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de réussir, les moyens les plus efficaces d'amener la convocation d'une Assemblée qui était et qui est encore leur vou le plus cher. C'est dans ce but que j'abordai M. le Comte de Bismark à Ferrières. Je laisse à la conscience publique le soin de juger de quel côté ont été les obstacles, et si le Gouvernement doit être dénoncé au blâme de l'Europe pour n'avoir pas voulu placer les Députés de la France sous le canon d'un fort livré à l'armée prussienne. Une convocation sans armistice nous aurait, il est vrai, épargné cette humiliation, mais elle nous en aurait encore réservé de cruelles. Les élections auraient été livrées au caprice de l'ennemi, aux hasards de la guerre, à des impossibilités matérielles énervant notre action militaire et ruinant à l'avance l'autorité morale des mandataires du pays. Et cependant nous sentions si énergiquement le besoin de nous effacer devant les représentants de la France que nous eussions bravé ces difficultés inextricables, si en descendant au fond de nos consciences nous n'y avions trouvé, impérieux, inflexible, supérieur à tout intérêt personnel, ce grand et suprême devoir de l'honneur à sauvegarder et de la défense à maintenir intacte.

Nous avons maudit et condamné cette guerre; quand des désastres inouïs dans l'histoire ont mis en poussière ses criminels instigateurs, nous avons invoqué, pour la faire cesser, les lois de l'humanité, les droits des peuples, la nécessité d'assurer le repos de l'Europe, offrant d'y concourir par de justes sacrifices. On a voulu nous imposer ceux que nous ne pouvions accepter; et la Prusse a continué la lutte, non pour défendre son territoire, mais pour conquérir le nôtre. Elle a porté dans plusieurs de nos départements le ravage et la mort; elle investit depuis plus de deux mois notre capitale qu'elle menace de bombardement et de famine, et c'est pour couronner ce système scientifique de violence qu'elle nous convie à réunir une Assemblée élue en partie dans ses camps, et appelée à discuter paisiblement quand gronde le canon de la bataille !

Le Gouvernement n'a pas cru une telle combinaison réalisable. Elle le condamnait à discontinuer la défense; et discontinuer la défense sans armistice régulier, c'était y renoncer. Or, quel est le citoyen français qui ne s'indigne à cette idée? le Pays tout entier proteste contre elle. On lui demande de voter, il fait mieux, il s'arme. Nos soldats, victorieux sur la Loire, effacent par leur généreux sang les hontes de l'Empire. Paris, dont la Prusse devait forcer l'enceinte en quelques jours, résiste depuis plus de deux mois, et il demeure plus que jamais résolu, après l'avoir rendue inexpugnable. Ses chefs militaires, que la trahison de

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Sedan avait laissés sans ressources, ont dû improviser une armée et son matériel, former la garde mobile, organiser la garde nationale. Leurs travaux ne seront pas stériles; et dans cette crise suprême que nous avons essayé de conjurer par tous les moyens que l'honneur commandait, nous avons la certitude que chacun fera son devoir.

Le Gouvernement n'a donc pas, comme l'en accuse le Chancelier de la Confédération du Nord, cherché à se concilier l'appui de l'Europe en paraissant se prêter à une négociation qu'il avait en réalité le dessein de rompre. Il repousse hautement une pareille imputation. Il a accepté avec reconnaissance l'intervention des Puissances neutres et s'est loyalement efforcé de la faire réussir dans les termes que l'une d'elles avait indiqués en rappelant dans son télégramme « les sentiments de justice et d'humanité auxquels la Prusse devait se conformer ». A cette heure suprême il s'en remettrait volontiers au jugement de ceux dont la voix bienveillante n'a point été écoutée. Ce n'est pas d'eux que lui viendrait un conseil de défaillance.

Après lui avoir donné leur appui moral, ils estimeront qu'il continue à le mériter en défendant énergiquement le principe qu'ils ont posé; il est prêt à convoquer une Assemblée, si un armistice avec ravitaillement le lui permet. Mais il faut qu'il soit bien entendu qu'en le refusant, la Prusse, malgré toutes ses déclarations contraires, cherche à augmenter nos embarras en nous empêchant de consulter la France; c'est donc à elle seule que doit être renvoyée la responsabilité d'une rupture démontrant une fois de plus qu'elle est déterminée à tout braver pour faire triompher sa politique de conquête violente et de domination européenne.

