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eux, pouvoient fouvent prévaloir & diriger toute la machine du Gouvernement; mais s'ils avoient mis ouvertement leurs Comices par Centuries en opposition aux Comices par Tribus, ils auroient bientôt perdu l'avantage de cette inftitution, avec les Confuls, les Préteurs, les Édiles, & tous les Magiftrats dont l'élection en dépendoit; tandis que les Comices_par Tribus, qui n'avoient pas les mêmes raifons pour ménager ceux par Centuries, révoquoient fouvent des loix favorables à l'aristocratie; ainfi ils limiterent l'autorité des nobles, ils protégerent le peuple contre l'oppreffion des Grands, ils cenfurerent les actions du Sénat & des Magiftrats. Les Comices par Centuries jugerent toujours à propos de fe foumettre, & quoiqu'égaux en autorité fe trouvant inférieurs en puiffance, ils n'oferent jamais choquer directement l'autre Puiffance législative, foit en révoquant fes loix, foit en établiffant eux-mêmes d'autres loix, qu'ils prévoyoient bien que les Comices par Tribus auroient enfuite annullées.

On ne trouve aucun exemple d'oppreffion ou de difpute entre ces Comices, excepté une petite altercation de cette espece dont parle Appien dans le troifieme livre de fes guerres civiles. Marc-Antoine voulant priver Décimus Brutus, du Gouvernement de la Gaule Cifalpine, monta à la tribune & appella les Comices par Centuries pour prévenir l'affemblée des autres qui avoit été ordonnée par le Sénat. Mais les affaires étoient tombées alors dans une telle confufion, & la conftitution de la République étoit fi près de fa derniere extrémité, qu'on ne peut rien conclure de cet exemple. Cette conteftation d'ailleurs étoit plutôt fondée fur la forme que fur la différence de parti. Le Sénat avoit ordonné les Comices par Tribus, pour empêcher l'affemblée de ceux par Centuries, qui par la conftitution, ou du moins par la forme du gouvernement, pouvoient difpofer feuls des Provinces.

Les Comices par Centuries rappellerent Cicéron que ceux par Tribus avoient banni par un plébifcite; mais il faut obferver que ce banniffement n'a jamais été regardé comme un acte légal, émané du choix libre & de l'inclination du peuple. Il fut toujours attribué à la feule violence de Clodius, & aux défordres qu'il avoit introduits dans le gouvernement.

III. La troisieme Coutume que nous nous fommes propofés d'examiner, regarde l'Angleterre (a): quoiqu'elle ne foit pas fi importante que celles

(a) M. Hume releve ailleurs une contradiction apparente, qui fe trouve encore dans la Conftitution du Gouvernement Anglois.,, Combien, dit-il, des Génies, tels que Cicé»ron ou Tacite, n'auroient-ils pas été furpris, fi on leur avoit dit que dans les fiecles » à venir, il fe formeroit un fyftême de Gouvernement mixte où l'autorité feroit diftri"buée de maniere qu'un des Ordres pourroit, toutes les fois qu'il lui plairoit, dépouil »ler les autres & s'emparer de tout le pouvoir de la Conftitution! Un pareil Gouver "nement, auroient-ils répondu, ne fera pas un Gouvernement mixte; car l'ambition na"turelle des hommes eft fi grande, que rien ne peut l'affouvir : & s'il est de l'intérêt » de l'un de ces Ordres, d'ufurper les différentes parties du pouvoir qui auront été

d'Athenes & de Rome, dont nous venons de parler, elle n'eft ni moins finguliere, ni moins remarquable. C'eft une maxime que l'on n'a jamais difputée en politique, & qui eft reçue comme univerfelle, qu'une Puiffance, quelque grande qu'elle foit, lorfqu'elle eft accordée par la loi à un Magiftrat éminent, n'eft pas fi dangereuse pour la liberté qu'une autorité quelque foible qu'elle puiffe être, qu'il acquiert par la violence & par l'ufurpation car outre que la loi limite toujours le pouvoir qu'elle accorde; le recevoir comme une conceffion, c'eft établir l'autorité dont il dérive, & cela fuffit pour conferver l'harmonie de la conftitution. Par le même

» confiées à chacun des autres, cet Ordre le fera certainement, & fe rendra, autant qu'il » fera poffible, abfolu & indépendant.

