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et par le Comte de Buisseret, de limiter la faculté d'ouverture des débits d'armes à la seule ville de Tanger.

S. Exc. Sir ARTHUR NICOLSON (Grande-Bretagne) se rallie à cette proposition.

S. Exc. M. PÉREZ-CABALLERO (Espagne) considère qu'après avoir énoncé le principe de l'ouverture de magasins, il ne faudrait pas le restreindre. L'industrie des armes en Espagne, notamment celle d'Eibar, est, en effet, comme l'industrie belge, intéressée à voir faciliter le commerce des armes de chasse au Maroc. Il propose, en conséquence, de décider que les débits d'armes pourront être établis dans tous les ports ouverts au commerce, ce qui s'accorde avec l'idée formulée par S. Exc. Sir Arthur Nicolson, puisque l'Espagne, pour son compte, possède dans tous ces ports des consuls de carrière.

Les DÉLÉGUÉS BELGES se rallient à la proposition espagnole, mais les DÉLÉGUÉS ALLEMANDS et ANGLAIS insistant sur celle qui limiterait à Tanger l'établissement éventuel des débits d'armes, les DÉLÉGUÉS ESPAGNOLS retirent leur proposition dans le but de faciliter un accord.

Son Exc. M. le Comte de BUISSERET (Belgique) propose alors de remplacer dans le paragraphe 4, les mots « pour chaque ville» par les mots « dans la ville de Tanger et éventuellement dans les ports où le commerce des armes serait ultérieurement autorisé ».

LES DÉLÉGUÉS ALLEMANDS, ANGLAIS, ESPAGNOLS et généralement les autres DÉLÉGUÉS se montrent disposés à se rallier à cette formule. Les DÉLÉGUÉS MAROCAINS font observer que l'existence du permis individuel pour l'introduction des armes suffit à leurs yeux pour satisfaire aux besoins des étrangers et se déclarent opposés à l'établissement des débits d'armes, même dans la seule ville de Tanger. S. Exc. M. RÉVOIL (France) remarque que, du moment qu'ils se déclarent obligés d'en référer à Fez lorsqu'il s'agit d'accepter définitivement une réforme proposée par les autres Délégués, il paraît difficile d'admettre qu'ils se croient autorisés à repousser une proposition formulée par la Conférence sans en référer aussi à leur Gouvernement, surtout quand il s'agit de la simple affirmation d'un principe dont l'application de détail dépend d'un règlement chérifien.

Les DÉLÉGUÉS MAROCAINS déclarent alors qu'ils n'ont voulu exprimer qu'un avis personnel et qu'ils en référeront au Makhzen.

Sous cette réserve, l'article IV est renvoyé au Comité de rédaction chargé d'en établir la formule définitive.

Son Exc. M. le PRÉSIDENT donne ensuite lecture de l'article V ciaprès, qui est adopté sans discussion :

ART. V

Toute introduction ou tentative d'introduction de marchandises prohibées donnera lieu par l'autorité douanière à leur confiscation et, en outre, aux peines et amendes ci-dessous qui seront prononcées par la juridiction compétente. Avant que M. le Président ne lève la séance, S. Exc. M. DE RADOWITZ (Allemagne), invoquant le privilège que lui confère l'ordre alphabétique, prononce les paroles suivantes :

<< Messieurs.

« Vous savez que demain sera célébrée la fête de S. M. le Roi Alphonse XIII d'Espagne.

ARCH. DIPL., 1906. 3 SÉRIE, T. 99.

5

« Je crois me rendre l'interprète des sentiments de tous mes collègues en priant notre illustre Président de vouloir bien déposer aux pieds de son auguste Souverain l'expression des hommages de la conférence d'Algésiras, et des vœux que nous formons pour le bonheur de Sa Majesté, ainsi que pour la prospérité de l'Espagne. »

La Conférence s'associe chaleureusement à cette proposition, et S. Exc. M. le PRÉSIDENT, au nom du Gouvernement de Sa Majesté Catholique, exprime toute sa reconnaissance aux Délégués des Puissances et déclare qu'il s'empressera de faire parvenir au Roi les hommages et les voeux de la Conférence.

La séance est levée à midi et demie.

La prochaine séance officielle aura lieu le 24 janvier, à 10 heures du matin.

Le Président,

LE DUC DE ALMODOVAR DEL RIO.

