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du livre de D. Ruinart, mais ne le feront pas ou- testent la puissance de l'homme, et en même blier. Convenons pourtant que ces nouveaux édi- temps le néant de ses œuvres. La tour de Babel, teurs ont eu sous les yeux deux manuscrits in- | moitié historique, moitié fabuleuse, en est le connus à leurs devanciers. J'ai été assez heureux symbole le plus complet s'élever jusqu'aux pour leur procurer les variantes du magnifique cieux, tomber, puis ramper sous l'herbe, telle Codex de Cambrai, que D. Bouquet avait connu fut sa destinée. La Syrie et l'Égypte nous offrent, aussi, grâce à l'obligeance de l'abbé Mutte. Le après 4,000 ans de durée, dans les débris de PalGrégoire de Tours avait à peine paru que Rui- myre et de Memphis, les preuves irrécusables nart faisait imprimer une savante Apologie de de leur splendeur passée. La Grèce et l'Italie, saint Maur, contre lequel divers critiques, et moins grandes dans leurs œuvres, mais plus entre autres Baillet et Basnage, avaient récem- élégantes et plus parfaites, présentent à leur ment élevé des objections. Un jésuite, le père Ger- tour, à l'admiration et à l'étude des peuples mon, s'était avisé un jour d'attaquer la célèbre modernes, leurs temples, leurs colonnes, leurs diplomatique de Mabillon. La piété filiale de Rui- théâtres, leurs arcs de triomphe, brisés par l'efnart ne put supporter une agression d'ailleurs fort des siècles, et cachant leurs mutilations sous plus captieuse que fondée en raison. Dans un vo- les touffes et les guirlandes de verdure; ornelume in-12, imprimé à Paris en 1706, et intitulé ments gracieux que la nature leur prodigue en Ecclesia Parisiensis vindicata..... il ruina tous échange des pertes que l'art regrette. Vient enles arguments du père Germon, releva nombre de suite le moyen âge, avec ses édifices si pittoméprises qui lui étaient échappées, et trouva ainsi resques, bien plus près de notre époque, et une nouvelle et éclatante occasion de payer un cependant déjà ruinés par l'âge. C'est dans la tribut d'hommages à la mémoire de son ami, Germanie et dans la Grande-Bretagne, surtout, dont il publia la vie en 1709.- Sa Dissertation qu'il faut admirer ces poétiques débris de masur le Pallium, sa Vie du pape Urbain II, et noirs féodaux, ces ravissantes abbayes dont les son Voyage littéraire en Alsace et en Lorraine, découpures, dont les ogives et les rosaces disont été imprimés après sa mort dans les œuvres putent de grâce avec les tiges fleuries des planposthumes de Mabillon. On trouve en tête du tes souples et verdoyantes qui les étreignent dans ye volume des Ann. bénédictines, et dans la leurs mille contours. Aux ruines les plus impopréface des Acta Martyrum sincera, 2o édit., santes de l'ancien monde, n'oublions pas d'aune Vie de D. Ruinart, par son confrère René jouter celles non moins étonnantes qui, depuis Mossuet. On ne voit pas que ni Ruinart, ni la peu d'années, nous ont été révélées dans l'Améplupart de ses doctes confrères, aient brigué les rique, dans ce monde que nous avons à tort aphonneurs académiques. La modestie était chez pelé nouveau. Là, parmi des pyramides compaeux inséparable du savoir, et leur ordre fut di- rables à celles d'Égypte, malgré leurs différences gnement caractérisé par deux prélats, dans la de construction, gisent les ruines d'une ancienne personne de Mabillon, quand celui-ci fut pré-ville, entièrement désertes, et qui couvrent 7 senté à Louis XIV. « Sire, dit l'archevêque de Reims, voici l'homme le plus savant de votre royaume. D Ajoutez et le plus humble, dit Bossuet. LE GLAY. RUINE. Se dit principalement pour signifier la destruction partielle de bâtiments ou édifices quelconques, causée par le temps: une maison, un palais, un temple sont en ruine, tombent en ruine. Ce mot s'emploie aussi pour désigner les dégradations provenant de la main des hommes. C'est dans ce sens qu'on dit : battre une ville, une citadelle en ruine. Il s'emploie, en outre, pour signifier la perte des biens, de la réputation, du pouvoir, etc. Dans cette acception, on dit la ruine d'une nation, aussi bien que la ruine d'un individu. · Ruines, restes plus ou moins considérables, plus ou moins dégra-formes toujours gracieuses de la végétation dés, d'anciens édifices ou d'anciennes villes. Les ruines célèbres dont la terre est couverte al

