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En province, les républicains seuls résistèrent; ils affichèrent la déchéance du Président et, au nom de la Constitution, marchèrent sur les chefs-lieux. L'insurrection se réduisit à une douzaine de départements du Sud-Est et du centre; il y eut des agitations dans une vingtaine d'autres. Les insurgés étaient surtout des paysans dirigés par les membres des sociétés secrètes. Le gouvernement en profita pour se poser en défenseur de la société contre la jacquerie et les communistes. Il mit en état de siège 32 départements et fit près de 100 000 arrestations.

La répression fut organisée de façon à détruire le parti républicain. 80 représentants, la plupart républicains, furent exilés. Le Président s'attribua par décret (8 décembre) le droit de déporter tous les membres des sociétés secrètes. Il créa des commissions mixtes de 3 membres, un préfet, un général, un procureur général, qui jugeaient sans appel; ils pouvaient renvoyer au conseil de guerre ou décider l'internement, l'expulsion, la déportation. D'après un document signé de Maupas (trouvé aux Tuileries en 1870), le nombre total des individus arrêtés ou poursuivis à l'occasion de l'insurrection de décembre 1851 » aurait été de 26 642; mis en liberté 6 501, soumis à la simple surveillance 5 108, condamnés 15 033, dont 915 pour délits de droit commun ». Il y aurait eu : déportés à Cayenne 239, en Algérie 9530, expulsés 1 545, internés 2 804.

Le plébiscite. - Pour ratifier son coup d'État, le Président avait convoqué (3 déc.) les citoyens et les soldats à voter par oui ou non sur cette question: « Le peuple français veut le maintien de l'autorité de Louis-Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une Constitution sur les bases proposées dans sa proclamation du 2 décembre ». Ces « bases d'une Constitution que les Assemblées développeront plus tard » étaient : 1o un chef responsable nommé pour dix ans; 2° des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul; 3° un conseil d'État fourni par les hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le Corps législatif; 4° un Corps législatif discutant et votant des lois, nommé par le suffrage universel sans scrutin de liste, qui fausse l'élection; 5o une seconde assemblée... gardien du pacte fondamental et des libertés

publiques. >> On devait voter en inscrivant son nom sur un registre à la mairie. Mais un nouveau décret rétablit le vote secret. Le scrutin, ouvert sous la terreur, donna 7481 280 oui et 647 292 non (dont 39 359 dans l'armée). Le chef du parti catholique, Montalembert, avait approuvé le coup d'État.

Constitution de 1852.

La Constitution de 1852 (14 janv.) organisa le gouvernement sur le modèle donné par Napoléon Ier. La proclamation du 2 décembre disait : « Ce système créé par le Premier Consul a déjà donné à la France le repos et la prospérité.

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Le Président, élu pour dix ans, a seul le pouvoir exécutif. Il nomme à tous les emplois. Il a une part du pouvoir législatif; il fait seul les traités, déclare la guerre, proclame l'état de siège, a seul l'initiative des lois.

Il est assisté de trois corps. Le Conseil d'État, nommé par le Président, prépare les lois. Le Corps législatif, de 251 députés, élu au suffrage universel, sous la direction du Président qui désigne les candidats officiels, vote les lois qu'on lui présente. Le Sénat, de 150 membres viagers, nommé par le Président, est gardien de la Constitution; il peut rejeter les lois inconstitutionnelles et modifier la Constitution, d'accord avec le Président. Les ministres sont choisis par le Président, révoqués par lui, et ne sont plus responsables.

Il ne reste qu'un seul pouvoir responsable, c'est le Président; mais il n'est responsable devant aucun corps réel, il n'est responsable que devant le peuple, qui n'a aucun moyen d'exercer son droit. Il ne reste qu'un seul pouvoir effectif, c'est le Président, qui exerce tous les pouvoirs, l'exécutif directement, le législatif par le moyen des corps composés de ses créatures.

Cependant, de la Révolution de 48 il se conserve une institution, le suffrage universel direct, qui s'exerce par les élections de la Chambre et le plébiscite. C'est un gouvernement personnel déguisé sous la forme d'un régime représentatif démocratique.

Proclamation de l'Empire. Le coup d'État supprima en France toute vie politique. Le Prince-Président conserva la dictature jusqu'en mars et acheva de faire le silence. Il établit

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pour la presse le régime de l'autorisation et des avertissements (17 févr.); il soumit les cafés, les débits de boissons et toutes les réunions publiques à l'autorisation préalable, toujours révocable, de façon à tenir tous les moyens de propagande à la merci de l'administration. Il confisqua les domaines de la famille d'Orléans et lui interdit de garder des propriétés en France. Il réorganisa la garde nationale de façon à l'annuler. Il vint s'établir dans la résidence royale des Tuileries.

L'année 1852 se passa en installations et en cérémonies. Le Corps législatif élu en mars ne se composa guère que de députés officiels. Les républicains élus à Paris ne voulurent pas prêter le serment de fidélité au Président, imposé par la Constitution. Les fonctionnaires de tout genre et les officiers. furent astreints au même serment; ceux qui refusèrent furent destitués.

«

Puis le Prince-Président fit un voyage triomphal à travers la France. On le reçut aux cris de Vive l'Empereur! Lui-même à Bordeaux parla du rétablissement de l'Empire, en disant : L'Empire, c'est la paix. » Au retour, il convoqua le Sénat qui par un sénatus-consulte décida de faire voter le peuple français sur le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte ». Le plébiscite (20 nov.) donna 7 839 000 oui, 253 000 non. Le Prince-Président fut proclamé Empereur sous le nom de Napoléon III.

