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taxes intermédiaires généralisé, et accordant la faveur de son tarif, sans distinction de nationalité, à tous les produits désignés qui viendront chercher le pavillon français dans un centre déterminé. Mais on ne comprend guère ce système appliqué à un seul pays et fonctionnant quant à ses seuls produits; et cela au point de vue de la clause diplomatique relative au traitement de la nation la plus favorisée, clause aujourd'hui de style dans les chancelleries, et qui se trouve précisément dans les traités existant entre la France et les divers États dont les possessions pourraient bénéficier du transit favorisé de Samana. Telle est, par exemple, l'Espagne dont les deux colonies de Cuba et de Porto-Rico pourraient si facilement y jeter leurs cafés; tels sont la plupart des États indépendants du golfe du Mexique. Nous laissons de côté la question d'intérêt qui, nous le croyons, n'existe pas pour l'Espagne. Nous ne toucherons qu'à la question de droit, et nous dirons qu'il ne nous paraît pas qu'à ce point de vue il puisse s'élever aucune difficulté véritable.

En effet, rien n'étant plus vague, et si l'on peut dire plus insaisissable dans l'application, que cette clause de la nation la plus favorisée, on a dû se créer, quant à elle, des usages et comme une juris

prudence diplomatique. Or, il est aujourd'hui admis, que le traitement accordé à une nation en vertu de stipulations particulières et en retour d'avantages particuliers par elle concédés à la nation costipulante, n'ouvre des droits aux autres nations qui sont en possession de la clause diplomatique dont il vient d'être parlé, qu'autant qu'elles consentent à concéder des avantages semblables. C'est pour cette raison que se trouve maintenant insérée dans les traités la clause complémentaire que nous lisons à l'article 3 du traité de 1838, dont nous avons donné le texte, laquelle, après que mention a été faite du traitement de la nation la plus favorisée, ajoute: <«< et ce gratuitement, si la concession est gratuite, <«< ou avec la même compensation, si la concession << est conditionnelle. » D'où cette conséquence, que pour réclamer de la France la concession de la faveur du tarif qu'il s'agirait d'accorder aux produits de Saint-Domingue, il faudrait que l'Espagne, par exemple, offrît de concéder à la France une portion du territoire de Cuba et de Porto-Rico.

On le voit donc, et ceci est comme la démonstration dernière de tout ce que nous avons dit : la situation respective de la France et de son ancienne colonie de Saint-Domingue est exceptionnelle en

tous points et sous toutes les faces. La France peut arriver et faire arriver l'île entière de SaintDomingue à des avantages auxquels seule elle peut prétendre, et que seule elle peut accorder.

Que la France et Saint-Domingue s'entendent donc en voyant la question ce qu'elle est.

CHAPITRE VIII.

Conclusion.

Reportons-nous en arrière, et résumons brièvement les différents chapitres de ce travail, jalons qui n'ont été posés que pour arriver à celui que nous abordons en ce moment.

Il est facile de diviser ce qui précède en deux ordres de faits:

Une révolution terrible, suite et conséquence de la révolution métropolitaine, mais de laquelle il n'est sorti que ruine et dégénérescence, sépare la France de sa plus florissante colonie. Dirigée contre elle, une expédition formidable, après l'avoir un moment ramenée à l'obéissance, disparaît sous les atteintes d'un fléau cruel, rendant la scission plus profonde par les effroyables excès qui signalent les convul– sions de son agonie. Les droits de la France lui sont réservés par les conventions diplomatiques de 1814

et 1815; mais une clause secrète, en ouvrant des relations entre une grande puissance et la colonie révoltée, appelle forcément toutes les autres puissances à partager ces relations, et place ainsi implicitement Haïti au rang des nations.

Bientôt la France est elle-même entraînée dans ce mouvement. Ses navires retrouvent une route trop fructueusement connue pour ne pas être facilement reprise. Mais les lois du nouvel État ont interdit le sol à nos nationaux, et c'est en couvrant nos marchandises de pavillons empruntés que nous les faisons participer à un débouché dont le monopole leur était naguère réservé.

Une pareille situation ne pouvait durer, et la France devait reconnaître l'indépendance d'Haïti.

L'indépendance d'Haïti est reconnue. Mais l'intérêt public et la dignité nationale n'étaient pas seuls en cause. A côté du domaine souverain, que l'État pouvait aliéner, se trouvait le domaine privé, qu'il devait non-seulement respecter, mais que sa fonction était de sauvegarder. Une indemnité de 150,000,000 fr. est stipulée en faveur des colons propriétaires du sol. L'indépendance n'est accordée que conditionnellement et à ce prix. Les hommes les plus éminents et les plus considérables soutiennent que ce

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