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> commun & l'autre fuivant le droit eccléfiaftique. Cette union des deux puiffances pour être mutuellement fecondée l'une l'autre, eft auffi ancienne que le gouvernement même d'Angleterre.

Celui qui les fépara le premier fut Guillaume-le-conquérant, qui voulut qu'on portât toutes les affaires eccléfiaftiques à un confiftoire qu'il créa pour cet effet, & que les affaires civiles fuffent portées au banc du Roi

Cour de la Duché.

C'EST une Cour dans laquelle toutes les matieres qui appartiennent à la Duché ou à la Comté Palatine de Lancaftre, font décidées par le jugement du Chancelier de cette Cour.

Cette Cour a pris son origine du temps du Roi Henri IV d'Angleterre, qui parvint à la couronne par la dépofition de Richard II. Comme il avoit par fa naiffance le Duché de Lancaftre aux droits de fa mere, il s'en empara comme Roi, & non pas comme Duc; de forte que toutes les libertés, franchises, & jurifdictions de cette Comté, paffoient du Roi à fon grand fceau, fans avoir befoin de l'acte qui met en poffeffion, ou de celui par lequel on reconnoît fon Seigneur; comme on le pratiquoit pour la Comté de March, & d'autres poffeffions à lui dévolues par d'autres Seigneurs fes ancêtres, qui n'étoient pas Rois.

Henri IV, par l'autorité du Parlement, fépara de la couronne les poffeffions & les libertés du Duché de Lancaftre: mais Edouard IV les réta blit fur l'ancien pied.

Les Officiers de cette Cour font un Chancelier, un Procureur-général, un Receveur-général, un Clerc de Cour, & un Meffager ou un Sergent auxquels font joints encore des affiftans, tels qu'un Procureur en l'Échiquier, un autre en Chancellerie, & quatre Confeillers.

Gwin dit que le Duché de Lancaftre fut créé par Edouard III, qui en fit préfent à fon fils Jean de Gaunt, en le revêtant des droits régaliens femblables à ceux des Comtes Palatins de Chefter; & parce que dans la fuite ce Comté vint à s'éteindre dans la perfonne du Roi Henri IV, qui le réunit à fa couronne, le même Roi, fe croyant Duc de Lancastre à plus jufte titre que Roi d'Angleterre, fe détermina à s'affurer folidement les droits qu'il avoit dans ce Duché pour fe mettre à l'abri des inconvéniens qui pouvoient arriver au Royaume. Dans cette idée, il fépara le Duché de la couronne, & l'attacha à fa propre perfonne & à fes héritiers, comme s'il n'avoit pas été Roi, mais un fimple particulier. Les chofes continuerent dans le même état fous les regnes d'Henri V & d'Henri VI, & même jufqu'à Edouard IV, lequel après avoir recouvré la couronne fuivant les droits de la Maifon d'Yorck, réunit encore le Duché de Lancaftre à la couronne: il permit néanmoins que la Cour & les Of ficiers demeuraffent dans l'état où il les trouva. C'eft de cette maniere que

ce Duché vint avec la couronne à Henri VII, lequel, fuivant la politique de Henri IV, par les droits duquel il étoit effectivement parvenu à la Royauté, fépara encore ce Duché de la couronne, & le laiffa ainsi à sa postérité, qui en jouit encore aujourd'hui.

COURAGE, f. m.

ON donne le nom de Courage à cette qualité, à cette vertu mâle qui

nait du fentiment de fes propres forces, & qui par caractere ou par réflexion fait braver les dangers & fes fuites.

