Page images
PDF
EPUB

« libérales ». Pour lutter contre elles, ils formèrent des espèces de confréries provinciales composées de purs luthériens. — La lutte entre les deux tendances, orthodoxe et rationaliste, n'a fait que s'accroître avec le temps. La seconde devient un danger pour les Églises établies, qui ne se soutiennent plus que grâce à l'appui de l'État.

Le protestantisme en Suisse, France, Hollande. Une crise semblable agite le calvinisme franco-suisse. En Suisse d'abord, le principe de la libre association religieuse, proclamé sous l'influence d'Alexandre Vinet, avait miné le crédit de l'Église officielle. Lorsqu'en 1864 elle voulut fêter le troisième centenaire de la mort de Calvin, il y eut contre le despotisme. du réformateur des protestations, qui, pour être rétrospectives, n'en étaient pas moins ardentes.

En France, M. de Gasparin et un Suisse, M. Monod, fondèrent en 1848 l'Union des Eglises évangéliques de France, qui fit une opposition déclarée à l'Église reconnue par l'État. Il y eut alors séparation entre les croyants, dont M. Guizot (1874) resta le chef respecté, et ceux qui avaient cessé de l'être. Ces derniers formèrent bientôt un parti important, sous la direction de MM. Pécaut, Réville, Coquerel fils, Edmond Schérer. Ils adhérèrent aux principes rationalistes de l'école de Tubingue, et éliminèrent tout élément surnaturel du christianisme. Un tiers parti, dirigé par MM. Coquerel père et de Pressensé (1891), chercha à conserver un peu de christianisme positif, tout en refusant d'adopter un symbole de foi arrêté.

En Hollande, un nouveau système synodal s'organisa en 1850. Mais là encore l'Église officielle a à lutter contre des Églises séparatistes et contre les progrès constants de l'incré

dulité sous ses diverses formes.

-

Le protestantisme en Angleterre et en Amérique. En Angleterre, le mouvement « puséiste» continuait. Le Dr Pusey était toujours sur la brèche, et, bien qu'il soit resté jusqu'à sa mort (1882) attaché à l'Églisie anglicane, qu'il affectait de considérer comme une partie intégrante de la catholicité au même titre que l'Église romaine, ses prédications et son influence, jointes à celles des convertis Newman et Manning,

[ocr errors]

contribuèrent pour une large part à la diffusion du catholicisme dans la haute société anglaise. — En sens inverse, sept savants d'Oxford publièrent en 1866 des Essays and reviews, dans lesquels ils émettaient sur le caractère du christianisme des idées nettement rationalistes. La Haute Cour leur infligea un « blâme officiel », qui n'empêcha pas la nouvelle école essayist de se répandre. Elle finit par donner naissance au parti de la Broad Church (large Église), qui tient le dogme pour peu important. et, par la témérité de sa critique, déconcerte l'Église établie.

Aux États-Unis, où il n'y a pas d'Église officielle, la grande majorité de la population protestante n'appartient à proprement parler à aucune Église, et assiste indifféremment aux offices des diverses « dénominations », selon l'occasion. Il faut noter cependant l'influence considérable prise par les méthodistes. grâce surtout à la campagne active qu'ils ont menée contre les esclavagistes.

En 1865, l'Anglais W. Booth essaya de rajeunir le méthodisme par la fondation de l' « Armée du salut » (Salvation army). Cette secte nouvelle, née à Londres, et organisée militairement, a pour but principal de s'emparer des classes populaires. Une expédition conquérante » envoyée en Amérique y a recruté un certain nombre d'adhérents.

Rapports des catholiques et des protestants. Si maintenant nous recherchons quels ont été, de 1846 à 1870, les rapports entre catholiques et protestants, nous constatons le progrès des idées de tolérance. Divers gouvernements, qui ne l'avaient pas encore fait, adoptent le principe de la parité politique des deux confessions. Dans les pays catholiques, ces mœurs nouvelles étaient tout à l'avantage des protestants, qui obtenaient une organisation ecclésiastique; dans les pays protestants, tout à l'avantage des catholiques, qui obtenaient la liberté religieuse.

C'est ainsi qu'en 1856 les protestants hongrois se virent offrir par l'empereur François-Joseph une constitution ecclésiastique. Sur leur refus de l'accepter (1859), une loi de 1860 leur reconnut l'autonomie, dont ils jouissaient en fait depuis longtemps. Les protestants germano-slaves d'Autriche se con

HISTOIRE GÉNÉRALE. XI.

63

formèrent au contraire à l'organisation qui leur fut donnée en 1866. En Italie, les Vaudois du Piémont obtinrent en 1848 les droits civils. En Espagne au contraire, la lutte contre le protestantisme, qui s'y insinue par Gibraltar avec les prédicants anglais, fut d'abord menée vigoureusement. Mais, après la chute de la reine Isabelle (1868), un temple évangélique fut construit à Madrid, et des prédicants allemands, aidés de quelques Espagnols, parvinrent à constituer en Espagne une vingtaine de communautés protestantes.

