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Pour ce début dans le féminisme, l'Académie ne saurait être trop félicitée. Elle pouvait choisir aussi bien, mais pas mieux que madame d'Houville.

Si le Temps d'aimer s'alourdit un peu de commentaires et de psychologies, par contre son premier roman l'Inconstante, nous avait tous charmés par l'aisance, la grâce, la sincérité audacieuse qui en émanent: et quel tort n'avait pas fait à Paul et Virginie, cette brûlante estampe des mœurs créoles: Esclave! Et puis madame d'Houville est un poète — inédit hélas ! mais un vrai poète. Et puis, elle aussi, rappelons-le fièrement, est une collaboratrice de la Revue de Paris.

A ce titre qu'elle me permette de lui offrir ici, pour fêter son prix, une belle corbeille de pamplemousses.

V

Gotton Con

- Rose, de Mme Jane

Le Grand-Prix du roman et ses conditions.
nixloo, de Mme Camille Mayran.
Cals. Les concours du Conservatoire.
ments actuels de l'avant pour l'arrière.

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45 juillet 1918.

L'attribution à Mme Camille Mayran du Grand Prix du Roman de l'Académie française n'a pas été, il faut bien l'avouer, sans provoquer quelques grognements dans la grande presse et dans les petites revues.

Non que l'amour-propre masculin se jugeât ici lésé. L'amertume des plaignants s'inspirait d'autres préventions que de celles du sexe. Exprimons ces préventions sans détour : les attaches académiques de l'intéressée - Mme Mayran est petite-nièce de Taine semblaient pour beaucoup dans son succès.

Son talent n'était pas en jeu. Mais eût-elle si aisément triomphé sans l'adjuvant de ses

alliances? Voilà la question qui perçait dans plus d'un article la concernant, quand encore elle ne prenait pas un tour formel.

La réponse à ces questions détournées ou directes ne souffre pas de difficultés. On la trouvera tout au long dans les palmarès de l'Académie. Je ne citerai pas de noms, car la liste n'en finirait pas. Mais à cette lecture, l'esprit le plus mal disposé pourra se convaincre que dans la distribution de ses dons, l'Académie ne fait jamais acception positive de personnes et qu'elle se réfère surtout au mérite.

Pour obtenir ces récompenses, nos jeunes écrivains auraient donc tort de croire qu'un oncle d'Académie est indispensable, comme jadis, pour faire fortune, il fallait un oncle d'Amérique.

Et pour tourner ces difficultés que lá loi ou la nature rendraient souvent insurmontables, ce serait une autre erreur de s'orienter vers l'intrigue ou la flagornerie.

L'Académie ne dédaigne certes pas les hommages et les gâteries. Mais si, quant à la menuaille de ses dons, il lui arrive de répondre aux bons procédés par quelques légères gratifications, lorsqu'il s'agit de ses grands prix, elle sent trop l'importance de ces hautes faveurs et la consécration qui s'y attache pour en régler la distribution sur des motifs d'ordre privé.

En somme, l'attribution en cause n'indique ni collusion, ni arbitraire; et nos jeunes écrivains feraient le plus déplorable calcul en y voyant

comme une invite à abdiquer leur indépendance pour la brigue ou les « relations >.

*

**

Autre critique qui s'est fait jour à propos du prix donné à l'Histoire de Gotton Connixloo : c'est le premier roman de Mme Camille Mayran.Elle pouvait attendre.

Je répondrai simplement : « Et Adolphe ? » Autre critique encore ce n'est pas un roman, ce n'est qu'une longue nouvelle.

Je répondrai de même : « Et Adolphe? »

Premier ouvrage, nombre des pages, chicanes qui fleurent trop la mauvaise humeur pour qu'on s'y arrête.

Ce qui, selon moi, prêterait beaucoup plus à discussion, ce sont les conditions mêmes du prix.

Elles portent qu'il devra être décerné: 1° à un jeune auteur; 2o à un roman présentant une tendance morale.

Sur la première condition, rien à dire. Mais la seconde! Elle prend carrément parti pour la moralisation dans l'art. Elle prescrit que l'ouvrage récompensé devra servir les bonnes mœurs. Entre deux œuvres de valeur approchante, c'est au livre vertueux qu'elle donnera d'office la palme. Il y aurait là matière à causer.

Croyez que je n'en abuserai pas pour évoquer devant vous cette vieille querelle de l'art et de la

morale qui, depuis un siècle, a nourri dix générations de critiques et doit se trouver aujourd'hui bien à court d'aliments nouveaux.

Néanmoins il est permis de constater que les lecteurs qui font passer avant tout la valeur artistique de l'œuvre, gardent la latitude d'accorder, le cas échéant, leurs suffrages à des livres d'une irréprochable vertu.

Tandis qu'au contraire ceux qui exigent que la voix du bien domine dans un livre, se condamnent à rejeter d'emblée une foulé d'œuvres remarquables où l'extinction de cette voix est complète.

Pour ne pas nous égarer, prenons un exemple immédiat. Voici une autre dame, Mme Jane Cals, qui vient de publier en feuilleton un petit roman intitulé: Rose. C'est une œuvre odorante et fraîche comme son titre, l'histoire d'une sorte de petite Bovary consciente qui nous conte, par menus morceaux, ses langueurs, ses aventures, une passion. De tous ces péchés nul remords, nulle expiation. Il n'en est pas question une minute. Mais on trouve dans ce bref récit une grâce, une sincérité, une poésie, qui, pour n'être pas aussi ordonnées peut-être que chez Mme Mayran, n'en accusent pas moins un talent certes équivalent.

Supposons maintenant que le livre de Mme Cals eût paru en même temps que celui de Mme May ran. Entre les deux ouvrages la lutte pour le grand prix n'existait pas. Du fait que l'Histoire de

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