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,, Cependant l'expérience prouve qu'à cet égard ils fe feroient trompés, car c'est là précifément le cas de la Conftitution du Gouvernement Anglois. La portion de puisfance qu'elle donne à la Chambre des Communes eft fi grande, que cette Chambre » eft maîtreffe abfolue de toutes les autres parties du Gouvernement. Le pouvoir légifla» tif du Prince n'eft pas une barriere fuffifante pour la contenir; car quoique le Roi ait » la négative pour la fanction de toutes les Loix, ce privilege eft en effet reconnu pour » être i peu important, que tout ce qui eft arrêté par les deux Chambres eft toujours " für de paffer comme une Loi. Le confentement du Roi n'eft prefque autre chofe qu'une » pure formalité. Le principal poids de la Couronne eft dans le pouvoir exécutif : mais outre que le pouvoir exécutif dans tout Gouvernement est toujours fubordonné au pou» voir législatif, l'exercice de cette puiffance demande une dépenfe immenfe, & les Com»munes le font attribuées à elles-mêmes le feul pouvoir de difpofer de l'argent. Combien » donc ne feroit-il pas facile à cette Chambre, de dépouiller la Couronne de tous fes » privileges l'un après l'autre, en rendant chaque conceffion d'argent conditionnelle, & » en choififfant fi bien fon temps, que le refus de fubfides, ne feroit qu'embarrafler le » Gouvernement, fans donner aux Puiffances étrangeres aucun avantage fur nous? Si la » Chambre des Communes dépendoit du Roi de la même maniere, fi aucun de fes mem»bres ne poffédoit rien qu'à titre de don du Roi, leurs réfolutions ne dépendroient » elles pas auffi de fes ordres, & de ce moment ne feroit-il pas totalement le maitre? "Quant à la Chambre des Seigneurs, ils ne font un foutien puiffant pour la Couronne, » qu'auffi long-temps qu'elle-même fait le leur mais l'expérience & la raifon nous prou» vent également qu'ils n'ont ni force, ni autorité, pour se foutenir feuls eux-mêmes & » fans un pareil appui.

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Comment trouverons-nous donc la folution de ce paradoxe? Par quels moyens ce » membre de notre Conftitution eft-il contenu dans fes propres limites, puifque par la » nature de notre Conftitution même, il doit néceflairement avoir tout le pouvoir qu'il » demande, & qu'il ne reconnoît de bornes que celles qu'il fe fixe lui-même! Com»ment accorder une pareille puiffance avec l'expérience de la nature humaine? Je réponds que l'intérêt de tout le corps eft ici reftreint par l'intérêt de chaque individu, » & que la Chambre des Communes n'excede pas fon pouvoir, parce qu'une pareille » ufurpation feroit contraire à l'intérêt de la plus grande partie de fes membres. La Cour » a tant d'emplois à fa difpofition, que lorfqu'elle fera fecondée par la partie honnête » & défintéreflée de la Chambre, elle décidera toujours les réfolutions de tout le corps, » du moins en tout ce qui ne portera aucune atteinte à l'ancienne Conftitution. Ainfi » nous pouvons donner à cette influence le nom qu'il nous plaira, nous pouvons l'appeller » Corruption ou Dépendance; mais il faut qu'il y en ait toujours quelque degré, de quel» que espece que ce foit, par la nature même de notre Conftitution, & pour conferver » la forme de notre Gouvernement mixte. 66

Elays Moral and Philofophical. London, 1748.

Ces principes font bien différens de ceux de tant d'Auteurs qui ont écrit contre la Cour & les Miniftres, & du moins comme ils font plus modérés, ils paroiffent plus raifonnables."

droit que l'on s'arroge une prérogative fans la loi, on peut en prétendre une autre, & puis encore une autre avec une plus grande facilité. La premiere ufurpation fert d'exemple pour la feconde, & donne de la force pour maintenir l'une & l'autre. De-là l'héroïfme d'Hampden qui foutint toute la violence de la perfécution Royale, plutôt que de payer une taxe de vingt schelings qui n'étoit pas impofée par le Parlement. De-là le foin qu'a tout Anglois qui aime fa patrie, de s'opposer à toutes les ufurpations de la Cour. C'eft à ce principe feul, enfin, que l'on doit la liberté dont on jouit aujourd'hui en Angleterre.