[ocr errors]

En sens inverse, la Hollande accorda en 1848 la liberté religieuse aux catholiques. - En Danemark, la Constitution proclama la liberté des cultes et l'égalité politique de tous les citoyens en 1849. La Suède et la Norvège suivirent cet exemple en 1873. En 1869, sur la proposition du ministère Gladstone, l'Église anglicane fut « désétablie » en Irlande, c'està-dire perdit dans ce pays son caractère d'Église d'État, et par suite sa juridiction et son droit de lever des dîmes. — En Suisse, la situation des catholiques était devenue moins favorable après la guerre du Sonderbund, qui donnait la prépondérance à l'élément radical et protestant. Toutefois les conflits entre protestants et catholiques restèrent localisés jusqu'en 1878; ils devaient devenir plus étendus et plus graves après le concile du Vatican. Progrès de l'émancipation des Juifs en Europe. Le mouvement libéral de 1848 fut favorable aux Juifs et amena leur émancipation dans la plupart des pays qui avaient maintenu ou restauré les anciennes prohibitions.

En Allemagne, l'émancipation fut promise ou décrétée par la plupart des États dès 1848. Retardée quelque peu par la réaction de 1850, elle finit par prévaloir d'une façon complète ou presque complète dans 29 États allemands, parmi lesquels la Prusse (1850), la Saxe, le Wurtemberg, la Bavière (1855). En fait, toutefois, les Juifs continuèrent à être exclus en Prusse des fonctions publiques. L'émancipation leur fut accordée par les villes de Hambourg en 1861 et de Francfort en 1864. En 1869, la nouvelle Confédération du Nord abolit sur son territoire toutes les restrictions civiles et politiques qui subsistaient encore, notamment dans le Mecklembourg; et cette déci

sion fut étendue deux ans plus tard à tout l'Empire allemand, notamment à la Bavière et aux autres États du Sud (1871).

En Autriche, la révolution de 1848 n'eut pas pour les Juifs des effets aussi durables qu'en Allemagne. L'ancienne législation avait été rétablie dès 1853, et les Juifs durent attendre la Constitution autrichienne de 1867, pour voir proclamer l'égalité de tous les habitants de l'Empire devant la loi. — La même année, les Chambres hongroises votèrent l'émancipation, sans toutefois inscrire les frais du culte israélite au budget de l'État.

«

[ocr errors]

En Italie, les diverses révolutions de 1848 avaient supprimé les derniers ghettos »; mais ils furent rouverts après la réaction absolutiste. La Sardaigne seule les maintint fermés. Il en résulta que la cause des Juifs se trouva liée à la politique de Victor-Emmanuel. A mesure que le royaume de Sardaigne s'annexait de nouveaux États, les Juifs de ces États acquéraient leur liberté (Toscane, Modène, Lombardie, Romagnes, 1859; Ombrie et Marches, 1860; Sicile et Naples, 1861; Vénétie, 1866; États pontificaux, 1870).

Les Juifs furent émancipés en Suède en 1848, en Danemark en 1849, en Espagne en 1868; dans ce dernier pays toutefois, leur culte public ne fut pas autorisé. La Suisse, les Principautés danubiennes, la Russie, l'Empire ottoman se montrèrent seuls réfractaires à ce mouvement, auquel avait cédé, en moins de quatre-vingts ans, tout le reste de l'Europe.

BIBLIOGRAPHIE

--

Seignobos, Hist.

Voir ci-dessus, t. X, p. 795-797; et ajouter les ouvrages suivants : 1° Sur l'Église en général et le pontificat de Pie IX: politique de l'Europe contempor., Paris, 1897, chap. XXI et passim. -Nielsen (danois), Geschichte des Papstthums im 19 Jahrhund., 2 vol., 1880. Marocco, Pio IX, Turin, 5 vol. (1861-1864). — Hülskamp, Pius IX, 1870. Stepischnegg, Papst Pius IX und seine Zeit, 2 vol., 1879. Pougeois,

Hist. de Pie IX, Paris, 6 vol., 1877-1886.

[ocr errors]

2o Sur l'Église en Angleterre et en Irlande : Situation actuelle des catholiques d'Angleterre, Ratisbonne, 1852. Manning, England and Christendom, Londres, 1867. W. Ward, Vie du card. Wiseman, Londres, 1897, 2 vol. Newman, Apologia pro vitá sud, dern. éd., Londres, 1878. Klein, Fred. W. Faber, der Begründer des Lond. Oratorium, Fribourg, 1879. F. de Pressensé, Le card. Manning, Paris, 1897.

3o Sur le conflit badois: Hirscher, Motion sur la question relig., Fribourg, 1850. De Riancey, La liberté de l'Église et la perséc. relig, dans le grand

duché de Bade, Paris, 1853.

