Page images
PDF
EPUB

V.

Les colonies de l'Afrique australe
de 1847 à 1872.

La guerre de la Hache. Annexion d'une partie de la Cafrerie. Les tribus cafres (entre le Cap et Natal) avaient conservé leur indépendance grâce aux missionnaires; les colons du Cap se plaignaient d'être pillés par elles, et le gouvernement faisait de son mieux la police de la frontière. En 1846, un Cafre fut accusé d'avoir volé une hache et emmené au poste anglais de Grahamstown pour y être jugé; sa tribu l'enleva de force à ses gardiens. Le gouverneur envoya des troupes pour punir les ravisseurs. Ce fut le commencement de la guerre de la Hache, qui dura sept années (1846-1853). Les opérations consistent surtout à enlever les kraals entourés de haies épineuses et courageusement défendus par les indigènes; les Anglais, dans les premiers temps, sont plusieurs fois surpris par les guerriers cafres et reculent en abandonnant une partie de leurs bagages. En 1848, la principale tribu se soumit et la guerre parut terminée. Mais en 1851, les Cafres se soulevèrent tous ensemble, et ils vinrent attaquer les forts de la frontière. Il fallut deux années pour les soumettre définitivement. Après la paix, la partie de la Cafrerie qui touchait au Cap (entre la Fish River et la Kei River) devint colonie anglaise, sous un lieutenant-gouverneur, avec King William's Town pour capitale. Le reste (Pondoland), entre la Kei River et Natal, demeura indépendant (1853).

Le deuxième Voorttrekken; l'État d'Orange annexé, puis évacué par les Anglais; le Transvaal. Pendant que la guerre des Cafres durait encore, le gouverneur du Cap en avait commencé une autre contre l'État d'Orange fondé par des Boers émigrés de Natal.

Natal était devenu une colonie à part en 1856. A cette époque, sa population se composait surtout de Cafres et d'autres noirs qui avaient cherché un refuge sous la domination anglaise

(400 000 environ). Le gros de la population blanche était formé par les éleveurs boers arrivés en 1838. Un Anglais, Byrne, avait essayé d'établir à Natal des cultivateurs britanniques; il y avait transporté de 1848 à 1850 environ 3800 personnes, auxquelles il accordait la traversée et 20 acres de concession moyennant 10 livres. L'essai fut malheureux; Natal, pays de climat tropical, n'attirait guère que les planteurs qui venaient cultiver la canne à sucre avec la main-d'œuvre indigène ou avec celle des coolies transportés de l'Inde. Les gouverneurs tâchaient d'attirer le plus grand nombre d'indigènes possible dans la colonie en les protégeant contre les blancs. Cette politique ne convenait pas aux Boers. Dès 1846, ils avaient envoyé un d'entre eux, Andries Pretorius, porter leurs doléances au gouverneur du Cap; le gouverneur refusa de l'écouter. Alors Pretorius et ses amis s'en allèrent vers le nordouest avec leurs familles, leurs chariots et leurs boeufs. Un nouveau gouverneur du Cap s'empressa de les rejoindre et leur promit de grandes concessions de terres, s'ils voulaient rebrousser chemin, mais les Boers continuèrent leur nouveau trekk et rejoignirent un groupe d'émigrés de 1837-36 qui avait franchi le fleuve Orange : les anciens et les nouveaux trekkers se constituèrent en État libre d'Orange, capitale Bloemfontein. Le territoire de cet État était occupé, avant l'arrivée des Boers, par des indigènes inoffensifs, groupés en petites tribus et vivant les uns de chasse comme les Hottentots, les autres d'élevage c'étaient les Bechouanas et les Griquas, ces derniers ayant pour chefs depuis le XVIIIe siècle des métis boers, les Kok. Les missionnaires avaient demandé pour les indigènes la protection du gouvernement du Cap, qui avait envoyé dans le pays un résident (1845). En 1848, après l'arrivée des émigrants de Natal, le gouverneur du Cap vint dans le pays et annexa aux possessions anglaises toute la région des monts Drakenberg au Vaal, sous le nom de Orange River British Sovereignty (1848). Il adressa aux chefs griquas une proclamation qui leur disait : « Gardez la paix, écoutez les missionnaires, alors votre bétail engraissera et vous irez au ciel. » Il déclara que les Boers devaient l'impôt foncier et le service de la milice. Il invita le

synode de l'Église calviniste à leur prêcher la soumission. A peine avait-il quitté le pays qu'un parti boer commandé par Andries Pretorius força les petites garnisons anglaises à capituler. Le gouverneur revint avec des soldats; Pretorius, dont la tête avait été mise à prix, s'enfuit au nord du Vaal, où on ne le poursuivit pas (1849). Le gouverneur tourna ses efforts contre les Basoutos qui occupent les montagnes entre l'Orange et Natal il reçut la soumission d'un de leurs chefs. De 1848 à 1850 l'étendue des possessions anglaises au sud de l'Afrique avait doublé; mais cette expansion avait coûté très cher. Un député se plaignit au Parlement que la métropole dépensât au Cap, en frais de guerre, près de 25 millions par an. Le gouvernement libéral, partisan de la paix et des économies, résolut de rentrer dans les anciennes limites. Il commença par amnistier Pretorius et les Boers rebelles qui avaient passé le Vaal et leur reconnut le droit de s'organiser au nord de ce fleuve comme ils l'entendraient (traité de Sand River, 7 janvier 1852). La république du Transvaal était désormais reconnue. Puis le gouvernement évacua l'État d'Orange et reconnut son autonomie. (convention de Bloemfontein, 23 février 1854). L'Angleterre avait réservé l'indépendance des Griquas (au confluent du Vaal et de l'Orange) et celle des Basoutos (entre l'Orange et le Caledon).

