Page images
PDF
EPUB

gnait pas en Frédéric II la qualité d' Empereur, mais plutôt celle de se trouver à la tête de la Monarchie sicilienne. Quant à la politique de la Papauté dans les affaires d'Italie, la couronne impériale sur la tête de Frédéric était simplement accessoire; ce qui importait, c'était la pensée que Frédéric II, roi des Deux Siciles, s'appuyant sur le titre d'Empereur pouvait souhaiter de réunir toute l'Italie; et c'était précisement le grand dessein de Fréderic II, dont PIERRE DE LA VIGNE était le suprême inspirateur. La Papauté comprit le grand danger qui l'aurait menacé avant même que Frédéric n'eût formé son dessein; Innocent III avait eû ses raisons de lui imposer des pactes le jour même dans lequel il le reconnaissait Empereur; mais avec cette solemnité il avait commis une grande imprudence, que ses successeurs cherchèrent de réparer par des actes successifs d'excomunication.

III.

Dans ce long intervalle de siècles, la Papauté a été en lutte avec tous les États les plus puissants; et on a vu mème quelques Papes fuir de Rome de crainte ou des ennemis intérieurs ou des mouvements insurrectionnels des citoyens, mais après peu de temps, leur domination est restée consolidée, l'institution est sortie

reur, mais c'était une lutte d'existence qui devait s'éléver à jamais entre l'Église et tout prince de la Péninsule, qui eût montré la pensée éloignée de s'italianiser. Et cette lutte a continué jusqu'à Victor Emmanuel II et Pie IX (1870).

toujours agrandie des plus graves malheurs qui lui sont arrivés, des plus terribles catastrophes qu'elle a soutenues; ces défaites ont été tout au plus des humilitations personnelles des Chefs de l'Église; par conséquent des phénomènes passagers, qui ont toujours ouvert le passage à la lumière plus brillante, à des victoires plus splendides. Ni même Napoléon premier qui put disposer des Empires, des Royaumes et des Republiques ne put renverser cet État anormal, où plutôt amorphe, d'une forme de constitution entièrement orientale, cet État, petit par l'extension du territoire mais qui était plus fort que tous les autres par la puissance de l'intrigue diplomatique et par l'influence religieuse exercée sur tous les peuples. Il n'arriva pas même avec toutes ses armées formidables à réaliser son dessein de conquérir la Papauté en la tenant intacte et de la soumettre à la dépendance de la France (1). En vérité tous les at

(1) J'ai été grand sur le trône de France principalement par la force des armes et par mon influence sur l'Europe entière; mais le caractère distinctif de mon règne était toujours la gloire des conquètes. A Rome, ce sera une autre gloire aussi éclatante que la première, mais plus durable et plus utile... Je ferai des peuples épars de l'Italie une seule nation, je leur donnerai l'unité de mœurs qui leur manque, et ce sera l'entreprise la plus difficile que j'aie tentée jusqu'ici. J'ouvrirai des routes et des canaux, je multiplierai les communications; de nouveaux et vastes débouchés s'ouvriront aux industries renaissantes, tandisque l'agriculture montrera la prodigieuse fécondité du sol italien. Je donnerai à l'Italie des lois faites pour les Italiens, ... Naples, Venise, la Spezia deviendront d'immenses chantiers de construction navale, et dans peu d'années l'Italie aura une marine imposante. Je ferai de Rome un port de mer. Dans vingt ans l'Italie aura une population de trente millions d'habitants et ce sera une des plus puissantes nations de l'Europe. Plus de guerre, plus de conquète et j'aurai néanmoins une armée brave et nombreuse, sur le drapeau de laquelle je ferai écrire le mot: Matheur à qui le touche! et personne n'osera. Après

taques contre la Papauté ont été l'effet de coups personnels et d'ambitions de princes et non pas des luttes de principes. Mais au contraire parmi tous les États il a toujours existé un accord tacite d'appuyer la Papauté contre toutes les tentatives précisément dirigées contre toutes les bases de l'institution. Dans la société internationale la Papauté a toujours été considérée comme une institution nécessaire, telle que l'Empire Ottoman, pour conserver l'équilibre politique des grandes Puissances. Seulement le peuple indigène d'Italie l'a combattu avec persistance et par tradition dans ses bases fondamentales; et pourquoi? Parce que le Catholicisme s'est tenu costamment fidèle à une propagande cosmopolite, qui a toujours fait obstacle au mouvement unitaire du peuple italien. Et voyez en la preuve dans les faits. La pensée italienne dans le cours historique de sou évolution a traversé trois époques très-importantes.

