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tous les points, ne pouvaient de longtemps venir à son secours, Paris allait succomber. Depuis plusieurs semaines la famine s'annonçait le 20 novembre, plus de viande de bœuf et de mouton; le 15 décembre, la ration de cheval fixée à trente grammes; le 15 janvier, la ration de pain - et d'un pain indigeste, noir, mélangé d'avoine, d'orge ou de riz réduite de cinq cents à trois cents grammes, et l'on savait que la ville n'aurait plus rien à manger le 31 janvier.

C'en était fait. Trochu, accusé d'incapacité depuis les batailles de la Marne, resta président du gouvernement; mais il fut destitué comme général en chef de l'armée de Paris. Vinoy, qui le remplaça, ferma les clubs, supprima deux journaux des plus violents, le Réveil et le Combat, réprima vigoureusement une émeute qui, le 22 janvier, attaquait l'Hôtel de Ville. Le 23, Jules Favre se rendait à Versailles, et cinq jours plus tard, signait un armistice: une assemblée, où siégeraient les députés des pays conquis, serait élue le 8 février et réunie le 12; les Allemands prendraient possession des forts de Paris et du matériel de guerre; la garnison serait prisonnière dans la ville, sauf une division de 12 000 hommes qui devait assurer le service intérieur; la garde nationale conserverait ses armes. Mais Favre avait été plus qu'imprudent : il accordait aux ennemis sur toute la ligne de leurs avant-postes une délimitation avantageuse; il consentait à excepter de la trêve Belfort et l'armée de l'Est, dont il ignorait la détresse; il oubliait, dans sa dépêche à Gambetta, de mentionner cette exception.

Gambetta s'indigna. Il déclara que la guerre continuerait acharnée, implacable, et, par décret, il exclut de l'assemblée future tous les hauts fonctionnaires et candidats officiels de l'Empire. Mais Bismarck lui télégraphia que les élections. devaient être libres, et Jules Simon, envoyé par le gouvernement de Paris avec pleins pouvoirs, annula le décret. Gambetta, frémissant de colère, donna sa démission. Encouragé par les manifestations des habitants de Bordeaux, soutenu par tout le Midi, il avait voulu, un instant, rejeter l'armistice, supprimer les élections, prendre la dictature, et lutter encore, lutter à outrance, jusqu'à complet épuisement, jusqu'à l'extermination, dans le

massif du plateau central, dans la Bretagne, dans le Cotentin et les lignes de Cherbourg; les généraux Haca et Thoumas lui démontrèrent que la résistance était désormais impossible.

La paix. - Le 12 février, l'assemblée se réunissait à Bordeaux. Le 1er mars, dans cette dramatique séance où elle confirmait la déchéance de Napoléon III et le déclarait responsable de la ruine de la France, elle adoptait les préliminaires de paix arrêtés le 26 février entre Thiers, chef du pouvoir exécutif, et Bismarck.

La paix fut définitivement conclue à Francfort le 10 mai. Elle donnait à l'Allemagne, outre une indemnité de 5 milliards, l'Alsace, à l'exception de Belfort, et la Lorraine dite allemande, Thionville et Metz. Encore les Allemands ne renoncèrent-ils à Belfort qu'à condition d'entrer dans Paris, où ils occupèrent durant deux jours, le 1 et le 2 mars, les Champs-Élysées et l'espace compris entre la rive droite de la Seine et la rue du faubourg Saint-Honoré jusqu'à la place de la Concorde.

Ainsi se terminait cette guerre qui, selon le mot de Gambetta, devait vider la question de prépondérance entre l'Allemagne et la France. Sur les champs de bataille de Froschwiller, de Metz, de Sedan, de Paris, l'unité germanique avait été fondée par le fer et le feu. Le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces du palais de Versailles, Guillaume avait accepté pour lui et ses successeurs, les rois de Prusse, le titre impérial, « symbole de l'antique splendeur de la patrie L'Empire allemand renaissait, et le sang français avait cimenté les fondations de l'édifice.

».

BIBLIOGRAPHIE

Parmi les publications allemandes sur la guerre de 1870-1871, la meilleure et celle qui possède la valeur la plus durable, est sans contredit la relation du grand état-major prussien.

Parmi les publications françaises, les plus utiles sont les livres des généraux français d'Aurelle, Chanzy, Ducrot, Martin des Pallières, etc., l'enquête parlementaire, la correspondance de Gambetta, La guerre en province de Freycinet, le travail d'Albert Sorel sur les événements diplomatiques, les ouvrages en plusieurs volumes de Duquet, Lehautcourt, Rousset, etc. Mais tous les livres et articles innombrables parus sur la guerre franco-allemande sont indiqués dans l'excellent et indispensable travail du commandant Palat, Bibliographie générale de la guerre de 1870-1871 (1896).