Il y a cependant une occafion où le Parlement s'eft éloigné de cette maxime (a); c'eft en ce qui regarde l'enrôlement forcé des matelots. On permet ici facilement à la Couronne l'exercice d'un pouvoir contre les loix, & quoiqu'on ait fouvent délibéré fur les moyens de le rendre légitime, & fous quelles reftrictions on pourroit l'accorder au Roi, on n'a encore pu propofer aucun expédient für pour parvenir à cette fin, & il a toujours paru que la loi mettroit la liberté en plus grand danger que l'ufurpation. Lorfque le pouvoir n'eft exercé que pour armer la flotte, les hommes s'y foumettent volontiers, par la perfuafion où ils font de fon avantage & de fa néceffité : les matelots, les feuls fur qui s'exerce une pareille contrainte, ne trouvent perfonne qui prenne leur parti, lorsqu'ils réclament des droits & des privileges que la loi accorde à tous les fujets Anglois, fans aucune diftinction. Mais fi dans quelque occafion, un Miniftre faifoit fervir ce pouvoir à foutenir sa faction & fa tyrannie; la faction oppofée, ou plutôt tous ceux qui aiment leur pays, prendroient bientôt l'alarme & foutiendroient le parti opprimé. La liberté des Anglois feroit maintenue; les jurés feroient implacables, & les inftrumens de la tyrannie, qui auroient agi contre la loi & l'équité, feroient livrés à la vengeance publique. De l'autre côté, fi le Parlement accordoit au Roi un pareil pouvoir, on tomberoit probablement dans l'un de ces deux inconvéniens; ou bien, en le lui donnant, on y mettroit tant de reftrictions qu'il perdroit fes effets en gênant l'autorité de la Couronne, ou bien on le rendroit fi étendu, qu'il en pourroit fuivre de grands abus, pour lefquels en ce cas il n'y auroit pas de remedes. L'illégalité même du pouvoir à préfent prévient ces inconvéniens par la facilité des remedes qu'elle

fournit.

(a) Le Bill qui permet l'enlevement des matelots qui font fur des vaiffeaux marchands, n'eft pas de la même espece: il porte fur la liberté du Commerce, interrompt & arrête des entreprises avantageufes, & peut décourager le négociant incertain s'il aura un équipage fuffifant pour l'exécution de fon projet. Il eft vrai que la Loi de l'Etat eft au-deffus de la Loi ordinaire, & qu'elle est toujours jufte lorfqu'elle part de l'autorité légitime, mais la fage Politique doit prévenir les injuftices particulieres, &c.

M. MELON, Chap, XI, De la Liberté du Commerce.

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Je ne prétens pas exclure par ce raisonnement toute poffibilité d'un réglement pour les matelots, qui pourvoiroit à l'armement de la flotte, fans être dangereux pour la liberté (a). J'observe seulement que l'on n'a pas encore présenté aucun plan de cette nature qui ait pû fatisfaire, & que plutôt que d'adopter aucun de ceux qui ont été imaginés jufqu'ici, nous fuivons un ufage en apparence le plus abfurde & le plus déraifonnable. La Puiffance, dans les temps d'une pleine paix intérieure, eft armée contre la loi. Une ufurpation ouverte & continue eft permise à la Couronne, au milieu de la plus grande jaloufie & de la plus grande vigilance de la part du peuple. La liberté, dans le pays de la plus grande liberté, est entiérement abandonnée à fa propre défenfe, fans appui, fans protection.

L'état fauvage de la nature eft renouvellé au milieu d'une des fociétés les plus civilifées du genre-humain. De grandes violences & toutes fortes de défordres fe commettent avec impunité, parmi le peuple qui a le plus de douceur & d'humanité, tandis que l'un des partis exige l'obéiffance au fuprême Magiftrat, & que l'autre réclame en fa faveur les loix fondamentales de l'Etat. Difcours Politiques de M. HUME.

