Page images
PDF
EPUB

chemins doit alors être réduite au fimple entretien. L'impofition destinée à cette dépenfe, doit être réduite à proportion, pour foulager les peuples chargés des taxes extraordinaires mifes à l'occafion de la guerre.

A la paix, l'intérêt qu'a le Souverain de faire fleurir le commerce & la culture, & la néceffité des chemins pour remplir ce but, doivent raffurer fur la crainte d'en voir abandonner les travaux, & de n'y pas voir deftiner de nouveau des fonds proportionnés au befoin, par le rétablissement de l'impofition fufpendue à l'occafion de la guerre. Il n'eft point à craindre qu'on préfere à ce parti fi fimple, celui de rétablir les Corvées, fi l'ufage en a été abrogé parce qu'elles ont été reconnues injuftes.

A notre égard, l'expofition que nous avons faite des motifs qui nous déterminent à fupprimer les Corvées, répond à nos fujets qu'elles ne feront point rétablies pendant notre regne: Et peut-être le fouvenir que nos peuples conferveront de ce témoignage de notre amour pour eux, donnera à notre exemple auprès de nos Succeffeurs un poids, qui les éloignera d'affujettir leurs fujets au fardeau que nous aurons aboli.

Nous prendrons au refte toutes les mefures qui dépendront de nous, pour que les fonds provenans de la contribution établie pour la confection des grandes routes, ne puiffent être détournés à d'autres ufages.

Dans cet efprit, nous n'avons pas voulu que cette contribution pût jamais être regardée comme une impofition ordinaire & fixe pour là quotité, ni qu'elle pût être verfée en notre tréfor royal. Nous voulons qu'elle foit réglée tous les ans, en notre confeil, pour chaque généralité; & qu'elle n'excede jamais la fomme qu'il fera néceffaire d'employer dans l'année, pour la conftruction & l'entretien des chauffées ou autres ouvrages qui étoient ci-devant faits par Corvées; nous réfervant de pourvoir à la conftruction des ponts & autres ouvrages d'art, fur les mêmes fonds qui y ont été deftinés jusqu'aujourd'hui, & qui font impofés fur notre royaume à cet effet. Notre intention eft que la totalité des fonds provenans de la contribution de chaque généralité, y foit employée, & qu'il ne puiffe être impofé aucune fomme l'année fuivante, qu'en conféquence d'un nouvel état arrêté en notre Confeil.

Pour que tous nos fujets puiffent être inftruits des objets auxquels ladite contribution fera employée, nous avons jugé à propos d'ordonner qu'il fera dreffé un état arrêté en notre Confeil, en la forme ordinaire, du montant de toutes les adjudications des travaux qui devront être entrepris dans l'année; que cet état fera dépofé, tant au greffe de nos bureaux des finances, qui font chargés de l'exécution des Etats du Roi, qu'à celui de nos Cours de Parlement Chambres des Comptes & Cours des Aides; & que chacun de nos fujets puiffe en prendre commu

nication.

Nous avons auffi voulu, que dans le cas où ces fommes n'auroient pu être employées dans l'année, les fommes reftant à employer, fuffent dif

traites de celles à impofer dans l'année fuivante, fans pouvoir être, fous aucun prétexte, confondues avec la maffe de nos finances, & versées dans notre Tréfor Royal. Nous avons cru néceffaire auffi de régler, par le préfent Edit, la comptabilité des deniers provenans de cette contribution, tant en nos Chambres des Comptes qu'en nos Bureaux des finances; & d'intéreffer la fidélité que ces Tribunaux nous doivent, à ne jamais paffer aucun emploi de ces fonds, étranger à l'objet auquel nous les deftinons.

Par le compte que Nous nous fommes fait rendre des routes à conftruire & à entretenir dans nos différentes Provinces, Nous croyons pouvoir affurer nos fujets, qu'en aucune année la dépenfe, pour cet objet, ne furpaffera la fomme de dix millions pour la totalité des pays d'élection.

Cette contribution ayant pour objet une dépenfe utile à tous les propriétaires, Nous voulons que tous les propriétaires privilégiés & non privilégiés, y concourent, ainfi qu'il eft d'ufage pour toutes les charges locales; & par cette raifon, Nous n'entendons pas même que les terres de notre Domaine en foient exemptes, foit qu'elles foient en nos mains, foit qu'elles en foient forties, à quelque titre que ce foit.

Le même efprit de juftice qui Nous engage à fupprimer la Corvée, & à charger de la conftruction des chemins les propriétaires qui y ont intérêt, Nous détermine à ftatuer fur l'indemnité légitimement due aux propriétaires d'héritages, qui font privés d'une partie de leur propriété, foit par l'emplacement même des routes, foit par l'extraction des matériaux qui doivent y être employés. Si la néceffité du fervice public les oblige à céder leur propriété, il eft jufte qu'ils n'en fouffrent aucun dommage, & qu'ils reçoivent le prix de la portion de cette propriété qu'ils font obligés de céder.