La première époque s'étend de l'année 665 de Rome jusqu'aux Hohenstauffen.

La seconde s'étend jusqu'à tout le XVI siècle.
La troisième jusqu'à 1848.

Ce sont trois époques dans lesquels la Pensée italienne se revèle d'une manière partielle, c'est-à-dire d'un seul côté, d'un seul point de vue, qui change selon la différente nature des temps, et sous chacune de ces formes le peuple indigène d'Italie a combattu contre la

avoir été César en France, je serai Camille à Rome; l'étranger cessera de fouler de son pied la Capitale et n'y retournera plus. Sous mon règne, la majesté antique du peuple-roi s'unîra à la civilisation de mon premier Em. pire, et Rome égalera Paris en conservant intacte la grandeur de ses souvenirs. » Napoléon I.

Papauté. Mais cette apparition unilatérale de la Grande Pensée n'était pas suffisante à recueillir autour d'elle tous les éléments du Pays pour le triomphe final; il fallait que cette pensée eût traversé dans l'histoire toutes les phases possibles, afin qu'aux intelligences de tous les Italiens pût se présenter bien claire l'Idée que la puissance, qui avait retardé le triomphe des Italiens, la renaissance du Peuple indigène de la Peninsule avait été une seule et toujours la même. La Pensée italienne, sous la forme de l'UNITÉ, fut éteinte par Clément VII; sous la figure de LIBERTÉ, elle fut profanée par Pie IX.

La Papauté politique donc a été l'axe autour duquel s'est développée constamment l'histoire de l'évolution de la Pensée italienne, et elle a été en même temps son ennemi perpetuel. En effet, l'Église a combattu toujours les tendances nationales de l'Italie. En jetant, comme elle l'a fait, le mépris et l'anathème sur les aspirations de tant de milliers d'hommes, sur les douleurs et les sacrifices de tant de cœurs généreux, sur la nation toute entière, l'Église a méconnu l'action visibile de la Providence ou de la Nature qui veut que l'Italie existe comme État national; et en agissant ainsi, elle a blessé profondément l'esprit national. Et aujourd'hui que signifie vraiment dans le monde le triomphe de la Pensée italienne? C'est l'affirmation solennelle du Principe de Nationalité contre une institution, qui fait de sa puissance la propagation cosmopolite. C'est que le triomphe de la Pensée italienne. UNITÉ, INDÉPENDANCE, LIBERTÉ, devait nécessairement produire non seulement la chûte personnelle du Pape, mais l'ébranlement définitif de l'institution de la Papauté politique.

IV.

L'Histoire, la parole vivante du Droit, nous servira de guide dans la continuation de notre travail. Nous divisons cette étude en deux parties, contenant, la première, une exposition pure et simple des événements historiques, la seconde, une série d'observations se rapportant à la solution du problème.

Nous ne toucherons pas une histoire trop récente, nous nous limiterons à parler des phases les plus importantes de la Politique étrangère italienne à l'égard de cette question.

C'est précisement dans l'explication du Principe de Nationalité que nous devons chercher les causes intimes de cet acte accompli par la Diplomatie italienne (la Convention du 15 Septembre 1864), qui plus que tant d'autres a été compris dans sa juste valeur. En effet dans les dix ans écoulés après ce fait, la Diplomatie italienne peut-être n'a jamais démontré une conduite plus courageuse, ni plus prudente, ni plus sage, que dans cette circonstance-là, car dans la période historique de 1861 à 1870 il ne s'est pas présenté d'autre occasion, qui plus qu'elle eût favorisé le développement de l'Idée italienne envers son but suprême. Depuis Charlemagne la Papauté avait présenté toujours une question très-vivante de Politique étrangère; l'Italie ne s'était jamais trouvée seule vis-à-vis de cette institution colossale, qui était dans son sein. Dans toute circonstance, dans laquelle un État quelconque de la Péninsule s'était trouvé dans la position d'être en rapport

« PreviousContinue »