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(a),, Ces maximes s'appliquent aux matelots Anglois, qui n'ont pris aucun engagement particulier, pour fervir l'Etat dans cette profeffion, & qui pourtant s'y trouvent forcés ,, arbitrairement. Une fage Légiflation exigeroit de chaque matelor de fervir à son tour dans les occafions marquées; alors ils ne feroient matelots qu'à cette charge, qu'ils partageroient également avec tous les autres: c'eft ainfi qu'en France ils font enclaffés, & vo,lontairement affujettis aux corvées néceffaires de la Marine, fans bleffer la juftice particuliere."

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M. MELON indique là un expédient qui ne peut être ignoré des Anglois, & auquel probablement ils auroient eu recours dès long-temps, fi le remede ne leur avoit paru plus dangereux que le mal. Ce qui eft avantageux dans une forte de Gouvernement, devient fouvent tout le contraire dans un autre. On craint en Angleterre tout ce qui peut augmenter la puiffance du Roi; c'eft par cette raison qu'il n'y a point de Maréchauffées, dont l'établissement en France a rendu les grands chemins fi fürs. Tous les défordres, qui arrivent par les voleurs qui infeftent l'Angleterre, paroiffent aux Anglois un moindre mal que celui dont ils fe croiroient menacés par ce nombre d'hommes armés qui feroit à la disposition du Souverain; car il ne feroit pas non plus de l'intérêt du Roi de permettre que cette troupe dépendit du Parlement.

CR

CRACOVIE, (Palatinat de ) Province du Royaume de Pologne, la premiere de celles qui compofent la petite Pol gne.

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E Palatinat de Cracovie, le plus grand & le plus occidental de la petite Pologne, a pour bornes le Palatinat de Sandomir à l'orient, celui de Siradie au feptentrion, la haute Siléfie à l'occident, & la haute Hongrie au midi. Il comprend les Duchés d'Ofwiecim, de Zator & de Severie le Comté de Scepus & les Diftricts de Sczerzcy.cs, de Profzow, de Xiaz, de Lelow, de Sandeez, de Czchow, & de Biecz. Elle abonde en grains, en fourrages & en bois. Les eaux de la Viftule, de la Warthe & de quelques autres rivieres, l'égayent; & c'eft dans fon enceinte que fe travaillent les fels de Wieliczka & de Bochnia, & que fe trouvent les mines d'argent & de plomb d'Olkusz ou d'llkusch.

Cracovie, Ville Epifcopale, eft la Capitale de la Pologne en général, & en particulier du Palatinat de Cracovie. Elle eft fituée fur un fol fertile, au confluent de la Viftule & de la Rudawa, compofée de trois parties principales que l'on appelle l'une Cracovie, proprement dite, l'autre Cafimierz, & la troifienie Kleparz, Clepardia; & entourée enfin de murailles dans la premiere & dans la feconde de fes grandes parties, la troisieme étant ouverte de toutes parts. Divers Fauxbourgs confidérables ajoutent à l'étendue de cette Ville & lui donnent rang, quant à fon enceinte, parmi les plus vastes de l'Europe. Elle a des Couvens, des Chapelles & des Temples, par multitude; fa Cathédrale, dédiée à St. Stanillas, contient des richesses immenses; l'on y fait jour & nuit le fervice; l'on y va voir le corps du Saint qui repofe dans un cercueil d'argent; l'on y garde les joyaux de la couronne, & l'on y facre les Rois, dont quelques-uns ont auffi leurs tombeaux dans cette Cathédrale. Non loin de cette Eglife fe voient le Palais Royal & plufieurs autres bâtimens, & le tout compofe un quartier à part, qui a fes propres murs, fes baftions & fes tours, & qui a vue fur la Viftule. Le Palais de l'Evêque eft dans Kleparz, proche de la belle Eglife de St. Florian, au nord de la Ville. L'Univerfité eft dans Cafimierz ; c'est une fondation des quatorze & quinzieme fiecles; elle confifte dans onze Colleges tenus par des Profeffeurs, & dans quatorze Ecoles grammaticales tenues par de jeunes Académiciens, à la nomination du Recteur. L'Evêque de Cracovie eft Chancelier perpétuel de cette Univerfité; le célibat eft prefcrit aux Profeffeurs & Docteurs de toutes les facultés, à la réserve de celle de médecine; & ceux même qui préfident

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