans cette saison, si nombreux, surtout dans cette ville et leur misère est si grande, qu'une ame sensible ne peut y penser sans être émue de conpassion, et sans se sentir pressée du besoin de venir à leurs secours. Je vous ferois injure, mesdames, si je pouvois croire un instant que vous y serez indifférentes. La compassion est née avec vous, la bienfaisance est comme le fond de votre caractère; vous en avez déja donné tant de preuves, vous vous êtes déjà montrées si souvent les mères des pauvres, que vous ne serez pas insensibles à la voix de leur père.....

Tout parle donc, mesdames, en faveur des pauvres ; tout leur garantit l'intérêt, les soins particuliers que vous allez en prendre. Tout concourt à leur assurer les consolations qu'ils ont droit d'attendre de vous; la bonté de vos cœurs, l'humanité, la nature, la religion, la charité qui vous animent, et sur-tout le ciel qui sera la récompense de votre générosité. On ne peut pas mieux couronner l'année qui vient de finir, ni commencer sous de meilleurs auspices celle où nous venons d'entrer. »

Après ce discours, deux dames de la société ont fait, en faveur des pauvres, une quête qui a été très-abondante. M. l'évêque de Tournay a encore profité de cette occasion pour former en faveur des pauvres malades, un comité de secours, dont le réglement sera connu, lorsqu'il sera complettement organisé.

Lettre de M. de Barral, évêque de Meaux, à M. Thuin, évêque, démissionnaire.

Meaux, le 2 janvier 1803.

Je viens d'apprendre, monsieur l'évêque, que vous étiez depuis quelques tems exposé à des besoins réels; et cela, dans le moment où j'avois tout lieu de croire que le gouvernement venoit de vous faire un sort.

Trop souvent le bien s'opère avec lenteur, malgré les excellentes intentions de ceux qui gouvernent; et l'homme qui souffre avec une dignité silencieuse, se trouve plus exposé qu'un autre à éprouver les suites désagréables que cette lenteur occasionne. Permettez-moi, au nom de l'intérêt que vous m'avez toujours inspiré depuis le premier moment de notre connoissance déjà très-ancienne, de vous envoyer douze louis, non pas à titre de don, car ce mot répugneroit peut-être à votre délicatesse; mais comme un prêt pur et simple que vous me rembourserez au moment où cela vous sera convenable. Je serois vivement afligé, M. l'évêque, si vous refusiez cette offre, qui ne me gêne en rien, et que j'accepterois de votre part dans les mêmes circonstances.

J'ai l'honneur de vous saluer de tout mon cœur. † L. M., évêque de Meaux.

Réponse.

Monsieur l'évêque,

J'ai reçu avec plaisir la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et les douze louis, que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Je suis pénétré de la plus vive reconnoissance pour cette marque d'amitié de votre part : j'en sens tout le prix. Si elle honore mes malheurs, elle fait encore bien mieux l'éloge de votre cœur et de vos ver

tus; mais je me croirois peu digne de votre estime et de votre confiance, si je gardois cette somme: je l'ai rendue aussitôt à M. Fandar, qui doit vous la remettre, accompagnée d'un million de remerciemens de ma part; elle ne m'est pas nécessaire pour le moment. Et vous, monsieur l'évêque, qui êtes continuellement assiégé par les pauvres de cette ville et par ceux de la campagne, vous pouvez en faire un bien meilleur usage, en faveur des malheureux pères de famille qui, dans cette saison rigoureuse, manquent absolument du plus stricte

nécessaire.

Ne me sachez donc pas mauvais gré, très-cher prélat, si je ne profite pas aujourd'hui de votre offre. Les habitans de Meaux ont eu jusqu'à présent la bonté de pourvoir à tous mes besoins : c'est un témoignage de justice et de reconnoissance que je me plais à leur rendre. J'espère qu'après toutes les preuves d'attachement et de confiance qu'ils n'ont cessé de me donner, depuis treize ans que je suis leur évêque, ils n'abandonneront point aux horreurs de la misère, un ancien pasteur qui s'est sacrifié pour la religion, pour la patrie et pour eux-mêmes. Je n'ai jamais fait de vœux et je n'ai jamais travaillé que pour leur bonheur.....

