Page images
PDF
EPUB

CONSTANCE, Ville du Cercle de Suabe, fituée fur le Rhin à l'extrémité d'un grand Lac nommé Lac de Conftance, & en Allemand

Bodenfée.

CONSTANCE
ANCE fut vraisemblablement ou fondée ou fortifiée par

l'Empereur Conftance I, pour fervir de barriere contre les nations Germaniques. La tranflation du fiege épifcopal de Windish, ruiné par les Huns, à Conftance, fut la premiere caufe de l'agrandiffement de cette derniere ville. Elle jouit dans la fuite de tous les privileges d'une ville impériale, & fut liée par des alliances avec Strafbourg, Bâle, Zurich, St. Gall, &c. En 1415 s'affembla le concile, qui donna une célébrité plus étendue à cette ville & l'enrichit par le concours des étrangers. Son union avec la nobleffe de la Suabe & avec le parti Autrichien, lui attirerent fouvent des hoftilités de la part des Suiffes, dans les guerres entre les deux nations. Par la paix qui termina la campagne, très-fanglante de 1499, Conftance fut dépouillée de la jurifdiction criminelle fur la Turgovie, que Sigifmond lui avoit hypothéquée à l'époque du concile. Elle chercha à entrer dans la confédération Helvétique, vers l'année 1510. La propofition imprudente de fe faire céder une portion de la Turgovie, & de transférer chez elle le fiege de la juftice fur cette province, fournit à la jaloufie des Cantons démocratiques un prétexte pour la refufer. Le mauvais fuccès de cette démarche décida dans la fuite du fort de cette ville. La réformation s'étoit établie dans Conftance; déjà l'Évêque & la plupart des Chanoines avoient abandonné la ville, qui s'étoit liée par une combourgeoisie avez Zurich & Berne, pour fe foutenir dans leur nouvelle profeffion de foi. L'iffue de la guerre civile de religion en Suiffe, fatale aux réformés, rompit cette liaison. Une guerre femblable, auffi défavantageufe au parti proteftant en Allemagne, abattit la ligue de Smalcalde, dans laquelle la ville de Conftance s'étoit engagée. Alors Charles-Quint dicta la fameufe loi de l'interim, que l'abattement d'un parti fans chef fit recevoir par la plupart des villes proteftantes. Les députés de la ville de Conftance perdirent le temps à fuivre la Cour pour obtenir des conditions moins dures; tandis que l'Empereur fe préparoit à profiter de fa fupériorité pour donner un exemple de châtiment, & augmenter les domaines de fa maison en Allemagne: il fit publier le ban de l'Empire contre la ville de Conftance. Un Officier partifan raffembla fecrétement quelques troupes Espagnoles & Italiennes en Suabe, & chercha à s'emparer de la ville par un coup de main; mais les bourgeois qui fe tenoient fur leur garde, repoufferent les affaillans avec perte. Čependant la crainte d'un siege & la tranquillité timide des cantons réformés de la Suiffe, découragerent Tome XIV.

D

le peuple de Conftance, & les intrigues de Ferdinand, Roi des Romains, acheverent de les fixer au parti de la foumiffion. La propriété de cette ville fut confirmée à la Maison d'Autriche par la diete de l'Empire, en 1559, malgré les oppofitions des États du cercle de Suabe. Ainfi s'évanouit pour elle tout efpoir d'indépendance. Affoiblie par la retraite d'un grand nombre de ses habitans, & négligée par des maîtres éloignés, Conftance tomba dans un entier anéantiffement. Dans la fituation la plus favorable pour le commerce, au milieu d'un pays fertile & agréable, elle n'offre plus que le luxe de quelques chanoines, des couvens bien dotés, une bourgeoifie foible & pauvre, & des rues défertes; tableau de comparaison propre à faire mieux fentir aux Suiffes les avantages de leur liberté.

