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que la conservation de leur individualité ethnique et le droit de prier ou d'instruire les enfants dans la langue maternelle.

Cette sincérité de leurs revendications, exclusive de toute autre visée, cette attitude si correcte a déterminé plusieurs grandes Puissances, la Russie, l'Italie, l'Allemagne, à soutenir leur cause auprès de la Sublime Porte.

La Roumanie fait également appel à la générosité traditionnelle de la France.

Grâce à l'appui efficace de trois Puissances, en tête desquelles se place l'alliée de la France, la portée des dangers qui menaçaient les Roumains de Macédoine et qui pouvaient entraîner leur destruction, s'est trouvée depuis peu diminuée; mais ces dangers n'ont pas disparu.

Les Macédoniens d'origine roumaine, dits Koutzo-Valaques, se sont vus, se voient encore contester leur origine ethnique. Victimes d'une véritable terreur, il leur est arrivé jadis de chercher quelque appui tantôt auprès des éléments bulgares, tantôt auprès des éléments grecs, et leur véritable nationalité a pu se trouver de ce fait parfois masquée: elle réapparaît dès que cessent les violences, l'obstruction, le déni de leurs droits naturels.

Actuellement encore le patriarcat de Constantinople et les évêques grecs des provinces usent de violentes menaces dans toutes les églises contre les populations roumaines et contre les prêtres qui osent officier en langue roumaine. Quand les bandes de révolutionnaires grecs ou bulgares ne peuvent se combattre entre elles, c'est contre les Roumains, paisibles et sans armes, qu'elles vont porter le massacre et le pillage. A l'apparition des troupes ottomanes, les bandes se dispersent, mais il se trouve toujours quelques prêtres Grecs pour accuser les notables Roumains d'avoir donné l'hospitalité à des révolutionnaires Bulgares, et les Roumains sont ainsi tour à tour, et triplement, les victimes des Bulgares, des Grecs et des Turcs. Les Grecs, non contents de chercher à les dénationaliser avec le concours de leur clergé, les signalent calomnieusement aux injustes répressions des troupes ottomanes.

Les Puissances, dont la politique tend au maintien de l'Empire ottoman, ne peuvent que se montrer favorables aux éléments ethniques de cet empire qui ont toujours fait preuve d'un parfait loyalisme.

La Roumanie, dans l'intérêt qu'elle porte à ses congénères de Macédoine, espère que le Gouvernement de la République associera en leur faveur sa voix, toujours si généreuse, à celles de la Russie, de l'Italie et de l'Allemagne.

M. LE COMTE D'ORMESSON, MINISTRE DE FRANCE A ATHÈNES, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Athènes, le 18 mai 1905.

Le Ministre des Affaires étrangères m'a entretenu du conflit engagé entre le Gouvernement ottoman et la Légation de Roumanie à Constantinople. D'après ces informations, tous les ambassadeurs soutiendraient cette dernière dans sa plainte contre le vali de Janina

incriminé de manque d'égard vis-à-vis d'un inspecteur des écoles roumaines et dans sa demande de reconnaissance de la nationalité roumaine en Epire. Le Gouvernement grec se montre ému de ce concours prêté aux prétentions roumaines en Epire.

D'ORMESSON

M. DELCASSÉ, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

au Comte d'Ormesson, Ministre de France à Athènes.

Paris, 19 mai 1905.

Il n'est pas exact, comme paraît le croire le Ministre des Affaires étrangères de Grèce, que nous soyons intervenus dans le règlement de l'incident particulier de Janina. Nous nous sommes bornés, d'une manière générale, à consentir sur la demande de la Roumanie, à nous associer aux autres Puissances pour appuyer auprès de La Porte la demande de reconnaissance des communautés valaques en Turquie d'Europe. Nous ne faisons en cela, d'ailleurs, que rester fidèles aux principes que le Gouvernement de la République a invariablement suivis en Orient de ne réclamer aucun privilège, mais des conditions tolérables et égales pour toutes les races et pour toutes les confessions, et à cet égard, nous ne saurions faire de distinction entre les différentes parties de l'Empire ottoman. Il n'y a rien là de désobligeant pour le Gouvernement hellénique qui sait, au contraire, quel concours son pays a toujours trouvé auprès de la France toutes les fois qu'il s'est agi d'améliorer le sort des populations grec

ques.

