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ou gallicans. Viennent ensuite les erreurs << concernant la morale naturelle et chrétienne » (§ 7), « le mariage chrétien » (§ 8), « le principat civil du pontife romain » (§ 9), et enfin le libéralisme moderne » (§ 10), c'est-à-dire l'erreur qui consiste à présenter comme conforme à la raison, et non pas simplement comme imposée aux gouvernements par des nécessités de fait, la liberté civile des cultes.

A la suite de chacune de ces 80 propositions, rédigée sous une forme négative et concise qui en rend l'interprétation souvent difficile, se trouvent indiquées les allocutions ou lettres apostoliques auxquelles on doit se référer pour savoir en quel sens et dans quelle mesure est condamnée la proposition en question. C'est uniquement à ces sources auxquelles il renvoie expressément que le Syllabus emprunte sa valeur doctrinale; à proprement parler, il n'en a pas par lui-même. Il ne suffit pas en effet de retourner chaque proposition sous une forme affirmative pour connaître la vraie pensée du pape. En outre, il ne faut pas oublier que le Syllabus se place uniquement au point de vue des principes de l'ordre immuable et absolu, laissant de côté les nécessités de l'ordre contingent et relatif; en termes d'École, il pose la thèse et ne s'occupe pas de l'hypothèse, c'està-dire de la conciliation des principes avec les réalités. Telle proposition, condamnée au sens philosophique, sera au contraire tolérée si on veut l'entendre au sens pratique.

Accueil fait au Syllabus. Étant données sa nature et sa forme, on comprend que le Syllabus ne fût pas destiné à être publié. Il le fut cependant, dans des circonstances restées obscures, et, bien qu'il ne contint rien de nouveau, sa publication fit scandale. « Il fut accueilli avec joie par les ennemis de l'Église qui le représentèrent comme une déclaration de guerre du pape à la société moderne, avec ennui par les gouvernements qui essayèrent d'empêcher de le publier, avec un embarras visible par les catholiques libéraux » (Seignobos).

Les ennemis de l'Église négligèrent de se reporter aux sources auxquelles se référait le Syllabus, le prirent tel quel, et sans vouloir faire la distinction du sens philosophique et du sens pratique, affectèrent d'y voir la condamnation explicite de

toutes les libertés consacrées par la Révolution, notamment :1o de la souveraineté nationale et du suffrage universel (proposition 60), alors que le pape condamne simplement la doctrine qui considère « l'autorité comme la somme du nombre et des forces matérielles » et ne reconnaît « d'autre force que celle qui résulte de la matière » (alloc. Maxima quidem, 1862);

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2o de la liberté des cultes non-catholiques (prop. 78 et 79), qui n'est réprouvée qu'en tant qu'elle implique la tolérance dogmatique, et non pas en tant qu'elle implique la tolérance civile (alloc. Acerbissimum, 1852, et Numquam fore, 1856); 3o de la liberté de la presse considérée d'une façon générale (prop. 79), tandis que le pape visait seulement la liberté illimitée (omnimodam libertatem) qu'aucun gouvernement n'a jamais admise. Et ainsi du reste. Un dernier grief concernait la 80° proposition condamnée, ainsi conçue : « Le pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme, et la civilisation moderne »; d'où l'on tirait cette conclusion que le pape réprouvait toutes les sociétés telles qu'elles étaient organisées de son temps, alors que, par ces expressions, d'ailleurs peu heureuses, il entendait désigner « un système combiné tout exprès pour affaiblir et peut-être renverser l'Église du Christ » (alloc. Jamdudum cernimus, 1861).

Cette manière de présenter les choses produisit une double émotion, d'abord chez les monarques, dont quelques-uns interdirent la publication de l'encyclique et du Syllabus (Victor Emmanuel, Napoléon III, Alexandre II), ensuite chez les évêques, qui protestèrent à la fois contre ces mesures d'interdiction et contre l'interprétation donnée au Syllabus par les ennemis de l'Église. Mr Dupanloup, dans sa célèbre brochure sur la Convention du 15 septembre et l'Encyclique du 8 décembre, établit le véritable sens du document pontifical; et ses règles d'interprétation (que nous avons résumées plus haut) recurent l'adhésion de 630 évêques du monde entier et de Pie IX luimême (4 février 1865). Il n'y eut qu'un nombre très restreint de dissidents, dont le plus important était M" Maret, évêque in partibus de Sura.

III. Le Concile œcuménique du Vatican.

Préliminaires et convocation du Concile. L'émotion provoquée par la divulgation du Syllabus était à peine calmée qu'une émotion beaucoup plus profonde et plus générale fut soulevée, en 1867, par l'annonce de la convocation. prochaine d'un concile œcuménique. Pie IX y songeait depuis longtemps, et au moment même où il allait publier l'encyclique Quanta cura, le 6 décembre 1864, il en avait entretenu secrètement quinze cardinaux, puis en 1865 trente-cinq évêques. La très grande majorité s'étant montrée favorable au projet, le pape annonça officiellement son intention aux 500 évêques qui se trouvèrent réunis à Rome, à l'occasion du dix-huitième centenaire du martyre des saints Pierre et Paul (26 juin 1867). L'année suivante (29 juin), il publia la bulle d'indiction (Eterni Patris), qui fixait l'ouverture du concile au 8 décembre 1869, en indiquait l'objet et le lieu (Rome), et manifestait l'espérance que les divers chefs d'État, surtout les catholiques, n'empêcheraient pas les prélats convoqués de se rendre au concile.

