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hommes les plus droits, les plus loyaux et les plus généreux que notre génération et la précédente aient connus.

Cette époque a eu encore des journalistes d'assez grand talent pour qu'ils aient leur place marquée, et une place très honorable, dans l'histoire littéraire. Nous en avons nommé quelques-uns, Weiss, Sarcey, Edmond About, en parlant d'autres genres littéraires où ceux-ci s'étaient illustrés. Parmi ceux qui ont été surtout et presque uniquement des journalistes politiques, il faut nommer Louis Veuillot, défenseur ardent et violent de la religion et de l'Église catholiques, et surtout satirique implacable de tous ceux qui n'appartenaient ni à cette église ni à cette religion. Admirable écrivain, qui avait à la fois le style classique, la langue classique et l'outrage populaire, et qui savait réunir tout cela dans une manière à lui, vigoureux, nerveux, succulent, passant de la phrase courte et cinglante de Voltaire à la phrase harmonieuse et pleine de Bossuet, sans difficulté et aussi sans dissonance. Prévost Paradol, élève de l'École normale et quelque temps professeur de Faculté, comme Weiss, eut vers le milieu du second Empire un succès de journaliste politique et littéraire qui fut plus rapide et plus éclatant qu'aucun autre du même genre. La langue d'une pureté parfaite et d'une élégance soutenue, peut-être même un peu trop soutenue, qui lui était naturelle, y était pour quelque chose; son esprit et l'ironie savante où il était passé maître, et qui obligeait quelquefois ses lecteurs à avoir autant d'esprit que lui pour le bien entendre, les flattant à l'endroit sensible, y contribuèrent encore plus. Un livre de politique générale, très beau, très complet, résumant toutes les doctrines du parti libéral de 1868, fut publié par lui sous le titre de la France nouvelle. Il est encore très digne d'être lu et très utile à lire. Avant qu'il se fût consacré entièrement à la politique, il avait publié en un volume un cours de Faculté sous le titre de Moralistes français. Comme causeurs » ou « choniqueurs », quelques écrivains se sont fait une véritable réputation et très méritée. Avant 1860 brillaient déjà à ce titre soit au Figaro ressuscité par Villemessant, soit au Gaulois, soit dans les journaux illustrés les Alphonse Karr, Albéric Second, Edmond About, Sarcey,

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lui dise pas que le fondement de l'émotion théâtrale est la sympathie de l'homme pour l'homme : ce n'en est pas le fondement, puisque c'est le fondement aussi de l'émotion que nous éprouvons à lire une élégie ou une oraison funèbre. Qu'on ne lui dise pas que le théâtre est la peinture tragique ou comique des passions particulièrement fortes de l'humanité il ne l'est pas puisque le roman, l'épopée, la poésie lyrique le sont aussi ou peuvent l'être. Le théâtre est en son fond ce sans quoi il ne serait pas, disparaîtrait, serait autre chose. Quoi donc? Une action représentée par des acteurs sur des planches, à dessein de retenir mille spectateurs entre quatre murs pendant trois heures sans qu'ils aient envie de s'en aller. Voilà ce que n'est ni le roman, ni l'épopée, ni l'élégie, ni le lyrisme, ni la poésie didactique, ni rien, sauf le théâtre, et voilà donc ce que c'est que le théâtre. Il s'ensuit que le théâtre pourra avoir mille qualités communes avec toutes sortes d'autres arts; mais que ses qualités essentielles sortiront de la définition précédente.

Avec cette pierre de touche et la manière de s'en servir, M. Sarcey a pendant près de quarante ans, et il semble loin d'avoir dit son dernier mot, éprouvé dix mille pièces de théâtre anciennes et modernes, sùrement, fermement, soutenu de sa passion pour le théâtre d'abord, d'une conscience, ensuite, d'une force de labeur et d'une force d'attention qui étonnent ses contemporains. Comme il arrive toujours, il a un peu trop incliné dans son sens. Ce qui est parfaitement le fond du théâtre (au moins pour les modernes) il a trop cru ou semblé croire que c'en était le tout. Quand une pièce péchait par l'intrigue, soit manque de clarté, soit manque d'intérêt, de curiosité, et avait des qualités remarquables à d'autres titres, il n'a pas assez pardonné à ses défauts en faveur de ses beautés, et l'a renvoyée un peu vite au roman, à l'épopée, ou à autre chose. Il a cependant fait œuvre de bon, consciencieux et avisé critique. A travers son labeur de critique dramatique, de journaliste quotidien et de conférencier, il a trouvé le temps d'écrire quelques livres aisés et spirituels Souvenirs d'enfance; Comment je suis devenu conférencier, et l'excellent, le pittoresque et pathétique Siège de Paris. C'est d'ailleurs un des

hommes les plus droits, les plus loyaux et les plus généreux que notre génération et la précédente aient connus.

