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simplement parce qu'il aide à la dissolution des éléments minéraux du sol, et par suite facilite leur absorption par les racines de la plante. La conséquence de cette théorie était la possibilité de remplacer le fumier par des engrais artificiels, doués d'une action plus efficace. La découverte de Liebig n'entra que lentement dans la pratique. Elle trouva cependant quelques ardents. propagateurs en France, et l'abaissement du prix des produits chimiques et des frais de transport en facilita l'adoption. Vers la même époque, l'agriculture est dotée d'engrais naturels nouveaux. Le guano, importé du Pérou, à partir de 1850, et dont la consommation en France s'élève, en 1869, à près de 100 millions de kilogrammes; le phosphate de chaux fossile, dont les gisements découverts en 1856 dans les départements des Ardennes et de la Meuse sont bientôt exploités industriellement; enfin les résidus des sucreries de betteraves, qui fournissent à l'agriculture des engrais très appréciés.

L'amélioration de l'outillage en quantité et en qualité, gràce à l'abaissement du prix du fer, est très sensible aussi pendant cette période.

L'étendue du sol arable, en 1862, est évaluée 26 millions et demi d'hectares. Les céréales en occupent un peu plus de 15,6 millions, les farineux alimentaires et les cultures industrielles 2,6, les prairies artificielles 2,7. Tous ces chiffres sont en augmentation marquée sur ceux donnés par l'enquête de 1852. Par contre, l'étendue des jachères mortes a encore diminué; elle ne s'élève plus qu'à 5 millions d'hectares environ.

La culture du froment continue à s'étendre, au détriment de celle du seigle et du méteil. Le rendement par hectare s'accroit aussi, de sorte que, vers 1865-70, la récolte moyenne varie entre 95 et 100 millions d'hectolitres. Malgré cette augmentation de la production, la France doit faire appel à l'étranger pour se procurer la quantité de blé nécessaire à sa consommation, et, pendant la période 1866-70, elle importe annuellement 6 millions d'hectolitres de blé en moyenne.

Parmi les cultures industrielles, celle qui s'est le plus développée est la culture de la betterave à sucre; elle occupe maintenant plus de 135 000 hectares, produisant plus de

40 millions de quintaux. Grâce aux améliorations de la culture, le rendement moyen à l'hectare a augmenté de près de 20 p. 100 en vingt ans.

La viticulture reçoit une grande impulsion par suite de la création des chemins de fer, qui ouvrent au vin des débouchés étendus à l'intérieur et à l'extérieur. La superficie cultivée en vignes s'élève vers 1865 à plus de 2 300 000 hectares. La maladie de l'oïdium, qui attaque la vigne vers 1850, réduit la production d'une manière considérable pendant quelques années; mais à partir de 1856 celle-ci va en augmentant, et finit par atteindre, dans les bonnes années, jusqu'à 65 et même 70 millions d'hectolitres. C'est une source de richesse considérable pour les pays qui peuvent s'adonner à cette culture, car, malgré le développement de la production, le prix du vin, loin de baisser, va en augmentant. L'exportation, qui n'était vers 1847 que de 1 million et demi d'hectolitres, dépasse, vers 1867, 2 millions et demi.

La sériciculture, dont les progrès avaient été si rapides à partir de 1840, continue à croître jusqu'en 1853; mais, à cette époque, elle est cruellement éprouvée par la maladie de la pébrine, qui ravage nos magnaneries. La France, qui s'approvisionnait elle-même de graines, doit les faire venir de l'étranger. Malgré tous les soins donnés, la production des cocons diminue. considérablement; en 1856, elle est réduite à 7 millions et demi de kilogrammes, et elle ne se relève vers 1868 qu'à 9 ou 10 millions. En quinze ans, cette maladie a fait subir à notre pays une perte de plus de 1 milliard de francs, perte d'autant plus sensible que cette industrie était entièrement localisée dans une région peu étendue : les bassins du Rhône et de l'Hérault. L'élevage. La consommation de plus en plus grande de la viande de boucherie pousse l'agriculture à développer l'élevage, dans lequel elle trouve une source de profits importants.

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L'espèce bovine attire particulièrement l'attention des éleveurs. Le nombre des animaux s'accroît, en même temps que, par une étude continue, on développe en eux l'aptitude à produire de la viande. En 1866, la population bovine est évaluée à plus de 12 millions et demi de têtes.

L'espèce ovine, au contraire, est en diminution; elle ne

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

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compte plus, à la même date, que 30 millions de têtes. Ce mouvement de recul, qui ira en continuant, a commencé vers 1850. Il est dû à la suppression graduelle des jachères et à la transformation en terres arables d'une superficie notable des terres vaines et vagues, affectées autrefois à la nourriture de ces animaux. Mais leur diminution est compensée par l'amélioration des races, qui produisent plus de viande qu'autrefois et présentent un développement plus précoce. La production de la viande a désormais pris le pas sur la production de la laine.

Malgré cette augmentation des existences animales, excitée par l'élévation continue du prix de la viande, l'agriculture ne peut arriver à suffire à la consommation, et, à partir de 1850, la France fait un appel de plus en plus grand à l'étranger. Pendant la période 1862-71, nos importations nettes d'animaux de la race bovine s'élèvent à 138 000 tètes par an, en moyenne, celles de la race ovine à 872 000, et celles de la race porcine à 116 000. Pendant la période 1842-51, ces chiffres n'avaient été respectivement que 24 000, 73 000 et 75 000.