Delà vient qu'on donne au Courage les noms de cœur de valeur, de vaillance, de bravoure, d'intrépidité car il ne s'agit pas ici d'entrer dans ces diftinctions délicates de notre langue, qui femble porter dans l'idée des trois premiers mots plus de rapport à l'action que dans celle des deux derniers, tandis que ceux-ci, à leur tour, renferment dans leur idée particuliere un certain rapport au danger que les trois premiers n'expriment pas. En général, ces cinq mots font fynonymes & défignent la même chofe, feulement avec un peu plus ou un peu moins d'énergie,

On ne fauroit s'empêcher d'eftimer & d'honorer extrêmement le Courage, parce qu'il produit au péril de la vie les plus grandes & les plus belles actions des hommes; mais il faut convenir que le Courage, pour mériter véritablement l'eftime, doit être excité par la raison, par le devoir, & par l'équité. Dans les batailles, la rage, la haine, la vengeance, ou l'intérêt, agitent le cœur du foldat mercenaire; mais la gloire, l'honneur, & la clémence, animent l'Officier de mérite. Virgile a bien fenti cette différence. Si l'éclat & le brillant font paroître, dans fon Poëme la valeur de Turnus plus éblouiffante que celle d'Enée, les actions prouvent qu'en effet & au fond la valeur d'Enée l'emporte infiniment fur celle de Turnus. Epaminondas n'a pas moins de réfolution, de vaillance, & de Courage, qu'aucun héros de la Grece & de Rome; » non pas de ce » Courage (comme dit Montagne) qui eft éguifé par ambition; mais de » celui que l'efprit, la fapience, & la raifon peuvent planter en une ame bien réglée, il en avoit tout ce qui s'en peut imaginer.

Cette louange, dont Epaminondas eft bien digne, me conduit à la diftinction philofophique du Courage de cœur, fi je puis parler ainfi, qu'on nomme communément bravoure, qui eft le plus commun; & de cette autre efpece de Courage qui eft plus rare, que l'on appelle Courage de l'esprit.

La premiere efpece de Courage eft beaucoup plus dépendante de la complexion du corps, de l'imagination échauffée, des conjonctures, & des

alentours. Verfez dans l'eftomac d'un milicien timide des fucs vigoureux, des liqueurs fortes, alors fon ame s'arme de vaillance; & cet homme devenu prefque féroce, court gaiement à la mort au bruit des tambours. On eft brave à la guerre, parce que le fafte, le brillant appareil des armes, le point d'honneur, l'exemple, les fpectateurs, la fortune, excitent les ef prits que l'on nomme Courage. Jettez-moi dans les troupes, dit la Bruyere, en qualité de fimple foldat, je fuis Therfite; mettez-moi à la tête d'une armée dont j'aie à répondre à toute l'Europe, je fuis Achille. Dans la maladie, au contraire, où l'on n'a point de fpectateurs, point de fortune, point de diftinction à efpérer, point de reproches à appréhender, l'on eft craintif & lâche. Où l'on n'envifage rien pour récompenfe du Courage du cœur, quel motif foutiendroit l'amour-propre ? Il ne faut donc pas être furpris de voir les héros mourir lâchement au lit, & courageufement dans une action.

Le Courage d'efprit, c'eft-à-dire, cette réfolution calme, ferme, inébranlable dans les divers accidens de la vie, eft une des qualités des plus rares. Il est très-aifé d'en fentir les raifons. En général, tous les hommes ont bien plus de crainte, de pufillanimité dans l'efprit que dans le cœur, & comme le dit Tacite, les efclaves volontaires font plus de tyrans, que les tyrans ne font d'esclaves forcés.

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Il me femble, avec un auteur moderne qui a bien développé la différence des deux Courages, Confidérat. fur les mœurs; » que le Courage » d'efprit confifte à voir les dangers, les périls, les maux, & les mal» heurs, précisément tels qu'ils font, & par conféquent, les reffources; » les voir moindres qu'ils ne font, c'eft manquer de lumieres; les voir >> plus grands, c'eft manquer de cœur la timidité les exagere, & par-là » les fait croître le Courage aveugle les déguife, & ne les affoiblit pas » toujours; l'un & l'autre mettent hors d'état d'en triompher. Le Courage d'efprit fuppofe & exige fouvent celui du cœur ; le Courage du cœur » n'a guere d'ufage que dans les maux matériels, les dangers phyfiques, » ou ceux qui y font relatifs. Le Courage d'efprit a fon application dans » les circonstances les plus délicates de la vie. On trouve aifément des » hommes qui affrontent les périls les plus évidens; on en trouve rarement » qui fans fe laiffer abattre par un malheur, fachent en tirer le parti qui

