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du 23 décembre 1865 (), encouragés par le succès de leur œuvre, ont accueilli cependant avec chaleur l'idée pratique de son extension; et, en voyant le succès de l'union monétaire conclue entre la France, la Belgique, la Suisse et l'Italie, malgré la situation économique fausse, à raison du cours forcé du papier, qu'a eu à subir bientôt l'un des États qui s'y sont associés, il était difficile au Gouvernement qui avait présidé à la Conférence de 1865 de ne pas demander à l'opinion du monde son appui pour des rapprochements monétaires plus étendus.

Le Gouvernement de l'Empereur a vu, avec une satisfaction que M. le Ministre des affaires étrangères vous a exprimée, l'empressement que tous les États souverains de l'Europe et le gouvernement de Washington ont mis, en définitive, à envoyer des délégués à la Conférence qu'il leur avait proposée. En donnant à cette réunion un Président dont le grand nom, la haute situation, l'impartialité manifeste et les sympathies décidées pour l'uniformité monétaire ont attaché à nos débats un éclat et une importance que nous ne pouvions attendre de nos propres ressources, il vous a remercié, mieux que nous ne pourrions le faire par des paroles, de l'accueil sérieux que vous tous, hommes distingués soit par l'éclat de vos mérites diplomatiques, soit par votre science économique ou par l'expérience technique de l'art monétaire, avez fait aux idées pour l'examen desquelles vous étiez convoqués.

Quel devait être cependant le but précis de votre conférence? Quel genre de questions devait-elle embrasser?

Tel a été le premier objet de vos réflexions, MM, objet capital pour le succès de votre réunion.

Le Gouvernement de l'Empereur, s'il pouvait en préparer l'étude, ne devait pas en fixer à lui seul les termes

La science monétaire est vaste : plusieurs de ses problèmes sont débattus entre les savants. Il ne fallait en éluder aucun, et cependant faire appel, avant tout, à ce sens des réalités qui, seul, procure les solutions efficaces, et qui a, dans la matière qui nous occupe, une valeur particulière. On l'a dit au Handelstag allemand de Francfort en 1864 : les questions monétaires sont avant tout des questions pratiques.

Une question qui s'imposait, comme fondamentale, à l'examen, celle de l'étalon monétaire.

était

La législation du monde se divise à cet égard, vous le savez, entre trois systèmes différents : le régime de l'étalon d'or, celui de l'étalon d'argent, celui du double étalon.

(1) V. le texte de cette Convention, t. IX, p. 453.

Il était indispensable de savoir dans laquelle de ces trois formes résidait en quelque sorte le point de maturité du système monétaire, ce point dans lequel on pourrait trouver la formule définitive, base de l'unité désirable.

C'est sous l'empire de ces considérations qu'a été arrêtée la série des questions adoptée par vous, comme base de vos travaux, sur le rapport d'une commission de sept membres, dans la formation de laquelle tous les systèmes avaient été représentés avec équité (1).

Ce Questionnaire, pour adopter un néologisme de notre langue administrative, a été adopté par vous, à l'unanimité, dans les termes sui

vants :

1o Par quelle voie est-il plus facile de réaliser l'unification monétaire: ou par la création d'un système tout nouveau, indépendant des systèmes existants, et, en ce cas, quelles seraient les bases de ce système? ou par la coordination mutuelle des systèmes existants, en tenant compte des avantages scientifiques de certains types et du nombre des populations qui les ont déjà adoptés; en ce cas, quel système monétaire pourrait être pris principalement en considération, sous réserve des perfectionnements dont il serait susceptible?

2o Y a-t-il possibilité de constituer dès à présent des identités ou coincidences partielles de types monétaires, dans une sphère étendue, sur la base et sous la condition de l'adoption de l'étalon d'argent exclusif? 3o Y a-t-il, au contraire, possibilité d'atteindre ce résultat sur la base et sous la condition de l'adoption de l'étalon d'or exclusif?

4° Quid du même résultat à poursuivre sur la base et sous la condition de l'adoption du double étalon avec la fixation d'un rapport identique, dans tous les pays, entre la valeur de l'or et la valeur de l'argent?