DELCASSÉ

M. CONSTANS, AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE A CONSTANTINOPLE,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Paris, le 25 mai 1905.

Le Sultan a publié un iradé portant reconnaissance, à l'égal des autres nations chrétiennes de la Turquie d'Europe, de la nationalité des Valaques de l'Empire ottoman, lesquels auront notamment le droit d'employer leur langue dans l'école, de nommer des mouhtars dans leurs communautés et d'être représentés dans les conseils de vilayet.

CONSTANS

M. GRIMAULT, CHARGÉ D'AFFAIRES DE FRANCE A BUCAREST, à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Bucarest, le 26 mai 1905.

Le Ministre des Affaires étrangères m'a annoncé aujourd'hui, au cours de sa réception diplomatique, que la Roumanie avait reçu

entière satisfaction dans l'incident de Janina et obtenu la reconnaissance des droits civils des Roumains de Macédoine. Le général Lahovary a ajouté qu'il avait chargé son représentant à Paris de remercier Votre Excellence qui, par la bienveillance de son attitude générale dans la question macédo-roumaine, a heureusement contribué au résultat dont se félicite le Gouvernement du Roi.

GRIMAULT

IRADÉ du 9-22 mai 1905 en faveur des Valaques.

Sa Majesté Impériale le Sultan qui, dans Ses sentiments de haute justice et dans Sa sollicitude paternelle pour Ses peuples, étend Ses bienfaits et Ses faveurs à tous Ses sujets fidèles sans distinction de race ni de religion, prenant en considération les suppliques soumises dernièrement aux pieds du Trône Impérial par Ses sujets Valaques, a daigné ordonner qu'en vertu des droits civils dont ils jouissent au même titre que les autres sujets non-Musulmans, leurs communautés désignent des mouhtars conformément aux règlements en vigueur; qu'à l'instar de ce qui se pratique pour les autres communautés, des membres Valaques soient également admis, suivant la règle, dans les Conseils administratifs, et que des facilités soient accordées par les autorités Impériales aux professeurs nommés par les dites communautés pour l'inspection de leurs écoles et pour l'accomplissement des formalités édictées par les lois de l'Empire en vue de l'ouverture de nouveaux établissements scolaires.

Cette ordonnance Impériale a été communiquée aux Départements compétents pour exécution.

TEZKÉRÉ MINISTÉRIEL

LE MINISTRE OTTOMAN DE LA JUSTICE ET DES CULTES à Sa Sainteté le Patriarche (Ecuménique.

Un haut tezkéré Grand-Véziriel fait savoir que les Valaques, sujets Ottomans, à l'effet de sauvegarder leurs intérêts nationaux, ont demandé l'autorisation de faire usage de leur propre langue dans leurs établissements scolaires, celle de célébrer les cérémonies du culte dans leurs propres églises par leurs propres prêtres et dans leur propre langue, et celle d'élire, à l'instar des autres nationalités, là où ils se trouveraient en majorité, leurs propres mouhtars.

Le Conseil des Ministres, considérant que, d'une part, un principe fondamental de l'Empire impose à l'Etat une impartialité absolue à l'égard des différentes nationalités qui vivent sous le sceptre de Sa Majesté Impériale le Sultan et que, d'autre part, dans la requête en question, on ne saurait découvrir la moindre trace d'une atteinte portée aux droits d'une autre nationalité, a décidé de charger le

Ministère de l'Intérieur de communiquer à l'Inspecteur des vilayets de la Turquie d'Europe et aux Gouverneurs Généraux intéressés que, à la condition de ne rien innover touchant la subordination des Valaques au Patriarcat Ecuménique, ces derniers ne seront pas empêchés de célébrer les cérémonies du culte par leurs propres prêtres et dans leur langue nationale, ni de se servir de cette langue dans leur enseignement; qu'il leur sera permis de nommer leurs propres mouhtars conformément aux lois en vigueur; que nul ne pourra troubler dans l'exercice de leurs fonctions les instituteurs et les inspecteurs de l'enseignement que la communauté valaque nommerait en s'adressant, selon la règle établie à leur sujet, au Ministère Impérial de l'Instruction publique ; et qu'enfin les Valaques prendront part aux élections des membres des conseils adminis

tratifs.

Cette décision soumise à Sa Majesté Impériale le Sultan a été sanctionnée par Iradé Impérial.