A ces caufes, & autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre Confeil, & de notre certaine fcience, pleine puiffance & autorité Royale Nous avons, par le préfent Edit perpétuel & irrévocable, dit, ftatué & ordonné; difons, ftatuons & ordonnons, voulons & nous plaît ce qui fuit :

pour

ARTICLE PREMIER.

» Il ne fera plus exigé de nos fujets aucun travail, gratuit ni forcé; fous le nom de Corvée, ou fous quelqu'autre dénomination que ce puiffe être, foit la conftruction des chemins, foit pour tout autre ouvrage, public, fi ce n'eft dans le cas où la défenfe du pays, en temps de, guerre, exigeroit des travaux extraordinaires; auquel cas il y feroit pourvu en vertu de nos ordres adreffés aux Gouverneurs, Commandans ou autres Administrateurs de nos Provinces: Défendons, en toute autre circonstance, à tous ceux qui font chargés de l'exécution de nos ordres

d'en commander ou d'en exiger; nous réfervant de faire payer ceux dans ce cas, la néceffité des circonftances obligeroit d'enlever à feurs travaux. «

que,

» II. Les ouvrages qui étoient faits ci-devant par Corvée, tels que les constructions & entretiens des routes, & autres ouvrages néceffaires pour la communication des Provinces & des Villes entr'elles, le feront à l'avenir, au moyen d'une contribution de tous les propriétaires de biens-fonds ou de droits réels, fujets aux Vingtiemes, fur lesquels la répartition en fera faite à proportion de leur cottifation au rôle de cette impofition. Voulons que les fonds & droits réels de notre Domaine, y contribuent dans la même proportion. «

» III. A l'égard des conftructions de ponts & autres ouvrages d'art, il continuera d'y être pourvu fur les mêmes fonds qui y ont été destinés par le paffé. «

» IV. Voulons que les propriétaires des héritages & des bâtimens qu'il fera néceffaire de traverfer ou de démolir pour la conftruction des chemins, ainfi que de ceux qui feront dégradés par l'extraction des matériaux, foient dédommagés de la valeur defdits héritages, bâtimens ou dégradations; & fera le dédommagement payé fur les fonds provenans de la contribution ordonnée par l'article II, ci-deffus. «

» V. Le montant de ladite contribution, dans chaque généralité, sera réglé tous les ans fur le prix des conftructions, entretiens & dédommagemens que nous aurons ordonnés dans ladite généralité pendant l'année; à l'effet de quoi il fera arrêté tous les ans, en notre Confeil, un état particulier pour chaque généralité, qui comprendra toutes lefdites dépenfes. « » VI. Il fera fait des devis & détails, & paffé des adjudications defdits ouvrages & des baux de leur entretien, dans la forme qui fera par nous prefcrite; & l'état arrêté par Nous en notre Confeil, mentionné en l'article précédent, fera compofé du montant defdites adjudications & baux Nous réfervant, comme par le paffé, & à notre Confeil, la connoiffance de la direction des routes, des eftimations, adjudications, & de toutes les claufes qui pourront y être contenues, circonftances & dépendances.

»VII. Il nous fera rendu compte en notre Confeil, chaque année, de l'emploi defdites fommes provenantes de la contribution ordonnée; & dans le cas où elles n'auroient pas été confommées en entier, il en fera fait mention dans l'état de l'année fuivante, & la fomme qui n'aura pas été employée fera retranchée de la contribution de ladite année fuivante. Dans le cas au contraire où quelque caufe imprévue obligeroit de faire une dépense qui n'auroit pas été comprife dans quelques-unes des adjudications, il nous en fera rendu compte, & fi cette dépense eft approuvée par nous, elle fera comprise dans l'état arrêté pour l'année fuivante. «

[ocr errors]

VIII. Auffi-tôt que ledit état fera par nous arrêté, il en fera dépofé quatre expéditions pour chaque généralité, une au Greffe de notre Cour de Parlement, la feconde à celui de notre Chambre des Comptes, la troifieme à celui de notre Cour des Aides, & la quatrieme à celui du Bureau des Finances de ladite généralité; à l'effet par toutes perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foient, d'en pouvoir prendre communication fans frais ni déplacement; & lefdits états ferviront de base à la comptabilité à rendre à la Chambre des Comptes, par nos Tréforiers, ainfi qu'il fera expliqué par les articles X & XI ci-après.

[ocr errors]

IX. Le recouvrement des fommes provenantes de ladite contribution ordonnée par l'article II du préfent Edit, fera fait dans la même forme que celui des Vingtiemes.