Les Secrétaires,

R. PINA MILLET. PIERRE DE Margerie.

ANNEXE No I AU PROTOCOLE DE LA DEUXIÈME SÉANCE
DU 22 JANVIER 1906

PROJET DE RÈGLEMENT

POUR PROHIBER ET RÉPRIMER L'INTRODUCTION DES ARMES ET DES MUNITIONS DE GUERRE DANS L'EMPIRE CHÉRIFIEN

ARTICLE PREMIER

L'importation et le commerce des armes de guerre, pièces d'armes et munitions, chargées ou non chargées, de toutes espèces, ainsi que des poudres, salpêtre, sulfure de plomb, fulmicoton, nitroglycérine et toutes compositions destinées exclusivement à la fabrication des munitions, sont prohibées dans toute l'étendue de l'Empire Chérifien.

ART. II

Toutefois, les armes, pièces d'armes et munitions destinées aux troupes de Sa Majesté Chérifienne peuvent être introduites après l'accomplissement des formalités suivantes :

Une déclaration, signée par le Ministre de la Guerre marocain, énonçant le nombre et l'espèce des fournitures de ce genre commandées à l'industrie étrangère, devra être présentée à la Légation du pays d'origine, qui y apposera son visa.

Le dédouanement des caisses et colis contenant les armes et munitions, livrées en exécution de la commande du Gouvernement marocain, ne pourra être opéré sans la production :

1° De la déclaration spécifiée ci-dessus;

2° Du connaissement, indiquant le nombre, le poids des colis, le nombre et l'espèce des armes et munitions qu'ils contiennent. Ce document devra être visé par la Légation du pays d'origine, qui marquera au verso de la déclaration les quantités successives précé

demment dédouanées. Le visa sera refusé à partir du moment où la commande aura été intégralement livrée.

ART. III

L'introduction des armes de chasse et de luxe, pièces d'armes, cartouches chargées et non chargées, est également interdite.

Toutefois, elle pourra être autorisée par un permis d'introduction, strictement limité aux besoins personnels de l'importateur et à l'approvisionnement des magasins de vente d'armes autorisés comme il est dit ci-après. Ce permis est délivré pour les étrangers, sur la demande de la légation dont ils relèvent et pour les Marocains, par le Représentant du Makhzen à Tanger.

En ce qui concerne les munitions, chaque autorisation ne pourra comprendre une quantité supérieure à 1.000 cartouches, ou les fournitures nécessaires à la fabrication de 1.000 cartouches.

Le permis d'introduction ne sera accordé qu'à des personnes n'ayant encouru aucune condamnation correctionnelle.

ART. IV

Le commerce des armes de chasse et de luxe, non rayées, de fabrication étrangère, ainsi que des munitions qui s'y rapportent, sera réglementé par décision chérifienne, prise conformément à l'avis du Corps Diplomatique à Tanger. Il en sera de même des décisions ayant pour but de suspendre ou de restreindre l'exercice de ce

commerce.

Seules, les personnes ayant obtenu une licence spéciale et temporaire du Gouvernement Marocain, seront admises à ouvrir et à exploiter, mais seulement dans les villes déterminées, des débits d'armes et de munitions. Cette licence ne sera accordée que sur une demande écrite de l'intéressé, appuyé d'un avis favorable de la Légation dont il relève.

Des règlements, pris dans la forme indiquée au paragraphe premier de cet article, détermineront le nombre des débits pour chaque ville ainsi que les quantités maxima d'armes et de munitions que les commerçants munis de licence seront autorisés à introduire et à conserver en dépôt.

En cas d'infraction aux prescriptions réglementaires et à celles du présent acte, la licence pourra être retirée à titre temporaire ou à titre définitif, sans préjudice des autres peines encourues par les délinquants.

ART. V

Toute introduction ou tentative d'introduction de marchandises prohibées donnera lieu, par l'autorité douanière, à leur confiscation, et, en outre, aux peines et amendes ci-dessous, qui seront prononcées par la juridiction compétente.

ART. VI

L'introduction ou tentative d'introduction par un port ouvert au commerce, ou par un bureau de douane, sera punie : 1° D'une amende de 500 à 2.000 pesetas.

2o D'un emprisonnement de cinq jours à un an, ou de l'une des deux peines seulement.

En cas de récidive, les deux peines seront obligatoirement prononcées.