à 8 lieues d'étendue (voy. PALENQUE), preuves évidentes qu'une bien antique civilisation avait passé par là, avant que les Européens découvrissent cet hémisphère, qu'ils croyaient dans l'enfance. En présence des ruines, l'âme est toujours frappée d'émotions plus ou moins profondes; elles nous rappellent la fin commune et inévitable des œuvres de l'homme, et de l'homme. lui-même. Les esprits éclairés sont reportés vers les vieux souvenirs, et voient, pour ainsi dire, renaître les générations qui ont admiré ces monuments dans leur splendeur et qui ont disparu de siècle en siècle devant le marbre et le granit, plus durables, mais non pas éternels. Leur vétusté ajoute un charme à leur aspect; et sans nul doute il faut l'attribuer aux riches couleurs, aux

qui s'en empare, et qui semble reconquérir ses droits usurpés par les formes correctes, mais

froides et arides de l'art, même le plus parfait. Cet attrait, né d'un contraste qui nous porte à la méditation et à la mélancolie, est si puissant, qu'il n'est personne qui ne prenne plus de plaisir à contempler une belle ruine qu'à admirer le plus magnifique édifice dans tout le luxe et l'éclat de sa nouveauté. Sous le rapport pittoresque, la question est résolue dans le même sens, car un tableau où le peintre a représenté les ruines de vastes et somptueux édifices, envahis par une végétation riche et capricieuse, plaît toujours plus à l'œil que celui où les mêmes édifices seraient représentés bien lisses et bien nets sortant des mains de l'architecte. Là, comme en réalité, la nature l'emporte sur l'art. FARCY. RUISDAEL. Voy. RUYSDAEL.

RUISSEAU, courant d'eau douce de faible volume ayant son origine à quelqu'un des innombrables réservoirs enfermés dans le sein de la terre ou existants à sa surface, et allant se perdre, après un cours plus ou moins long, soit dans la mer, soit dans un fleuve ou une rivière, soit dans quelque lac, ou, quelquefois, s'unissant à d'autres ruisseaux pour former avec eux la source d'une grande rivière. Pendant la belle saison, lorsque les pluies sont rares, mais qu'il en arrive de temps en temps, les ruisseaux coulent avec régularité, sans augmenter ou diminuer beaucoup de volume. Mais quand l'été est trop see, il arrive souvent qu'ils tarissent. Dans ces cas, les rivières qu'ils alimentaient peuvent cesser d'être navigables et devenir guéables sur un grand nombre de points. Lorsqu'au contraire l'été est marqué par de violents orages, ou lorsque des pluies fortes et durables arrivent en automne, les ruisseaux, convertis en torrents, portent dans les rivières des masses d'eau que leur lit ne peut contenir. Elles débordent et inondent à de grandes distances les plaines voisines, y portant la fécondité ou les rendant stériles, selon que les eaux qu'elles y versent se trouvent chargées d'un limon riche en principes fertilisants, ou de sables et de matières propres seulement à étouffer la végétation. La qualité des eaux des ruisseaux dépend de celle des réservoirs d'où elles proviennent et des terrains sur lesquels elles coulent. Elles sont saines et agréables à boire quand leur lit est formé de sable ou de cailloux; malfaisantes et désagréables au goût quand elles reposent sur un sol marécageux, et chargé de matières végétales ou animales en putréfaction. Mais quelles que soient leurs qualités pour l'usage des hommes, elles sont presque toujours bonnes et utiles aux terres cultivées comme aux prairies qu'elles arrosent,

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et tout pays où coulent un grand nombre de ruisseaux qui n'en font point un marais, est dans une position très-favorable à l'agriculture. On dit figurément les petits ruisseaux font les grandes rivières, c'est-à-dire plusieurs petites sommes réunies en font une grande. Une chose qui traîne dans le ruisseau est une chose triviale, commune, qui ne vaut pas la peine d'être dite. Ruisseau, enfin, se dit figurément de toutes les choses liquides qui coulent en abondance des ruisseaux de vin, des ruisseaux de sang, coulaient dans les rues. Ces pauvres enfants versèrent des ruisseaux de larmes. V. DE MOLÉON.

