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qu'elles seraient vendues à son profit. Mais on ne se trouvait pas ici, comme en Australie, en face d'indigènes peu nombreux, faibles, vivant uniquement de pèche et de chasse, et pour qui la terre n'avait aucune valeur. Les Maoris cultivaient le sol et la plus grande partie des terres étaient partagées entre les tribus, chacune possédant collectivement son lot. Pour éviter les usurpations des colons et les soulèvements qu'elles auraient pu causer parmi les indigènes, le gouverneur avait déclaré par le traité de Waïtangi que la Couronne avait droit de préemption sur les terres indigènes, et il avait ensuite interdit aux blancs d'en acheter autrement que par son intermédiaire. La Compagnie et beaucoup de colons n'obéirent pas à la prescription; il était en effet plus simple d'acheter, moyennant un léger cadeau, à un indigène, des terres qui appartenaient à toute sa tribu ou même à une autre, que de les payer 25 francs l'acre par l'intermédiaire du gouverneur. De pareils procédés amenèrent des rixes. En 1841, la Compagnie venait de fonder le premier établissement anglais de l'ile sud, Nelson. Le capitaine Wakefield, qui en était le chef, fit arpenter des terres voisines du fleuve Wairau, prétendant les avoir achetées aux indigènes. Deux chefs maoris déclarèrent que les terres n'avaient jamais été vendues, et comme les Européens continuaient leurs opérations, les indigènes brùlèrent l'abri de l'arpenteur. Les colons de Nelson arrivèrent en armes; des pourparlers s'engagèrent, mais les colons tirèrent des coups de fusil, les Maoris s'élancèrent sur eux et en tuèrent 19 dont le capitaine Wakefield. Le gouverneur instruisit l'affaire, donna tort à la Compagnie et la rappela au respect du traité de Waïtangi. En 1844, un nouveau gouverneur permit à la Compagnie d'acheter directement la terre aux indigènes à condition de payer à la couronne un droit de 10 shillings par acre, qu'il réduisit ensuite à un penny. Les territoires de la Compagnie s'agrandirent; elle avait, en 1840, 110 000 acres à Port-Nicholson en 1844, elle affirmait qu'elle avait établi des colons sur 230 000 acres et qu'elle en possédait près d'un million. Les soulèvements des Maoris recommencèrent. En 1845-46, il fallut faire repousser par la troupe une attaque contre la Baie des Iles et une autre contre Wellington.

En 1846, le gouverneur interdit d'acheter directement la terre aux Maoris sous peine d'amende. L'arrivée aux affaires du ministère libéral Russell fut heureuse pour la Compagnie de Nouvelle-Zélande. Elle obtint de l'État un prêt de 236 000 livres sans intérêt (1846-47); elle décida le gouvernement à acheter tout le territoire de l'île du Sud aux Maoris et à le lui confier de 1847 à 1850, avec la seule restriction qu'elle ne vendrait pas audessous du prix officiel les terres qui n'étaient pas destinées à des services publics. Dans l'île sud, la compagnie vendit à l'église libre d'Écosse le district d'Otago (capitale Dunedin) pour y établir des presbytériens, et à une société anglicane de colonisation. la province de Canterbury, dont la capitale fut Christchurch (1849). Si la Nouvelle-Zélande était une source de profits pour la Compagnie, elle coûtait très cher à l'État. Un rapport officiel de 1849 évalue les dépenses du gouvernement dans les deux îles à 144 000 livres (émigration, indemnités aux colons dépossédés, sommes payées aux Maoris) et les recettes provenant de la vente des terres à 52000 livres; or, théoriquement, la vente des terres aurait dù couvrir les frais de colonisation! En 1851, la Compagnie fut supprimée; on garantit à ses actionnaires un revenu pris sur la vente des terres publiques néo-zélandaises. La vente des terres dans les deux iles fut remise entre les mains du gouverneur.

La constitution de 1852. La suppression de la Compagnie permit d'organiser la Nouvelle-Zélande sur un plan uniforme; comme elle se composait de provinces d'origines différentes, on crut devoir lui donner plus de libertés locales qu'aux autres colonies. Déjà, en 1846, on avait essayé d'en faire une fédération de municipalités et de provinces qui avait été abolie après un an d'essai. En 1852, on la divisa en six provinces, dont chacune était gouvernée par un Conseil provincial élu par des censitaires et un superintendant sous le contrôle du gouverneur. Au centre, on établit une Chambre des représentants élue par les mèmes électeurs que les Conseils provinciaux et un Conseil législatif dont les membres étaient nommés par le gouverneur. Celui-ci avait le droit de veto. La Nouvelle-Zélande comptait alors 60 000 indigènes environ et 27 000 colons blancs, occupés

surtout à l'élevage des moutons et à la culture. A partir de 1852 la colonie paya toutes ses dépenses, sauf l'entretien des troupes.