BIBLIOGRAPHIE

Documents. Les documents législatifs et parlementaires sont dans des recueils officiels Le Moniteur universel (séances des assemblées), la Collection des lois et décrets (actes législatifs). Publiés à part: Recueil des décrets et actes financiers du Gouvernement provisoire, 1848; Rapport de la Commission d'enquête sur l'insurrection... du 23 juin et du... 15 mai 1848, 3 vol., 1848.

Pour les événements les principales sources sont les journaux, très nombreux dans cette période; la bibliographie en est donnée dans le Catalogue de l'Histoire de France de la Bibliothèque nationale, t. IV. On trouvera un sommaire chronologique des faits dans l'Annuaire historique,

1. Voir ci-dessous, chap. v.

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1848-52 (très conservateur). Une source importante est Nassau Senior, Conversations with Thiers, Guizot, etc., 2 vol., 1878 (recueil d'interviews avec Thiers et d'autres hommes d'État français de 1852 à 1860). On ne peut que glaner quelques renseignements et encore avec beaucoup de précautions critiques dans les histoires de la Révolution publiées par des contemporains, dans les écrits de circonstance et dans les mémoires. Les principaux sont Caussidière, Mémoires, 2 vol., 1849 (détails sur la police du Gouvernement provisoire). De la Hodde, La naissance de la République, 1850 (l'auteur était un espion introduit dans les sociétés secrètes). L. Blanc, La Révolution de février au Luxembourg, 1849; Histoire de la Révolution de 1848, 2 vol., 1870. — E. Thomas, Histoire des ateliers nationaux, 1848. — 0. Barrot, Mémoires posthumes, 4 vol., 1875-76. Tocqueville, Souvenirs, 1893. Lamartine, Hist. de la Révolution Garnier-Pagès, Hist. de la Révolution de 1848, – A. Delvau, Hist. de la révolution de février, t. I, 1850 (l'auteur était secrétaire de Ledru-Rollin). — L.-H. Carnot, Le ministère de l'instruction publique et des cultes... en 1848, 1849. - A. Lucas, Les clubs et les clubistes..., 1851. Enquête sur le 2 décembre 1852 (anon. attribué au colonel Charras). Pascal Duprat, Les tables de proscription de L. Bonaparte, 3 vol., 1852. Belouino, Hist. d'un coup d'Etat, 1852.

de 1848, 2 vol., 1849. 10 vol., 1861-72.

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Histoire des conseils de guerre de 1852 (anon.), 1869.

Travaux d'ensemble. Il n'existe encore aucune histoire scientifique de cette période. L'histoire de la Révolution et du Gouvernement provisoire est la seule qui soit à peu près faite.

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Pour la Révolution le meilleur récit est K. Hillebrand, Geschichte Frankreichs..., t. II, 1879 (voir aussi Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de juillet). Pour le gouvernement provisoire, Daniel Stern (pseudon. de la comtesse d'Agout), Histoire de la Révolution de 1848, 3 vol., 1850, et L. Stein, Geschichte der sozialen Bewegung in Frankreich, 1850, n'ont pas encore été remplacés. On peut se servir de V. Pierre, Histoire de la République de 1848, 2 vol., 1873-78 (conservateur).

Sur la République de 1848 à 1852 il n'existe que des histoires insuffisamment critiques : V. Pierre (voir plus haut). — P. de la Gorce, Histoire de la 2e république française, 2 vol., 1887; Histoire du second Empire, t. I, 1894 (très conservateur, très prolixe). E. Spuller, Histoire parlementaire de la 2e République, 1891 (républicain, vulgarisation). Taxile Delord, Hist. du 2 Empire, 5o éd., t. I, 1869 (républicain, remonte jusqu'à 1848). Thirria, Napoléon III avant l'Empire, t. II, 1895 (impérialiste).

Monographies.

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E. Tenot, la Province en décembre 1854, 1865; Paris en décembre 1854, 1868 (républicain, assez critique). — A. Debidour, Hist. des rapports de l'Eglise et de l'État en France, 1898 (républicain, bon chapitre sur l'Expédition de Rome et la loi Falloux). G. du Puynode, L'administration des finances en 1848-49, 1849.

CHAPITRE II

RÉVOLUTION ET RÉACTION EN ITALIE

(1848-1849)

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- Les réformes libérales et les manifestations nationales (1846-1848).

Caractère général de cette période. Pendant les années 1848 et 1849, l'Italie devint successivement le théâtre de révolutions intérieures entreprises par les peuples pour obtenir la liberté, d'une guerre nationale conduite par les princes pour conquérir l'indépendance, d'une réaction à main armée opérée par les puissances voisines pour rétablir l'ancien régime; mais si elle passa par les mêmes crises que les autres États européens, elle traversa auparavant une période de tranquillité et d'espérance qui semblait devoir les rendre impossibles. Il se rencontra en effet trois souverains pour comprendre à quels dangers le maintien des systèmes absolutistes exposait leurs couronnes et pour essayer de prévenir les violences d'une révolution par l'accomplissement de réformes: pour la première fois depuis 1815 on vit des princes italiens répondre aux demandes de leurs sujets par des concessions et non par des rigueurs. Aussi ce changement d'attitude suffit-il pour exciter parmi les peuples un enthousiasme universel, et pour provo

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