Page images
PDF
EPUB

mière session de la Diète commune, onze députés des duchés protestèrent contre la situation faite à leurs pays et qu'ils jugeaient insuffisante. Aussitôt la Prusse et l'Autriche appuyèrent diplomatiquement ces revendications et, peu après, la Diète de Francfort, saisie par les députés protestataires, intervint à son tour et déclara qu'en ce qui concernait le Holstein et le Lauenbourg, la constitution commune de 1855 était inconstitutionnelle au point de vue du droit public fédéral. La crise recommençait donc. L'Angleterre tenta de s'interposer et parla de soumettre la question à une conférence le projet échoua devant l'attitude de la Prusse qui déclarait l'affaire purement allemande (1861). Livré à ses seules forces, le Danemark essaya des concessions. Un décret avait, dès 1858, abrogé dans le Holstein et le Lauenbourg la constitution de 1855. Puis des projets nouveaux furent soumis aux députés de ces provinces, en même temps que des négociations très confuses s'engageaient avec la Diète de Francfort où l'on recommençait à parler d'exécution fédérale (18591860). En même temps, les puissances allemandes s'appliquaient à élargir le débat et à remettre en question la situation du Schleswig, qui pourtant ne faisait point partie de la Confédération. Entre temps, les Danois, reconnaissant les inconvénients de la constitution commune, se mettaient en devoir de la modifier. Renonçant à la théorie de « complexe », un manifeste du 30 mars 1863 déclara rompus tous les liens constitutionnels entre le Holstein et le reste de la monarchie, et une nouvelle constitution, s'inspirant de ces principes, fut votée par la Diète commune le 13 novembre suivant : elle ne prononçait pas l'incorporation complète du Schleswig, mais revenait cependant au principe du «< royaume jusqu'à l'Eider. » Or c'était là précisément ce que les puissances allemandes ne voulaient pas admettre la Diète protesta contre le manifeste du 30 mars et réclama le rétablissement de l'ancienne union entre le Schleswig et le Holstein (9 juillet) et, le 1er octobre, somma le Danemark de se soumettre, sous peine d'exécution fédérale. Sur ces entrefaites, le roi Frédéric VII mourait (15 novembre 1863).

l'État

Christian IX. Seconde guerre des duchés. L'avènement du prince de Glücksbourg, sous le nom de Christian IX, ne fit que susciter des embarras nouveaux. Les difficultés constitutionnelles demeurèrent les mêmes; un autre litige vint s'y ajouter. Le duc d'Augustenborg, qui avait renoncé pour lui-même à ses droits, les transmit à son fils qui s'empressa d'en faire usage, annonçant aux habitants des duchés son avènement sous le nom de Frédéric VIII et le notifiant à la Diète fédérale. Celle-ci, qui n'avait jamais reconnu le traité de Londres, décida de le soutenir, refusa de laisser siéger l'envoyé de Christian IX et résolut enfin de faire occuper militairement le Holstein. En même temps, la Prusse et l'Autriche, qui avaient négocié en 1851 et 1852 le règlement des difficultés constitutionnelles et envers qui le Danemark se trouvait avoir pris de ce fait certains engagements, prétendirent que ces engagements n'étaient pas fidèlement exécutés, manifestèrent l'intention d'intervenir de leur côté, et ce, malgré l'opposition de la majorité des membres de la Confédération, qui voyaient une telle démarche avec jalousie. Elles adressèrent un ultimatum au Danemark, l'invitant à abroger la constitution du 13 novembre 1869 dans le Schleswig, ce qui tendait à séparer de nouveau celui-ci du royaume (janvier 1864). Ne jugeant pas la réponse obtenue suffisante, elles firent avancer des troupes. Il se produisit donc à ce moment, en Danemark, deux interventions militaires allemandes, parallèles mais distinctes des contingents saxons et hanovriens occupèrent le Holstein au nom de la Confédération, une armée austro-prussienne traversa le Holstein pour envahir le Schleswig.

L'issue de la guerre qui commençait ainsi ne pouvait guère être douteuse. Pour des raisons tenant à leur politique particulière, et que l'on trouvera indiquées au moins implicitement dans les chapitres se rapportant à chacune d'elles, aucune des puissances européennes n'était disposée à secourir efficacement le Danemark; le roi de Suède seul fit une démarche que nous rapporterons plus loin en en montrant l'insuccès. Or les forces de Christian IX ne lui permettaient pas de résister longtemps aux efforts combinés de la Prusse et de l'Autriche. Les hosti

