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députés fut augmenté et passa de 84 à 130. Chaque province conserva un nombre égal de représentants conformément au principe établi en 1840. Cette fois l'égalité de représentation favorisait le Bas-Canada, car le recensement de 1852 avait révélé que la province la plus peuplée était maintenant le HautCanada. Aussi vit-on les Bas-Canadiens s'attacher à l'égalité de représentation qu'ils avaient si fort combattue, tandis que les Haut-Canadiens, particulièrement les démocrates, réclamaient, sans succès, une représentation proportionnelle au nombre des habitants.

Le Conseil législatif (haute Chambre) devint électif en 1856; mais il ne fut pas renouvelé intégralement; on décida que ses membres resteraient en fonctions jusqu'à leur mort et seraient remplacés par 48 nouveaux membres élus tous les deux ans par groupe de douze; ces membres devraient être des propriétaires fonciers possédant une terre d'une valeur supérieure à 2 000 louis. Le Conseil législatif obtint en 1860 le droit de choisir son président.

Progrès économiques : travaux publics. Le gouvernement libéral a établi des tarifs de douane modérés et a fait exécuter de grands travaux destinés à améliorer les voies de communication. Le Canada, comme toutes les colonies autonomes de l'Angleterre, est maître de son régime douanier. De 1846 à 1849 son gouvernement, imitant l'exemple de l'Angleterre, a décrété la liberté du commerce et il a ouvert le SaintLaurent aux navires étrangers. En 1850 a été achevé le réseau des grands canaux du Saint-Laurent. De 1847 à 1851, le télégraphe électrique a été installé entre les grandes villes. En 1850, le service des postes a été réglé avec un tarif uniforme entre toutes les colonies anglaises de l'Amérique du Nord. Le premier chemin de fer avait été établi dès 1837. En 1851, le Canada, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau Brunswick, ont voté des garanties d'intérêts aux lignes de chemin de fer importantes. Le Canada a été relié par voie ferrée aux Grands Lacs (c'est l'amorce du futur transcontinental) et aux États-Unis (1851), avec lesquels il communiquait déjà par canaux. En 1853, on a voté une subvention pour l'établissement d'une ligne de stea

mers entre le Canada et l'Angleterre. Le commerce du Canada a triplé en dix ans. La population, qui dépassait à peine un million d'habitants en 1840, s'élève à 1848 265 habitants lors du premier recensement régulier, en 1851, et à 2 506 000 habitants en 1861. Les recettes de l'État ont passé de 6 250 000 francs en 1840 à 22500 000 francs en 1861, mais les emprunts destinés aux travaux publics ont décuplé la dette (30 millions de francs en 1840, 280 en 1861). Le Canada uni est beaucoup plus peuplé et plus riche à lui seul que les autres colonies de l'Amérique du Nord toutes ensemble.

Rapports avec les États-Unis. Le Canada est un pays agricole; il a besoin de vendre ses produits à un pays industriel auquel il achète les objets qu'il ne fabrique pas. Le Canada commerce d'abord surtout avec les États-Unis. Sous le gouvernement libéral, les relations sont bonnes entre les deux pays. En 1849, ils concluent un traité d'extradition; en 1854, un très important traité de réciprocité commerciale pour dix années. En 1851, l'inauguration du chemin de fer du Canada aux États-Unis est célébrée à Boston par de grandes fètes auxquelles prennent part le président des États-Unis et le gouverneur du Canada. Il semble que les deux pays soient liés par leurs intérêts commerciaux. Mais, au bout de quelques années, les États-Unis ressentent vivement la concurrence que font à leurs propres produits ceux du Canada, les Canadiens commencent à trouver des débouchés en Europe. Divers incidents de la guerre de Sécession sont un sujet de froissements entre les deux pays. En 1861, un navire canadien est arrêté par un vaisseau de guerre américain. En 1864, vingt-trois partisans du Sud pillent la ville de Saint-Albans et se réfugient au Canada. Les États du Nord demandent qu'on les livre en vertu du traité de 1849; le Canada refuse, les considérant comme belligérants; les Américains les font attaquer comme voleurs à main armée devant les tribunaux canadiens qui les acquittent. Un assez grand nombre de sudistes étaient réfugiés au Canada, et l'opinion canadienne paraissait favorable au Sud. Le Nord semble avoir laissé, par représailles, les fenians préparer librement une invasion du Canada. Les fenians (patriotes irlandais)

comptaient parmi eux beaucoup de soldats et de généraux qui venaient de servir dans les armées américaines. Ceux-ci formèrent le projet de renverser par la force la domination anglaise. Tandis que plusieurs d'entre eux essayaient de soulever l'Irlande, d'autres se groupèrent sur la frontière Sud du Canada et firent, en 1866, sur Fort-Érié (canadien), un coup de main qui réussit; ils espéraient soulever les Irlandais et peut-être les Français du Canada; mais personne ne bougea et ils durent battre en retraite devant les troupes anglaises. Une deuxième tentative, en 1870, n'eut pas de succès. Une troisième, en 1871, fut empêchée par les troupes américaines qui, cette fois, intervinrent.

Au cours de ces divers incidents, les Américains avaient dénoncé le traité de réciprocité commerciale de 1854; le traité prit fin en 1866 et dès lors les deux États voisins établirent l'un contre l'autre des tarifs protecteurs. Le gouvernement canadien se vengea de la dénonciation du traité en faisant des difficultés pour permettre aux Américains de pêcher dans les eaux canadiennes, où ils étaient admis en vertu d'un traité de 1818.

