Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Dans les quatre premières (du 10 au 28 décembre), furent successivement élues la congrégation d'initiative, chargée d'examiner les propositions des Pères, et trois commissions ou députations, chargées d'élaborer les projets relatifs à la foi, à la discipline, aux ordres religieux. Le 28 décembre, commença la discussion du schema dogmatique De fide catholica, portant condamnation des erreurs issues du rationalisme; elle se poursuivit jusqu'au 10 janvier 1870. Le schema fut alors renvoyé à la députation du dogme pour être remanié conformément aux décisions du concile; 35 orateurs avaient pris la parole. — En attendant le jour de la publication, les congrégations générales discutèrent successivement trois projets disciplinaires concernant les évêques et la vacance du siège épiscopal, la vie et les devoirs des clercs, la rédaction d'un petit catéchisme uniforme pour toute l'Église. On arriva ainsi au 22 février.

Ce jour-là, la fin de la séance fut marquée par un événement important. Beaucoup de Pères, trouvant la marche du concile trop lente, avaient demandé des modifications au règlement dans le but d'activer les discussions. Après avoir pris l'avis des cardinaux présidents et de la commission d'initiative, Pie IX édicta des dispositions nouvelles qui permettaient d'abréger les débats et même d'y mettre fin si l'assemblée se jugeait suffisamment éclairée (20 février). Le nouveau décret, communiqué à la congrégation générale du 22 février, souleva la protestation d'une centaine d'évêques, notamment des évêques allemands et autrichiens; mais il reçut l'adhésion de la grande majorité et fut appliqué.

La question de l'infaillibilité; agitation qu'elle provoque; la constitution «< De fide» (24 avril). Une question plus grave agitait d'ailleurs à ce moment l'assemblée. Dans les premiers jours de janvier, dix-huit évêques avaient présenté une motion tendant à faire définir par le concile l'infaillibilité pontificale, dont il n'avait pas encore été question. Ce postulatum fut bientôt suivi d'un second dans le même sens, signé par 420 Pères, et d'un troisième en sens contraire, par lequel près de 140 évêques priaient Pie IX de ne pas laisser discuter la motion.

Ces opposants se divisaient en deux groupes. Les uns étaient anti-infaillibilistes, c'est-à-dire qu'ils rejetaient le dogme de l'infaillibilité en lui-même, le prétendant contraire à la tradition. et à la constitution de l'Église, qui, selon eux, n'admet comme infaillibles que les conciles œcuméniques unis au pape. Les autres, beaucoup plus nombreux, étaient inopportunistes, c'està-dire que, tout en admettant le dogme en lui-même, ils prétendaient qu'il n'était pas opportun de le proclamer, ce qui aurait pour effet d'accroître l'irritation déjà causée aux gouvernements européens par la publication du Syllabus et de leur faire croire que le pape aspirait à la domination universelle et cherchait à ressusciter le moyen âge. -Les partisans de l'infaillibilité répondaient aux « anti-infaillibilistes » qu'une croyance enseignée par saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, proclamée par les deux conciles œcuméniques de Lyon (1274) et de Florence (1439), sans compter les conciles régionaux, ne pouvait pas être présentée comme contraire à la tradition de l'Église. Ils faisaient observer aux « inopportunistes » qu'il n'était que trop opportun de définir d'une façon précise l'autorité du souverain pontife dans l'Église, à une époque où cette autorité était de toutes parts attaquée et battue en brèche par les gouvernements, que d'ailleurs l'agitation produite avait rendu « nécessaire » la solution de la question.

Pendant que Pie IX réfléchissait et consultait la commission d'initiative, la controverse tombait dans le domaine public. Divers journaux anglais, italiens et français (notamment l'Univers, rédigé par Louis Veuillot) menèrent une campagne très active en faveur de l'infaillibilité. Döllinger continuait à la combattre dans ses fameuses Considérations, qui provoquèrent en Allemagne une nuée d'écrits hostiles (Huber, Friedrich, Sepp, Reinkens, etc.). En France, Ms Dupanloup et le P. Gratry prenaient à partie M Dechamps, archevêque de Malines, infaillibiliste convaincu. Montalembert († 13 mars 1870) déplorait le triomphe de ce qu'il appelait « un romanisme exclusif ».

Ces polémiques, qui devinrent d'une vivacité inouïe, dénaturaient les intentions du Saint-Siège et surexcitaient les passions irréligieuses. La diplomatie elle-même s'en mêla. Le ministre

des affaires étrangères de France, M. Daru, malgré l'avis contraire de M. Émile Ollivier, chef du cabinet du 2 janvier, crut devoir échanger des notes avec les cabinets de Berlin et de Vienne, et même adresser à la cour de Rome un memorandum, qui resta d'ailleurs sans effet'.

Dans les premiers jours de mars, Pie IX, ayant pris l'avis de la commission d'initiative, permit d'introduire le postulatum sur l'infaillibilité dans le schema De Ecclesia Christi. La première partie de ce schema avait déjà été soumise au concile, et la députation du dogme avait reçu des Pères, conformément au nouveau règlement, 120 mémoires écrits. C'est dans la seconde partie, entre les chapitres XI et XII, consacrés à la primauté du souverain pontife, qu'on intercala un chapitre nouveau intitulé : « De l'inerrance du pontife romain dans les définitions sur la foi et les mœurs ». Le schema fut distribué le 6 mars. 150 notes, réunissant chacune de dix à vingt signatures, furent remises à la députation du dogme par les Pères du concile.

