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qu'elle augmentait les taxes de l'Inde, l'administration anglaise s'efforçait d'en rendre la perception plus équitable.

La principale source de revenu était l'impôt foncier (deux tiers du revenu total en 1869-70). Il avait été établi par les souverains musulmans, qui se considéraient comme propriétaires de tout le sol et traitaient les cultivateurs en fermiers qui leur devaient un cens. La Compagnie s'est substituée aux souverains musulmans et le gouvernement anglais à la Compagnie. L'impôt foncier s'appelle revenu du sol (Land revenue) et l'auteur du livre moderne le plus positif sur l'Inde, W. Hunter, fonctionnaire supérieur de la colonie, se déclare incapable de résoudre cette question: « Le Land revenue est-il un impôt ou un fermage?» Cet impôt si particulier est fixé à la suite d'une série d'opérations qui datent de la Compagnie. On commence par faire un cadastre (survey); puis on apprécie la fertilité du sol, la plus-value que lui donnent l'irrigation, les voies de communication, etc., le prix probable des récoltes (settlement). D'après ces calculs on fixe l'impôt dù par chaque propriétaire ou par chaque village (assessment).

Sous l'administration directe, les cadastres sont devenus plus sérieux et plus fréquents; on admet les réclamations et les revisions partielles. Les contribuables peuvent plaider contre les agents financiers devant les cours de justice. La taxe a élé étendue à toutes les terres, ce qui a permis de soulager celles qui étaient trop imposées. La proportion de la part prise par le fisc au revenu total de la terre était d'un tiers au temps du Grand-Mogol elle a été réduite aujourd'hui à un dix-septième. Réformes en faveur de l'agriculture. -Le soulagement des cultivateurs, dans un pays exclusivement agricole comme l'Inde, est devenu l'un des principaux soucis du gouvernement anglais. Aux mesures pour une répartition plus équitable de l'impôt se sont ajoutées en 1859 des dispositions spéciales pour la protection des tenanciers dans le Bengale. Le gouvernement a voulu réparer ainsi le tort fait par la Compagnie qui avait érigé, par insouciance, les zémindars, simples fermiers de l'impôt, en propriétaires, et n'avait jamais songé à protéger contre eux les cultivateurs brusquement transformés

en tenanciers. Les zémindars augmentaient sans mesure leurs fermages; les tenanciers, découragés, cultivaient mal ou quittaient le pays. Le gouvernement anglais a essayé de mettre des bornes à cette exploitation par la loi foncière de 1859, applicable au Bengale seul. Cette loi interdit aux zémindars d'augmenter les fermages qui sont restés les mêmes depuis. 1793; elle présume que les fermages qui n'ont pas varié depuis vingt ans sont restés les mêmes depuis 1793, à moins que le contraire ne puisse être prouvé ; elle permet aux fermiers payant les mêmes redevances depuis douze ans de réclamer l'arbitrage des tribunaux si le propriétaire augmente la redevance.

On a entrepris des travaux publics destinés à l'amélioration de l'agriculture. Ce sont surtout des canaux d'irrigation. Les chemins de fer, dans la période qui nous occupe, sont presque tous construits par des compagnies particulières.

Le développement de certaines cultures a été favorisé par le gouvernement. Il a accordé des subventions et créé des pépinières pour l'acclimatation du thé sur les pentes sud du Bengale et sur celles des Ghats. Il a encouragé la culture du coton à l'époque où la guerre empêchait les États-Unis d'en fournir à l'Europe. La production du coton aux Indes, de 204 millions. de livres en 1860 s'est élevée à 615 millions en 1866, mais elle est retombée à 341 en 1870. Le gouvernement anglais a pour la première fois en 1864-65 organisé une surveillance des forêts. En 1869 a été créé un ministère de l'agriculture, supprimé plus tard, puis rétabli. On a commencé à dresser des statistiques pour le Bengale, puis pour les autres régions.

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Réformes de la justice et de l'armée. Avec les Finances, le service civil le plus important, aux Indes, est celui de la Justice; on l'a amélioré, en créant des hautes cours, intermédiaires entre les trois cours suprêmes et les juges des districts (1861). Les textes des lois ont été publiés. Dès 1837 le gouvernement avait adjoint à cet effet un law member, véritable ministre de la Justice, au Conseil exécutif de Calcutta. Le code pénal a été enfin publié en 1860, les codes de procédure civile et criminelle en 1861. On a renoncé à faire un code civil applicable à toute l'Inde. On s'est borné à recueillir les coutumes

les plus généralement adoptées par les diverses sectes, à supprimer celles qui étaient inhumaines ou qui paraissaient immorales à des Européens, et à faire rédiger et imprimer les autres.

L'armée a été réorganisée. Les débris des troupes de la Compagnie ont été fondus dans l'armée de la Couronne. Les cipayes subsistent, mais ils sont encadrés dans un plus grand nombre d'Européens. Ils ne deviennent pas officiers: depuis la révolte on s'est gardé de leur apprendre le maniement des canons, qui sont servis exclusivement par des Européens. Tous les officiers des Indes appartiennent aux cadres de l'armée britannique et sont nommés par la reine.

En 1859 commence pour l'Inde une période de paix qui durera vingt années.

A la fin de cette époque troublée par tant de guerres contre les indigènes, la paix est générale dans l'empire britannique, grâce à la politique du parti libéral.