En conséquence, je me fais un devoir de porter ce qui précède à la connaissance de Votre Sainteté.

Le Ministre: ABDURRAHMAN

le 18 Rébi-ul-Evvel 1323 = le 10 mai 1321 (1905).

INSTRUCTIONS du 11-24 juin 1905, données à M. J.-N. Papiniu, Ministre de Roumanie à Athènes, par M. le Général J. Lahovary, Ministre des Affaires étrangères.

Bucarest, le 11/24 juin 1905.

Aussitôt que vous présenterez vos lettres de créance, vous demanderez audience au Ministre des Affaires étrangères et à Sa Majesté le Roi de Grèce, auxquels vous ferez savoir l'impression pénible que le peuple roumain reçoit du fait des bandes grecques qui massacrent les Roumains de Turquie. En même temps, vous toucherez le fait de l'attitude intransigeante du Patriarcat qui, au mépris des lois de l'Empire ottoman, montre envers la reconnaissance des droits obtenus par les Roumains une mauvaise volonté qui aggrave chaque jour nos relations religieuses avec le Patriarche.

Vous ferez sentir que cette situation provoque en Roumanie un tel mouvement que le Gouvernement Royal ne pourra se soustraire plus longtemps à la pression de l'opinion publique, et que des représailles s'imposeront.

La population grecque qui habite la Roumanie est nombreuse, et il est à craindre qu'un boycottage des Grecs dans toutes les affaires ne devienne un point de patriotisme pour les Roumains. Nous espérons que le Gouvernement hellénique comprendra l'intérêt qu'il à à modérer les idées du Patriarche qui agit, non comme chef religieux des orthodoxes, mais comme chef politique de l'hellénisme et qui, par ses actes, affaiblit le sentiment religieux des bons chrétiens.

La religion orthodoxe admet la célébration des offices dans toutes les langues. Si les cérémonies religieuses ont lieu en une langue que

le fidèle ne comprend pas, elles deviennent une formalité banale dont il saurait se passer, surtout si elles provoquent des frais qui lui semblent plutôt une charge, du moment que son âme n'est pas associée à l'action du sacerdoce.

Je crois donc que le Patriarche, en s'opposant à l'exercice du culte en langue roumaine, fait acte de mauvais Père de l'Eglise orthodoxe, et que ses procédés, s'ils réussissaient, affaibliraient la religion dont il est le gardien.

Le Gouvernement Royal roumain ne saurait accepter longtemps cette situation et, pour prévenir de nouveaux et graves événements, il fait appel anx bons offices du Gouvernement Royal de Grèce afin de faire comprendre au Patriarche qu'il est utile à l'orthodoxie que Sa Sainteté fasse plus pour la religion dont il est le chef, que pour la nationalité dont il fait partie; car les vrais intérêts de la Grèce ne sont ni dans la diminution du sentiment religieux des Roumains de Turquie, ni dans la persécution des populations chrétiennes de l'Empire ottoman.

Vous ferez observer que la question devient aiguë et que nous comptons sur les bons sentiments du Gouvernement grec pour obtenir satisfaction sur ces deux points :

Supprimer les massacres et les persécutions des Grecs contre les Roumains de Turquie;

2 Obtenir du Patriarche le respect de la langue roumaine dans nos églises.

Les relations de bonne amitié de la Roumanie avec la Grèce dépendront du résultat que le Gouvernement hellénique obtiendra de son peuple et du Patriarche.

Nous ferons, en attendant, tous nos efforts pour éviter, en Roumanie, les représailles dont on menace les Grecs habitant notre pays.

(s) Général LAHOVARY

TÉLÉGRAMME

M. Rhallys, Ministre des Affaires étrangères, aux Légations du Roi à Berlin, Londres, Paris, Rome, Saint-Pétersbourg et Vienne.

Athènes, le 28 juin 1905.

Le nouveau Ministre de Roumanie, M. Papiniu, qui avait demandé à me voir pour une communication urgente, est venu aujourd'hui au Ministère, me faire, d'ordre de son Gouvernement, les déclarations suivantes :

Le Gouvernement Roumain, m'a-t-il dit, vivement intéressé au sort des Roumains de la Macédoine, ne pouvait voir qu'avec mécontentement les persécutions, dont ceux-ci sont l'objet de la part des Grecs.

A l'appui de ses allégations, le Gouvernement Roumain a cru devoir citer les faits suivants :

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