Cette époque a eu encore des journalistes d'assez grand talent pour qu'ils aient leur place marquée, et une place très honorable, dans l'histoire littéraire. Nous en avons nommé quelques-uns, Weiss, Sarcey, Edmond About, en parlant d'autres genres littéraires où ceux-ci s'étaient illustrés. Parmi ceux qui ont été surtout et presque uniquement des journalistes politiques, il faut nommer Louis Veuillot, défenseur ardent et violent de la religion et de l'Église catholiques, et surtout satirique implacable de tous ceux qui n'appartenaient ni à cette église ni à cette religion. Admirable écrivain, qui avait à la fois le style classique, la langue classique et l'outrage populaire, et qui savait réunir tout cela dans une manière à lui, vigoureux, nerveux, succulent, passant de la phrase courte et cinglante de Voltaire à la phrase harmonieuse et pleine de Bossuet, sans difficulté et aussi sans dissonance. Prévost Paradol, élève de l'École normale et quelque temps professeur de Faculté, comme Weiss, eut vers le milieu du second Empire un succès de journaliste politique et littéraire qui fut plus rapide et plus éclatant qu'aucun autre du même genre. La langue d'une pureté parfaite et d'une élégance soutenue, peut-être même un peu trop soutenue, qui lui était naturelle, y était pour quelque chose; son esprit et l'ironie savante où il était passé maître, et qui obligeait quelquefois ses lecteurs à avoir autant d'esprit que lui pour le bien entendre, les flattant à l'endroit sensible, y contribuèrent encore plus. Un livre de politique générale, très beau, très complet, résumant toutes les doctrines du parti libéral de 1868, fut publié par lui sous le titre de la France nouvelle. Il est encore très digne d'être lu et très utile à lire. Avant qu'il se fùt consacré entièrement à la politique, il avait publié en un volume un cours de Faculté sous le titre de Moralistes français. Comme causeurs » ou « choniqueurs », quelques écrivains se sont fait une véritable réputation et très méritée. Avant 1860 brillaient déjà à ce titre soit au Figaro ressuscité par Villemessant, soit au Gaulois, soit dans les journaux illustrés les Alphonse Karr, Albéric Second, Edmond About, Sarcey,

les luttes le plus vives, l'opinion le plus divisée, l'individualisme le plus émancipé. L'architecture n'en est encore qu'à essayer dans les gares, les halles et les grands établissements publics l'emploi du fer que l'industrie met à son service et qui tend à modifier quelques-unes de ses formes ou de ses parti pris traditionnels. Les immenses galeries des expositions universelles ou nationales, dont l'habitude s'introduit alors dans la vie des peuples, exercent elles-mêmes une influence notable sur cette architecture spéciale, tandis que les comparaisons et les échanges, rendus plus faciles de peuple à peuple par ces rencontres périodiques, apportent dans la production des œuvres d'art un élément nouveau. La sculpture tend à se dégager de la discipline étroite et froide qui, depuis la réforme davidienne, pesait lourdement sur elle, et reprend contact avec la vie. Le rapide déclin des arts industriels, isolés de la vie commune de l'art par l'aristocratique pédagogie des académiciens, attire l'attention et éveille la sollicitude de quelques esprits clairvoyants qui, sans trouver encore le remède, signalent le danger et s'efforcent d'y parer.

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La peinture. - «La Révolution de Février a surpris le jury académique en pleines fonctions », écrivait le 17 mars 1848 un critique, T. Thoré. Au bruit de l'insurrection, les jurés de la liste civile » n'eurent que le temps « d'ôter leurs lunettes et leurs perruques »; on proclama le Salon libre et une commission nommée par le suffrage universel des artistes fut chargée, sous la direction de Jeanron, de pourvoir au classement des cinq mille cent quatre-vingts œuvres d'art qui tout à coup exigeaient leur place à la cimaise. Ce fut une inexprimable confusion dont il ne se dégagea et ne pouvait se dégager rien de nouveau. Quelques artistes, jusque-là exclus des jurys, durent pourtant au vote populaire d'y être appelés à côté des académiciens; Barye siégea à côté d'Abel de Pujol, Théodore

Rousseau à côté de Léon Cogniet; Rude, David d'Angers furent pour la première fois au nombre des élus.

La révolution de 1848 fut trop éphémère pour exercer sur la production des œuvres d'art une influence décisive. Elle laissa pourtant une trace de son passage et de son idéal encyclopédique et humanitaire dans un vaste projet de décoration du Panthéon. Le peintre Chenavard, élève d'Ingres, dessinateur savant et conventionnel, esprit de grande culture et de tendance philosophique, sorte de Cornelius Français, avait conçu le plan d'une

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palingénésie universelle » où il se proposait de montrer « les transformations successives de l'humanité, les évolutions morales du monde ». Les parois du Panthéon se prêtaient admirablement au développement de la série d'images symboliques et historiques qui devaient traduire ses pensées à tous les yeux. Le fond du temple serait occupé par la prédication du Christ sur la montagne, considérée comme le centre ou le partage de l'histoire du monde; l'antiquité païenne occuperait toute la partie gauche; la droite serait réservée à l'ère chrétienne jusqu'à la Révolution; la Convention devait fournir le dernier tableau de la série. Ledru-Rollin avait ouvert à l'artiste un premier crédit de trente mille francs et l'œuvre immense avait été aussitôt mise sur le chantier. Pendant quatre ans, Chenavard s'y consacra. Mais, au lendemain du coup d'État, M. de Montalembert et ses amis, offusqués de la place que l'artiste avait laissée à la philosophie à côté de la religion » et jugeant que ces compositions n'étaient pas assez orthodoxes, obtinrent qu'on les mit de côté. Le Panthéon fut rendu au culte et l'œuvre entreprise resta inachevée. Les cartons en sont conservés au musée de Lyon.

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Chenavard espérait avoir ouvert à la peinture une voie féconde; il croyait qu'elle devait être de notre temps, philosophique et morale. L'occasion qui semblait s'offrir se déroba trop tôt pour qu'il pût réaliser son rève et d'ailleurs « et d'ailleurs le peintre » en lui était trop inégal au penseur.

Ce n'est pas dans cette direction que la logique des choses et le mouvement général des esprits poussaient la peinture moderne. Le romantisme, parvenu au dernier terme de son.

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