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» conviendroit. «

Cependant l'hiftoire, & l'on ne doit pas le diffimuler, ne manque pas d'exemples de gens qui ont réuni admirablement en eux le Courage de cœur & le Courage d'efprit: il ne faut que lire Plutarque parmi les anciens, & de Thou parmi les modernes, pour fentir fon ame élevée par des traits & des actions de cette efpece, glorieufes à l'humanité. Mais l'exemple le plus fort & le plus frappant qu'il y ait peut-être en ce genre, exemple que tout le monde fait, qu'on cite toujours, & que j'ofe encore granfcrire ici, c'est celui d'Arria, femme de Cecina Patus, fait prifonnier

par

par les troupes de l'Empereur Claude, après la déroute de Scribonianus dont il avoit embraffé le parti.

Cette femme courageufe ayant inutilement tenté, par les inftances les plus vives, les plus féduifantes, & les plus ingénieufes, d'être reçue dans le navire qui conduifoit fon mari prifonnier, loua, fans s'abandonner au défefpoir, un batteau de pêcheur, & fuivit Pœtus toute feule dans ce petit efquif depuis l'Esclavonie jufqu'à Rome. Quand elle y fut arrivée, & qu'elle ne vit plus d'efpérance de fauver les jours de fon mari, elle s'apperçut qu'il n'avoit pas le cœur affez ferme pour fe donner la mort, à laquelle la cruauté de l'Empereur le contraignoit. Dans cette extrémité elle commença, pour tâcher d'y difpofer Poetus, d'employer fes confeils & fes exhortations les plus preffantes: alors, le voyant ébranlé, elle prit dans fa main le poignard qu'il portoit : fic Poete, fais ainfi mon cher Patus! & à l'inftant s'étant donné un coup mortel de ce même poignard, elle l'arracha de la plaie, le lui présenta tranquillement, & lui dit, en expirant, ces trois mots : Pate non dolet; tiens, Patus, il ne m'a point fait de mal. Præclarum illud, s'écrie Pline, ferrum ftringere, perfodere pectus, extrahere pugionem, porrigere marito, addere vocem immortalem ac pænè divinam, Pate non dolet. Pline, ép. xvj. liv. III.

Suivant ce qui vient d'être dit, il paroît que le Courage differe felon fon principe.

1o. Il en eft un qui vient d'un mouvement impétueux & irrégulier du fang, qui jettant du trouble dans l'ame, l'empêche de voir le danger auquel on ne s'expoferoit pas de fang-froid : c'eft celui qui eft dû à l'ufage des liqueurs fortes, ou au feu de quelque paffion fougueufe qui nous aveugle, telle que la colere, la fureur, la rage, l'exceffive tendreffe d'une mere pour les enfans, &c. On ne fauroit faire aucun fond fur un Courage de cette nature, qui n'eft, à le bien prendre, qu'un mouvement paffager de convulfion, qui n'eft pas plutôt éteint que la plus méprifable pufillanimité lui fuccede. Ne comptez jamais fur la valeur dûe à de tels principes comme fur une reffource; dès que l'yvreffe phyfique ou le moyen d'allumer ces paffions impétueufes vous manquera, ce Courage s'évanouira, & le moyen de les allumer ne fera jamais qu'un intérêt perfonnel, particulier à la perfonne; encore même ne pourrez-vous pas vous promettre de trouver toujours leur ame également fenfible à ces intérêts. Un tel Courage donne de la férocité & non de la valeur.