Les gouverneurs du Cap reçurent d'Angleterre l'ordre de ne pas se mêler de ce qui se passait hors du territoire soumis à leur administration. La politique d'expansion était arrêtée pour plusieurs années.

Les institutions représentatives au Cap (1853). Le gouvernement responsable (1872). Les colons du Cap continuent la lutte pour la conquête des libertés politiques. Ils refusent de recevoir des convicts. Le gouvernement ne tient aucun compte de leurs désirs et en 1849 il expédie au Cap 200 condamnés. Les colons décident alors de cesser tous rapports avec le gouverneur et ses agents jusqu'à ce que les condamnés soient partis. Au bout de six mois, le ministre cède et fait partir les condamnés pour Van Diemen. Pendant ce conflit, les colons ont renouvelé leur demande, souvent répétée, de parlement élu :

satisfaction leur est donnée sur ce point en 1853. On leur accorde des institutions représentatives, mais non un gouvernement responsable. La colonie a un Conseil législatif et une Assemblée législative, tous deux élus par des censitaires; le pouvoir exécutif reste confié à des chefs de service nommés par le gouverneur. Les assemblées du Cap ont réclamé un ministère pris dans la majorité du parlement. Elles l'ont obtenu à la suite d'un conflit avec un gouverneur sur une question de finances. En 1867, le gouverneur Wodehouse, partisan de la politique d'annexion, a proposé aux Chambres une augmentation d'impôt, qu'elles ont repoussée en répondant par un projet de réducion des dépenses. Le gouverneur a dissous les Chambres, et après de nouvelles élections sous la pression. officielle il a essayé de faire voter un projet qui réduisait les deux Chambres à une seule composée de 36 membres seulement et qui augmentait les prérogatives des fonctionnaires. chargés de l'exécutif. Le nouveau parlement a répliqué en demandant le gouvernement responsable. Le ministère impérial, mécontent de la politique annexioniste de Wodehouse, l'a rappelé et l'a remplacé par un gouverneur venu d'Australie et chargé de préparer un projet de constitution parlementaire pour le Cap (1870). La nouvelle constitution a été appliquée en 1872. Les Chambres du Cap, suivant l'exemple australien, ont payé par des indemnités la retraite immédiate des fonctionnaires qui détenaient le pouvoir exécutif; depuis lors le gouverneur a pris son ministère dans la majorité du parlement.

La Cafrerie britannique incorporée au Cap. Annexions du Basoutoland et du Griqualand-Ouest. - La colonie de Cafrerie britannique avait été organisée d'abord sur le modèle de Natal; on avait laissé les chefs indigènes en fonctions, mais on les avait amenés à se laisser contrôler et guider dans leur administration par des résidents européens, à laisser ceux-ci prononcer les amendes et les confiscations, en échange d'une rente. On avait supprimé les tortures, les supplices cruels, les condamnations et exécutions pour crime. de sorcellerie; les écoles et les missions s'étaient développées dans le pays. La tranquillité fut troublée par un chef cafre et

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

41

par un sorcier mécontents du nouveau régime; ils se mirent à annoncer que tous les héros cafres morts allaient ressusciter si les indigènes sacrifiaient tout leur bétail et leurs réserves de grain. 150 000 bœufs furent tués. Quand le jour de la prétendue résurrection arriva, les Cafres étaient ruinés, affamés et prêts à piller pour vivre. Le gouverneur évita cette solution en appelant 30 000 Cafres dans la colonie du Cap pour les employer à des travaux publics; 20 000 autres moururent de faim. La Cafrerie se dépeupla de noirs et le gouverneur y installa des blancs organisés en confins militaires; il fit venir à cet effet les restes d'un corps irrégulier employé pendant la guerre de Crimée. Toutes ces mesures étaient coûteuses. Le gouvernement métropolitain voulut s'en décharger sur la colonie du Cap. Il lui demanda si elle consentait à s'incorporer la Cafrerie, et comme le parlement colonial s'y refusait, l'incorporation lui fut imposée par le gouverneur Wodehouse (1865).

Le même gouverneur mit fin par des annexions aux difficultés que soulevaient les territoires indigènes restés indépendants entre le Cap et l'Orange. L'État d'Orange était alors la plus importante des deux républiques boers. Le Transvaal s'était, il est vrai, étendu jusqu'à sa limite septentrionale actuelle, le fleuve Limpopo, dès 1864-65. Mais il n'avait presque pas d'habitants. L'Orange, au contraire, avait reçu beaucoup d'émigrants; il comptait, vers 1865, 35 000 habitants presque tous occupés à l'élevage. Ils cherchèrent à étendre leurs terrains de pâture aux dépens des Basoutos. Le Basoutoland, <«< la Suisse de l'Afrique australe », est un pays de vallées et de montagnes dont plusieurs dépassent 3 000 mètres, bien arrosé et très propre au pâturage. Les Basoutos sont comme les Cafres des éleveurs de bœufs. Ils étaient au nombre de 175 000, presque tous soumis au roi Mochéh. Entre eux et les Boers d'Orange, une première guerre éclata en 1858. Les Boers se plaignaient qu'on leur eût volé des bœufs, les noirs qu'on usurpât leurs terres. Les missionnaires anglais établis en grand nombre dans le Basoutoland prirent en main la cause des indigènes. Le gouverneur du Cap intervint et fit respecter le territoire basouto. En 1866, la guerre recommença. Malgré

« PreviousContinue »