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ainfi quoique cette fraude n'emporte point avec elle de fupplices comme les précédentes, l'occafion n'en fauroit être regardée que comme un principe vicieux dans un corps politique.

La fraude fur les droits qui fe perçoivent dans le lieu même de la con-. fommation, eft beaucoup moins commune, parce qu'il eft plus facile de la découvrir, & parce que ces droits, lorfqu'on en connoît bien la portée, ne font jamais affez confidérables pour laiffer un grand profit au fraudeur. Si cette proportion n'étoit pas obfervée, non-feulement la recette perdroit tout ce qui feroit confommé clandeftinement mais la confommation même diminueroit, & avec elle le revenu de l'État, le travail & l'aifance des fujets.

Lorfque c'eft fur les facultés du peuple que ces fortes de droits font proportionnés, ils font payés d'une maniere imperceptible; & comme ils font très-favorables à fon induftrie, toujours retardée par les impofitions arbitraires, fa fureté les lui fait envifager tranquillement. Les riches feuls en font mécontens pour l'ordinaire, parce que cette méthode eft la plus propre à établir l'équilibre entre les fujets. Le célébre M. Law difoit en 1700 au Parlement d'Ecoffe, que le poids des impôts fur les revenus & l'induftrie d'une Nation, étoit au poids des impôts fur les confommations comme un eft à quatre.

Les droits qui fe perçoivent dans les ports & fur les frontieres, fur les denrées importées ou exportées, préfentent des facilités à la fraude suivant les circonftances locales, & principalement fuivant la fidélité des Commis; car il est très-rare que cette fraude réuffiffe à leur infu. Si elle est également illicite à l'exportation & à l'importation il convient du moins d'en bien diftinguer les effets dans la fociété, & par la même raifon le

châtiment.

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Lorfqu'on élude le paiement des droits à la fortie des denrées nationales, on a volé les revenus publics; mais le peuple n'a point perdu de fon occupation, ni l'État fur fa balance. Si même la denrée exportée n'a pû l'être qu'à la faveur du bénéfice de la fraude, l'Etat auroit gagné dans tous les fens. Cependant comme il n'eft pas permis aux particuliers d'interpréter la loi, c'eft au Législateur à leur épargner cette tentation; à bien examiner la proportion des droits de fortie compatibles avec fon commerce & l'aifance de fon peuple; à diftinguer le plus qu'il fera poffible les efpeces générales, afin d'entretenir l'équilibre entre toutes les qualités de terres & toutes fes Provinces: cette confidération reftreindra immanquablement les droits, & les autres branches des revenus accroîtront d'autant.

La fraude fur les importations étrangeres emporte avec elle des fuites fi facheufes pour la fociété en général, que celui qui la commet, devroic être foumis à deux fortes de peines, celle de la fraude & celle de la Contrebande. En effet, la confifcation étant la peine de la fraude fimple, il n'eft pas naturel que celui qui contribue à diminuer la balance générale du

commerce, qui force les pauvres de refter dans l'oifiveté, enfin qui détruit de tout fon pouvoir la circulation des denrées nationales, ne foit fujet qu'à la même punition.

Mais pourquoi ce délit qui eft un vol fait au Prince, & par conféquent à la Nation elle-même, n'entraîne-t-il pas l'infamie avec lui? Je réponds': les délits que les hommes ne croient pas pouvoir leur être nuifibles ne les intéreffent pas affez pour exciter l'indignation publique? Or la Contrebande eft de ce genre. Les hommes fur lefquels les conféquences éloignées d'une action font des impreffions très-foibles, ne voient pas le dommage que leur cause la Contrebande, dont ils retirent même quelquefois des avantages préfens. Ils ne voient que le mal qu'elle fait au Souverain. Ils ne font donc pas intéreffés à refufer leur eftime à celui qui fait la Contrebande, comme à celui qui commet un vol, ou à un fauffaire, crimes dont ils peuvent fouffrir; d'après ce principe évident, qu'un être fenfible ne s'intéreffe qu'aux maux qu'il connoit.

Ce délit doit fon existence à la loi même, parce que plus les droits font confidérables, & plus & plus l'avantage de faire la Contrebande eft grand, & par conféquent plus la tentation eft forte, tentation qui eft encore augmen tée par la facilité de le commettre, lorfque la circonférence qu'on garde eft d'une grande étendue, & lorfque la marchandise prohibée ou foumife à des droits, eft de petit volume. La perte des marchandises prohibées & de celles qui l'accompagnent eft très-jufte. Mais elle fera d'autant plus efficace, que le droit fera plus léger; parce que les hommes ne rifquent qu'à proportion du gain que peut leur produire l'événement heureux.