A l'égard du lac de Conftance, c'eft un des plus grands de la Suiffe qu'il fépare de la Suabe, tout comme il féparoit anciennement les Helvétiens de la Rhétie & de la Vindelicie. Il eft partagé en trois parties: la partie fupérieure eft la plus grande & la plus large; c'eft elle qu'on nomme proprement Bodenfée; celle du milieu fe nomme auffi Bodmerfée; la partie inférieure porte le nom d'Unterfée ou de Zellerfée. Il a jufqu'à fept milles d'Allemagne de longueur fur deux milles de largeur. A Marspurg, il doit avoir 300 toifes de profondeur.

Il est très-abondant en poiffons, dont on fait un grand objet de commerce; on les transporte marinés jufqu'à Vienne. Il fert auffi beaucoup pour le commerce, vu qu'il porte des navires frétés de 2400 jufqu'à 3000 quintaux. Les environs en font des plus rians & des mieux cultivés. Il eft entouré de quantité de Villes, Villages, Châteaux, Monafteres, &c. La jurisdiction fur ce lac appartient en partie à la Maifon d'Autriche, en partie aux Cantons, maîtres de la Turgovie, & à l'Abbé de St. Gall. Les limites font déterminées par un traité conclu en 1685, avec l'Empereur Léopold.

CONSTANTIN, né à Nayffe, Ville de Mafie, l'an de J. C. 274. fils de l'Empereur CONSTANCE-CHLORE, & HELENE, proclamé AUGUSTE en 306.

L'EMP

EMPIRE divifé entre des chefs barbares, défolé par des guerres continuelles, & ravagé par une foldatefque étrangere; la Religion tantôt perfécutée par le Prince, tantôt déchirant elle-même fes propres entrailles, timide ou ardente, foible ou fanatique, condamnée au filence, ou abandonnée à l'héréfie fuivant les caprices des Souverains, & les révolutions de l'Empire; les mœurs publiques détruites; la licence ou le defpotifme mis à la place du Gouvernement; l'avarice & la déprédation afLifes fur tous les tribunaux : tel eft le tableau qu'offre l'Empire Romain au commencement du quatrieme fiecle de notre ere. Dans ce chaos épou

[ocr errors]

vantable, dans ce renversement total du pouvoir & de l'opinion, les hommes attendoient un maître : ils demandoient qu'un de ces guerriers féroces toujours trop puiffans pour le peuple, le fût affez contre fes rivaux : ils ne défiroient plus la liberté, mais ils vouloient la paix; les efprits étoient pliés, les courages épuifés; & quelle qu'eût été la volonté d'un defpote, la flatterie étoit toute prête à l'adopter. Dioclétien, fatigué de combats & de gloire, dégoûté du métier de Général & de celui de Souverain, mécontent fur-tout des Romains dont il avoit éprouvé & la lâcheté & l'ingratitude; Dioclétien, le plus digne de s'affeoir fur le trône du monde, en méprifa l'éclat & en craignit les dangers. Malheureusement il n'avoit pas prévu d'affez loin le parti qu'il feroit obligé de prendre; & femblable à un Commandant qui n'abandonne fa place qu'après l'avoir démantelée, il rendit le poste qu'il quittoit, impoffible à conferver. L'Empire étoit divisé en quatre Gouvernemens. Un équilibre illufoire avoit été établi entre les chefs qui, fous le nom de Céfars ou d'Auguftes, gouvernoient les départemens. Les collegues qui n'étoient liés ensemble que par des mariages contraires aux loix, ou par des adoptions forcées, ne pouvoient manquer de devenir rivaux; & le premier qui faveit triompher de fon concurrent, étoit fûr de parvenir à la monarchie univerfelle. C'est dans ces circonftances que Conftantin, à la fleur de fon âge & comblé des dons de la nature, hérita d'un pouvoir que Conftance fon pere avoit fait aimer.

CONSTANTIN confidéré comme Prince guerrier.