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BIBLIOGRAPHIE

Documents.— Dans cette période les statistiques officielles deviennent régulières et leurs principaux résultats sont exposés chaque année dans le Statistical Abstract for the several colonial and other possessions of the U. K. et dans le Statistical Abstract relating to British India. Voir les nombreux annuaires, dont le plus pratique est le Statesman's Year-Book, Londres, depuis 1867, in-8; et le plus complet, le Colonial office List, Londres, in-8. Généralités. Lord Grey, History of the colonial policy of Great Britain, during Lord John Russell's ministery, Londres, 1852, 2 vol. in-8. A. Mills, Colonial constitutions, Londres, 1856, in-8. E. Creasy, Imperial and Colonial Constitution of the br. Empire, Londres, 1872, in-8. Canada. Turcotte, Le Canada sous l'Union, 1841-67, Québec, 2o éd., 1882, 4 part. in-8, est l'ouvrage d'ensemble le plus complet. Munro, The Constitution of Canada, Cambridge, 1889, in-8. E.-W. Watkin, Canada and the States. Recollections, 1854-66, Londres, 1867, in-8. Australasie. Sir H. Parkes, 50 years in the making of Australian history, Londres, 1892, 2 vol. in-8. Ch. E. Lyne, Life of Sir H. Parkes, Londres, 1897, in-8. Lady Barker, Station life in New Zealand, 1868; trad. fr. Une femme du monde à la Nouvelle Zélande, Paris, 1882, in-8.

J.-E.-C.

Inde. W.-W. Hunter, The marquis of Dalhousie, Oxford, 1890, in-16 (préférable à la biogr. de Trotter, 1889). - Kaye et Malleson, History of Indian mutiny, 1890, 6 vol. in-8, est l'ouvrage le plus complet. Montgomery Martin, The progress and present state of british India, Londres, 1862, in-8, résumé de rapports officiels. E. de Valbezen, Les Anglais et l'Inde, Paris, 1857, in-8; Les Anglais et l'Inde, nouvelles études, Paris, 1875, 2 vol. in-8 (avec l'hist. de la révolte).

Pour le Cap, voir ci-dessous, tome XII, la bibliographie du chapitre correspondant.

CHAPITRE XVIII

LES ÉTATS-UNIS

De 1848 à 1870.

I.

Les dernières années de la suprématie esclavagiste.

Le compromis de 1850.- Le général Taylor, élu président des États-Unis dans l'automne de 1848, entra en fonctions le 4 mars 1849. La principale question dont il eut à s'occuper d'abord fut celle de l'admission dans l'Union, en qualité d'État, de la Californie, cette province mexicaine dont le traité de Guadalupe Hidalgo venait de consacrer l'acquisition. La constitution qu'adoptèrent les Californiens excluait l'esclavage. Le président Taylor n'était disposé à faire aucune objection à cette clause, et un bill d'admission fut présenté au Congrès en 1850. Calhoun et les sudistes engagèrent aussitôt une campagne des plus vives contre le bill, et toute la question de l'esclavage fut réveillée. Le débat s'étendit, embrassant le status futur du NewMexico, la délimitation du Texas, l'esclavage dans le district de Columbia et la législation sur les esclaves fugitifs. Les whigs et les démocrates, abstraction faite de la section anti-esclavagiste que contenait chacune de ces organisations, se rappro1. Voir ci-dessus, t. X, p. 819.

chèrent pour demander une fois de plus que le silence se fit sur la question de l'esclavage dans l'intérêt supérieur de l'Union. Les chefs modérés des deux partis élaborèrent et firent adopter par leurs fidèles une grande mesure de compromis. Clay fut appelé de nouveau le « pacificateur ».

Le compromis» de 1850 se composait d'une série de lois distinctes: 1° admission de la Californie comme État libre avec exclusion de l'esclavage; 2° organisation de gouvernements territoriaux dans le New-Mexico et dans l'Utah et remise à la population locale de la décision sur l'admission ou l'exclusion de l'esclavage; 3° fixation des frontières du Texas; 4o abolition du commerce des esclaves dans le district de Columbia; 5o ensemble de mesures destinées à rendre plus efficaces les prescriptions de la constitution des États-Unis relativement à la reddition des esclaves fugitifs dans les États libres. Taylor était mort (9 juillet 1850) pendant la discussion de ces bills, auxquels l'administration de Fillmore, vice-président devenu président, donna tout son appui. Le 20 septembre 1850, le dernier bill du compromis était voté.

L'intention hautement avouée des auteurs de cette grande mesure d'apaisement était qu'elle fût considérée comme une solution définitive, absolue, du problème esclavagiste. Les conservateurs des deux partis firent une question de patriotisme du silence à observer sur l'esclavage. Mais les fractions. extrêmes, les free soilists du Nord, et les whigs libéraux d'une part, les démocrates du Sud et les « barons de la sclavocratie », de l'autre, ne l'entendirent pas ainsi. Ces derniers ne se faisaient point d'illusion sur la durée de la trêve qui venait d'être signée; ils voyaient clairement que, si les États à esclaves restaient dans l'Union, la suprématie politique leur échapperait avant peu, conséquence forcée de l'écrasante supériorité du nombre et de la richesse au Nord, et qu'alors c'en serait fait de l'esclavage. Un parti résolument sécessionniste commença donc à se former dans le Sud; Jefferson Davis en fut un des principaux chefs. Dès 1850, avec une dizaine de ses collègues, il protesta contre le compromis tout entier, et surtout contre l'admission de la Californie comme État libre.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

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