ART. VII

L'introduction ou tentative d'introduction en dehors d'un port ouvert au commerce ou bureau de douane, sera punie :

I D'une amende de 1.000 à 5.000 pesetas.

2o D'un emprisonnement de trois mois à deux ans, ou de l'une des deux peines seulement.

En cas de récidive, les deux peines devront être obligatoirement prononcées et le délinquant sera frappé d'une amende supplémentaire égale à trois fois la valeur de la marchandise importée.

ART. VIII

La vente frauduleuse et le colportage des marchandises prohibées par le présent règlement sont punis des peines édictées à l'article VI. ART. IX

Le complice des délits prévus aux articles VI, VII et VIII, est passible des mêmes peines que les auteurs principaux.

ART. X

Les perquisitions et visites, opérées à bord des navires suspects d'introduction de marchandises prohibées, ne pourront être effectuées par les agents des douanes qu'avec l'assistance d'un représentant de l'autorité consulaire intéressée. Toutefois, à défaut de cette mesure, la douane pourra, si elle le juge nécessaire, installer un ou plusieurs gardiens à bord. Il sera procédé à ces opérations, conformément aux dispositions des traités et aux usages en vigueur.

ART. XI

Dans le cas d'introduction ou de tentative d'introduction par un navire de marchandises prohibées en dehors d'un port ouvert au commerce, la douane marocaine pourra saisir le navire jusqu'à ce qu'il ait acquitté le montant des condamnations prononcées. Toutefois, la saisie du navire devra être levée en tout état de l'instance, sur consignation du montant maximum de l'amende entre les mains de l'autorité consulaire, ou sous caution solvable de la payer acceptée par la douane.

ART. XII

Les marchandises confisquées seront détruites dans un délai de un mois par les soins de la douane. La destruction sera opérée en présence d'un Délégué du Makhzen et d'un Délégué de l'autorité consulaire compétente, dûment avisée.

Les moyens de transport, confisqués à terre, seront vendus au profit du Trésor chérifien.

ART. XIII

Les armes réformées par le Gouvernement Marocain, ne pourront être mises en vente dans toute l'étendue de l'Empire Chérifien.

ART. XIV

Des primes, à prélever sur le montant des amendes prononcées, sont attribuées aux indicateurs qui ont amené la découverte des marchandises prohibées et aux agents qui en ont opéré la saisie. Ces primes sont ainsi attribuées après déduction, s'il y a lieu, des frais du procès :

Un tiers à répartir par la douane entre les indicateurs ;

Un tiers aux agents saisissants;

Un tiers au Trésor marocain.

Si la saisie a été opérée sans l'intervention d'un indicateur, la moitié des amendes sera attribuée aux agents saisissants et l'autre moitié au Trésor chérifien.

ART. XV

Les autorités douanières marocaines devront signaler directement aux agents diplomatiques les infractions au présent règlement commises par leurs ressortissants, afin que ceux-ci soient poursuivis devant la juridiction compétente.

Les mêmes infractions commises par des sujets marocains seront déférées directement par la douane à l'autorité chérifienne.

Un délégué de la douane sera chargé de suivre la procédure des affaires pendantes devant les diverses juridictions.

ART. XVI

Dans la région frontière de l'Algérie, l'application du présent règlement restera l'affaire exclusive de la France et du Maroc.

De même, dans le Riff, son application restera l'affaire exclusive de l'Espagne et du Maroc. Ce droit pourra être aussi revendiqué par l'Espagne, en ce qui concerne la région de Sant-Cruz de Mar Pequeña et l'extrémité méridionale de l'Empire, en vertu de la mise en exécution de l'article VIII du Traité hispano-marocain du 26 avril 1860 et du développement des relations de frontière entre les domaines chérifiens et les possessions espagnoles sur la côte du Sahara.

ANNEXE N° 2 AU PROTOCOLE DE LA DEUXIÈME SÉANCE
DU 22 JANVIER 1906

RÉPRESSION DE LA CONTREBANDE DES ARMES
PROPOSITION DE LA DÉLÉGATION BELGE

La question de l'introduction au Maroc des armes et munitions de guerre paraissant être préjugée dans le sens de la prohibition, la Délégation belge propose à la Conférence que cette interdiction soit limitée aux armes et munitions de guerre proprement dites, et qu'une exception soit faite en faveur des armes et munitions de chasse.

La Délégation belge demande seulement à la Conférence de se pron oncer sur la question de principe. Quant aux espèces d'armes

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