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RULHIÈRE (CLAUDE-CARLOMAN DE) se fit connaître, jeune encore, par des vers faciles et piquants, qui lui valurent dans les salons de Paris la réputation d'un esprit agréable. Une révolution dont il fut témoin, la mort du czar Pierre III, ayant réveillé en lui le talent de raconter, il se livra par la suite à des études sérieuses; et il a laissé des ouvrages qui l'ont placé en France au premier rang parmi les auteurs qui ont écrit l'histoire. Il était né, en 1735, à Bondy, près Paris. Son père était inspecteur de la maréchaussée de l'Ile-de-France. Après avoir terminé ses études chez les jésuites, au collége Louis-le-Grand, il entra dans les gendarmes de la garde; puis il devint aide de camp du maréchal de Richelieu, gouverneur de la Guienne, et le suivit à Bordeaux en 1758 et 1759. C'est à la comtesse d'Egmont, fille du maréchal, qu'il a adressé ses premiers écrits. En 1760, le baron de Breteuil, nommé à l'ambassade de Russie, l'emmena en qualité de secrétaire. Pendant le séjour qu'il y fit, il fut témoin de la révolution de 1762, qui mit l'impératrice Catherine II sur le trône. La vive impression que laissa en lui ce grand événement le fit historien. Il en avait eu sous les yeux tous les acteurs; il avait pénétré les intrigues secrètes de la conspiration. A son retour en France il se plaisait à en faire le récit, et il le faisait avec beaucoup d'intérêt. La comtesse d'Egmont le décida à l'écrire; c'est ce que nous apprend l'épitre dédicatoire, datée du 10 février 1768. Ce morceau, que Rulhière intitula Anecdotes sur la révolution de Russie en l'annee 1762, et dont le sujet piquait si vivement la curiosité publique, eut bientôt un succès de mode, et l'on en sollicitait fréquemment la lecture dans les salons. On assure même que la cour eut aussi le désir de le connaitre. L'impératrice ne tarda pas à ètre informée de ces lectures, et elle chargea Grimm, qui était un de ses agents à Paris, d'employer tous les moyens

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| sées et d'expressions, l'abus dans ce nouveau période fut une espèce d'emphase magistrale, une audace imprudente, une sorte de fanatisme dans les opinions, et surtout un ton affirmatif et dogmatique qui faisait dire à Fontenelle, alors dans sa centième année, et témoin encore de cette révolution : Je suis effrayé de l'horrible certitude que je rencontre à présent partout. » - Rulhière n'avait guère publié jusque-là que son discours en vers sur les Disputes, qui avait concouru pour le prix de poésie de l'Académie française, et que Voltaire fit paraître pour la première fois, en 1770, dans un de ces recueils de pamphlets qu'il envoyait de Ferney; il y joignit cette recommandation: « C'est ainsi qu'on faisait les vers dans le bon temps. En 1786, le baron de Breteuil, alors ministre, dans l'intention de réparer les funestes conséquences de la révocation de l'édit de Nantes, présenta à Louis XVI un rapport sur l'état des protestants en France. Il avait chargé Rulhiêre des recher

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possibles pour faire disparaître cet ouvrage. On s'adressa au duc d'Aiguillon, alors ministre des affaires étrangères, et à M. de Sartines, lieutenant de police. Rulhière résista aux menaces. Il avait d'ailleurs fait faire trois copies de son manuscrit et les avait déposées en mains sûres. Les agents de Catherine tâchèrent alors de le séduire par des avantages pécuniaires; on lui offrit, dit-on, trente mille francs s'il voulait supprimer son écrit, ou du moins modifier quelques traits relatifs à la personne même de l'impératrice. Il s'y refusa; mais seulement il s'engagea à ne jamais le faire paraître du vivant de Catherine. Ce ne fut en effet qu'en 1797 qu'il fut imprimé. — Rulhière avait quitté les gendarmes de la garde, et vers l'année 1768 le duc de Choiseul le destinait à une mission secrète en Pologne, probablement du genre de celle qui fut donnée deux ans après à Dumouriez. Mais au lieu de le faire partir pour cette mission, on le chargea dès lors d'écrire l'histoire des troubles de Pologne pour l'instruction du dauphin, quiches qu'exigeait cette question. Ce fut en 1788 fut depuis Louis XVI. On lui donna toute facilité pour puiser aux dépôts des affaires étrangères tous les matériaux dont il pouvait avoir besoin pour ce travail. Le crédit du baron de Breteuil lui fit donner, en 1771, une pension de six mille livres, dont il a joui jusqu'à sa mort; il prenait, dans les mémoires qu'il présentait au ministre, le titre d'employé sur l'État du département des affaires étrangères, dans la classe des écrivains politiques. » En 1776, il fit un voyage en Pologne pour aller chercher des renseignements. Il visita Dresde, Varsovie, Berlin, Vienne, interrogeant partout les témoins des événements qu'il avait entrepris de retracer. Il revint à Paris au bout d'un an, et travailla sans relâche à son Histoire de l'anarchie de Pologne, qui l'occupa vingt-deux ans, et il ne l'avait pas encore terminée lorsqu'il mourut. - Monsieur, qui fut depuis Louis XVIII, l'avait nommé secrétaire de ses commandements. Il fut reçu à l'Académie française, le 4 juin 1787, en remplacement de l'abbé de Boismont. Dans son discours de réception, il caractérisa avec une justesse remarquable la littérature française pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Tout en célébrant la puissance du génie et les travaux de Voltaire, de Montesquieu, de Buffon, il ne dissimule pas les côtés faibles de l'époque. Après avoir montré l'empire croissant de l'opinion publique et la dignité de l'homme de lettres mieux comprise, il ajoute : « Mais si dans le période précédent l'abus inévitable de l'esprit avait été ce luxe stérile, cette vaine subtilité de pen