Je crois, M., avoir exactement traduit les sentiments qui ont inspiré le Gouvernement, et je vous prie de vous en pénétrer lorsque vous serez appelé à vous en expliquer.

Recevez, etc.

JULES FAVRE.

Capitulation de Péronne, conclue à Cartigny le 9 janvier 1871.

Entre les Soussignés, premièrement, le colonel de Hertzberg; deuxièmement, le lieutenant-colonel Gontrand Gonnet, de Bonnaud, chef d'escadron d'artillerie, et Cadot, chef de bataillon, chargés des pleins pouvoirs de S. Exc. le général de division baron de Barnetrois et de M. le chef de bataillon Garnier, commandant la place de Péronne, a été convenu ce qui suit :

ART. 1. La garnison de Péronne placée sous les ordres du chef de bataillon Garnier, commandant la place de Péronne, est prisonnière de guerre. La garde nationale sédentaire n'est pas comprise dans le présent article.

ART. 2. La place et la ville de Péronne avec tout le matériel de guerre, la moitié des approvisionnements de toute espèce et tout ce qui est la propriété de l'État seront rendus au corps prussien que commande M. le général de division baron de Barnetrois, dans l'état où tout cela se trouve au moment de la signature de cette Convention. A onze heures du matin, demain 10 janvier, des officiers d'artillerie et du génie avec quelques sous-officiers seront admis dans la place pour occuper les magasins à poudre et munitions.

ART. 3. Les armes ainsi que tout le matériel, consistant en canons, chevaux, caisses de guerre, équipages de l'armée, munitions, etc., seront laissés à Péronne à des commissions militaires instituées par M. le commandant pour être remis à des commissions prussiennes. A une heure, les troupes seront conduites, rangées d'après leur corps et en ordre militaire, sur la route de Paris, la gauche appuyée aux fortifications, la droite vers Éterpigny, où elles déposeront leurs

armes.

Les officiers rentreront alors librement dans la place sous la condition de s'engager sur l'honneur à ne pas quitter la place sans l'ordre du commandant prussien.

Les troupes seront alors conduites par leurs sous-officiers. Les soldats conserveront leurs sacs, leurs effets de campement, tentes, couvertures et marmites.

ART. 4. Tous les officiers supérieurs et les officiers subalternes, ainsi que les employés militaires ayant rang d'officiers, qui engageront leur parole d'honneur par écrit de ne pas porter les armes contre l'Allemagne, et de n'agir d'aucune manière contre ses intérêts jusqu'à la fin de la guerre actuelle, ne seront pas faits prisonniers de guerre. Les employés et officiers qui accepteront cette condition conserveront leurs armes et les objets qui leur appartiennent personnellement. Ils pourront quitter Péronne quand ils le voudront, en prévenant l'autorité prussienne. Les officiers faits prisonniers de guerre emporteront avec eux leurs épées ou sabres, ainsi que tout ce qui leur appartient personnellement et garderont leurs ordonnances. Ils partiront au jour qui sera fixé plus tard par le commandant prussien. Les médecins militaires, sans exception, resteront en arrière pour prendre soin des blessés et malades, et seront

traités suivant la Convention de Genève; il en sera de même du personnel des hôpitaux.

ART. 5. Aucune personne appartenant à la ville, soit comme simple particulier, soit comme autorité, ne sera inquiétée ni poursuivie par les autorités prussiennes pour faits relatifs à la guerre, quels qu'ils soient. En raison de la résistance énergique de Péronne, eu égard à sa faible position et aux dégâts produits par le bombardement, la ville sera exempte de toute réquisition en argent et en nature. Les habitants ne seront pas tenus de nourrir chez eux les simples soldats allemands jusqu'à l'épuisement de la moitié des approvisionnements qui se trouvent dans les magasins de l'État. Cette condition ne s'appliquera pas au jour de l'entrée.

