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PARIS

TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT

19, RUE DES SAINTS-PFRES, 19

DE

L'ENSEIGNEMENT

PUBLIÉE

Par la Société de l'Enseignement supérieur

COMITÉ DE RÉDACTION

M. BOUTMY, Membre de l'Institut, Président de la Société.

M. E. LAVISSE, Directeur d'études pour
T'histoire à la Faculté des Lettres de Paris,
Secrétaire général de la Société.

M. PETIT DE JULLEVILLE, Professeur sup-
pleant à la Faculté des Lettres de Paris. Secré-
taire général adjoint.

M. ARMAND COLIN, Éditeur.

M. BEAUSSIRE, Membre de l'Institut.

M. BERTHELOT, de l'Institut, Inspecteur gé-
néral de l'Enseignement supérieur.

M. G. BOISSIER, de l'Académie française,
Professeur au Collège de France.

M. BRÉAL, de l'Institut, Inspecteur général
de l'Enseignement supérieur.

M. BUFNOIR, Professeur à la Faculté de Droit
de Paris.

M. DASTRE, Maître de Conférences à l'École
Normale.

M. FUSTEL DE COULANGES, de l'Institut,
Professeur à la Faculté des Lettres de Paris.

M. GAZIER, Maitre de Conférences à la
Faculté des Lettres de Paris.

M. P. JANET, Membre de l'Institut, Profes-
seur à la Faculté des Lettres de Paris.

M. LEON LE FORT, Professeur à la Faculté
de Médecine de Paris.

M. MARION, Chargé de cours à la Faculté
des Lettres de Paris.

M. MONOD, Directeur adjoint à l'Ecole des
Hautes-Études.

M. PASTEUR, de l'Académie française.
M. TAINE, de l'Académie française,

REDACTEUR EN CHEF

M. EDMOND DREYFUS-BRISAC

TOME DOUZIÈME

Juillet à Décembre 1886

PARIS

ARMAND COLIN ET Cie, ÉDITEURS

1, 3, 5, RUE DE MÉZIÈRES

1886

DE

L'ENSEIGNEMENT

LÉOPOLD RANKE

Les sciences et les lettres ont le privilège heureux de n'avoir point de frontières; elles s'élèvent au-dessus des limites, variables d'ailleurs, des États et des nations. C'est pourquoi il est entré, de bonne heure, et demeuré dans les meilleures traditions des académies, de tenir à honneur de rechercher et de s'adjoindre des associés et correspondants étrangers. Notre Institut a toujours mérité de s'appeler justement l'Institut de France par la libéralité impartiale et éclairée avec laquelle ses différentes classes ont pratiqué cette tradition à l'égard des étrangers dans lesquels elles ne voient jamais que des savants ou des écrivains qui honorent le domaine commun et indivis des sciences et des lettres. Vous avez particulièrement, Messieurs, obéi à ce sentiment tout français, sous la présidence de mon éminent prédécesseur, M. Geffroy, lorsque, en même temps que vous exprimiez le désir que les nouveaux venus, dans votre compagnie, fissent une notice biographique et littéraire sur celui qu'ils remplacent, vous avez aussi sollicité vos présidents à rendre le même hommage aux membres associés et aux correspondants étrangers que vous avez le regret de perdre. C'est ce qui m'amène à vous parler, Messieurs, de deux pertes récentes que la science historique et votre académie viennent de faire dans la personne de Léopold Ranke et de George Waitz. Je commencerai aujourd'hui par celui que la mort a frappé le premier.

L'historien Léopold Ranke, né le 21 décembre 1795 et mort le 24 mai 1886, a touché par sa naissance et par sa mort à la fin

(1) Cette notice sur Léopold Ranke, associé étranger de l'Académie des sciences morales et politiques, a été lue dans la séance du 3 juillet 1886.

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de deux siècles. Par sa vie comme par son esprit, il appartient bien tout entier au XIXe siècle qu'il a honoré de son enseignement fécond et de ses nombreuses et importantes productions historiques. Son activité professionnelle, académique, comme on dit en Allemagne, a commencé en 1818 à Francfort-sur-l'Oder où il fut professeur (Ober-Lehrer) au gymnase de cette ville, pour se terminer à l'université de Berlin où il a été professeur d'histoire jusqu'en 1871; elle n'a été interrompue que par plusieurs de ces voyages si utiles à l'historien, à Vienne, en Turquie, à Paris, à Venise, à Rome, à Londres, dans l'intérêt de ses études. Son premier ouvrage est de 1824, et il a publié son dernier volume, cette année même, en 1886. Son œuvre historique ne compte pas moins de quarante-huit volumes, dont plusieurs ouvrages considérables sont de premier ordre; et la mort seule a pu arrêter à l'âge de quatrevingt-onze ans, dans l'exécution de son dernier ouvrage, cet infatigable travailleur qui semblait prendre des années sans vieillir, et, sans faiblir, augmenter le tribut riche et varié qu'il apportait à la science historique et les titres brillants et solides qu'il se faisait à la renommée.

Né à Wiehe en Thuringe, le premier-né d'une famille protestante où le travail intellectuel et les carrières libérales étaient en honneur, comme en témoigne la distinction de ses frères dans l'enseignement, l'administration ou le culte, et le plus illustre de tous, Léopold Ranke reçut sa première éducation à Donndorf et à Schulpforta; et il acheva ses études à l'université toujours florissante de Leipsig.

Durant ces années d'université, si décisives pour la jeunesse, l'influence du professeur G. Hermann qui poussait la jeunesse à la méditation des principes de la nouvelle critique, l'étude constante que le jeune étudiant faisait lui-même de Thucydide, parmi les anciens, de Niebuhr et de Savigny parmi les modernes, ses enthousiasmes de jeunesse pour le puissant réformateur du xvI° siècle, Martin Luther, et pour l'éloquent philosophe de la doctrine idéaliste de la science, Gottlieb Fichte, enfin son admiration littéraire pour le romancier Walter Scott alors lu partout et pour Schiller dans le plein de sa gloire, semblent avoir éveillé de bonne heure la vocation d'historien philosophe de Ranke, déterminé sa méthode à la fois rationnelle et scientifique, communiqué à son talent d'écrivain ces qualités d'ordonnance dans la composition et de couleur dans le style, moins rares aujourd'hui qu'autrefois en Allemagne, et enfin fixé peut-être déjà, dans sa pensée, le choix des principaux et grands sujets qu'il devait traiter surtout dans la première partie de sa vie

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