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que celui-ci publia les Eclaircissements historiques sur les causes de la révocation de l'édit de Nantes, et sur l'état des protestants en France, depuis le commencement du règne de Louis XIV jusqu'à nos jours, tirés des differentes archives du gouvernement. Dans cet ouvrage, l'impartialité même avec laquelle il expliquait les causes qui avaient pu égarer Louis XIV, mettait dans un plus grand jour les droits des opprimés. Rulhière, qui toute sa vie avait professé des opinions philosophiques, bien que modérées, et qui même, dans ses discours à l'Académie, avait applaudi aux vues patriotiques manifestées dans l'assemblée des notables, ne se montra pas néanmoins favorable à la révolution française. Dès l'année 1790, attristé par la marche des événements, il s'était retiré à sa maison de campagne de Saint-Denis ; et lorsqu'il venait à Paris, il ne fréquentait plus guère que le club des Échecs. Il mourut presque subitement, le 30 janvier 1791, âgé d'environ 56 ans. Il laissait inachevée son Histoire de l'anarchie de Pologne, qui fut imprimée, en 1807, à l'imprimerie impériale, en 4 volumes. Dès son apparition, on rendit justice à la chaleur et à l'agrément du style, ainsi qu'à l'art profond avec lequel le livre est composé. On a vanté avec raison la beauté du plan, l'art de mettre en jeu les caractères, et surtout des portraits tracés de main de maître. Cet ouvrage fut désigné, par le jury de la troisième classe de l'Institut, pour le prix décennal destiné à la meilleure composition historique publiée depuis

1789. L'opinion du jury, attaquée dans le sein de l'Institut par MM. Dupont de Nemours, Levesque, Delisle de Sales et Rayneval, fut soutenue avec beaucoup de force et de raison par M. Daunou, et complétement ratifiée par l'opinion publique. ARTAUD.

RUM. Voy. RHUM.

de Bavière, qui le pressa d'entrer à son service aussitôt qu'il le vit libre, l'Angleterre ayant reconnu l'indépendance de la confédération américaine. Le colonel Thompson, ne croyant point qu'il fût permis à un officier de s'attacher à un prince étranger sans la permission de son souverain, la demanda à George III, qui ne l'accorda qu'à demi; par une distinction flatteuse, le roi le conservait à l'armée anglaise, le nommait chevalier, et lui permettait de s'absenter en conservant la demi-solde de son grade. C'est à Munich que commence la plus belle partie de la vie que nous esquissons: on n'a vu jusqu'à présent que le loyal, brave et habile militaire; on va connaître le sage administrateur, l'ami des hommes, non pas en stériles dissertations, à la manière de l'auteur du livre qui porte ce titre, mais en pratique, et