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Les chemins de fer. La période de paix qui suivit les guerres de la Révolution et de l'Empire permit à la France de tourner tous ses efforts vers le développement économique. Les divers gouvernements, de 1815 à 1848, s'attachèrent, après avoir liquidé les charges des deux invasions, à constituer l'outillage national. De son côté, l'initiative privée ne demeura pas inactive; elle sut mettre à profit les inventions récentes qui venaient donner un élan inattendu à la production industrielle. La première partie du xix° siècle vit ainsi, en même temps que le développement de la vieille France agricole, étendant son pouvoir d'action et améliorant ses procédés d'exploitation, la naissance d'une France industrielle nouvelle, due à la substitution du travail mécanique au travail à la main, et dont l'utilisation de la vapeur comme force motrice allait hàter encore les rapides progrès. Toutes deux allaient bénéficier de la transformation des moyens de transport qui s'effectue à partir de 1850, et vient achever la constitution du monde économique contemporain, dont l'origine date des grandes inventions mécaniques des dernières années du xvme siècle.

Le gouvernement de Juillet avait compris l'importance qu'étaient destinés à prendre les chemins de fer, dont les premiers essais avaient été effectués peu de temps après son avènement, et il s'était résolument engagé dans l'œuvre, très discutée au début, de la constitution d'un réseau ferré. La révolution de 1848 l'arrêta au commencement même de cette entreprise. La crise financière de 1847, aggravée par la crise politique de l'année suivante, mit les compagnies de chemins de fer dans l'impossibilité de tenir leurs engagements, et elles se virent obligées d'interrompre les travaux de construction. Le gouvernement de la seconde République vint en aide aux compagnies défaillantes par des moyens divers : garantie d'intérêts, prolongation des concessions, sans adopter un système précis. Malgré les sacrifices consentis par l'Etat, la constitution du réseau n'avançait cependant que lentement. Les capitalistes hésitaient à se lancer dans ces entreprises nouvelles. Leur hésitation était due principalement au peu de durée et au peu d'étendue de la plupart des concessions, qui ne semblaient pas permettre d'espérer une rémunération suffisante pour les capitaux engagés. Le morcellement du réseau avait, en outre, de graves inconvénients au point de vue économique: il élevait outre mesure les dépenses d'exploitation, nécessitant ainsi le maintien de tarifs élevés, et obligeait les voyageurs et les marchandises à des transbordements multipliés, annulant en partie les avantages du nouveau mode de transport. Pour consolider le crédit des compagnies, le second Empire rendit générale la durée de 99 ans, jusqu'alors exceptionnelle, pour les concessions; puis, dès 1852, il se mit à l'œuvre pour réunir entre quelques puissantes compagnies, auxquelles l'étendue de leur réseau assurerait un trafic rémunérateur, les nombreuses concessions accordées jusqu'alors. A la fin de 1857 ce mouvement de concentration était achevé; il n'y avait plus que six grandes compagnies, concessionnaires d'un réseau devant s'élever à plus de 16 000 kilomètres.

Malheureusement, la violente crise de 1857 vint de nouveau effrayer les capitaux. Paralysées par la défiance du public, les compagnies, en présence d'engagements s'élevant à plus de

deux milliards, jugèrent impossible pour elles l'accomplissement de leurs contrats, et elles en demandèrent la revision au gouvernement. Celui-ci, conscient de l'importance qu'avait pour le pays tout entier l'achèvement rapide d'un réseau complet de voies ferrées, décida de venir en aide aux compagnies et de leur fournir les moyens d'achever les travaux. On s'arrêta à un plan ingénieux qui devait ramener la confiance du public, sans grever outre mesure les finances de l'État. Les Conventions de 1859, qui s'appliquèrent avec quelques modifications de détails à toutes les compagnies, eurent pour base le principe de la garantie d'intérêt. L'État s'engageait, quand les bénifices des compagnies ne seraient pas suffisants pour donner à leurs actionnaires un intérêt de 4 p. 100, à compléter la somme nécessaire à cet effet. Cette garantie ne s'appliquait qu'aux lignes nouvelles; les lignes déjà construites n'en bénéficiaient pas. Les sommes ainsi versées par l'État n'étaient accordées aux compagnies qu'à titre d'avances dont elles étaient débitrices envers lui, et qu'elles devaient lui rembourser, avec les intérêts, au moyen de leurs bénéfices futurs. De plus, l'État, en compensation des avantages qu'il faisait aux compagnies, stipulait en sa faveur un partage des bénéfices, quand ceux-ci dépasseraient un certain chiffre.

Grâce à cette combinaison, la faveur publique revint aux titres des compagnies de chemins de fer et celles-ci purent se procurer aisément les capitaux qui leur étaient nécessaires. En 1870, plus de 17000 kilomètres de voies ferrées étaient livrés à l'exploitation.

Par suite de l'abaissement considérable du prix des transports, l'utilité économique des chemins de fer se trouvait encore accrue. En vingt ans, le coût du transport des marchandises par voie ferrée avait diminué de près de moitié, et celui des voyageurs, du quart environ. Le tarif moyen par tonne kilométrique n'était plus, en 1869, que de 6 centimes, et celui par voyageur et par kilomètre, de 5 cent. 44.

La navigation intérieure. - Négligés pendant quelques années, au moment où les chemins de fer, nouveaux encore, accaparaient la plus grande partie des ressources disponibles,

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