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La Fédération de 1867 (Québec, Ontario, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick). Les difficultés qui s'étaient élevées avec les États-Unis hâtèrent la conclusion de la fédération des colonies anglaises de l'Amérique du Nord; le projet datait de 1847, et il avait été proposé au parlement canadien pour la première fois en 1851. En 1858, le Canada avait soumis à la métropole un plan de fédération qui avait échoué, les colonies maritimes ayant refusé de s'y prêter. En 1860, au contraire, c'étaient la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick qui avaient fait des avances, mais le Canada les avait refusées. Dans les circonstances présentes, le Canada avait tout intérêt à reprendre les négociations. S'il voulait vendre ses produits en Europe, il devait s'entendre avec les colonies maritimes pour le transit et pour l'embarquement, car le Saint-Laurent, seule voie pour aller du Canada propre en Europe, est gelé pendant une partie de l'année. Une autre raison en faveur de la fédération, était la nécessité de se défendre contre une tentative d'annexion de la part des États-Unis. Or, le gouver

nement métropolitain avait fait connaître, dès 1855, son intention de rappeler les 12 000 soldats anglais qui tenaient garnison au Canada. Rien ne pouvait donc mieux convenir à l'Angleterre qu'une fédération de colonies levant ses milices et faisant les frais de sa propre défense. Aussi le projet proposé par le Canada fut-il aisément agréé à Londres. Les négociations en Amérique du Nord commencèrent le 1er septembre 1864. A cette date, une conférence fut réunie sur l'initiative du gouvernement canadien à Charlottetown, puis continuée à Québec. Le Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'île du Cap-Breton y étaient représentés, chaque colonie ayant un vote, à l'exception du Canada, qui en avait deux. On y arrêta les principaux traits du projet l'union serait fédérale, et son plan serait soumis l'année suivante aux parlements coloniaux. Au Canada, seuls les démocrates se déclarèrent contre l'union, craignant d'être noyés dans un Parlement fédéral; ils ne partageaient d'ailleurs pas l'hostilité des conservateurs contre les États-Unis. Les Franco-Canadiens se déclarèrent en masse pour le projet, à condition qu'il détruirait l'union des deux Canada et donnerait une existence à part à la province de Bas-Canada catholique et française; les Franco-Canadiens craignaient précisément ce que les démocrates eussent désiré, le maintien de l'union avec une représentation distribuée proportionnellement au nombre d'habitants. Il fut décidé qu'on rétablirait la division d'avant 1840. L'ancien Bas-Canada devint la Province de Québec, l'ancien Haut-Canada la Province d'Ontario, chacune ayant son parlement et son ministère, et le nom de Canada étant réservé pour qualifier l'État fédéral. Le plan de fédération fut voté par le Parlement canadien à la majorité de 91 voix contre 33.

Avec les provinces maritimes, il y eut quelques difficultés. Les Chambres du Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse se déclarèrent contre le projet : les élections générales qui eurent lieu en 1865 dans le Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve furent hostiles à la fédération. Mais enfin le ministre conservateur de la Nouvelle-Écosse, sir Charles Tupper, réussit à entraîner les libéraux et à faire voter le projet, contre le parti populaire. Le Nouveau-Brunswick se rallia aussi à la fédéra

tion. La Nouvelle-Écosse était la colonie la mieux pourvue de ports et la plus riche en navires de commerce, celle dont le Canada désirait surtout le concours. Elle complait 370 000 habitants. Le Nouveau-Brunswick en avait à peine 200 000.

A la fin de l'année 1866, les délégués des quatre colonies se réunirent à Londres pour discuter le projet définitif avec les ministres anglais. L'acte de confédération fut approuvé par le Parlement et sanctionné par la reine en mars, proclamé le 22 mai et entra en vigueur le 1er juillet 1867.

D'après cet acte la Confédération se compose des quatre colonies citées plus haut, avec la faculté d'en admettre d'autres, s'appelle Dominion (Puissance) du Canada et est gouvernée par un Parlement composé de deux Chambres le Parlement siège dans une ville toute nouvelle, Ottawa, que la reine avait désignée quelques années auparavant pour être le siège du gouvernement du Canada propre.

La Chambre basse, appelée House of Commons, comme en Angleterre, se compose de 181 (aujourd'hui 213) députés, élus proportionnellement à la population, mais de manière que la province de Québec (ancien Bas-Canada, catholique et français) ait toujours 65 députés, comme avant 1867. Les électeurs sont les propriétaires fonciers possédant un revenu de 1500 francs dans les villes et de 750 francs dans les campagnes. Le vote a lieu au scrutin secret (système australien). Les députés sont élus pour cinq ans et reçoivent une indemnité (l'indemnité existait déjà en 1840).

La Haute-Chambre, appelée Sénat, comme aux Etats-Unis, se compose de 24 membres pour chacune des deux provinces de Québec et d'Ontario, de 12 membres (aujourd'hui 10) pour chacune des deux autres colonies; ils sont nommés à vie par la couronne et choisis parmi les propriétaires fonciers âgés de plus de trente ans et possédant un bien d'au moins 20 000 francs dans la province qu'ils représentent.

Le ministère (Conseil privé du Canada) se compose du premier ministre et de quatorze autres ministres nommés par le gouverneur au nom de la couronne. Ils sont toujours pris dans la majorité.

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