5o En cas de négative sur les trois questions précédentes, y a-t-il possibilité et utilité d'établir des identités ou coïncidences partielles des types monétaires, dans une sphère étendue, sur la base des monnaies d'argent, laissant à chaque État la liberté de garder simultanément l'étalon d'or?

6o Y aurait-il possibilité et utilité d'établir plutôt des identités ou co

(1) La Commission était composée:

Pour les pays d'Europe à double étalon (France et Russie), de MM. de Parieu et Jacobi; Pour les pays à étalon d'argent (Autriche et Prusse), de MM. le baron de Hock et Meinecke; Pour les pays à étalon d'or (Angleterre et Portugal), de MM. Graham et le comte d'Avila; Et enfin, pour les États-Unis d'Amérique, de M. Ruggles.

Les fonctions de secrétaire ont été remplies par M. Clavery, rédacteur au Ministère des Affaires Étrangères, assisté de M. Roux, attaché au Ministère des Finances.

ïncidences partielles des types monétaires sur la base des monnaies d'or, laissant à chaque État la liberté de garder simultanément l'étalon d'argent?

7o Dans l'hypothèse de solution affirmative sur l'une des deux questions précédentes, et suivant les distinctions que comporte cette alternative, l'avantage d'internationalité qu'acquerraient les monnaies du métal pris pour étalon commun serait-il une garantie suffisante de leur maintien dans la circulation de chaque État? ou serait-il nécessaire de stipuler en outre :

Soit certaine limite dans le rapport entre la valeur de l'or et celle de l'argent?

Soit certains engagements pour le cas où les pièces du métal international risqueraient d'être complétement expulsées de la circulation de quelqu'un des États contractants?

8o Est-il nécessaire, pour le succès de l'unification monétaire, de constituer dès à présent une unité partout identique pour la composition métallique, le poids et la dénomination, et, en ce cas, quelles bases lui assigner? ou suffit-il de constituer des types communs ayant un dénominateur commun assez élevé, par exemple, des multiples de 5 francs pour la monnaie d'or?

9o Y aurait-il utilité, dans le cas où l'or serait adopté comme métal international, à ce que les types de cette monnaie, déterminés par la Convention monétaire du 23 décembre 1865, fussent, dans un intérêt d'unification, et par suite de réciprocité, complétés par des types nouveaux, par exemple, des pièces de 15 francs et de 25 francs? dans ce cas, quelles devraient être leurs dimensions?

10o Y aurait-il utilité dans certaines hypothèses, et par exemple, en cas d'affirmative sur les questions 3 ou 6, à régler par des obligations communes certains points relatifs aux monnaies d'argent ou de billon : soit quant à leur composition et leur titre ? soit quant à la limite de leur admission dans les payements? soit quant à la quotité de leur admission?

11o Y a-t-il lieu de préciser quelques moyens de contrôle qui pourraient être établis pour assurer la fabrication exacte des types communs de la monnaie internationale?

12o En dehors des possibilités pratiques immédiates, objet des questions précédentes, y aurait-il quelques solutions ultérieures à préparer par des décisions doctrinales et des vœux de principe, en vue d'étendre dans l'avenir des rapprochements déjà réalisés depuis dix ans en Europe, ou immédiatement réalisables en matière monétaire?

Quoiqu'aucune pensée d'exclusion n'eût accompagné la rédaction de ce Questionnaire, il est remarquable que sa discussion, qui a occupé cinq de vos séances, ne vous a conduits à y faire aucune addition sérieuse; au contraire, les 10° et 11° questions ont été considérées par vous comme susceptibles d'ajournement, bien que le principe des mesures de contrôle ait été en lui-même jugé indispensable au succès des conventions monétaires désirées; et la 12° question elle-même n'a donné lieu à aucune indication spéciale.

L'ensemble des décisions de la Conférence a été relié et dominé par un vœu tendant à ce que les rapprochements de législation monétaire, qui pourraient être acceptés à l'avenir, aboutissent autant que possible à des conventions diplomatiques liant réciproquement les États, et les mettant en garde, pour ainsi dire, contre leurs propres inconstances. L'intérêt des États dont les systèmes viendront à converger est évidemment de se procurer, par le cours réciproque de leurs monnaies, les avantages politiques du rapprochement de leurs types monétaires.