ART. 6. Les armes de la garde nationale sédentaire seront déposées à l'hôtel de ville et appartiendront à l'armée prussienne; quant aux armes de luxe, elles seront déposées au même endroit et resteront la propriété des déposants.

ART. 7. Tout article qui pourra présenter des doutes sera toujours interprété en faveur de l'armée française.

ART. 8. Le 10 janvier, à midi, la porte de Saint-Nicolas et la porte de Bretagne seront ouvertes pour l'entrée des troupes prussiennes; en même temps, les fortifications nommées couronne de Bretagne et couronne de Paris seront libres de troupes françaises.

Cartigny, le 9 janvier 1871, onze heures du soir.

VON HERTZBERG, colonel.

La présente capitulation n'a été signée par les mandataires du commandant Garnier, MM. Gonnet, de Bonnaud et Cadot, qu'en raison des souffrances de la population civile de Péronne, éprouvée par un bombardement qui a détruit la plus grande partie de la ville.

GONNET, lieutenant-colonel.

DE BONNAUD.

L. CADOT.

Convention d'armistice conclue à Versailles, le 28 janvier 1871, entre la France et la Confédération germanique.

Entre M. le Comte de Bismarck, Chancelier de la Confédération germanique, stipulant au nom de S. M. l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse, et M. Jules Favre, Ministre des Affaires Étrangères du Gouvernement de la Défense nationale, munis de pouvoirs réguliers,

Ont été arrêtées les Conventions suivantes :

ART. 1. Un Armistice général, sur toute la ligne des opérations militaires en cours d'exécution entre les armées allemandes et les armées françaises, commencera pour Paris aujourd'hui même, pour les départements dans un délai de trois jours; la durée de l'Armistice sera de vingt et un jours à dater d'aujourd'hui, de manière que, sauf le cas où il serait renouvelé, l'Armistice se terminera partout le dix-neuf février, à midi (1).

Les armées belligérantes conserveront leurs positions respectives, qui seront séparées par une ligne de démarcation. Cette ligne partira de Pont-l'Évêque, sur les côtes du département du Calvados, se dirigera sur Lignières, dans le nord-est du département de la Mayenne, en passant entre Briouze et Fromentot; en touchant au département de la Mayenne, à Lignières, elle suivra la limite qui sépare ce département de celui de l'Orne et de la Sarthe, jusqu'au nord de Morannes, et sera continuée de manière à laisser à l'occupation allemande les départements de la Sarthe, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, du Loiret, de l'Yonne, jusqu'au point où, à l'est de Quarré-les-Tombes, se touchent les départements de la Côte-d'Or, de la Nièvre et de l'Yonne. A partir de ce point, le tracé de la ligne sera réservé à une entente qui aura lieu aussitôt que les parties contractantes seront renseignées sur la situation actuelle des opérations militaires en exécution dans les départements de la Côted'Or, du Doubs et du Jura. Dans tous les cas, elle traversera le territoire composé de ces trois départements, en laissant à l'occupation allemande les départements situés au nord, à l'armée française ceux situés au midi de ce territoire.

Les départements du Nord et du Pas-de-Calais, les forteresses de Givet et de Langres, avec le terrain qui les entoure à une distance de dix kilomètres, et la péninsule du Havre, jusqu'à une ligne à tirer d'Étretat, dans la direction de Saint-Romain, resteront en dehors de l'occupation allemande.

Les deux armées belligérantes et leurs avant-postes de part et d'autre se tiendront à une distance de dix kilomètres au moins des lignes tracées pour séparer leurs positions.

Chacune des deux armées se réserve le droit de maintenir son autorité dans le territoire qu'elle occupe, et d'employer les moyens que ses commandants jugeront nécessaires pour arriver à ce but.

(1) L'armistice a été successivement prorogé: 1o au 24 février; 2o au 26 du même mois; 3° au 12 mars. V. Journal officiel des 16 et 22 février, et article 1er de la Convention additionnelle aux préliminaires de paix du 26 février 1871.

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