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celier à cause de différends religieux existant en Allemagne. Donc, le Droit de Légation n' appartient pas exclusivement aux États souverains (1).

Sur la même question nous reporterons le raisonnement de M. Bluntschli: «Les Églises chrétiennes, ditil, ne sont pas des personnes internationales dans le sens donné plus haut, car elles ne sont par les représentants ni les garants du droit international; mais elles sont des personnes analogues aux États, elles peuvent avoir avec ses derniers des rapports qui ont plus ou moins de ressemblance avec les relations des États entre eux....». Les légats à latère ou de latère (c'est le titre des cardinaux) ou les nonces (ceux qui ne sont pas cardinaux) que le pape envoie, ont une mission ecclésiastique plutôt que politique, et représentent avant tout le pape comme chef de l'Église catholique romaine. Depuis la disparition de l'État de l'Église (1870), ils ont entièrement perdu le caractère d'envoyés, au sens strict, puisqu'ils ne sont plus les représentants d' un État. Si on leur octroie encore néanmoins les privilèges des envoyés, cela tient au respect d'un usage anciennement établi et dû à la haute dignité historique comme aussi à l'influence ecclésiastique de la Papauté sur les rapports de l'Église romaine avec les États souverains, rapports qui sont analogues aux rapports internationaux. L'importance et le rang des représentants du pape sont donc indépendants du maintien du pouvoir temporel du pape (2).

La Papauté a-t-elle le droit d'ambassade? Comprenons bien la question. Le droit d'ambassade est un

(1) Arntz. Dans la Revue du Droit International, Tome XI. 1879. (2) Bluntschli. Droit International codifié. Art. 26 et 172.

des droits principaux de la souveraineté. Et avant toute autre investigation, nous nous demandons: En quoi consiste cette souveraineté ? Qui étudie avec une méthode positive la solution des problèmes les plus difficiles de la Politique trouve que la Souveraineté consiste dans le pouvoir de faire les loi, les transformer et les abroger, mettre des impositions, enrôler des soldats, frapper monnaie, conclure des stipulations internationales, déclarer la guerre, signer la paix. Et ces signes apparents, dans lesquels la Souveraineté s'explique dans la vie des peuples, en remontant à l'idée fondamentale de la même, on retrouve qu'elle est l'expression la plus haute de la volonté générale, la synthèse de toutes les aspirations d'une société suivant son état de culture, l'aggrégation harmonique de toutes les forces vives de la Nation, le juge de toutes les précautions que l'on prend au nom du Droit pour la sûreté et la tranquillité publique et pour le développement du bien-être social; enfin l'ensemble de tous les pouvoirs publics, qui sont les organes de l'État, correspondent aux fonctions de l'organisme social. Si c'est précisément l'idée pure, simple de la Souveraineté, elle réside, et il ne pourrait être autrement, dans la Nation entière, ou, plus précisément, dans l' universalité des citoyens; et dans cette universalité des citoyens elle réside essentiellement et en manière imprescriptible. Et, comme l'État personifie l'organisme de la Nation pour faire régner le Droit dans la société civile, il n'y a de souveraineté que dans l'État. Il n'y a pas de société politique qu'on puisse concevoir sans l'idée de la Souveraineté.

État, Loi et Souveraineté, ce sont trois éléments essentiels dans chaque société, trois termes corrélatifs

et fondamentaux dans le Droit Public. Par conséquent, l'État seul a le droit d'ambassade avec les Puissances étrangères. Les États sont les personnes de la société internationale. C'est un principe qui n' admet pas de restrictions. Le droit de désigner et d'accréditer des représentants des autres États est un des droits qui dépendent de la Souveraineté d'un État.

De même qu'il n'y a qu' un État pour le même peuple et sur le même territoire, il n'y a qu'une souveraineté. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'on trouve dans certains États (États fédératifs, Empires fédératifs, Confédérations d'États) pour la même nation et sur le même territoire, deux États et deux souverainetés: celle de l'État central et celle des États particuliers. La souveraineté est pour chaque État une qualité naturelle, chacun d'eux est un organisme indépendant. Souveraineté et unité résultent de l'idée même de l'État. Par conséquent dans les relations des États entre eux, celui qui possède de fait et tient dans ses mains le pouvoir (le chef réel de l'État) est considéré comme l'organe et le représentant de l'État. Le Ministère anglais, par une circulaire en date du 25 Mars 1825, constatait l' usage général des États européens d'entrer en relations avec les gouvernements de facto (1).

L'Église romaine même, malgré ses tendances légitimistes actuelles, a reconnu cette maxime. Le Pape Grégoire XVI a déclaré solennellement, en 1831, que c'était un besoin et un ancien usage de l'Église, d'entrer en rapports avec ceux qui actu summa rerum potiuntur, mais en même temps qu'elle n'entendait pas reconnaî

(1) Voir Phillimore, 11, 19.

tre par là la légitimité des pouvoirs de ces derniers (1). Un État ne peut donc pas recevoir à la fois deux envoyés diplomatiques d'un même État étranger, l'un par exemple du prince détrônisé qui espère être rétabli sur le trône et l'autre du prince qui est arrivé au pouvoir à la suite d'une révolution. La réception de l'envoyé du nouveau gouvernement entraîne, par conséquent, le congé du représentant du gouvernement renversé. On obéit au gouvernement de fait, à l'actual king, suivant l'expression du décret rendu par le Parlement anglais, en 1494, sous le règne de Henri VIII.

Comme l'édifice de la puissance temporelle de l'Église catholique s'est écroulé, voici la raison par laquelle la Papauté se trouve n'avoir plus qu'un caractère purement spirituel. Et par conséquent les États ne peuvent tenir avec le Saint-Siége des relations diplomatiques. Celui qui perd le gouvernement d'un État cesse de représenter cet État à l'extérieur. Un État écroulé perd sa personnalité internationale. Les Papes ont perdu la qualité de Rois, et ils sont restés dans la qualité simple de chefs suprêmes de l'Église catholique. A présent la Papauté, comme une Puissance purement spirituelle, comme une association d'ordre moral, ne peut exercer le droit d'ambassade, elle ne peut plus envoyer ni recevoir les ministres publics.

(1) Bluntschli: Droit International codipe, §§ 39, 116, 117, 118, 120, 705.

XXIII.

Mais il n'y a un obstacle, qui repose sur une idée qui se trouve dans la conscience des écrivains et des hommes d'État. Sans doute ce sont les écrivains et les hommes d'État, qui dans l'étude des problèmes politiques et dans la pratique des affaires ont dans leur pouvoir le perfectionnement du Droit Public. Par conséquent, nous devons examiner la pensée commune qui forme un obstacle à l' application des principes scientifiques et d'éclairer à cet égard la conscience publique, qui doit toujours connaître et approuver les principes qu'on peut faire prévaloir. L'opinion publique est le principal levier du progrès; mais l'opinion publique réglée par les principes de la science. Aujourd'hui on se croit sage parce qu'on écoute le bruit du jour et qu' on suit la majorité; on ne se rend pas compte que l' opinion est souvent factice, et que la majorité ne fait que répéter ce que lui soufflent quelques journaux. C'est ainsi que de bonne foi on marche au hasard, et que, sans le vouloir, on en arrive à compromettre la fortune et la puissance du pays. Le raisonnement que nous allons tenir servira à faire ressortir les progrès qu'il faut encore réaliser pour que les principes arrivent à remplir leur mission civilisatrice et humanitaire.

Généralement donc on considère la Loi des garanties comme une Loi fondamentale du Droit Public Italien et on retient qu'elle est irrévocable comme la Constitution du Royaume. Voici par exemple comment le

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