Faudra-t-il donc laiffer impuni le crime de celui qui n'a rien à perdre? Non. Il y a des efpeces de Contrebande qui intéreffent tellement la nature du tribut, partie fi effentielle & fi difficile de la légiflation, qu'un tel délit mérite une peine confidérable, comme la prifon & une fervitude analogue à la nature du délit. Par exemple, la prifon d'un contrebandier de tabac ne doit pas être la même que celle d'un affaffin ou d'un voleur ; & la peine la plus convenable paroît devoir être le travail du coupable attribué & appliqué au fifc qu'il a voulu frauder.

Des Cafuiftes très-relâchés & très-répréhenfibles ont ofé avancer que la fraude étoit licite. Mais par-tout où les Miniftres du Seigneur favent que le Sacerdoce ne peut priver le Prince de fes droits indélébiles fur tous fes fujets également, les Théologiens penfent unanimement que la fraude bleffe les loix divines, comme les loix humaines.

DÉCLARATION DU ROI,

Qui renouvelle les difpofitions des anciennes Ordonnances rendues pour empêcher la Contrebande.

LOUIS,

Donnée à Versailles le 2 Septembre 1776.

Regiftrée en Parlement le 23 Novembre 1776..

OUIS, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre: A tous ceux qui ces préfentes Lettres verront; Salut. Depuis notre avénement au Trône, Nous nous fommes conftamment occupés du foin de procurer à nos peuples, les foulagemens que les circonftances pouvoient nous permettre, & de chercher dans les reffources d'une fage administration, les moyens de leur en accorder de nouveaux.

Les témoignages qu'ils ont reçus de notre affection, ont dû, en excitant leur reconnoiffance, leur faire chérir nos vues bienfaifantes. Nous penfons auffi avec fatisfaction, que le plus grand nombre de nos fujets, eft animé de ces fentimens.

Mais en même-temps nous n'avons pu voir fans surprise, que des gens mal-intentionnés ont cherché à troubler la perception de nos droits, en abufant nos peuples de l'efpérance de la fuppreffion de plufieurs de ces droits, & particuliérement de nos fermes des gabelles, aides & de tabac, & fe permettant même contre nos Fermiers, leurs Commis ou Préposés, des déclamations injurieuses.

Cette licence a produit dans nos Provinces des effets qui méritent toute notre attention. Des troupes nombreufes de contrebandiers armés, ont fair des incurfions dans plufieurs parties de notre Royaume; la fraude eft rẻpandue dans celles de nos Provinces qui font dans l'étendue de nos fermes des gabelles, aides & du tabac; les Employés & Prépofés de nos Fermiers, expofés à des rebellions, fpoliations & violences de la part des fraudeurs, quelquefois même de la part des habitans des Villes & Provinces, ont fouvent fuccombé aux excès commis envers eux, ou ont été contraints, pour s'y fouftraire, d'abandonner leur fervice.

Des défordres fi préjudiciables à la perception de nos revenus, ne font pas moins contraires aux ordonnances rendues par les Rois nos prédéceffeurs, pour défendre les attroupemens, le port d'armes & la violence publique la police générale de notre Royaume, pourroit même être troublée, fi nous ne nous empreffions de réprimer ces excès.

Dans cette vue, Nous avons jugé devoir manifefter nos intentions, relativement à la perception de nos droits, & renouveller les difpofitions des

ordonnances

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CONTREBANDE. (Déclaration du Roi pour empêcher la ) ordonnances & réglemens deftinés à prévenir ou punir les attroupemens, ainfi que les rebellions faites aux Employés de nos Fermes dans leurs fonctions; enfin, tout ce qui tend à la fraude de nos droits.

A ces causes, & autres à ce nous mouvans, de l'avis de notre Confeil, & de notre certaine fcience, pleine puiffance & autorité Royale, nous avons par ces préfentes fignées de notre main, dit, déclaré & ordonné, difons, déclarons & ordonnons, voulons & nous plaît ce qui fuit :

ARTICLE PREMIER.