Les guerres contre les Maoris. Le gouvernement impérial avait maintenu l'interdiction d'acheter directement des terres aux Maoris et il s'était réservé le contrôle des affaires indigènes. Il fit faire sur les terres maories une enquête (1856) qui ne rencontra « en général rien qui ressemble à un droit de propriété individuelle défini et indépendant du droit collectif de la tribu ». Le chef des affaires indigènes chercha à acheter le sol par morceaux importants aux tribus ou plutôt aux chefs pour les revendre par petits lots aux colons; ceux-ci auraient préféré acheter directement aux indigènes, et la Chambre des représentants à Auckland demanda vainement au gouvernement impérial de lui abandonner le contrôle des affaires indigènes. D'autre part, les Maoris étaient inquiets de voir qu'on achetait sans cesse leurs terres en 1856, ils se trouvaient réduits au centre de l'île septentrionale et à l'île Stewart; vers la fin de l'année, une grande assemblée de chefs tenue auprès du lac Taupo décida qu'on ne vendrait plus de terres à l'avenir. Depuis plusieurs années déjà, il existait entre Maoris et colons une contestation qui devait dégénérer en guerre. C'était à propos d'un district (New-Plymouth, île nord) abandonné par une tribu qui s'était enfuie devant des ennemis vers 1830. En 1840, la Compagnie avait acheté le district à quelques indigènes qui s'y trouvaient et n'avait pas voulu désintéresser la tribu exilée, malgré les représentations du gouverneur. Les exilés revinrent en 1848 au nombre de six cents et voulurent reprendre leurs terres; il y eut des rixes et des attentats, si bien qu'en 1858 le gouverneur menaça de faire pendre tous ceux qui seraient pris en armes sur le territoire contesté, Européens ou Maoris. On crut avoir trouvé une solution en 1869 un chef offrit de vendre des terres situées à peu de distance au nord de New-Plymouth; on lui donna 100 livres d'acompte; on avait commencé l'arpentage quand 70 à 80 Maoris survinrent et mirent en fuite les arpenteurs. Les colons de New-Plymouth prirent les armes et se retranchèrent; le gouverneur arriva en toute hâte avec le colonel commandant les troupes, un navire

croisa devant New-Plymouth. Le gouverneur écrivit à Sydney et à Londres pour demander 3 000 hommes de renfort: le major général qui commandait en Australie vint prendre le commandement des forces. La guerre resta locale, mais elle dura toute l'année. Les guerriers maoris qui ne connaissaient autrefois que les armes de bois dur et de pierre avaient acheté des fusils ; ils s'abritaient dans des pah, forteresses plantées sur des rochers, entourées de palissades et de fossés. Le pah possédait des tours de guet, des plates-formes disposées dans les arbres à l'usage des tireurs; il était pourvu d'eau, de magasins approvisionnés, de fours, afin de pouvoir soutenir un siège. Quand on avait enlevé d'assaut la palissade extérieure, il fallait enfoncer celles qui barraient les rues ou qui entouraient les maisons. Les guerres contre les Maoris sont longues et meurtrières. La première se termine en 1860 et elle est suivie de longues négociations que conclut Grey, un ancien gouverneur rappelé à cause de sa fermeté à défendre les indigènes. Le gouverneur réoccupa le district de New-Plymouth, mais il abandonna les terres dont la vente avait été la cause initiale de la guerre; il fit construire une route à travers l'ile nord pour pouvoir surveiller les districts maoris. On croyait les guerres finies. Le contrôle des affaires indigènes fut enfin abandonné à la Chambre des représentants d'Auckland.

En 1863, on apprit que plusieurs Anglais venaient d'être massacrés dans la baie de New-Plymouth (4 mai). Plusieurs chefs indigènes s'étaient entendus pour recommencer la guerre. Ce fut la plus longue et la plus sanglante. Elle ne fut pas absolument générale, mais un grand nombre de tribus y prirent part. Ce fut une guerre de races, avec massacres de part et d'autre; les Maoris surprenaient les villages et tuaient tout, hommes, femmes et enfants; ils avaient foi dans une prophétie annonçant qu'à la fin de 1864 tout ce qui n'était pas de race indigène aurait disparu de l'ile. Les Anglais mirent jusqu'à 20000 hommes sur pied, soldats et volontaires; ils battaient les Maoris en rase campagne, mais il leur fallait ensuite enlever les pah l'un après l'autre. Les hostilités durèrent trois ans, de 1863 à 1866.

Après la grande guerre, les régiments quittèrent l'île du nord l'un après l'autre ; il n'en restait plus qu'un seul en 1868 lorsqu'on apprit que 5 officiers et 70 hommes des forces coloniales venaient d'être tués dans une rencontre avec des insurgés et que 40 Européens et 20 indigènes alliés avaient été massacrés à Poverty Bay sur la côte est. L'émotion fut considérable et il y eut une panique dans une partie de l'île. Mais ce dernier soulèvement fut assez facilement réprimé, et ce fut la fin des guerres

maories.

Le nombre des indigènes avait beaucoup diminué par suite de la guerre et de la famine qui en résultait. Une tribu de 18 000 personnes était tombée à 2279. On estimait en 1867 le nombre total des indigènes à 38 000. Une grande partie des terres des districts rebelles avaient été confisquées par ordre de l'assemblée d'Auckland et malgré le gouvernement impérial. Néanmoins les indigènes possédaient encore 10 millions d'acres, au centre de l'île nord, dans le pays des sources thermales et des geysers. Le gouverneur alla visiter les Maoris en 1869, et. leur promit qu'on leur laisserait leurs terres; dans des assemblées ils s'engagèrent à ne plus faire la guerre; on renvoya chez eux des missionnaires; on établit des écoles. En 1871, on leur accorda deux députés à l'Assemblée coloniale.

Pendant que l'île du nord était en proie à la guerre, l'île sud étendait paisiblement ses cultures et ses pâturages. Les habitants, mécontents de payer les frais de la guerre du Nord, parlèrent de fonder une colonie à part. Le gouverneur voulant les surveiller de plus près, transporta la capitale d'Auckland à Wellington (1865).

La paix qui avait régné dans l'ile sud avait permis à la colonisation de se développer plus qu'on n'aurait pu le croire. En 1867, le nombre des colons européens s'élevait à 226 618, le total des moutons à 8418 379, et celui des têtes de bétail à 312 835.

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