A ce sujet, et dans une vue d'avenir, vous n'avez pas pensé que le cours réciproque dans les caisses publiques, suivant la formule adoptée en 1865, répondit complétement aux aspirations définitives vers l'uniformité monétaire, et vous avez pensé, malgré certaines réserves qui sont inscrites dans vos procès-verbaux, que le cours légal devait être considéré comme le dernier mot des tendances à l'unité.

Au fond, les neuf premières questions qui ont occupé cinq de vos séances se résumaient dans trois formules générales, qui eussent été peutêtre trop abstraites pour être posées au commencement d'une discussion, mais que vous me permettrez de réduire à leur plus simple expression dans le résumé rapide dont vous avez jugé la rédaction utile.

La recherche de l'uniformité monétaire, sur les bienfaits de laquelle tout le monde a été d'accord, mais sur les difficultés et les délais de laquelle il est impossible aussi de fermer les yeux, doit-elle s'opérer :

Par la création d'un système monétaire nouveau établi a priori? ou par l'adhésion stricte à l'un des systèmes existants? ou seulement par l'assouplissement et l'élargissement facultatifs, passez-moi ces expressions, et aussi par le perfectionnement futur de l'un des systèmes déjà pratiqués?

Tel était le problème à trois branches que vous aviez à résoudre.

A l'unanimité des États dont vous êtes les délégués, sauf quelques observations de la Belgique, dissidente comme tendance plus que comme opinion exclusive, vous n'avez pas cru devoir vous attacher à l'idée de

la création d'un système nouveau, et vous avez craint qu'une entreprise de ce genre n'entraînât indirectement l'ajournement indéfini des rapprochements monétaires désirables.

Ce système eût été fondé probablement sur l'adoption comme unité d'un poids d'or décimalement arrondi. Vous n'avez pas admis que cette régularité absolue, dont la valeur théorique serait incontestable, pût être atteinte sans des difficultés de transition considérables, sans un trouble profond de ce qui a été appelé des habitudes invétérées, habitudes dont il a été tenu compte, à ce qu'on a fait observer, même dans la constitution systématique, en France, de l'unité franc d'argent, presque calquée sur la livre tournois de l'ancien régime.

Au lieu de rechercher un système nouveau à créer de toutes pièces, vous avez préféré tourner les yeux sur le système de la convention monétaire signée à Paris le 23 décembre 1865, et qui, ayant été, avant votre réunion, adoptée à Rome et à Athènes, 'semble, par une sorte de coïncidence fortuite assez remarquable, réunir la plupart des pays dans lesquels, à l'expiration de l'histoire ancienne, la civilisation avait, par diverses voies, établi le périmètre de son premier empire.

Le lien solide que ce système conserve avec les poids métriques pour ses espèces d'argent, considérées soit comme étalon distinct, soit comme monnaie d'appoint; la population prépondérante (72 millions d'habitants) qui y est habituée et affectionnée, vous ont fait penser sur ce point important, à l'égard duquel certaine réserve était imposée aux délégués de la France, que ce système devait être choisi comme un centre d'assimilation et d'agglomération autour duquel diverses tentatives de groupement pouvaient être indiquées avec chance de succès.

Mais vous n'avez pas cependant voulu regarder ce système comme immuable et parfait.

D'abord, vous avez considéré qu'il pouvait, sans la condition nécessaire d'une limitation absolue, être assoupli et élargi par diverses associations; que si déjà des noms divers sont donnés à son unité, appelée ici franc, ailleurs livre, ailleurs même drachme, une latitude plus grande encore pourrait être acceptée comme possible, notamment en ce qui concerne la valeur de l'unité.

La majorité des peuples civilisés a des unités monétaires de compte supérieures au franc. La piastre, le thaler, le rouble, le dollar, ces quatre pièces, sœurs d'origine ou de nom (1), sont à peu près le quadruple

(1) Le rapport de la piastre au dollar est établi par divers documents américains, et notamment par la loi du 2 avril 1792, qui, si le texte qui m'a été communiqué est exact, a adopté le spanish

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