» Nos Fermiers, leurs Commis & Employés, chargés de la perception & confervation des droits de nos Fermes, feront & continueront d'être sous notre protection & fauve-garde, & fous celle des Juges, Prévôts des Maréchauffées, Maires, Echevins, Jurats, Capitouls, Syndics & principaux habitans des Villes & lieux où ils font leur réfidence, & où ils feront leur exercice Enjoignons à nos Gouverneurs, Lieutenans-Généraux, Commandans & autres Officiers qu'il appartiendra, d'y tenir la main, & aux Prévôts & Officiers de nos Maréchauffées, de prêter main-forte & affiftance auxdits Employés, toutes les fois qu'ils en feront par eux duement requis. «<

» II. Ordonnons que les Lettres-Patentes du 25 Mars 1720, rendues fur l'arrêt du 15 du même mois, feront exécutées felon leur forme & teneur; qu'en conféquence, & conformément à icelles, tous Juges Royaux, comme auffi tous Officiers de Maréchauffées, Prévôts & autres, pourront, en cas d'absence ou de refus des Juges qui connoiffent des droits de nos Fermes, se transporter en tous lieux & à toutes heures que lefdits Commis les requerront, pour y faciliter leurs exercices & fonctions, & qu'ils en feront même tenus dans les cas prefcrits par les Réglemens, à peine de demeurer responsables des dommages & intérêts du Fermier. «

» III. Ordonnons pareillement que l'Art. XXIX de la Déclaration du 1 Août 1721, portant Réglement pour la Ferme du tabac; les Lettres-Patentes du 16 Juillet 1722, rendues fur l'Arrêt du 7 du même mois, & les Art. VII & VIII de la Déclaration du 2 Août 1729, feront exécutés felon leur forme & teneur ; en conféquence, réitérons les expreffes inhibitions & défenfes y portées, à tous particuliers, cabaretiers, fermiers & autres, de donner fciemment retraite aux contrebandiers & faux-fauniers, ou à leurs marchandises comme auffi à tous fermiers des ponts & paffages, & autres ayant bacs & bateaux fur les rivieres, de paffer lefdits fraudeurs, fous les peines portées auxdits Réglemens. «

» IV. Voulons aufli que la Déclaration du 27 Juin 1716, foit exécutée felon fa forme & teneur; & conformément à icelle, en y ajoutant même en cas de befoin, faifons très-expreffes inhibitions & défenfes à tous particuliers, de quelque qualité & condition qu'ils foient, de troubler direc

Tome XIV,

P

tement ou indirectement les Employés de nos Fermes, dans leurs exercices & fonctions; comme auffi de compofer, écrire, imprimer, vendre, distribuer & afficher aucun placard ou libelle, contenant des déclamations ou injures contre lefdits Employés, ou tendant à exciter contr'eux & contre la perception de nos droits, la prévention & l'animofité de nos peuples; le tout à peine de 500 livres d'amende, des dommages & intérêts envers nos Fermiers, leurs Commis & Employés, & de punition corporelle s'il y échet: Voulons qu'il foit informé & procédé, fuivant l'exigence des cas, contre les Auteurs, Ecrivains, Imprimeurs, Colporteurs, Diftributeurs & Afficheurs defdits placards & libelles. «<

> V. Confirmons les difpofitions des Réglemens qui prononcent des peines contre les contrebandiers, faux-fauniers & autres fraudeurs & particuliers qui forceront les poftes des Employés, & leur feront rebellion dans l'exercice de leurs fonctions. «

» VI. Confirmons également les difpofitions des Lettres-Patentes du 4 Mai 1723, rendues fur les Arrêts des 30 Septembre 1719, & 25 Mars 1720; voulons en conféquence, qu'en cas de rebellion & voie de fait contre les Employés à la perception & à la confervation de nos droits, lefdits Employés puiffent arrêter & emprisonner les contrevenans dans l'inftant de la rebellion, fans autre permiffion particuliere, & que le procès foit inftruit, fait & parfait aux prévenus & complices, fuivant la rigueur des Ordonnances, par les Juges auxquels la connoiffance en eft attribuée par nos Edits & Réglemens: Faifons défenfes auxdits Juges de mettre en liberté lefdits prévenus & complices, qu'après l'inftruction & jugement définitif; & en cas d'appel, qu'après le jugement dudit appel, à peine de répondre par lefdits Juges, en leur propre & privé nom, des dommages & intérêts du Fermier, même des amendes & confifcations encourues par les fraudeurs, «

» Si donnons en mandement à nos amés & féaux les Gens tenans notre Cour de Parlement à Rennes, que ces préfentes ils aient à faire lire, publier & registrer, même en temps de vacations, & le contenu en icelles garder, obferver & exécuter felon leur forme & teneur, nonobftant tous Edits, Déclarations, Arrêts, Réglemens & autres chofes à ce contraires, auxquels Nous avons dérogé & dérogeons par ces préfentes: Car tel eft notre plaifir. En témoin de quoi nous y avons fait mettre notre fcel. Donné à Verfailles, le deuxieme jour du mois de Septembre, l'an de grace mil fept cent foixante-feize, & de notre regne le troisieme.

Signé, LOUIS.

Et plus bas, par le Roi, AMElot.

Vu au Confeil, CLUGNY. «

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