[ocr errors]
[ocr errors]

Warnkoenig, Sur le conflit de l'épiscopat et du gouv. du Haut-Rhin, Erlangen, 1853. Ketteler, Le Droit canon et l'Église cathol, en Allemagne, Mayence, 1854. Seitz, Die kathol. Kirchenangelegenheit in Grossherzogthum Hessen, Mayence, 1861.

[ocr errors]

4o Sur l'Église en France: De la Gorce, Hist. de la deuxième Rép. française, Paris, 1887, 2 vol., et Hist. du second Empire, Paris, t. I, II, III (1895-1896), passim. Debidour, Hist. des rapports de l'Église et de l'État en France, Paris, 1898 (très hostile à l'Eglise). Cruice, Vie de Mg Affre, Paris, 1849. Foisset, Le card. Morlot, Paris, 1863. Baunard, Vie du card. Pie, Poitiers, 1893, 2 vol. Besson, Vie du card. Mathieu, Paris, 1882; et Vie du card. De Bonnechose, Paris, 1887, 2 vol. Card. Foulon, Hist. de la vie et des œuvres de Mar Darboy, Paris, 1889. 50 Sur les missions catholiques : euvre d'Afrique, Paris, 1891.

-

- F. Klein, Le card. Lavigerie et son Werner, Atlas des missions cathol., trad. de l'all. par Graffier, 1886. Launay, Atlas des missions de la Soc. des missions étrangères (Extrême-Orient), avec des notices histor.

La religion de Jésus ressuscitée au Japon, Paris, 1897.

6 Sur l'encyclique Quantâ curâ et le Syllabus :

F. Marnas.

Mgr Dupanloup, La

convention du 15 sept. et l'encyclique du 8 déc., 1865. - Louis Veuillot, L'illusion libérale, Paris, 1866. Schrader, Der Papst und die modernen Ideen, Vienne, 1865. Huet, La révolution relig. du XIXe s., 1867 (hostile au Saint-Siège). Émile Ollivier, L'Église et l'État au concile du Vatican, Paris, 1879. A. Bossebœuf, Le Syllabus sans parti pris, Paris, 1885.

[ocr errors]

7° Sur le concile du Vatican : Baumstark, Gedanken eines Protestanten über die Päpstl. Einladung zur Wiederereinigung mit der röm. kathol. Kirche, Ratisbonne, 1869. Janus (pseudon.), Der Papst und das Concil, Leipzig. 1869. Hergenröther, Anti-Janus, Fribourg, 1870. Mgr Maret, Du Concile général et de la paix religieuse, 2o éd., Paris, 1869; et Le pape et les évêques, Paris, 1869. Mgr Dupanloup, Observat. sur la controv, soulevée relativ. à la définition de l'infaillibilité par le prochain concile, 1869; Avertissement à M. Louis Veuillot, 21 nov. 1869. Dom Guéranger, De la monarchie pontificale, à propos du livre de M de Sura, 1870 Reinkens, Die papst. Unfehlbarkeit, Munich, 1870. P. Gratry, Lettres á Mgr Dechamps, Paris, 1870. W. Arthur (protestant), The pope, the kings and the people, a history of the movement to make the pope governor of the world (1864-1871), Londres, 1877, 2 vol. - Acta et Decreta œcumenici Concilii Vaticani, Fribourg-en-Brisgau, 1870 et suiv. Mgr Martin, Omnium conc. Vatic. quæ ad doctrinam et disciplinam pertinent documentorum collectio, Paderborn, 1873. - E. Friedberg, Sammlung der Aktenstücke zum ersten vatikan. Konzil mit einem Grundriss der Geschichte desselben, Tubingue, 1872. Mgr Fessler (secrétaire du concile), Das vatic. Concil, dessen äussere Bedeutung und innerer Verlauf, Vienne, 1871. J. Wallon, La vérité sur le concile du Vatican, Paris, 1872. — Card. Manning, The true history of the ratic. Council, trad. fr., Paris, 1872. De Pressensé (protestant), Le concile du Vatican, Paris, 1872. Mgr Martin, Die Arbeiten des vaticanishen Concils, Paderborn, 1873. Th. Fromman, Geschichte und Kritik des vatican. Concils, Gotha, 1873. Mgr Cecconi, Storia del Concilio ecumenico Vaticano, 1873 et suiv., trad. Bonhomme et Duvillard, Paris, 1887, 4 vol. J. Friedrich, Geschichte des vatikan. Konzils, Bonn, 1877-1887, 3 vol. Émile Ollivier, op. cit., 2 vol.

--

[ocr errors]

Hettinger,

8 Sur le protestantisme en Allemagne et en Angleterre : Die Krisis des Christenthums, Protestantismus und kathol. Kirche, 1881. — Abbé Delisle, L'anglicanisme et les sectes dissidentes, 1893.

« PreviousContinue »