2. Il eft une autre forte de Courage, qui eft auffi Courage de cœur; c'eft celui qui naît du fentiment de nos forces & de la connoiffance des reffources que nous fourniront notre vigueur, notre adreffe, notre prudence & nos précautions. C'eft-là la fource du Courage du lion & de celui de quelques hommes qui connoiffent de quoi ils font capables; Courage qui peut beaucoup être augmenté & par l'exercice des forces que l'on a, & de l'adreffe qu'on a acquife, & parce qu'on s'eft familiarifé avec le danTome XIV

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ger, à force de le voir & de s'en être tiré par ces moyens. A cette fource de Courage on peut joindre l'ignorance même du danger bien des gens ont du Courage, parce qu'ils ne connoiffent pas le mal qu'ils ont à craindre. C'eft de cette feconde efpece de Courage que l'on peut dire qu'il eft poffible qu'on voie ceux qui l'ont, héros, quand ils peuvent oppofer la force, l'adreffe & la prudence aux efforts des ennemis, & qu'ils fe montrent lâches & timides, lorfque le danger eft inévitable, & qu'ils n'ont aucune reffource à lui oppofer; ils tremblent aux approches d'une mort certaine, fur laquelle nul tumulte ne les étourdit.

3°. Il eft une troifieme efpece de Courage, qui a fon fiege propre dans la réflexion, dans la connoiffance des chofes, & dans l'eftimation raisonnée des objets qui nous intéreffent, & des motifs qui nous déterminent. Sentir toute l'étendue des devoirs que nous avons à remplir, toute l'importance des obligations qui découlent de ce que nous fommes, & desrelations que nous foutenons; prévoir clairement les fuites de nos actions, leur convenance & leur influence fur notre fort; connoître notre deftination & les devoirs qu'elle nous impofe; c'eft le vrai moyen d'avoir cette forte de Courage qui ne fe dément 'jamais, qui voit le péril fans en être troublé. Peut-être ce Courage ne fuffira-t-il pas dans tous les cas, fans la force & l'adreffe, fans l'habitude de voir le danger de près dans les combats celui-là donc fera le plus réellement courageux qui joindra ces deux fortes de Courage. Sans doute, il faut à la guerre du Courage, mais il faut auffi de la force & de l'adreffe; c'eft pour cela qu'il importe d'avoir pour guerriers des hommes vigoureux & exercés. Si à cette vigueur & à cet exercice des armes, on joint une ame grande, pénétrée de fes devoirs, qui connoît le prix des chofes, qui ne fe laiffe point aveugler, & qui ne craint aucune des fuites des efforts qu'elle fait pour remplir tout ce que fa vocation exige, on aura le Courage le plus héroïque, & le plus incapable de fe démentir jamais. Ce guerrier intrépide dans les combats, fera également courageux dans toutes les entreprises auxquelles, dans la vie civile, fon devoir peut l'appeller les mauvais difcours du public, la haine d'un Miniftre, la difgrace du Prince, la perte de la fortune, la mort même la plus ignominieufe, ne feront pas capables de l'arrêter dans l'exécution de ce qu'il fait être fon devoir. La mort naturelle qui l'attaque dans fon lit, le trouve également ferme & inébranlable.

Ont-ils connu la vraie religion chrétienne, ces philofophiftes qui l'accufent de détruire le Courage, & de n'infpirer que la lâcheté ? Le bataillon le plus intrépide fera fans doute celui qui fera compofé de vrais Chrétiens, qui connoiffent leurs devoirs & leur destination, & qui auront appris la guerre par l'exercice. Car au refte, la religion qui éleve l'ame & l'affermit contre les dangers préfens, n'apprend pas à manier les armes & à combattre. Puiffe tout Prince jufte n'avoir pour foldats que de vrais Chrétiens! ils iront au combat comme à leur devoir; la crainte de la mort

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