RUMB. (Marine.) Voy. RHUMB. RUMFORT (BENJAMIN-THOMPSON, Comte DE ). Ce bienfaiteur des arts économiques et de l'humanité naquit, vers 1753, à Rumfort, village appelé aujourd'hui Concord, dans l'Amérique septentrionale (New-Hampshire). On ignore la date précise de sa naissance; comme il ne fut pas lui-même son biographe, son histoire n'est que celle de ses travaux et des événements auxquels il eut quelque part. Sa famille n'était pas riche, et, dès son enfance, il devint orphelin; il serait demeuré sans instruction si un vénéra-prouvant par des actes la réalité de ses affections ble ecclésiastique ne s'était point chargé de cultiver les heureuses dispositions qu'il avait reconnues dans cet enfant. La fortune vint aussi bientôt au secours du jeune Benjamin; à l'âge de 19 ans, il épousa une riche veuve, et ne tarda pas, malgré sa jeunesse, à se voir environné de la considération que l'opulence obtient partout. Nommé major de la milice de son canton, en 1772, il s'acquitta de cet emploi avec une capacité que l'étude et l'exercice ne donnent pas toujours. Il prit en même temps ce que l'on nomme l'esprit militaire, et adopta des opinions qui influèrent puissamment sur sa destinée. Lorsque les colonies anglaises de l'Amérique du Nord prirent les armes pour conquérir leur indépendance, le major Thompson pensa qu'il | était lié par l'honneur et le serment prêté sous les drapeaux de la métropole; il ne les quitta point. Lorsque les Anglais évacuèrent Boston, en 1776, Thompson fut choisi pour porter à Londres la nouvelle des échecs dont cette retraite était la conséquence inévitable; lord Germaine retint l'envoyé près de lui, et l'y fixa par un emploi dans ses bureaux, et enfin par une place de sous-secrétaire d'Etat. Cependant l'Europe ne le possédait pas encore définitivement; il était mécontent du ministère dont les vues lui paraissaient contraires aux veritables intérêts de l'État; il donna sa démission, obtint de rentrer dans l'armée active, et contribua beaucoup à une nouvelle organisation de la cavalerie anglaise. Il revit encore une fois l'Amérique pour y combattre ses anciens compatriotes et leurs alliés, et gagna, sur le champ de bataille, le grade de colonel. Durant son séjour à Londres, il s'était fait connaître et estimer de l'électeur

philanthropiques. Le colonel Thompson entreprit d'abord de diminuer graduellement un mal qui affecte presque tous les États, et qu'il est très-difficile de faire disparaître entièrement, la mendicité : des maisons de travail furent ouvertes aux mendiants valides, qui purent y trouver une subsistance assurée; des secours mieux répartis soulagèrent un plus grand nombre d'indigents qui ne pouvaient point travailler. Pour opérer ces changements si désirables, il fallait établir de nouvelles fabriques, imprimer au commerce un mouvement plus rapide, maintenir l'équilibre entre les produits et la consommation : le prince et son conseiller eurent la satisfaction d'obtenir ce beau résultat de leurs soins. La culture de la pomme de terre n'était pas encore introduite en Bavière; elle s'y propagea promptement. Une nourriture substantielle, préparée afin de diminuer tous les frais, fut offerte à très-bas prix à la classe pauvre et laborieuse. Des cheminées économiques donnèrent le moyen de se chauffer beaucoup mieux en épargnant du bois, etc. La Bavière devint, à cette époque, la terre classique des institutions de bienfaisance et du perfectionnement des arts les plus usuels. Les services que le colonel Thompson rendait ainsi à l'État furent récompensés par le grade de lieutenant général des armées bavaroises, et le titre de comte de Rumfort, nom que l'illustre américain a porté depuis lors, et qui est attaché à ses œuvres. Durant un voyage qu'il fit en Angleterre, ses lumières et son zèle furent mis à contribution; il eut à fonder et mettre en activité des établissements à l'instar de ceux dont la Bavière lui était redevable; il propagea ses méthodes économiques,