L'élévation des prix qui se fait fortement sentir sur le lait, le beurre, le fromage, les œufs, procure des ressources nouvelles à l'agriculture, en lui permettant de tirer bon parti de ces produits accessoires, que la difficulté des moyens de transport empêchait auparavant beaucoup de régions, trop éloignées des grands centres de consommation, d'utiliser avantageusement.

La valeur totale du produit brut agricole est évaluée vers 1870 à 7 milliards et demi de francs environ. C'est une augmentation de 50 p. 100 en vingt ans.

La propriété foncière. La propriété foncière profite à la fois du développement de la production et de l'élévation du prix des produits agricoles. La valeur moyenne de l'hectare de terre augmente de plus de 43 p. 100 dans l'espace de dix ans ; évaluée à 1850 francs en 1862, vers 1870 elle avoisine le chiffre de 2000 francs. Cette augmentation ne s'est pas produite également sur l'ensemble du territoire. Les terres qui ont le plus profité sont celles qui se prêtaient le mieux aux améliorations que permettaient les nouvelles découvertes de la chimie agricole. Ce sont les régions du nord-ouest et de l'ouest qui ont été le

plus favorisées. En outre, il s'est produit, du fait des chemins. de fer, une tendance très marquée au nivellement des prix, les régions déshéritées autrefois, par suite de leur isolement, voyant cet isolement cesser, et les régions anciennement privilégiées voyant au contraire naître une concurrence nouvelle.

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Les salaires agricoles. Les salaires agricoles ont augmenté pendant la même période de 40 à 45 p. 100. En 1872, on évalue à 800 francs le revenu moyen annuel d'une famille, et le prix d'une journée d'homme à 2 francs environ. Une des causes de cette augmentation, la principale peut-être, a été la diminution de la population rurale. Celle-ci avait baissé en vingt ans de près de 10 p. 100, et comme le vide s'était fait principalement dans la population virile, on estimait que la somme de travail avait dû baisser du quart. Sans les améliorations survenues dans la culture et les progrès de l'outillage, cette diminution des bras se fût encore plus fortement fait sentir.

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Le commerce intérieur. Le commerce devait naturellement bénéficier de la continuation et de l'augmentation d'intensité de l'essor industriel et agricole. Il se trouvait aussi grandement facilité par le développement rapide des voies ferrées et la création des nouveaux établissements de crédit.

Le montant des escomptes annuels à la Banque de France. dépasse, pendant les années voisines de 1870, la somme de 6 milliards de francs.

Le trafic commercial augmente d'une manière considérable. En 1869, les chemins de fer, dont le réseau avait décuplé depuis vingt ans, transportaient 111 millions de voyageurs et 44 millions de tonnes de marchandises à toutes distances, représentant 6 270 millions de tonnes kilométriques. Les transports par eau n'avaient pas été affectés par la construction des voies ferrées; à la même époque, le tonnage kilométrique sur les rivières et canaux dépassait 1 900 millions de tonnes.

Ce développement subit cependant plusieurs temps d'arrêt.

La crise de 1847, aggravée par la révolution, fut semblable à une tourmente. Sa violence fut telle que le Gouvernement provisoire dut décréter, le 15 mars 1848, le cours forcé des billets de la Banque de France, et prendre des mesures spéciales pour limiter le remboursement des sommes réclamées par les déposants des caisses d'épargne. A la fin de 1849, la reprise des affaires s'annonçait, et, le 6 août 1850, le cours forcé était aboli. L'année 1857 vit une crise plus violente encore, qui frappa à la fois toutes les grandes nations commerciales. Le cours forcé put cependant être évité, mais la Banque de France dut élever le taux de son escompte jusqu'à 10 p. 100, chiffre qui n'avait pas encore été vu. Malgré sa gravité, la crise de 1857 fut rapidement liquidée, et l'élan donné au commerce par la nouvelle politique douanière amena très vite une recrudescence des transactions. La guerre de Sécession aux États-Unis, qui eut pour contre-coup un embarras sérieux pour l'industrie cotonnière, une de nos industrie les plus importantes, produisit une légère crise en 1864, la dernière d'ailleurs jusqu'en 1870.

L'essor commercial fut favorisé et excité même par un accroissement considérable du métal-or, dù à la découverte et à la mise en exploitation rapide, avec les moyens industriels nouveaux, des mines de Californie et d'Australie. En vingt ans, de 1850 à 1870, les extractions d'or s'élevèrent à près de 4 millions de kilogrammes, représentant plus de 82 p. 100 du total des extractions antérieures à 1850. Cette véritable révolution dans la production des métaux précieux eut son contrecoup sur la composition de notre circulation monétaire. La loi de l'an XI mettait l'or et l'argent sur le même pied. Par suite de son abondance relative, l'or baissa de prix, le métal-argent légalement déprécié fut exporté, et notre circulation monétaire devint presque exclusivement une circulation d'or. L'exportation de l'argent amena des inconvénients pour les pelites transactions journalières, les monnaies divisionnaires ayant fui comme les autres; pour y mettre un terme, une loi de 1864 réduisit de 0.900 à 0.835 le titre des pièces d'argent de 50 et de 20 centimes, réduction qui annulait l'effet de la prime du métal. Le même inconvénient se fit sentir également en Belgique,

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