» X. Les deniers en provenans, feront remis aux Receveurs ordinaires des impofitions, qui feront tenus de les verfer, mois par mois, à la déduction de quatre deniers pour livre pour leurs taxations, entre les mains du Commis que les Tréforiers établis par nous pour les dépenfes des ponts & chauffées, tiennent dans chaque généralité, lequel délivrera lefdits fonds aux Adjudicataires des ouvrages, dans la forme qui fera par nous prefcrite; fans que, fous aucun prétexte, lefdites fommes puiffent être détournées à d'autres emplois, ni même verfées en notre Tréfor Royal.

XI. Ne pourront lefdits Tréforiers être valablement déchargés defdites fommes, qu'en rapportant les quittantes defdits Adjudicataires: Faifons très-expreffes inhibitions & défenfes aux Commis defdits Tréforiers, de fe deffaifir defdits deniers pour toute autre deftination que ce puiffe être, à peine d'être forcés en recette de la totalité des fommes qu'ils auroient payées contre la difpofition du préfent article: Enjoignons à nos Chambres des Comptes & à nos Bureaux des Finances, chacun en droit foi, d'y tenir exactement la main."

"

Si donnons en mandement à nos amés & féaux Confeillers les Gens tenant notre Cour de Parlement à Paris, que notre préfent Edit ils aient à faire lire, publier & registrer; & le contenu en icelui garder, obferver & exécuter felon fa forme & teneur, nonobftant toutes chofes à ce contraires. Voulons qu'aux copies du préfent Edit, collationnées par l'un de nos amés & féaux Confeillers-Secrétaires, foi foit ajoutée comme à l'original Car tel eft notre plaifir; & afin que ce foit chofe ferme, & ftable à toujours, nous y avons fait mettre notre fcel. Donné à Verfailles au mois de février, l'an de grace mil fept cent foixante-feize, & de notre regne le deuxieme. Signé LOUIS. Et plus bas, Par le Roi. Signé de Lamoignon. Vifa Hue de Miroménil. Vu au Confeil, Turgot. Et fcellé du grand fceau de cire verte, en lacs de foie rouge & verte. "

Lú & publié, le Roi feant en fon fon Lit de Juftice, & regiftré au Greffe de la Cour, oui le Procureur-général du Roi, pour étre exécuté felon fa

forme & teneur; & copies collationnées envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées du reffort, pour y étre pareillement lu, publié & regiftré: Enjoint aux Subftituts du Procureur-général du Roi d'y tenir la main, & d'en certifier la Cour dans le mois. Fait à Versailles, le Roi féant en fon Lit de Juftice, le douze mars mil fept cent foixante-feize. Signé LE

BRET.

EXTRAIT D'UN MÉMOIRE SUR LES CORVÉES, Préfenté aux Etats de Bretagne par M. le Vicomte DE TOUSTAIN.

...EN 1776, les Etats de Bretagne par délibération unanime des

trois ordres, dépoferent à leur greffe plufieurs mémoires patriotiques, tant imprimés que manufcrits, de Mr. le Vicomte de Toustain, parmi lesquels un canevas de projet pour le paiement de la Corvée, compofé par ce gentilhomme à l'occafion de l'édit que Mr. le Contrôleur-Général Turgot avoit fait enregistrer le douze Mars de la même année. Voici la marche de cet ouvrage connu fous le titre de pro aris & focis.

» L'auteur le confacrant à l'utilité des trois ordres de l'Etat, entre lef quels il veut de l'émulation & point de rivalité, le dédie à trois citoyens dont un Eccléfiaftique, un Noble, un Roturier. En vous le préfentant, dit-il, je crois l'offrir aux lumieres, au patriotifme & à l'amitié. "

» L'auteur parcourt fuccin&tement les caufes de la dépopulation de la Bretagne, & après avoir montré le remede à côté du mal, il trouve que cette Province compte plus de cent cinquante mille de ses enfans dans la foule d'êtres intelligens & fenfibles directement intéreffés, d'un bout du Royaume à l'autre à reconnoître & bénir la fuppreffion des Corvées. Il détaille les motifs en vertu defquels les Eccléfiaftiques comme Miniftres de l'Evangile & comme Membres de l'Etat; la Nobleffe ce corps antique & généreux; le tiers-Etat, représenté par des hommes recommandables & choifis doivent applaudir au bien que le gouvernement veut faire à la multitude, dans le bonheur de laquelle les principes humains de l'auteur font confifter la profpérité générale. Mais le militaire apperçoit de grands inconvéniens dans la nature de l'impôt établi la quinzieme année de paix, par l'édit de fuppreffion des Corvées, quoique de fon aveu, cet édit opere la fuppreffion même d'un plus grand impôt. Après avoir déduit l'origine, l'utilité, les rangs des différentes claffes, il cherche un moyen qui ménageant également les perfonnes & les corps, pourvoie à l'ouverture, à l'entretien, à la confection des routes, fans revenir contre l'abolition très-louable des Corvées, fans fouler les contribuables, fans léfer les ordres. Il rejette, par des raifons énergiquement développées

« PreviousContinue »