D'ailleurs, la divine providence, en laquelle j'ai la plus grande confiance, et le gouvernement sur la justice et la bienfaisance duquel je dois compter, ne permettront pas que je sois encore long-tems à la charge de mes concitoyens et de mes amis.

Si cependant j'avois des besoins, ce seroit à vous, M. l'évêque, à qui, préférablement à tout autre, je m'adresserois: mais en attendant sans effroi, ce tems de calamité, conservez-moi, je vous prie, l'honneur de votre estime et de votre amitié; elles me seront toujours l'une et l'autre infiniment précieuses, etc. †P. THUIN, anc. év. de Meaux.

TRAITE DU POUVOIR DES ÉVÊQUES,

Par Antonio PEREIRA, Prêtre de la Congrégation de l'Oratoire.

Ouvrage où l'on se propose de faire voir que lorsqu'il y a empêchement de s'adresser au saint siège, les évêques ont le droit de pourvoir au spirituel, soit pour les dispenses, soit pour tous les cas réservés au pape. Abrégé par M. Grappin, Secrétaire de l'Archevêché de Besançon.

Debet unusquisque, non pro eo quod semel ebiberat et tenebat, pertinaciter congredi; sed si quid melius et utiliùs extiterit, libenter amplecti. Non enim vincimur quando offeruntur nobis meliora, sed instruimur.

La réforme salutaire que fit dans le clergé français la première session de l'assemblée nationale, devint une source de divisions qui s'étendirent sur tous les points de l'état ; et ces fruits amers de l'opération la plus sage, qui ramenoit parmi nous le règne des saints canons, désolent encore notre patrie.

Chacun sait aujourd'hui que ces agitations scan-. daleuses ne sont dues qu'à l'hypocrisie et à l'intérêt personnel; si ce n'est au défaut total de lumières, à l'oubli des principes de l'évangile, au mépris des règles canoniques, en vigueur depuis les tems apostoliques jusqu'à l'époque funeste pour l'église, des fausses décrétales. La représentation nationale de France regardoit toujours le pape comme chef dé l'église; elle vouloit même que les nouveaux évêques et ceux qui leur succéderoient, lui demandassent par écrit sa communion, et lui fissent part de leur avènement à la dignité épiscopale, Les ennemis de N.° 7. T. XVI. 8.o Ann.

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la révolution n'ont pas laissé de crier au schisme, eux qui ne regardoient point l'église portugaise comme schismatique, quoiqu'en 1760, le roi de Portugal eût interdit, sous de grièves peines, à l'universalité de ses sujets, toute communication avec la cour de Rome, tant pour le spirituel que pour le temporel.

Cette loi du roi de Portugal fut en vigueur: on suivit dans ses états les canons: les évêques portugais rentrèrent dans leurs droits, trop long-tems méconnus; et il ne vint à personne l'idée que les pasteurs et les fidèles de cette monarchie fussent hérétiques, impies, hors de l'église.

Dans ces circonstances, un des plus savans théologiens de notre siècle, Antonio Pereira, oratorien portugais, écrivit pour tranquilliser les consciences, et pour faire l'apologie de son prince, l'ouvrage profond dont je publie l'abrégé. Si le Traité du pouvoir des évêques eût été plus connu en France que les anciens canons de l'église et les droits des nations, on pourroit soupçonner qu'il fut, en grande partie, la base de notre constitution civile ecclésiastique. Mais du moins cet écrit présente-t-il une justification victorieuse des prêtres français qui l'avoient adoptée.

Il y est prouvé, par l'autorité des saintes écritures, des conciles, des saints-pères, des théologiens et des

canonistes:

1.° Que l'autorité et la jurisdiction épiscopale, considérée dans son institution émanée de J.-C., est de sa nature absolue et illimitée, relativement à chaque diocèse.

2.° Que les évêques, durant plusieurs siècles, se sont maintenus en possession de cette jurisdiction, et dans l'autorité de dispenser même des ordonnances des conciles généraux et des papes, quand le besoin

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