Le 8 septembre suivant, Pie IX adressa à tous les évèques orientaux schismatiques la lettre Arcano divinæ, par laquelle il les invitait à venir au concile, afin d'arriver « à l'union tant souhaitée de tous ». Cet appel ne fut pas entendu. La nation arménienne manifesta seule des dispositions favorables, qui furent étouffées par les soins du Phanar. - Le 13 septembre, le pape écrivit également aux protestants et autres « acatholiques », les exhortant à considérer s'ils étaient bien dans la voie tracée par Jésus-Christ pour conduire au salut éternel » (lettre Jam vos omnes). L'attitude des protestants à l'égard de cette lettre fut diverse les sceptiques s'en moquèrent; les zélés s'en offensèrent et répondirent par des injures; les intentions du pape ne furent comprises et respectées que par un pelit nombre de réformés, tels que Baumstark en Allemagne, Guizot en France, Pusey en Angleterre.

Ce qu'il y avait de remarquable dans ces préliminaires du

concile, c'est que Pie IX n'invitait pas les princes catholiques à s'y faire représenter, comme cela avait eu lieu pour les autres conciles œcuméniques, notamment pour celui de Trente. Cette décision n'avait pas été prise sans hésitation. Admise, puis rejetée, elle avait été volée définitivement le 28 juin 1868, au risque de rendre irrévocable l'hostilité de certains chefs. d'État'. C'était la rupture officielle de tout lien entre les pouvoirs séculiers et le pouvoir religieux; mais comme la rupture de fait préexistait, du chef des pouvoirs séculiers, la décision. contraire, explícable au moyen âge, ne se fùt pas comprise au XIXe siècle. Les gouvernements, sentant la différence des temps, se tinrent sur la réserve et n'osèrent pas réclamer.

Préparatifs du concile; le règlement du 27 novembre 1869. Il n'y avait plus de temps à perdre pour préparer le concile. Pendant l'hiver 1868-1869, Pie IX appela auprès de lui un grand nombre de théologiens d'Italie, de France, de Belgique, d'Allemagne, d'Espagne, d'Amérique, pour élaborer les projets qui devaient être soumis au concile. Ces théologiens furent répartis en sept commissions, présidées chacune par un cardinal, et ayant des attributions distinctes.

Pendant que les commissions travaillaient, les gens du dehors ne restaient pas silencieux. De tous côtés, on s'occupait du futur concile; et à son sujet paraissaient une foule d'écrits, de brochures, d'articles de journaux, dont quelques-uns devaient avoir un singulier retentissement. Le 6 février 1869, en effet, parut dans la Civilta cattolica une correspondance française qui indiquait, comme le but exclusif à atteindre et comme le désir de tous les catholiques, l'adoption par le concile des doctrines du Syllabus et la proclamation de l'infaillibilité du pape. Le Catholique de Mayence protesta, et cela suffit pour susciter dans les principaux pays d'Europe une vive polémique. Les germanistes d'Allemagne et les gallicans de France se montrèrent les plus ardents. En Allemagne, le chanoine Döllinger rédigea ou inspira les Lettres de Janus (mars 1869), qui furent réfutées

1. En avril 1868, le prince de Hohenlohe, ministre des Affaires étrangères de Bavière, avait essayé de s'entendre avec les divers cabinets européens pour entraver la réunion du concile.

par Hergenrother. En France, Ms Maret, évêque in partibus de Sura, fit paraître en septembre un livre intitulé: Le concile et la paix religieuse; et le mois suivant (10 octobre), le Correspondant publiait un article qui passa pour refléter les idées de MET Dupanloup; etc. C'est au milieu de cette agitation que devait s'ouvrir le concile du Vatican.

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Quelques jours avant l'ouverture, le pape promulgua, par la bulle Multiplices inter (27 novembre 1869), le règlement élaboré par la commission cardinalice pour la tenue du concile. Ce règlement, qui différait assez sensiblement de celui du concile de Trente, reconnaissait aux Pères le droit de formuler des propositions, que le pape restait libre de soumettre ou non au concile, ordonnait le secret des délibérations, réglait la tenue des congrégations générales, dans lesquelles on discutait les décrets conciliaires', et celle des sessions publiques, dans lesquelles on les publiait, etc. Les sessions publiques devaient être présidées par Pie IX lui-même, et les congrégations générales par le cardinal de Reisach. Ce dernier étant mort le 23 décembre fut remplacé par le cardinal De Angelis.

Ouverture et premiers travaux du concile; nouveau règlement du 20 février 1870. Le 8 décembre, Pie IX ouvrit le concile et tint la première session publique. Ce jour-là, Rome présentait un spectacle unique. Dans la grande basilique de Saint-Pierre, où la salle synodale avait été construite, étaient réunis 723 prélats, venus de toutes les parties du monde 3. Après les prières et les cérémonies d'usage, la session fut occupée par la prestation du serment d'obéissance et par une allocution du pape. La seconde session publique fut fixée au jour de l'Épiphanie (6 janvier 1870).

Elle fut précédée de plusieurs « congrégations générales ».

1. Chaque membre y votait oralement par oui (placet), non (non placet), oui avec amendement (placet juxta modum).

2. Dans ces sessions, on ne pouvait voter que par placet ou non placet. 3. Ces 723 Pères du concile se répartissaient ainsi : 49 cardinaux, 9 patriarches, 4 primats, 123 archevêques, 481 évêques, 6 abbés nullius, 22 abbés généraux, 29 généraux ou vicaires généraux d'ordre. A la date du 20 décembre, le nombre des Pères monta à 743. Il fut réduit par suite de décès, de maladie, de congés, ou d'abstentions à 667 à la troisième session (24 avril 1870), à 535 a la quatrième (18 juillet).

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