Mais avant de procéder à la discussion générale, le concile reprit sa discussion interrompue sur le schema De fide, qui finit par être adopté à l'unanimité et fut publié par Pie IX dans la troisième session publique (24 avril).

Discussion et définition de l'infaillibilité (18 juillet); ajournement du concile. - La députation du dogme proposa alors de délibérer sur la question de la primauté et de l'infaillibilité du pontife romain. Régulièrement, cette proposition n'aurait dû venir qu'en seconde ligne, après le vote sur la première partie du schema De Ecclesia, concernant l'Église en général. Mais la majorité des Peres, voyant l'horizon politique s'assombrir en Europe et craignant pour la liberté du concile, avait réclamé cette interversion et pressait la discussion générale, qui commença le 11 mai et dura jusqu'au 3 juin. 64 prélats exprimèrent les opinions les plus divergentes. Il y avait encore 40 orateurs inscrits, lorsqu'une centaine de Pères demandèrent la clôture, qui fut volée à une grande majorité.

La discussion spéciale sur chacun des quatre chapitres du

1. Sur cet incident, cf. Emile Ollivier, L'Église et l'État au concile du Vatican, t. II, p. 100-242.

schema dura du 6 juin au 13 juillet. Les deux premiers chapitres, sur l'institution de la primauté dans la personne de saint Pierre et sa perpétuité dans les évêques de Rome, passèrent sans grands débats. Le troisième, sur la portée de la primauté, suscita 32 discours et 72 amendements; le quatrième, sur l'infaillibilité, 57 discours et 96 amendements. La discussion fut des plus véhémentes et les séances parfois orageuses. Le 13 juillet, grâce à l'activité déployée par la députation du dogme, on put procéder au vote nominal sur l'ensemble du schema, qui fut définitivement adopté, après quelques retouches, le 16 juillet. Le lendemain, 55 évèques de la minorité (allemands, autrichiens, et français) quittèrent Rome après avoir écrit au pape qu'ils maintenaient leurs votes antérieurs. Ils ajoutaient d'ailleurs une promesse de soumission, qu'ils ont tenue.

Le 18 juillet, eurent lieu la quatrième session publique et le dernier vote sur la première constitution De Ecclesia. Sur les 535 Pères présents, 533 votèrent oui; les deux autres prononcèrent le Non placet, mais s'unirent immédiatement après à leurs collègues. « Pie IX se leva alors, et, tandis qu'un orage violent secouait la coupole de Saint-Pierre, il donna l'approbation solennelle à la constitution Pastor æternus» (Alzog). — Le chapitre III de cette constitution reconnaît au pape « un plein et suprême pouvoir de juridiction sur toute l'Église, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l'Église universelle ». Le chapitre IV définit que le pape, « lorsqu'il parle ex cathedra», « jouit de cette même infaillibilité que le divin Rédempteur a donnée à son Église dans la définition des doctrines qui intéressent la foi

ou les mœurs ».

Le même jour, on apprit que la France avait déclaré la guerre à la Prusse. Cet événement menaçait Rome par contrecoup. De plus, les chaleurs y devenaient intolérables, et nombre d'évêques sentaient le besoin de retourner dans leurs diocèses, dont ils étaient éloignés depuis de longs mois. Près de trois cents. demandèrent et obtinrent des congés; aussi fut-il convenu que les grands travaux ne reprendraient qu'à la Saint-Martin pro

chaine. Mais dans l'intervalle, les Piémontais, dans les circonstances que l'on sait, avaient envahi Rome (20 septembre); le pape était prisonnier au Vatican, et le concile dans l'impossibilité de se continuer. Le 20 octobre, Pie IX l'ajourna à des temps meilleurs (bulle Postquam Dei munere).

IV. Les cultes non catholiques.

Le protestantisme en Allemagne. Le protestantisme se divise, on le sait, en trois confessions principales : luthérienne, calviniste, anglicane. Dans chacune d'elles, des tendances diverses ont abouti de 1846 à 1870 à des groupements plus ou moins hostiles les uns aux autres.

Dès 1848, les luthériens d'Allemagne organisent une Union évangélique, qui tient depuis ce temps, à l'instar du Piusverein catholique, des assemblées périodiques. En 1857, une autre association, l'Alliance évangélique, fondée à Londres en 1846 par l'Écossais Chalmers, tint son onzième congrès à Berlin, sous la protection du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, qui n'avait pas renoncé à l'espoir d'unir les différentes confessions de son royaume. Le diplomate prussien De Bunsen y embrassa publiquement le calviniste genevois Merle d'Aubigné, au grand scandale du parti orthodoxe. L'Alliance tint une nouvelle assemblée à Genève en 1862. Là, les méthodistes, très hostiles au rationalisme, entrèrent en lutte ouverte avec les protestants allemands, dont la plupart inclinaient du côté de la libre pensée. Aussi, dès l'année suivante (1863), ces derniers fondèrent, en opposition avec l'Alliance évangélique, une association nouvelle (Protestantenverein), afin de « renouveler l'Église protestante par l'esprit de liberté évangélique et la mettre en rapport avec le progrès de la civilisation ». En fait, cette association se distingua surtout par sa négation du caractère surnaturel du christianisme.

De leur côté, les luthériens rigides, ayant à leur tête le professeur berlinois Hengstenberg, repoussaient toutes ces unions, qu'ils trouvaient plus ou moins équivoques et beaucoup trop

« PreviousContinue »