lités commencèrent le 1er février 1864. Quelques jours plus tard, les Danois se voyaient obligés d'évacuer, presque sans coup férir, les positions du Dannevirke; en mars, le gros de leur armée était refoulé dans l'ile d'Als tandis que le Jutland était envahi, et le 9 mars un armistice dut être conclu. Depuis quelques semaines déjà, les puissances signataires du traité de Londres, auxquelles se joignit la Diète germanique, avaient entamé des négociations dans l'espoir de trouver enfin une solution définitive de la question des duchés; mais les pourparlers ne servirent qu'à faire ressortir la divergence absolue des opinions. Tandis que l'Angleterre parlait de séparer du Danemark le Holstein et les districts méridionaux du Schleswig, la Diète, la Prusse et l'Autriche se refusaient absolument à admettre un morcellement de ce dernier duché elles étaient néanmoins loin de s'entendre entre elles, car la Diète tenait toujours pour le duc d'Augustenborg et réclamait pour lui le Holstein et le Schleswig entiers, alors que la Prusse et l'Autriche, hostiles au duc, voulaient unir de nouveau les duchés par un lien déclaré indissoluble et les rattacher ensuite à la monarchie danoise par une union personnelle. Le Danemark, enfin, ne se résignait pas encore à accepter des propositions trop rigoureuses. Les opérations militaires recommencèrent donc à la fin de juin. Au milieu du mois suivant, les troupes austroprussiennes étaient parvenues à Skagen et, le 1er août, le Danemark, définitivement écrasé, signait à Vienne les préliminaires de paix qui furent confirmés par le traité du 30 octobre 1864; par ces actes, le roi de Danemark renonçait purement et simplement, en faveur de la Prusse et de l'Autriche, à toute souveraineté sur les duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenbourg. La question des duchés était définitivement tranchée en ce qui concernait le Danemark.

La perte des duchés soulevait, en Danemark même, de nouvelles difficultés constitutionnelles. Deux lois fondamentales étaient en vigueur la constitution commune du 13 novembre 1863 et la constitution du 5 juin 1849. Les duchés abandonnés, une seule suffisait, mais il ne suffisait point de décider que la constitution commune était abrogée, car plusieurs de ses disposi

tions étaient indispensables, tout ce qui concernait certaines catégories d'affaires ayant été supprimé dans la loi de 1849 au moment de la mise en vigueur de la première constitution commune de 1855 une revision générale de la constitution s'imposait done. Elle se poursuivit lentement au milieu des discussions parlementaires, et ce fut seulement le 28 juillet 1866 que la nouvelle loi fondamentale put être promulguée.

:

[merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

Oscar Ier. Le règne de Charles-Jean avait été marqué, en Suède comme en Norvège, par d'importants progrès1: ils continuèrent sous le gouvernement de son fils Oscar qui lui succéda en 1844. Grâce à d'heureuses mesures législatives, le développement du commerce et de l'industrie se poursuivit. A peu près toutes les branches de l'administration, l'enseignement public, les finances, les affaires ecclésiastiques, furent successivement améliorées. Les lois pénales et le régime des prisons reçurent notamment des améliorations heureuses, car le nouveau souverain s'intéressait très personnellement aux questions pénitentiaires, sur lesquelles il avait écrit un ouvrage. Et l'initiative de la plupart des mesures ainsi prises ne provenant point des Diètes, l'activité réformatrice dont le gouvernement témoignait contrastait assez vivement avec les efforts que Charles-Jean avait toujours faits, durant les dernières années de sa vie, pour éviter les changements. En s'occupant d'améliorer la situation intérieure de ses royaumes, le nouveau roi demeurait cependant fidèle aux traditions paternelles. A un autre point de vue, il s'en écartait complètement.

Bien qu'àgé de quarante-cinq ans lors de son avènement, le roi Oscar avait eu jusque-là un rôle assez effacé. Sauf en de rares occasions, son père l'avait systématiquement écarté des affaires, le tenant, surtout à la fin de sa vie, en véritable suspicion. Par contre, le prince royal jouissait d'une popularité

1. Voir ci-dessus, t. X, p. 680 et suiv.

considérable parmi les partis d'opposition, qui saluèrent avec enthousiasme son arrivée au pouvoir. Ces deux jugements étaient, à vrai dire, également exagérés. Libéral, Oscar Ier l'était, sans contredit, plus que son père, néanmoins avec beaucoup de réserve. Mais surtout, ses idées politiques étaient effacées, incertaines et flottantes. Des incidents médiocres pouvaient déterminer chez lui des revirements à peu près complets, et c'est ainsi que son règne se divise en deux périodes caractérisées par des tendances presque opposées. Prenant le pouvoir au milieu des acclamations des libéraux, il fut d'abord libéral. Certaines des mesures législatives auxquelles nous faisions allusions tout à l'heure en pourraient déjà témoigner. Il fit abroger également des mesures politiques auxquelles son père avait toujours attaché grande importance la loi de 1812, par exemple, qui interdisait toute relation avec les membres de la dynastie détrônée en 1809, et les dispositions des lois sur la presse permettant de supprimer brutalement les journaux. Les intentions du nouveau monarque apparurent du reste clairement au lendemain même de son avènement la plupart des ministres de CharlesJean furent éloignés et remplacés par des libéraux modérés.

:

Mais bientôt survinrent les événements de 1848. La situation générale de la Suède et de la Norvège et les libertés politiques dont elles jouissaient devaient leur éviter les crises violentes qui se produisirent dans nombre d'États. Les événements de France et d'Allemagne eurent cependant des contre-coups, notamment à Stockholm, et il y eut même, du 18 au 20 mars, des bagarres sanglantes dans les rues. Le roi se rapprocha alors des conservateurs et forma un nouveau ministère composé d'hommes d'opinions très variées. La tempête libérale de 1848 fut suivie dans la plupart des États de l'Europe d'une réaction marquée il en fut de même en Suède, encore qu'elle ne s'y justifiat point. Le roi modifia de nouveau et profondément la composition de son conseil et les conservateurs s'y retrouvèrent en majorité (1852). Les tendances du gouvernement se trouvaient dès ce moment opposées à celles manifestées au début du règne. Ces changements de personne suffisent donc à faire ressortir les variations successives des opinions

« PreviousContinue »