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vaudrait presque aux deux tiers de la substance azotée de celui-ci.

<< Il représenterait trois fois plus de substance solide qu'un litre de liquide obtenu en faisant infuser 20 grammes de thé (suivant le travail de M. Péligot sur ce dernier produit), et plus du double de substance azotée. On comprend donc bien que le café à l'eau, dit café noir, d'un usage si général en Italie avant les courses du matin, ou pour suppléer aux repas du jour, ait réellement une action nutritive, utile surtout par son union avec les propriétés éminemment stimulantes de cette agréable boisson, et augmentée d'ailleurs par l'addition de 20 à 30 grammes de sucre. Les nombres ci-dessus serviraient à des évaluations semblables pour le café obtenu plus fort ou plus faible.

<< Si nous établissons la comparaison en ajoutant simplement du lait auquel on l'associe très-généra– lement pour les repas du matin, nous arriverons aux résultats suivants :

<«< Un litre étant supposé formé de parties égales de café et de lait, nous aurons :

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« Ce liquide alimentaire représenterait CINQ fois PLUS de substance solide, et TROIS FOIS PLUS de substances azotées que le bouillon'. »

Il nous reste, pour compléter cette partie de notre travail, à pénétrer dans un des arcanes de l'alimentation publique, en portant nos recherches sur un côté tout à fait inexploré de la question qui nous occupe. Nous allons faire connaître, à l'aide de renseignements qui n'ont jamais été produits, et que nous déclarons authentiques, ce qu'est en France, pays maritime et colonial, l'industrie de la chicorée, ou faux café2.

Ce produit, qui s'obtient par la torréfaction de la racine de chicorée sauvage, a, ainsi qu'on le sait, pris naissance durant les rigueurs du blocus continental, ce terrible non-sens économique, qui devait bouleverser les lois de la production, comme il bouleversait celles de la consommation. De même que le sucre de betterave, il se développa à l'aide des primes et des encouragements. Mais, comme il y a entre eux cette différence que l'un est en réalité un similaire de la denrée coloniale, tandis que l'au

1

On trouvera tout à l'heure un complément curieux de cette analyse. 2 C'est la dénomination du tarif.

:

tre n'est qu'une sorte de fiction, les progrès des deux parasites ne furent pas les mêmes leurs racines s'enfoncèrent moins profondément dans l'arbre dont ils aspiraient la séve. Toutefois, ce serait une grave erreur que de considérer l'existence de la caféterie indigène comme un moyen d'innocente sophistication méritant à peine d'être mentionnée dans un travail sérieux. L'absence de tout document sur la matière a pu seule jusqu'ici inspirer cette confiance. Ceux que nous allons fournir sont de nature à la dissiper.

Il y a en France 21 fabriques de café de chicorée en activité. Le département des Ardennes en compte 4. Toutes les autres sont dans le département du Nord, qui semble ainsi s'être posé le problème du café national pris au sucre indigène. Il n'est même pas sans intérêt de remarquer que les 17 fabriques du Nord se répartissent ainsi :

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En 1844, ces fabriques ont pris en charge

3,947,200 kilog. de racine, dont le prix de revient a été comme il suit :

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Les quatre fabriques des Ardennes faisant cultiver la chicorée par leurs ouvriers, comprennent dans le salaire le prix de la matière première; elle leur coûte environ 1 fr. les 100 kil.

Les 3,947,200 kil. de racine ont produit 2,331,700 k. de chicorée torréfiée, qui sont sortis de la fabrique au prix moyen de 46 fr. 44 c. les 100 kilog., et ont donné un produit total de 1,082,890 fr.

En faisant quelques rapprochements, dont nous fournissons ailleurs les données, on trouva que 2,331,700 k. sont, à la provenance de nos colonies, comme 27 sont à 20, et presque le 1/6 de la consommation totale de la France. C'est déjà quelque chose sans doute. Eh bien, nous disons que ce n'est rien, et si l'industrie du faux café se bornait à cette part contributoire, nous le laisserions volontiers parcourir en paix son innocente carrière. Mais ce n'est pas dans la sortie de fabrique qu'il faut étudier ce produit, c'est dans la vente en détail. —Que l'on prenne, par exemple, Paris pour point d'explo

ration, et que l'on demande au détaillant des quartiers riches du moka de chicorée, il présentera des paquets d'un demi-kilogramme ayant absolument la configuration que la régie donne à ses paquets de poudre à canon, et valant 60 centimes. Que l'on s'éloigne un peu, que l'on descende vers des centres moins aisés, et le marchand offrira des paquets de même forme et de même poids, portant l'inévitable profanation de moka, exhalant de plus une odeur plus ou moins aigre et nauséabonde, et dont les prix descendent graduellement jusqu'à 30 centimes. Quelle est donc la cause de cette différence de moitié dans le cours de la denrée? -- C'est cette cause qu'il importe d'étudier.

La chicorée de 60 centimes, ou de première qualité, ne se consomme guère que comme mélange avec le café véritable, dont, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, elle sert à foncer la couleur et à augmenter l'amertume. Elle est ainsi employée dans les petits ménages, dans les établissements publics de second ordre, et dans certaines maisons aisées, pour concourir avec le résidu de la table du maître, à former le café de l'office. Mais il est clair que cet usage mitigé doit être le plus restreint; et

C'est la dénomination adoptée.

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