REGNER, c'étoit combattre. Mais pour avoir une idée jufte des guer

res que Conftantin fe vit obligé d'entreprendre ou de foutenir, rappellonsnous quels étoient les rivaux qui partageoient l'Empire avec lui. Conftantin, Licinius & Maximin fe reconnoiffoient tous trois pour Auguftes. mais fe difputoient entr'eux la prééminence. Conftantin régnoit dans les Gaules, l'Espagne & la Grande-Bretagne. Licinius en Illyrie. Maximin dans l'Afie, l'Orient & l'Egypte. Maxence avoit le centre de l'Empire c'eft-à-dire, l'Italie & l'Afrique, & les trois autres Princes le traitoient d'ufurpateur & de tyran. En effet, il faifoit détefter fon Empire; à la fois cruel & fuperftitieux, il verfoit le fang en confultant les oracles. Conftantin défit d'abord les Francs qui pilloient les Gaules, paffa le Rhin & fit un horrible carnage de ces peuples.

Comme Galere accabloit d'impôts les peuples de fon département, & commettoit à cette occafion les plus grandes cruautés, le peuple de Rome. reconnut Maxence Empereur : celui-ci engagea Maximien Hercule fon pere à reprendre l'Empire. Maximien voulut mettre Conftantin dans fon parti: il alla le trouver dans les Gaules, lui donna fa fille Faufte en mariage, & le reconnut Augufte. Vers le même temps Galere fit Licinius Augufte.

Licinius étoit originaire de la Dace & de très-baffe extraction: il s'étoit fignalé par plufieurs belles actions. Cependant Maximien Hercule revint dans les Gaules, & voulut foulever les foldats que Conftantin avoit laiffés à Arles; mais Conftantin accourut, le pourfuivit jufqu'à Marseille, & lui fit quitter la pourpre. Maxence étoit alors détefté à Rome : il y commettoit toute forte de violences; il faifoit les plus cruels outrages aux femmes de la premiere distinction, & s'emparoit des biens des Sénateurs fous de fauffes accufations.

L'année fuivante Maximien forma le deffein de tuer Conftantin; il tâcha par fes promeffes d'engager fa fille Faufte à trahir fon mari, & à faire en forte que la porte de la chambre où il couchoit demeurât ouverte; Faufte promit tout & avertit Conftantin. Celui-ci ayant difpofé les chofes comme Hercule les avoit demandées, fit coucher un Eunuque à fa place. Hercule vient au milieu de la nuit, tue l'Eunuque. Conftantin paroît avec fes gardes, condamne Hercule à mort, mais lui laiffe la liberté d'en choifir le genre. Hercule s'étrangla : il avoit alors 60 ans. C'étoit un grand Capitaine, mais d'un caractere féroce & cruel.

Dans la même année Conftantin défit les Allemands & plufieurs peuples Francs ligués enfemble pour piller les Gaules.

Cependant Galere mourut après avoir fouffert d'horribles douleurs, que l'on regarda comme la punition de la cruelle perfécution qu'il avoit faite aux Chrétiens. Maximin eut ce que Galere avoit poffédé en Afie. Dans le même-temps Maxence remportoit des victoires en Afrique, & étant de retour à Rome il déclara la guerre à Conftantin fous prétexte de venger la mort de fon pere Maximien Hercule. En cette occafion Licinius prit le parti de Conftantin, & Maximin celui de Maxence. Conftantin fe mit en marche à la tête de fon armée pour aller en Italie attaquer Maxence. On affure qu'étant dans les Gaules, il vit dans l'air une croix lumineufe qui lui promettoit la victoire. Ayant paffé les Alpes, il prit la ville de Suze, gagna la bataille de Turin, dans laquelle il défit, quoiqu'avec des forces inférieures, l'armée nombreuse que Maxence avoit envoyée contre lui, fe rendit maître de Turin & des villes circonvoifines, vainquit au combat de Veronne Ruricius Pompeïanus, & mit en déroute fon armée. Toute l'Italie fe foumit au pouvoir de fes armes : la victoire le fuivit par-tout. Ce Prince alla droit à Rome, attaqua Maxence, le défit fous les murs de la ville. Maxence prit la fuite, & fe noya dans le Tibre.