et trouva le moyen d'y ajouter encore quelques perfectionnements, A sou retour en Bavière, il se mit à rédiger le seul ouvrage qu'il ait publié, sous le titre d'Essais et expériences politiques, économiques et philosophiques. Ce travail était à peine terminé lorsque le comte de Rumfort perdit son protecteur et son ami, l'électeur Charles-Théodore. Les liens qui l'attachaient à ce pays étaient rompus; il vint s'établir en France dès que la tourmente révolutionnaire fut apaisée. Le savant étranger était veuf alors; il rencontra la veuve de Lavoisier ; la convenance des goûts, des opinions, des vues, une parfaite sympathie les rapprocha, et bientôt l'hymen les unit. En 1802, l'Institut s'adjoignit le comte de Rumfort dont les travaux lui furent utiles jusqu'au moment où les infirmités de la vieillesse mirent fin à cette incessante activité. L'Europe entière enviait à la France l'acquisition qu'elle avait faite; le 22 août 1814, elle en fut privée. — C'est à regret que nous avons réduit à si peu de faits l'histoire d'une vie dont tous les moments furent consacrés au bien de l'humanité, depuis l'âge mûr jusqu'à la décrépitude. Cet homme, dont le nom sera prononcé avec respect par la postérité la plus reculée, porta les armes contre son pays; s'il eût été pris dans les rangs ennemis, il aurait peut-être terminé sa carrière sur un échafaud: les auteurs des lois contre les crimes politiques ne tiennent aucun compte des observations de cette nature, mais l'opinion publique ne les néglige point, et ses guides sont la morale, le sentiment de ce qui est honnête, vertueux, digne d'estime. La politique est moins scrupuleuse, et ne considère les choses que sous l'aspect qui lui convient. -- Autre observation: que sont devenus en France les essais d'importation des méthodes et des établissements de Rumfort? une mode les avait introduits; une autre les a fait disparaître : c'est ainsi que l'on traite les affaires les plus sérieuses. FERRY.

RUMINANTS. On nomme ainsi une famille de quadrupedes vivipares dont l'estomac est tellement conformé que les aliments, après y avoir pénétré, reviennent dans la bouche pour y être machés une seconde fois : tels sont les brebis, les chameaux, les bœufs, etc. Les ruminants sont tous privés de dents incisives à la mâchoire supérieure: les seuls genres du chameau et du musc ont des dents canines à cette mâchoire; tous les autres en manquent; en revanche, ils sont armés de cornes que n'ont pas ceux dont la mâchoire supérieure est garnie de dents canines. Un autre caractère des ruminants est d'avoir le pied fourchu. Le cochon l'a bien aussi, mais

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ses sabots postérieurs sont proportionnellement beaucoup plus gros que ceux des ruminants, et il en a quatre à chaque pied, au lieu que le genre d'animaux dont nous parlons n'en a que deux. C'est à la nature fibreuse des aliments végétaux dont se nourrissent les ruminants privés de dents canines supérieures qu'est due la nécessité d'un second broiement dans la bouche de ces mêmes aliments. Les ruminants ont quatre estomacs ou plutôt n'en ont qu'un seul divisé en quatre parties: la première, formant une vaste poche dont l'intérieur est tapissé de pupilles, se nomme la panse; la seconde est le bonnet, petite cavité ronde réticulée en dedans comme un rayon de miel, car chaque réseau a six angles. Le feuillet, qui vient ensuite, plus long que large, est intérieurement tapissé de lames ou membranes semblables aux feuillets d'un portefeuille, d'où lui est venu son nom. La quatrième poche, à parois très-épaisses et ridées, se nomme la caillette, parce qu'elle est douée d'une propriété acide qui caille le lait : c'est la seule poche dont fassent usage les jeunes ruminants encore à la mamelle; mais, dès qu'ils ont été sevrés, les autres poches, d'abord peu développées, prennent beaucoup d'extension. Après la première trituration des aliments dans la bouche, la masse alimentaire, imparfaitement broyée, descend dans la panse, qui la macère et l'humecte, puis elle entre dans le bonnet, où elle s'amollit encore par l'action d'un suc aqueux que sécrète abondamment cette poche: c'est de là qu'elle remonte dans la bouche par l'œsophage au moyen d'un mouvement de contraction analogue à celui qui a lieu dans le vomissement. Lorsqu'elle a été de nouveau mâchée et mise en bouillie, elle redescend une seconde fois par l'œsophage, et pénètre immédiatement dans le feuillet, puis dans la caillette, où s'achève la digestion. Les chameaux, comme on le croit vulgairement, ne conservent pas l'eau qu'ils boivent dans la poche dite bonnet, mais c'est celle-ci qui, par une prévoyance admirable de la nature, sécrète de la masse du sang une énorme quantité de suc aqueux qui sert de boisson à ces animaux durant les longues courses qu'ils font dans le désert. Dans la classe des oiseaux, ce sont les gallinacés qui représentent les ruminants, car ils ont trois estomacs ou poches, dont celle dite gésier fait la fonction de la rumination en triturant les graines ramollies dans les autres poches: les ruminants dont l'estomac n'a pas cette faculté de triturer sont obligés de faire remonter la masse alimentaire dans la bouche pour l'y remâcher. L'estomac des carnivores, simple

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