Constantin étant entré à Rome en vainqueur, abolit la milice Prétorienne, qui étoit caufe de toutes les féditions qui arrivoient à Rome, fit publier, de concert avec Licinius, un édit par lequel il permettoit aux Chrétiens l'exercice libre de leur Religion, & de bâtir des Eglifes, & il donna fa fœur Conftancie en mariage à Licinius.

Il envoya un refcrit à Anulin, Proconful d'Afrique, par lequel il lui ordonna de rendre aux Chrétiens tout ce qu'on leur avoit ôté pendant la

perfécution. Il fit tenir un concile à Rome pour juger l'affaire des Donatiftes, qui avoient accufé devant lui Cécilien: Donat y fut condamné, & Cécilien abfous.

Pendant ce temps-là Maximin se brouilla avec Licinius, & marcha contre lui avec une puiffante armée; mais Licinius le défit entre Héraclée & Andrinople, & le poursuivit jufqu'à Tarfe : craignant d'être pris, il avala du poifon & mourut.

Conftantin fit encore affembler à Arles un Concile de tout l'Occident pour l'affaire des Donatiftes: ils y furent condamnés. Ce Prince marcha contre les Goths, qui pilloient la Thrace & la Méfie, & les défit plei

nement.

Licinius, jaloux de la gloire de Conftantin , recommença à perfécuter les Chrétiens. Ce Prince lui déclara la guerre, & tailla en pieces fon armée auprès de Cibale en Pannonie, enfuite il lui accorda la paix. Licinius la viola bientôt après. Comme il étoit perfuadé que les Chrétiens défroient avoir Conftantin pour Empereur, il ne ceffa de leur faire mille maux : d'un autre côté il s'étoit attiré la haine de fes fujets, en les accablant d'impôts, & en déshonorant par violence les femmes Romaines. Conftantin marcha contre lui, & tailla fon armée en pieces à la bataille d'Andrinople: Licinius fe déroba par la fuite au danger d'être pris. Peu de temps après, Crifpe, fils de Conftantin, Prince orné de mille belles qualités, défit fa flotte au détroit de Gallipoli. Licinius, poursuivi par Conftantin, demanda la paix, & l'obtint; mais dès qu'il eut levé de nouvelles troupes, il rompit le traité. Conftantin l'ayant pourfuivi, le défit près de Chalcédoine, & l'obligea de fe fauver à Nicomédie. Licinius employa la médiation de Conftancie fa femme, qui demanda grace pour lui: il vint à Conftantinople, & fe dépouilla de la robe de pourpre en présence de Conftantin. S'étant retiré à Theffalonique, on croit qu'il voulut faire de nouveaux mouvemens pour se rétablir; mais Conftantin en ayant été averti, le fit étrangler. Par cette mort, ce Prince fe vit feul maître de l'Orient & de l'Occident.

Jufques ici l'équitable poftérité ne peut rien voir dans Conftantin, qui mérite les grands éloges que lui ont prodigués quelques hiftoriens indifcrets & enthousiaftes, qui ont cru fans-doute qu'il étoit de l'intérêt & de la gloire du Chriftianifme, de nous peindre le premier Empereur Chrétien fous les traits d'un Prince jufte & bienfaifant. Ses victoires furent fouillées de crimes abominables, de cruautés horribles; nous n'en citerons qu'un trait, & nous l'empruntons d'un hiftorien qui a fait de vains efforts pour en déguiser l'atrocité. » Conftantin, dit M. Crevier, paffa le Rhin & en» tra dans le pays des Bructeres, qu'il mit à feu & à fang. Rien ne fut » épargné, les villages furent brûlés, les beftiaux pris ou égorgés; les » hommes & les femmes maffacrés; & ceux qui échapperent à l'épée & » qu'il fit prifonniers, eurent encore un fort plus cruel. Comme il les

« PreviousContinue »